La lutte des travailleurs de Myanmar Pou Chen, sous-traitant d’Adidas

Depuis le coup d’État de février 2021, il n’y a plus en Birmanie d’institutions légales opérant dans l’intérêt de la classe ouvrière. En soudoyant les officiers militaires, la classe capitaliste, en particulier les oligarques nationaux et étrangers, est en mesure de réprimer et d’exploiter la classe ouvrière à une échelle toujours croissante. En conséquence, la classe ouvrière, en particulier la classe ouvrière à faible revenu, devait s’organiser par elle-même pour poursuivre ses propres intérêts et protéger ses droits contre leur exploitation.

Hein Htet Kyaw, 23 janvier 2023 – Traduction CNT-AIT France

Appartenant à un propriétaire  taïwanais, l’usine birmane de Pou Chen fabrique plus de 38 000 paires de chaussures Adidas chaque jour. Cependant, l’entreprise n’a pas payé suffisamment ses employées[1] pour qu’elles puissent supporter la hausse du coût des produits de première nécessité dans un contexte économique défavorable d’inflation galopante.

Les travailleuses ont demandé une augmentation du salaire journalier de 4 800 kyats (2,11 euros) à 8 000 kyats (3,51 euros) en raison de la situation économique et de la hausse du coût des produits de première nécessité. Avec une grève de trois jours en octobre 2022, les travailleuses ont exigé des réponses à 21 de leurs problèmes, dont les bas salaires et la discrimination au travail. Plus de 2 000 travailleuses ont rejoint la grève. Pendant les grèves, l’un des ouvriers, qui a requis l’anonymat pour des raisons de sécurité, a déclaré : « un camion militaire avec environ deux douzaines de soldats armés nous a suivis partout où nous avons défilé lors d’une manifestation à l’intérieur de l’usine. »

Après qu’ils aient été le fer de lance de la grève de trois jours, la direction a déclaré le 28 octobre qu’elle avait licencié 26 travailleurs syndiqués pour « violation de leurs contrats de travail ». Selon les travailleurs syndiqués, les gardes de sécurité ont fait sortir les 26 travailleurs syndiqués de l’usine. Les ouvriers de l’usine ont tenté de prolonger la grève sans les meneurs syndicaux, mais ils ont été menacés par la direction et détenus par l’armée.

Les travailleurs ont par la suite déposé une plainte auprès du ministère du Travail, de l’Immigration et de la Population à Naypyitaw, la Capitale du pays, notant que le chef du syndicat Ma Phyo Thida Win travaillait chez Pou Chen depuis plus de quatre ans. Le département du travail du canton de Shwe Pyi Thar a été saisi du dossier par le ministère a rencontré les parties concernées à trois reprises en Novembre et Décembre. La direction de l’entreprise a alors proposé aux travailleurs expulsés de leur donner une compensation de trois mois de salaires, que les travailleurs ont rejetée, déclarant qu’ils voulaient simplement être réintégrés. La société birmane Pou Chen a alors versé unilatéralement l’équivalent de 10 jours de travail en plus du salaire d’octobre qui était impayé, sur les comptes bancaires des salariés licenciés, en guise d’« indemnité de licenciement ». Cependant, les travailleurs ont fait savoir qu’ils avaient l’intention de retourner cet argent.

« Selon le droit du travail, cette situation est considérée comme un conflit personnel entre les employés et l’employeur. Les travailleurs ont le droit d’intenter une action civile contre le propriétaire de l’usine s’ils ne sont pas satisfaits. Le seul choix qui nous reste cependant est d’aller chez Adidas car nous ne faisons pas confiance au système judiciaire de la junte », selon un militant des droits des travailleurs qui aide les travailleurs de Pou Chen. Par conséquent, les employés syndiqués de l’usine de Pou Chen au Myanmar demandent l’intervention d’Adidas.

« Il se peut que la marque Adidas n’ait pas connaissance de nos conditions de travail. Ainsi, je voudrais qu’ils portent une attention particulière à ce qui se passe sur le terrain et soutiennent nos travailleurs », a déclaré Ma Phyo Thida Win, 26 ans, la président du syndicat de l’usine de Myanmar Pou Chen. Neuf des syndicalistes licenciés avaient finalement accepté l’indemnisation le 2 janvier 2023, tandis que les autres luttaient toujours pour leur réintégration. Même pour ceux qui continuent de réclamer leur réintégration, l’entreprise les oblige à signer des accords et des directives qui violent ou oppriment les droits de leurs travailleurs.

Depuis le coup d’État de 2021, il y a eu une augmentation de l’exploitation des travailleurs par les capitalistes. De plus en plus d’entreprises capitalistes, en particulier celles détenues par des oligarques et des milliardaires étrangers, se montrent de plus en plus impitoyables contre leurs travailleurs car il n’y a pas d’état de droit ni de système juridique efficace sous la dictature militaire actuellement au pouvoir. La plupart du temps, ces corporations capitalistes utilisent les militaires comme leurs chiens fidèles en les soudoyant pour  qu’ils répriment les ouvriers et les syndicalistes


[1]  NdT : l’essentiel des salariées de l’usine sont des femmes

=====

Texte tiré de la brochure «  La révolution du printemps au Myanmar :Une révolution oubliée en cours  » 

Table des matières :

La révolution du printemps au Myanmar : Une révolution oubliée en cours.

La lutte anarchiste en Birmanie.

La lutte des travailleurs de Myanmar Pou Chen, sous-traitant d’Adidas.

Bref résumé historique du Parti Communiste de Birmanie.

Création d’une initiative de l’AIT au Myanmar.

Pourquoi les anarchistes ne soutiennent pas Aung San Suu Kyi ?

2 commentaires sur La lutte des travailleurs de Myanmar Pou Chen, sous-traitant d’Adidas

Laisser un commentaire