Décret de la réforme de l’avortement approuvé en 1936 par la Generalitat de Catalogne.

extrait du Journal officiel de la Généralité de Catalogne du 9 janvier 1937

Présidence

Décret

La réforme eugénésique, qui représente l’une des meilleures conquêtes révolutionnaires en matière de Santé, commence son plan d’action en incorporant dans la législation sanitaire un fait qui jusqu’à présent a été mené hors de tout contrôle scientifique, dans l’ombre et par des personnes incompétentes, et qui, à partir de ce moment, devient une catégorie biologique et sociale, en tant que avortement. L’objectif principal poursuivi est de fournir aux travailleuses un moyen sûr et sans risque de réguler la naissance, lorsqu’il existe des causes puissantes, sentimentales, eugéniques ou thérapeutiques qui nécessitent l’interruption artificielle de la grossesse.

L’avortement est pratiqué depuis longtemps par des éléments sans scrupules qui ont spéculé sur les besoins prolétariens pour limiter la prolificité dans certaines situations. Il y a besoin de mettre fin à la honte des avortements clandestins, source de mortalité maternelle, pour que l’interruption de grossesse devienne un instrument au service des intérêts de la race et vérifié par ceux qui ont la crédibilité scientifique et l’autorisation légale.

Pour tout ce qui précède, sur proposition des Conseillers de Santé et d’Assistance Sociale et de la justice et en accord avec le Conseil,

Je décrète :

Art.1. L’interruption artificielle de grossesse effectuée dans les hôpitaux, cliniques et établissements de santé dépendant de la Generalitat de Catalogne est autorisée, dans laquelle le service spécial à cette fin est autorisé.

Art.2. Sont considérées comme motifs justifiées, pour la pratique de l’avortement, les raisons d’ordre thérapeutique, eugénique ou éthique.

Art.3. Les cas de sollicitations d’avortements non thérapeutiques ou eugéniques s’effectueront exclusivement à la demande de l’intéressée, sans qu’aucun de ses alliés proches ou proches parents ne puisse ultérieurement faire valoir de réclamation relative au résultat de l’intervention.

Art.4. Dans les cas où sont dépassés 3 mois de grossesse, l’interruption de grossesse n’aura pas lieu, sauf justification thérapeutique.

Art.5. La même femme ne sera pas autorisée à interrompre une grossesse plus d’une fois par an, si aucune cause thérapeutique ne l’exige.

Art. 6. À dater de 15 jours après la publication du présent décret au Journal officiel de la Généralité de Catalogne seront créés des organismes qui seront seuls autorisés officiellement pour effectuer artificiellement l’interruption de la grossesse. Ces organismes seront les Dispensaires et salles annexes des centres sanitaires hospitaliers et cliniques de Catalogne. Toutes les institutions sanitaires comprises dans ce décret transmettront dans le délai indiqué à ce Conseil le plan d’organisation des dits organismes. En tous les cas dans lesquels, sans justification expresse, il n’est pas procédé à l’organisation des services indiqués, s’appliqueront des sanctions.

Art.7. En vue d’habilité les dispensaires et salle destinés à l’interruption artificielle de la grossesse, on utilisera les locaux déjà existants à l’intérieur des institutions sanitaires qui réunissent les conditions pour les fins auxquels ils sont destinés ; en cas de nécessité il sera demandé au Conseil de Santé et d’Assistance Sociale l’autorisation pour utiliser de nouveaux locaux destinés à cet effet 

Le personnel médical qui rentrera dans les dispensaires et salles pour l’interruption de la grossesse sera proposé au Conseil de Santé par les Conseils directeurs de chaque institution sanitaire. Le dit personnel sera sélectionné parmi celui qui figure actuellement dans les dispensaires et salle obstétrique et de gynécologie. Ce personnel n’aura droit à aucune rémunération pour ses services.

