Grande-Bretagne: La montée alarmante du Virgin Care de Branson et la menace pour le système de santé publique (NHS)

11/01/2018, SolFed-AIT, http://www.solfed.org.uk/manchester/the-alarming-rise-of-bransons-virgin-care-and-the-threat-to-the-nhs

Le « bon vieux » Sir Richard Branson a une fois de plus réussi à se placer en tête de la file d’attente pour recevoir des dons de l’État. Après avoir passé des années à transformer l’argent public en profits massifs chez Virgin Rail (la SNVF anglaise qu’il a acheté lors de sa privatisation), il se concentre maintenant pour traire le plus possible de lait du Service Public de Santé (NHS).

Richard Branson, PDF de Virgin, qui met la main sur la santé publique
en Grande Bretagne après avoir dépouillé d’autres secteurs économiques

Les chiffres publiés en janvier 2018 montrent que sa société, Virgin Care, a remporté un montant record de 1 milliard de livres sterling de contrats NHS en 2017. Ajouté aux contrats déjà existants, cela signifie que Virgin Care a maintenant plus de 400 contrats NHS distincts. C’est drôle de voir comment ces défenseurs acharnés du libre marché capitaliste, tels que Branson, semblent être capables d’avaler leurs principes anti-étatiques lorsqu’il s’agit de réclamer des subventions de l’État. Le bon vieux Sir Richard a même été jusqu’au au point de poursuivre le NHS en 2017 lorsque Virgin Care a perdu un contrat de 82 millions de livres sterling. Au cours du processus, il a remporté une somme non divulguée qui, autrement, aurait été gaspillée pour soigner des malades.

Cependant, ne vous inquiétez pas, l’amour de la pin-up capitaliste Branson pour l’État ne s’étend pas jusqu’à payer des impôts. Toutes ses sociétés relèvent d’une seule société mère, Virgin Group Holdings, basée aux îles Vierges, qui se trouve être un paradis fiscal. Il y a déménagé depuis qu’il a été poursuivi pour évasion fiscale en 1971, apprenant rapidement qu’il est normal de ne pas payer d’impôts au Royaume-Uni aussi longtemps que vous êtes assez riche et suffisamment connecté.

Peut-être sommes-nous un peu trop cyniques ici; après tout, lorsqu’il a été révélé pour la première fois que le bon vieux Sir Richard ne payait pas d’impôts au Royaume-Uni, il a expliqué que s’il vivait sur son île privée des Caraïbes, Necker Island, ce n’était pas pour des raisons fiscales et éviter de payer des impôts, mais pour des raisons de … santé ! Nul doute que cet intérêt particulier pour la santé se transposera aussi au NHS, et qu’il s’assurera que Virgin Care gère ses contrats de la même manière que Virgin Rail gère les trains. La différence, cependant, est que les «clients» en paieront le prix, non pas en termes de trains surpeuplés et continuellement en retard, mais plutôt en termes de dommages à leur santé.

Nous ne devons pas non plus nous enfuir en courant avec l’idée que les échecs de Branson sont limités aux seuls trains Virgin. Derrière son sourire de gagneur et ses manières simples, l’entrepreneur préféré du pays a une longue histoire de faillites d’entreprises. Virgin Cola, saluée par Branson en 1994 comme le successeur inévitable de Coca-Cola, a pratiquement disparu. Les vêtements Virgin Clothes, lancée en bourse en 1996, ont été rangés au placard avec des pertes pour les actionnaires. Virgin Money a été lancé avec une publicité fastueuse mettant en vedette Branson émergeant nu de la mer, mais n’a pas livré les grandes récompenses financières attendues. Puis vinrent Virgin Vie, Virgin Vision, Virgin Vodka, Virgin Wine, Virgin Jeans, Virgin Brides, Virgin Cosmetics et Virgin Cars, aucun d’entre eux ne réalisant les rêves gonflés de leur créateur.

Virgin Express, une compagnie aérienne basée à Bruxelles, était destinée à rivaliser avec EasyJet, mais les premiers investisseurs en bourse ont perdu leur argent. De même, les frères McCarthy, qui ont investi plus de 30 millions de livres dans l’entreprise V2, la deuxième compagnie musicale de Branson, ont perdu tout leur argent et ont fait face à une faillite personnelle. Les Australiens qui ont investi dans l’introduction en bourse en 2003 de Virgin Blue, une compagnie aérienne sans fioritures, ont récompensé Branson avec plus de 200 millions de livres sterling pour une participation de son investissement initial. Au départ, la compagnie aérienne a réussi, mais peu de temps après que Branson ait empoché l’argent, les actionnaires ont vu le cours de l’action chuter. De même, les plans dans lesquels les médecins généralistes seraient payés ou, plus précisément, soudoyés pour avoir référé des patients du NHS à des services privés de Virgin ont été abandonnés en juin 2008. L’Association des Médecins Britanniques (BMA) a averti que le plan «porterait atteinte à l’objectivité clinique», car il y aurait une incitation financière pour les médecins généralistes à pousser les patients vers les services Virgin.

