Thomas HELMUT : anarchosyndicaliste allemand, déserteur résistant, et antifasciste internationaliste

En souvenir de Thomas HELMUT, abattu le 27 juillet 1944 par les nazis qui traquaient les maquisards dans l’Aude. Thomas avait combattu les franquistes en Espagne de 1936 à 1938, au sein de la colonne internationale de la Colonne Durruti (CNT-AIT / FAI).

Réfugié en France, il fut enrôlé de force dans la Wermacht après l’occupation, mais réussi à déserter puis à rejoindre la Résistance dans l’Aude, à laquelle participaient aussi de nombreux exilés espagnols. La contribution à la Résistance en France de ces exilés, de ces étrangers reste encore largement méconnue. Il faut dire que « le récit national de la Résistance », forgé après la guerre dans un consensus allant des Gaullistes à la gauche, pour faire croire à une France largement résistante, à tout fait pour les occulter.

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Né en Saxe, Thomas Helmut s’installa à Darmstadt, la capitale de la Hesse où il exerça le métier de tailleur. Il y connut sa compagne Regina Cornfeld. Il milita au KPD (Parti communiste d’Allemagne) et au Rotfrontkampfferbund (RFB, organisation antinazi clandestine du parti communiste). Après la prise du pouvoir par les nazis, il émigra en Sarre. Il fit partie du Saarsturm, organisation de lutte anti-nazie sarroise. Là il rejeta les thèse marxistes léninistes et il rejoignit le mouvement anarchosyndicaliste, adhérant alors à la DAS (Gruppe Deutsche Anarcho-Syndikalisten), l’organisation clandestine fondée en 1934 après l’interdiction de la FAUD (Freie Arbeiter-Union Deutschlands, FAUD, section allemande de l’AIT à cette époque) par les nazi.
Thomas HELMUT, avec la casquette de milicien du Groupe International de la CNT-AIT pendant la révolution espagnole de 1936

Après le referendum du 13 janvier 1935 qui entérina le rattachement de la Sarre à l’Allemagne nazie, il s’installa en France pour quelques mois.

En juillet 1936, Thomas Helmut était à Barcelone. Y était-il venu pour les Olympiades prolétariennes ou y accourut-il après l’échec, dans cette ville, du coup d’État franquiste du 18 juillet 1936 ? Le fait est qu’il intégra les centuries des « internationaux » (ou « groupe international ») de la colonne formée par la CNT-AIT (Confédération nationale du Travail, section en Espagne de l’Association Internationale des Travailleurs) et la FAI (Fédération anarchiste ibérique).

A noter que le « groupe international » de la CNT-AIT, qui avait porté à un moment Saïl Mohamed à sa tête, n’a rien à voir avec les Brigades Internationales, constituées par le Pari Communiste plusieurs mois après. Aussi il est erroné de dire, comme le font certains historiens – notamment communistes – qu’il combattit avec les Brigades Internationales.

Dans le Groupe International il côtoya notamment la philosophe Simone Weil, qui était venue s’enrôler brièvement dans la colonne anarchiste.

Pendant la campagne de l’été puis de l’automne de 1936 en Aragon, Helmut participa ; à la prise de Siétamo (province de Huesca, Aragon) du 31 août au 12 septembre ; le 8 octobre, au combat de Farlete (province de Saragosse, Aragon) dans la région aride des Monegros, au nord de l’Èbre, à 31 kilomètres à l’est de Saragosse.

Entre le 3 et le 7 mai 1937, eurent lieu à Barcelone de violents affrontements entre d’une part les miliciens de la CNT-AIT et de la FAI appuyés par ceux du POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste, groupe communiste hétérodoxe mais non trotskyste) et les forces de la Generalitat appuyées par l’UGT (Union générale des travailleurs) et les milices du PSUC (Parti socialiste unifié de Catalogne, communiste) et d’Estat català, parti nationaliste et indépendantiste catalan. Dans cette « guerre civile dans la guerre civile », les anarchistes et les poumistes subirent un revers. Thomas Helmut participa aux combats dans les rangs anarchosyndicalistes. Arrêté après la fin des combats, il fut, selon certaines sources, expulsé d’Espagne en 1938 et s’établit en France.

En France, il fut arrêté en mai 1938 et condamné à six mois de prison. Libéré, il vécut, pendant la première partie de la Seconde Guerre mondiale à Pibrac (Haute-Garonne), une commune du grand Toulouse, à l’ouest de la ville rose.

Après l’occupation de la zone sud par les forces du Reich, il fut dénoncé comme Juif et ne dut qu’au certificat d’aryanité envoyé par sa mère de n’être pas déporté. En revanche, il fut incorporé dans la Wehrmacht et envoyé combattre sur le front de l’est.

