Révolution ou Front antifasciste ? le débat au sein du Groupe international de la Colonne Durruti en 1937

Ce 19 juillet 2023, nous célébrons le 87 anniversaire de la Révolution espagnole, initiée le 19 juillet 1936 par une contre-insurrection anarchiste contre le coup d’Etat factieux des militaires espagnols dirigés par Franco. Pour en savoir plus sur ces évènements on peut se reporter aux textes suivants :

19 JUILLET 36, REVOLUTION SOCIALE ET VICTOIRE SUR LE FASCISME

Révolution et contre-révolution en Espagne

Les racines ukrainiennes de la révolution sociale espagnole de 1936

La santé dans la Révolution sociale et libertaire de 1936

Psychologie et Anarchisme dans la Guerre Civile espagnole : l’œuvre de Félix Martí Ibáñez

S’ABSTENIR AUX ELECTIONS, EST-CE FAVORISER LE FASCISME ?

Pour nous, militantes et militant de la CNT-AIT, le 19 juillet n’est pas un moment de nosatagie sur des évènements passés glorieux qui ne reviendront plus, mais plutôt un moment de réflexion pour que les succès mais aussi les échecs passés puissent éclairer notre compréhension du présent et nous accompagner dans la construction d’un autre futur, libertaire, égalitaire et solidaire.

Alors que la guerre fait rage en Ukraine et que le fascisme – ou du moins l’ultra-autoritarisme – fait un retour partout en Europe et dans le Monde, cet extrait du « bulletin d’information du Groupe international de la Colonne Durruti » nous parait d’une actualité brulante. Il s’agit de la transcription des débats qui agitaient les miliciens venus de différents pays pour se battre en Espagne dans les rangs des groupes armés anarchiste. Ils témoignent de l’éthique libertaire qui prévalait au sein des militants de la la CNT-AIT, et au delà dans le mouvement anarchiste international, du moins parmi ceux qui restaient attachés aux principes éthiques : les débats – voire même les polémiques – n’étaient pas éludés ou cachés sous le tapis, ils étaient menés ouvertement, même en plein coeur de la tempête, et ils étaient assumés publiquement comme en atteste leur publication dans ce bulletin.

Ce débat entre les miliciens du Groupe international de la Colonne Durruti en Mars 1937 reste d’une actualité brûlante. Il pose la question de savoir jusqu’où aller, quelles limites poser aux concessions à ses principes, notamment dans une situation de crise aigüe et même vitale telle qu’une guerre.

D’une part, cela fait écho au débat en cours au sujet de l’engagement de certains anarchistes ukrainiens dans les rangs de l’armée ukrainienne, à ceci près qu’aujourd’hui il n’y a pas de débat car ceux qui y sont favorables utilisent des arguments fallacieux – n’hésitant pas parfois à tordre les faits historiques pour justifier leur engagement dans les rangs de l’Etat – pour clore toute discussion …

D’autre part, la question de l’antifascisme – ou plutôt du « front uni antifasciste » – est aussi abordée : faut il – au nom de la lutte contre le fascisme, accepter tous les reniements et repousser aux calendes grexques toute perspective révolutionnaire ? Ou bien faut il au contraire pousser les feux de la révolution au maximum, seule solution réelle pour écraser définitivement le fascisme ?

Confrontés à des choix douloureux, les compagnons anarchosyndicalistes espagnols ont choisi pour la plupart d’accepter de renoncer à leurs principes, pensant ainsi gagner en efficacité. Hélas, la suite de l’Histoire leur fit payer cruellement cette erreur funeste …

Supplément au Boletín de información de la CNT-FAI ; édition française, 19 juin 1937.

Assemblée extraordinaire de miliciens du mardi 9 mars 1937 à 18 h, « Sala de Actas » de la Casa CNT-FAI, à Barcelone. Appel avait été fait à tous les miliciens et particulièrement à ceux descendus récemment du front. (*)

(*) Pour de multiples raisons, nous n’avions pu donner, comme convenu, le procès-verbal de cette réunion. Nous nous acquittons seulement aujourd’hui de cette tâche. Mieux vaut tard que jamais. Ainsi, on verra comment chacun se situa lors de cette importante réunion.

• Sont nommés pour faire partie du bureau : Alfred Lobel (section française) : président ; Fernand Fortin (délégué à la propagande de la section française) : vice-président ; G. Styr-Nair (section française) et Blédine (milicien descendu du front)

Assesseurs ; Félix Danon (section française), secrétaire.
La séance est ouverte après que sont précisés les buts de cette réunion de miliciens venus tous volontairement en Espagne. La parole est accordée à tout camarade qui la sollicitera.