Le problème ne se limite pas non plus au fait que le seul moyen par lequel le bon vieux Sir Richard semble capable de faire prospérer les entreprises est d’arnaquer les contribuables ou les investisseurs. Au fil des ans, il a été impliqué dans certaines «pratiques commerciales douteuses» – nous ne pouvons jamais utiliser le terme «activités criminelles» pour discuter de ce que les riches font. Par exemple, en 2006, les autorités de la concurrence du Royaume-Uni et des États-Unis ont enquêté sur les activités de fixation des prix de Virgin Atlantic et de British Airways. British Airways a été condamnée à une amende de 271 millions de livres sterling pour ces allégations tandis que le bon vieux Sir Richard n’a reçu aucune amende, ce que l’Office of Fair Trading (le Bureau pour le respect de la concurrence) a défendu comme étant dans «l’intérêt public», car Virgin Atlantic avait coopéré pour aider à poursuivre en justice British Airways.

Compte tenu du bilan douteux du bon vieux Sir Richard, vous vous demandez peut-être pourquoi les conservateurs confient les contrats du NHS à Virgin. Eh bien, il y a un petit problème ici. Les conservateurs, pour des raisons idéologiques, détestent le NHS; en fait, ils détestent à peu près toute activité humaine non motivée par la cupidité et un intérêt personnel étroit. Mais ils font face à un électorat britannique qui refuse catégoriquement d’accepter l’orthodoxie du libre marché selon laquelle le niveau de soins de santé reçus doit être déterminé par la taille de la bourse d’une personne. Sachant qu’une privatisation pure et simple entraînerait un suicide électoral, les conservateurs se sont lancés dans une privatisation en deux étapes. Ils dirigent le NHS vers le sol en le privant de fonds tout en vendant lentement le NHS par petits morceaux, chaque morceau à la fois. La première partie de la stratégie est bien engagée avec le NHS dans un état de crise quasi permanente. Au moment d’écrire ces lignes, nous sommes au milieu de la «crise hivernale» annuelle. Le but de cet état de crise permanente est d’éroder lentement la confiance dans le NHS jusqu’à un point où les gens sentent qu’il n’y a guère d’autre choix que la privatisation massive. On nous dit maintenant constamment que la nation ne peut plus se permettre d’avoir un service de santé publique comme le NHS.

La deuxième partie de la stratégie commence également à s’accélérer. Les chiffres de 2017 montrent que 3,1 milliards de livres sterling de contrats du NHS ont été remportées par des entreprises du secteur privé, ce qui représente plus des deux cinquièmes (43%) d’un total de 7,2 milliards de livres sterling de contrats soumis par le NHS, et dépasse les 2,55 milliards de livres sterling ( 35%) des offres remportées par les trusts du NHS. Pendant ce temps, cet autre cheval de Troie de la privatisation, le secteur «à but non lucratif», a remporté 1,53 milliard de livres (21%) de contrats.

Compte tenu de l’ampleur de la privatisation, ce n’est qu’une question de temps avant que le NHS ne devienne un fournisseur minoritaire de services de santé.

En procédant à la privatisation, les conservateurs ont appris un truc ou deux de cet ami proche du bon vieux Sir Richard, le bon vieux Tony Blair [dirigeant du parti socialiste anglais, le Labour Party], en gardant les services gratuits au point d’utilisation tout en privatisant lentement les fournisseurs de services. Le problème est que ces prestataires de services privatisés font souvent un hachage complet des choses. Il existe de nombreux exemples parmi lesquels choisir: Serco a mis fin à son contrat pour fournir des médecins généralistes en dehors des heures d’ouverture après que le personnel ait falsifié des données sur ses performances, tandis que la prise en charge par Coperforma de 63,5 millions de livres sterling du transport non urgent des patients à l’hôpital s’est terminée de manière dramatique après que des patients en attente de dialyse et de chimiothérapie aient manqué leurs rendez-vous vitaux. Le point ici est que, si les plans de privatisation des conservateurs étaient conçus pour vraiment fonctionner, vous ne pourriez pas avoir d’entreprises qui reprennent des services du NHS qui foirent tout en permanence.

Entre alors en scène l’homme du peuple et le Monsieur gentil, le bon vieux Sir Richard. Bien que sa réputation ait pu être ternie ces derniers temps, la seule chose que Branson est douée, en plus de faire de l’argent, ce sont les relations publiques. Quelques dons bien placés et bien médiatisés aux bonnes causes, avec le soutien des médias, et il n’est pas difficile de le voir retrouver son statut de trésor national, un trésor national à la tête d’un prestataire de santé privé de plus en plus monolithique maintenu à flot par des subventions publiques et capable de contester la dominance du NHS. En d’autres termes, il s’agit d’un rêve humide conservateur, ce qui pourrait expliquer pourquoi Virgin Care a remporté un peu moins d’un tiers du nombre total de contrats NHS attribués au secteur privé en 2017.

En tant qu’anarcho-syndicalistes, nous avons de nombreuses critiques sur le fonctionnement du NHS, notamment sur ses structures totalement antidémocratiques. Bien que nous soyons favorables à un service de santé contrôlé et géré par la communauté, nous trouvons la perspective de voir la santé des gens remise aux soins affectueux aux types tels que Branson tout à fait épouvantables. Alors sachez que si la privatisation n’est pas stoppée et que vous avez la malchance de tomber malade, vous risquez de devoir regarder des images géantes du visage souriant du bon vieux Sir Richard dans l’ambulance, à l’hôpital, au bloc opératoire et, eh bien, à peu près partout. Certains pourraient penser que la mort serait plus préférable. Espérons plus de chance la prochaine fois que le bon vieux Sir Richard s’écrasera avec sa montgolfière !!!

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Extrait du Bulletin d’info international « un autre futur pour la santé »#2

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