En Algérie conquise – Pendant que les Officiels commémorent… – La section algérienne de la CGT-SR

Republiée dans Le Flambeau N°33-Avril 1930

Source : https://archivesautonomies.org/spip.php?article4972

Pendant que les Officiels commémorent le Centenaire de la Conquête de l’Algérie

A L’OPINION PUBLIQUE

Pendant que se déroulent, avec un faste inouï, les fêtes du Centenaire de la conquête de l’Algérie, il a paru, aux Algériens résidant en France, qu’il était utile, indispensable même, de faire entendre, à l’opinion publique métropolitaine, quelques vérités au milieu du concert de louanges officielles qui tend à couvrir, de son bruit, les plaintes d’un peuple qui souffre.

Certes, il serait beau de commémorer un centenaire, si celui-ci avait pour but de commémorer un bel acte : l’affranchissement du peuple algérien. Malheureusement, le centenaire que l’on fête, en Algérie, n’a pas cette haute signification.

Depuis que le gouvernement de Charles X imposa, il y a cent ans, par la force du sabre, la « civilisation » à l’Algérie, qu’y a-t-il de changé ? Les colonisateurs et les marchands ont suivi la route tracée dans le sang du peuple arabe, par les conquérants : les uns ont dépossédé les indigènes et courbé, sous leur joug, hommes, femmes et enfants ; les autres se sont efforcés d’acquérir pour rien les produits naturels, tout en vendant fort cher ce qu’ils apportaient.

Concessionnaires et banquiers sont venus doubler l’ancien esclavage et, unis à la féodalité indigène, ont fait régner, dans le pays conquis, la plus dure exploitation.

Ainsi, ce peuple qui ne demandait rien à personne, a vu s’ajouter, à la tyrannie de ses anciens maîtres, celle des maîtres nouveaux.

A-t-il, au moins, retiré quelques bénéfices de la « civilisation » qu’on lui imposa il y a cent ans ? Non.

Astreint aux devoirs des citoyens, il n’en possède pas les droits.

Il reste soumis à l’odieux régime de l’indigénat, qui fait, de tous les Algériens, des êtres diminués.

Pour lui, pas de liberté d’association, de pensée et de presse, mais les cours criminelles, les tribunaux répressifs, qui font pleuvoir, sur les malheureux Arabes, les amendes et les corvées administratives, l’emprisonnement arbitraire, la confiscation. C’est l’Inquisition au XXè siècle.

Pour lui, pas de droit de vote, mais le service militaire de deux ans, alors que le Français ne fait que dix-huit mois.

Pour lui la réquisition pour les travaux insalubres, mais pas d’école pour les filles et quelques-unes seulement pour les garçons.

Pour lui encore, les impôts écrasants, les brimades des féodaux arabes, d’accord avec l’Administration et le Gouvernement, mais pas de logements, pas d’hygiène, pas de législation du travail.

Économiquement et politiquement, le peuple algérien est absolument esclave, deux fois esclave.

Il ne possède réellement que deux droits : souffrir et payer, souffrir en silence et payer sans rechigner.

HOMMES DE CŒUR !

C’est le centenaire d’un tel état de choses que les aristocrates arabes et les ploutocrates français, satisfaits et heureux, commémorent, en ce moment, en Algérie.

Les Algériens qui ont pu quitter ce pays inhospitalier sont solidaires de leurs frères qui sont restés de l’autre côté de la Méditerranée.

Ils ont voulu, à l’occasion de ce centenaire, éclairer l’opinion publique métropolitaine, lui faire connaître l’odieux régime imposé à tout un peuple.

Ils demandent, à cette opinion, de les aider à conquérir les droits dont jouissent tous les autres citoyens français, puisqu’on leur impose des devoirs plus grands et plus lourds.

Ils réclament notamment : l’abolition de l’indigénat, le droit syndical, la liberté de la presse ; l’extension, à l’Algérie, de toute la législation sociale française.

Ils espèrent que leur appel sera entendu, tout particulièrement de leurs frères : les travailleurs français. Et, en revanche, ils assurent ceux-ci de leur solidarité dans les luttes qu’ils entreprendront pour la libération commune.

Ils savent que Français et Algériens n’ont qu’un ennemi : leur maître. Fraternellement unis, ils sauront s’en débarrasser pour fêter, ensemble, leur affranchissement.

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