Georges Bougard (milicien) déclare qu’il ne prend pas la parole comme délégué, mais en son nom personnel. Il affirme qu’une certaine discipline est indispensable, car l’armée qui est en face de nous est formidablement organisée. Evidemment, il ne faut pas militariser comme certains le prévoient. Il faut comprendre que nous sommes venus ici pour aller jusqu’au bout. La militarisation telle que je la conçois n’est qu’une auto-discipline bien ordonnée. Puis, il nous faut aussi plus d’instruction militaire ; d’ailleurs, nous avons de nombreux camarades français « officiers ». Nous nous trouvons placés entre ce dilemme : militarisation ou dispersion totale des milices. Il ne faut pas laisser dissoudre les milices. Ce camarade demande que les milices soient sous le patronage de la CNT l’organisation la plus puissante d’Espagne.

Julien Cadet (milicien) se prononce contre la militarisation : Dans la CNT tous ne sont pas anarchistes, il faut donc absolument le contrôle de la FAI.

Lovi (milicien) déclare qu’on ne peut pas isoler la question de la guerre. Il faudrait s’occuper aussi de la question Révolution. On veut nous bander les yeux, nous aveugler par : « Tout pour Madrid ! Tout pour les enfants ! » Il y a deux capitalismes qui essayent d’éliminer tout mouvement révolutionnaire. Le capitalisme de l’intérieur qui est représenté par la Généralité et le capitalisme de l’extérieur représenté par Blum, la France, l’Angleterre, l’Amérique, etc. Pour nous, la CNT ce ne sont pas seule-ment les meneurs, les « dirigeants », nous avons confiance dans l’opinion de la CNT. Le métier d’officier est toujours pour nous un déshonneur. Et s’il faut des techniciens militaires, il faut qu’ils soient contrôlés par les délégués politiques des syndicats. Mais on semble déjà vouloir écarter les syndicats, tout comme en Russie. On voudrait écraser la Révolution et comme on ne peut pas, on s’efforce de l’étouffer ! …

Raoul Tarrou (milicien) affirme il ne parlera pas en tant qu’antifasciste mais seulement en tant anarchiste. Il s’oppose nettement à toute autorité, surtout militaire À Gelsa, depuis deux mois déjà, on nous posait l’ultimatum. Mais nous, nous ne voulons que des délégués techniques, pas de marques extérieures de respect, aucun exercice de marche au pas, etc. Au cas où notre proposition de reformer un corps franc ne serait pas acceptée, s’il n’y a pas moyen de s’entendre, je suis prêt à rentrer en France.

Moneck Krescht (milicien) : « En ce moment, il ne s’agit plus de révolution sur les barricades. Le peuple espagnol ne peut et ne doit pas continuer à jouer avec l’héroïsme. C’est une véritable guerre, et il faut la gagner à tout prix. On veut jouer avec les théories et l’esprit des anarchistes pour pouvoir les désarmer. Notre militarisation, ce n’est pas la parade militaire, ce n’est pas non plus le salut militaire, qu’il nous faut, c’est un bon commandement au front. Ne plus voir des choses aussi fantastiques : notre artillerie tirant sur notre propre infanterie ! Nous, nous avons d’ailleurs des officiers qui sont de véritables camarades aux Colonnes Durruti et Ascaso. Il ne faut pas non plus jouer sur le mot militarisation.

Fortin rappelle que ce qui nous intéresse le plus est de savoir pourquoi camarades sont descendus du front et ce qu’ils désirent faire.

Joaquin Cortés (du Comité régional de la CNT) : On m’a demandé de venir faire ici un exposé sur la question de la militarisation. Je suis membre du Comité régional mais je ne me sens pas autorisé pour parler de questions avec lesquelles je ne suis pas suffisamment familiarisé. C’est pourquoi, je laisse la parole au camarade Ascaso.

Domingo Ascaso (Division Ascaso) : Nous autres anarchistes espagnols, ne sommes pas moins sensibles que les camarades français. Nous sommes devant un ennemi complètement militarisé. Je déclare que les milices ne sont pas organisées pour l’art de la guerre (si cela peut s’appeler un art). Tout cela est bien dur à accepter pour un anarchiste et nous avons même pourtant créé des écoles militaires pour avoir la main sur le commandement des milices. Les anarchistes espagnols ont reconnu qu’il nous fallait une discipline, une responsabilité.