Art.8. Un médecin non inscrit dans les salles d’interruption de la grossesse pourra uniquement pratiquer l’intervention quand l’aura sollicité la femme enceinte et que l’aura approuvé le Conseil responsable de la salle dans lesquelles doit s’effectuer l’avortement.

Art.9. Le Conseiller de Santé et d’Assistance  Sociale sera autorisé pour nommer un délégué responsable à chaque salle ou dispensaire destiné à l’interruption de la grossesse, lequel délégué aura une mission de contrôle et d’inspection et pourra, d’accord avec les instructions reçues du Conseiller de Santé d’Assistance Sociale, si cela est nécessaire, suspendre ou modifier le fonctionnement d’une salle ou d’un dispensaire.

Art.10. Pour toute interruption artificielle de la grossesse par les dispensaires créés à cet effet, les conditions suivantes seront obligatoires :

  1. Fiche médicale, psychologique, eugénique et social de toutes les femmes qui sollicitent que soit pratiquée l’interruption de la grossesse. Le modèle de la fiche sera délivré pour circuler dans tous les dispensaires créés à cet effet.
  2. examen médical prévu de la sollicitante pour rechercher sa capacité vitale et de résistance à l’intervention.

Art.11. Les cas pour lesquels le Conseil responsable de chaque dispensaire d’interruption artificielle de la grossesse considère que la fièvre ou l’examen de l’intéressé établit une contre-indication pour l’avortement de motif médical ou social seront soumis à un Conseil technique qui est créé par le Conseil de Santé et d’Assistance Sociale pour résoudre ces affaires.

Art.12. Tous les dispensaires, cliniques et salles destinés à l’interruption artificielle de la grossesse devront transmettre chaque mois au Conseil de Santé et d’Assistance Sociale une relation détaillée des cas pratiqués. Ainsi, les dits organisme seront obligés d’avoir un service de statistiques.

Art.13. A partir de la date de la publication de ce décret toutes les personnes qui, de façon privée, réaliseront des manœuvres abortives, répondront, devant les tribunaux criminels compétents, de leurs agissements ; s’ils sont titulaires d’une profession sanitaire ils perdront le droit de l’exercer.

Art.14. Il est laissé toute faculté au Conseiller de Santé et d’Assistance Sociale pour édicter les dispositions nécessaires pour l’accomplissement du présent décret.

Barcelone, le 25 décembre 1936.

Le premier Conseiller : Josep TARRADELLAS.

Le Conseiller de Santé et d’Assistance Sociale : Père SERRERA.

Le Conseiller de Justice : Raphaël VIDIELLA.

Diari oficial de la généralitate de Catalunya, 9 janvier 1937.


Services d’interruption artificielle de grossesse en Catalogne (Mars 1937)




Annonce du décret dans Solidaridad Obrera,
15 janvier 1937
« Les articles de ce décret prévoient l’autorisation des locaux et donnent les instructions nécessaires pour la mise en œuvre de ce décret important et transcendantal, plein d’essences et de morales anarchistes, qui est signé par notre compagnon Pedro Herrera. »


Le texte du décret fut traduit et publié dans le Bulletin d’information en français de la CNT-AIT, dans son numéro 13 du 20 janvier 1937

Article extrait de la Brochure : La légalisation de l’avortement pendant la Révolution espagnole

Table des matières

Histoire de l’avortement en Espagne: le décret de la Generalitat
de Catalogne, 25 décembre 1936.

Y a-t-il eu des avortements légaux en Espagne pendant la Révolution ?
Les entraves des médecins à la mise en place du Décret de 1936.

Décret de la réforme de l’avortement approuvé en 1936
par la Generalitat de Catalogne.

Sexologie populaire : l’oeuvre de vulgarisation scientifique des anarchistes espagnols.

Les anarchosyndicalistes et la vasectomie dans les années 1930, réseaux internationaux, pratiques et débats

Le mouvement eugéniste sans l’état : l’engagement des anarchistes
catalans avec l’eugénisme.