Mettant à profit une permission, il déserta (1943) et revint en France, sans doute dans la région toulousaine, où était particulièrement actif un petit groupe clandestin anarchosyndicaliste, autour d’anciens de la CGTSR-AIT (la section française de l’AIT, interdite en 1939 par la République et qui s’auto-dissout).

Clandestin, il réussit à intégrer, le maquis « Faïta » des FTPF dans l’Aude, à l’ouest de la petite ville de Limoux. Pendant l’été 1943, les FTPT audois avaient formé un petit maquis dans le Kercorb, région de collines dans le piémont des Pyrénées audoises. Implanté à Montjardin (Aude), à peu de distance du département de l’Ariège, ce maquis commandé initialement par Joseph Loupia alias « Blücher », prit le nom de « Gabriel-Péri ». Un groupe de ce maquis, stationné à Mijanès (Ariège) prit son autonomie et le nom de « Jean-Robert » avant de se re-localiser près de Salvezines (Aude). Le groupe resté à Montjardin changea de nom et s’appela désormais « Vincent-Faïta ». C’est ce maquis qu’il intégra à la fin de 1943.

Maquis Faïta à Buc en 1943

Les 26 et 27 juillet 1944, le maquis « Vincent-Faïta » fut décapité par les Nazis. Dénoncée, sa présence était connue, sans doute initialement par la Milice. Il était pourchassé par les militaires allemands et la Milice dans la région de Chalabre (Aude). Le commandement allemand du groupe d’armées G , installé à Rouffiac-Tolosan (Haute-Garonne), donna l’ordre, après le 6 juin 1944, d’attaquer tous les maquis susceptibles d’entraver les communications militaires le long de l’axe Toulouse-Nîmes. L’anéantissement de « Vincent-Faïta », comme celui d’autres maquis indépendamment de leur affiliation, fut donc un des objectifs allemands.

Un groupe de FTPF de ce maquis franchit donc l’Aude et se rendit en reconnaissance dans les Corbières, sur l’autre rive du petit fleuve, dans la vallée de l’Orbieu. Mais les Nazi parcouraient cette partie des Corbières, à la recherche du maquis de Villebazy, qui appartenait à l’Armée Secrète. Ils tombèrent donc sur le détachement des FTPF. À proximité de Lairière (Aude), le chef du maquis Joseph Alcantara fut tué ainsi que deux autres FTP, Attilio Donati et Gaston Prat. Le chef adjoint de « Vincent-Faïta », André Riffaud, fut grièvement blessé. Conduit à Carcassonne, il expira le 30 juillet 1944. Un cinquième homme, Bourges, prisonnier fut incarcéré à la maison d’arrêt de Carcassonne. Le lendemain, le 27 juillet, à la recherche de « Vincent-Faïta », dans la région de Chalabre, trois cent soldats allemands avaient été dépêchés avec quinze camions depuis Foix (Ariège) afin d’accrocher et d’anéantir le maquis « Vincent-Faïta » qui se trouvait encore dans le secteur avant de s’installer dans le nouveau cantonnement des Corbières. Trois hommes (Louis Bages, André Laffon et Jean Vernière) du maquis furent tués au col de la Flotte (commune de Sonnac-sur-l’Hers), à proximité de la limite avec l’Ariège.

À la ferme du Planquet, à Courtauly (Aude), commune voisine de Sonnac, ils capturèrent Thomas Helmut et Fernand Prédal qui transportaient des courroies d’une batteuse sabotée. Ils furent exécutés d’une balle dans la nuque. Mais d’après le registre de l’état civil de Courtauly, Thomas Helmut fut retrouvé, ainsi que Jean Vernière, sur la route de Chalabre au lieu dit « A Coustet », dans le territoire de cette commune.

Il fut inhumé (inconnu n° 1) dans le cimetière de Courtauly le 29 juillet 1944. Identifié ultérieurement, son nom, transformé en « Helmut » et son premier prénom furent transcrit en marge de l’acte de décès. L’acte de décès indique qu’il mesurait 1, 63 m, avait des cheveux et une petite moustache blonds et allait nu tête. Il portait « une culotte courte de drap bleu marine, une chemise kaki, un gilet de velours à côtes même teinte. Des chaussettes sport en laine blanche roulées sur des chaussures basses ». Le corps de Thomas Helmut fut ré-inhumé le 8 novembre 1944 au cimetière de Limoux (Aude).

D’après Henry Melich, anarchosyndicaliste (il fut membre de la CNT-AIT de Toulouse) qui combattit dans les rangs du maquis (FTPF) audois « Jean-Robert » de Salvezines, et qui connut Thomas Helmut, ce dernier était un « garçon réservé et courageux ».

Le nom de Thomas Helmut a été gravé sur le monument commémoratif du col de la Flotte avec celui des cinq autres victimes des accrochages de Sonnac-sur-l’Hers et de Courtauly.

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