Au sujet des techniciens, 75 pour cent seront élus par nous et 25 pour cent par le gouvernement de Valence, et ce seront des techniciens vraiment militaires. Nous sommes arrivés à un tournant particulièrement critique. À certains moments, l’ennemi avançait comme il le voulait… Nous avons accepté des postes et des ministres, nous n’acceptons la militarisation qu’à condition de choisir nous-mêmes les 75 pour cent. Il nous faut accepter cela pour aller à la bataille ; de plus, nous aurons une armée à nous. N’oubliez pas que vos lieutenants, vous pourrez les « flanquer » en l’air quand vous voudrez. Le moment est très critique. Les camarades espagnols ont accepté cela et ils ne peuvent plus reculer maintenant. Vous devez bien comprendre que nous sommes aussi anarchistes que vous.

Sacha Pietra : Je ne suis pas milicien, mais j’ai été en Russie où j’ai vécu la révolution, et j’ai pu remarquer la façon dont on s’est débarrassé des anarchistes là-bas. Après avoir résumé le mouvement makhnoviste, il souligne que cela fait huit mois qu’il est en Espagne et il souligne que tant que nous avons les armes tout est possible, la « Révolution est encore là ». Ici est toujours la révolution, la vraie vie. Ce qui importe c’est l’esprit qui anime quelque chose. Nous ne sommes pas perdus, c’est ici que se joue la cause de la Révolution mondiale. Je crois que certains camarades critiquent avec trop de facilité. Ce qui importe surtout, c’est de garantir l’esprit anarchiste. Il s’agit aussi de trouver les moyens, les forces.

Souchy : Certains camarades ont accepté la militarisation et la discipline à outrance. Notre militarisme n’a rien à voir avec celui des pays fascistes. Cette révolution qui est venue s’est transformée en guerre Or, si nous avons voulu la révolution, si nous l’acceptons, il faut l’accepter avec toutes ses conséquences. Une force révolutionnaire s’est dressée contre le fascisme. Une force militaire s’est dressée contre nous et contre cette force militaire, il nous faut dresser une autre force militaire. Il nous faut un peu plus de discipline, un peu plus d’ordre. L’Allemagne et l’Italie font tout pour écraser la révolution d’Espagne parce que de la réussite de la révolution dépend la Révolution mondiale. Nos camarades de la CNT ont accepté la militarisation. La militarisation bien comprise doit nous sauver.

Blumenthal (milicien) : Le 19 juillet, il y eut une réaction du peuple et non de la foule. on tente la diversion avec la conception : »Gagner la guerre d’abord ». À Barcelone, je vois des choses vraiment dégoûtantes. Même des galons et des étoiles ! Ce n’est pas ainsi que nous allons gagner, nous. En tant qu’anarchiste, et tout anarchiste que je suis, je me refuse à devenir non seulement soldat, mais un valet du capitalisme.

Maximo (milicien) : (le camarade Félix Danon traduit ici en les résumant les paroles prononcées par Maximo en espagnol) : Je suis moi aussi antimilitariste, mais que les camarades réfléchissent un peu comme moi : notre lutte n’est pas seulement une lutte entre Espagnols, mais une lutte internationale. Si nous restons en état d’alerte, il ne se passera rien. Le jour où nous n’aurons plus confiance en nos capitaines, en nos lieutenants, nous les prierons de démissionner. Notre militarisme n’a rien de commun avec celui des bourgeois.

Blédine (des miliciens de Gelsa) se prononce nettement contre toute militarisation. Il comprend la discipline, mais durant le combat, où elle est nécessaire. Par contre, à moins de nier toute idée anarchiste, ou d’arriver à un changement, à un révisionnisme de l’anarchisme, il ne peut comprendre et respecter tous ces grades, cette hiérarchie, ainsi que ces formes extérieures : respect, salut, uniforme, etc.

Styr-Nair pense qu’il y a au fond de l’attitude des miliciens un défaut d’information excusable d’ailleurs, pour des combattants isolés de l’activité sociale et politique. La CNT a manqué d’un organe en langue française scrupuleusement à son service (1). Les miliciens paraît-il ne veulent pas se battre pour la république bourgeoise. C’est leur droit bien que personne à l’heure actuelle ne sache pour quel état social on se bat. La CNT n’a jamais dit, d’ailleurs, qu’on se battait pour instaurer le communisme libertaire ou l’anarchie (2). Dès juillet, des bulletins d’informations CNT-FAI en langue française ont examiné les limites et les possibilités révolutionnaires, et on se contentait de se proclamer antifascistes, sans préciser le contenu de cette étiquette (3). On lutte toujours pour un maximum, mais on n’obtient qu’un minimum. C’est la loi de toutes les luttes sociales. Entre l’idéal et la réalité, il n’y a toujours qu’une transaction.
Le front antifasciste, constitué par des éléments très disparates, n’avait nullement pour but de lutter pour notre idéal anarchiste : c’eût été faire violence aux autres secteurs politiques en les employant à la réalisation d’idées qu’ils ne partagent pas. C’était impossible. A ce compte, pourquoi ceux-ci ne nous auraient-ils pas employés eux aussi, à combattre pour leurs propres idées ? qui nous sont hostiles ou étrangères ! C’eût été le conflit qui eût amené la dislocation du front antifasciste et la venue de Franco. Il fallait donc renoncer.

Pour imposer (possibilité qui n’est pas démontrée étant donné que nos camarades, malgré tout leur héroïsme, n’auraient pu vaincre s’ils n’avaient été armés dès les premières heures par la police restée loyale et c’est si vrai que dans les régions où ces armes ont été refusées ou données trop tard, nos cama-rades ont été battus) (4), pour imposer dit Styr-Nhair, nos mots d’ordre sans disloquer le front antifasciste, il eût fallu recourir à la dictature, ce qui allait précisément à l’encontre de l’idéal poursuivi par la CNT. Et ceux, plus ou moins timorés, qui reprochent, aujourd’hui à la CNT les concessions, qui selon eux, sont dues au pur réformisme tournent le dos à la révolution, ne manqueraient pas de venir lui reprocher plus véhémentement encore d’avoir recouru à des moyens autoritaires !

Mais la Catalogne n’est pas toute l’Espagne. Si nous avions profité de nos forces pour écraser nos alliés politiques, ceux-ci, où ils étaient, et sont restés en force, auraient pu se prévaloir du même principe pour écraser nos camarades : écrasement dont nous aurions port toute la responsabilité, pour avoir été les initiateurs du procédé.
Les organisations anarchistes espagnoles ont préféré s’entendre avec les modérés que de se battre contre eux, parce que c’était la seule solution qui s’imposait. Les concessions ne sont que les conséquences de cette alliance, aussi indispensables et inévitables que cette alliance même. Reprocher aux organisations anarchistes espagnoles d’avoir fait des concessions revient à leur reprocher d’avoir pris part à la révolution et à sa défense.
Renoncer à la lutte armée pour se soustraire à la militarisation acceptée depuis longtemps par la CNT s’apparente à une désertion. Au nom du même principe, la CNT eût pu abandonner la révolution dès le début ! Il y a, de plus, des concessions réelles et des concessions formelles. La militarisation est surtout une concession formelle, du fait que l’esprit du milicien n’a pas changé. L’acceptation de certains codes, comme celui qui régissait la Colonne Durruti, était une concession réelle parce que les normes et les sanctions édictées par ce code n’ont rien à envier à celles du code militaire classique. Certes, on ne les appliquait pas. Mais, en campagne, le code militaire classique, dans ce qu’il a de formel et casernier, ne s’appliquait pas non plus. Tout dépend de l’intelligence des officiers. Or la CNT, dans l’armée populaire catalane dit posséder le plus gros pourcentage de cadres. La plupart des officiers seraient donc des camarades. Alors ?
Alors, Styr-Nhair pense que le refus de la militarisation n’est qu’un prétexte pour se retirer de la lutter. Ces miliciens sont fatigués, et la fatigue est humaine. Mais il juge condamnable le prétexte invoqué qui peut nuire, à l’étranger, aux organisations anarchistes et à la révolution elle-même.

Blanchard (milicien) déclare et dénonce le fait qu’à Sariñena ce sont les Russes qui commandent.

Domingo Ascaso affirme que cela est absolument faux et qu’à Sariñena ce ne sont pas les Russes qui commandent.

Lobel : Il s’agit de rentrer dans le terrain concret. Que les camarades se déterminent sur les positions prises.
Fortin prend alors la parole. Il estime que nous déplaçons un peu le sujet. Il ne s’agit pas de discuter, cela nous entraînerait trop loin, pour savoir si la militarisation est bonne ou mauvaise : la militarisation existe, c’est un fait accompli. Cette réunion a été organisée pour savoir ce que deviendraient les camarades descendus récemment du front et forcément assez désorientés.

Pour lui, il considère que les camarades sont à classer en trois catégories.

1) Ceux qui se refusent catégoriquement à toute militarisation. Actuellement, à Barcelone, nous subissons très sensiblement les répercussions de la guerre, il y a des privations, et toute personne qui ne se rend pas utile suivant ses moyens, est une bouche de plus à nourrir sans nécessité. Pour ces camarades, le mieux est de retourner en France ou dans un pays démocratique. Ce n’est pas à nous de juger leur décision. Venus volontairement, ils repartiront de même.

2) Il y a un certain nombre de camarades qui sont déserteurs ou insoumis ou condamnés à la prison. Il est évident qu’ils ne seront pas remis aux mains des autorités, ce qui adviendrait en cas de retour probablement. Pour ceux-là, nous chercherons du travail avec le concours du « Groupe français de la CNT » et de la « Casa internacional de voluntarios » .

3) Enfin ceux qui veulent se battre. De deux choses l’une, ou ils retournent sur le front, en acceptant la militarisation et ses conséquences, ou, si toutefois cela est encore possible, ils essaient de constituer un corps franc, ainsi qu’il a été prévu par certains compagnons. Aux compagnons espagnols responsables de nous indiquer s’il existe toujours la possibilité de constituer ce corps franc.

Domingo Ascaso : Ce serait nous demander là une chose impossible. Les anarchistes espagnols n’ont pas fait, à proprement parler, le 19 juillet, de révolution ; pour une fois c’est plutôt une contre-révolution que nous avons faite en nous dressant contre les fascistes. La CNT et la FAI ont commencé par accepter des postes responsables et nous avons même accepté la militarisation. Cela n’empêche pas que nous nous croyons aussi anarchistes que vous tous.
Domingo Ascaso remercie avec beaucoup d’émotion les miliciens internationaux pour tout ce qu’ils ont fait pour la cause de la Liberté. Ceux qui ne veulent plus se battre se retireront, mais les autres doivent accepter la militarisation. Nous ne pouvons pas en conséquence admettre la création d’un corps franc. La séance est alors levée après que plusieurs miliciens eurent pris de nouveau la parole. Ils s’expriment en espagnol, français et allemand. Tous soulignent qu’ils sont venus se battre pour la liberté du monde entier et pas seulement pour la liberté d’un seul pays.

La plupart se montrent partisans d’une plus grande discipline et d’une nouvelle organisation technique des Milices.

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Notes

1) Le n°13 du 20 janvier 1937 du Boletín en français, signale page 11 que L’Espagne antifasciste a cessé sa parution depuis le 8 janvier. » Camillo Berneri écrivait : « Le n° 8 de Guerra di classe sortira quand il pourra. Le Comité a agi comme avec L’Espagne antifasciste, et je ne veux pas de choc. » Pensieri e Battaglie, Paris, 1938, p. 261, 262. Autrement dit, le Comité de propagande de la CNT refusait le papier aux publications anarchistes dissidentes (fait confirmé oralement par Prudhommeaux, qui était directeur de L’Espagne antifasciste).

2) Exact au niveau des instances régionales et nationales, mais faux à la base : autogestion industrielle et agricole propagée par la presse confédérale.

3) Inexact : les bulletins consultés :n° 2, 5 août 36 ; n° 3, 8 août 36 ; n° 4, 12 août 36 ; n° 5, 15 août 36 ; n° 6, 19 août 36 , indiquent par exemple : « Des miliciens, oui ! des soldats, non ! » et des changements sociaux (Polinino en Aragon, document daté du 5 août 36).

4) Inexact : « Le prolétariat s’est armé lui-même. Nous n’avions pas de quantité d’armes à lui donner. » Déclaration de Companys, président de la Catalogne au News Chronicle, reproduite par Fragua social, quotidien anarchiste de Valence, 23 août 1937. Même chose à Madrid puis à Valence. À Saragosse, les militants choisirent de ne pas résister et de faire confiance aux autorités.

5) Domingo Ascaso, frère du célèbre Francisco Ascaso compagnon de Durrutti, et qui intervient en faveur de la militarisation des milices,est mort le 4 mai 37 (soit un mois après ce débat) à Barcelone, assassiné par ses « amis » staliniens qui l’ont bien remercié d’avoir accepté la dissolution de la Colonne Ascaso avant mars 1937. Un collabo mal récompensé …

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