1952, LES PROCES DE PRAGUE : [ROUGE OU BRUN] UN ANTISEMITISME QUI EN VAUT UN AUTRE …

En novembre 1952, s’ouvre dans la capitale de la très stalinienne « République Populaire Tchécoslovaque », les procès de Prague (ou Procès Slansky, du nom du principal accusé, cf note en fin de page). Ces procès – dans la plus pure tradition bolchévique – signent le retour du racisme d’Etat, à peine 8 ans après la fin du régime raciste Nazi. Cet épisode permet d’éclairer l’antisémitisme et le racisme d’une certaine gauche communiste, sous couvert d’anti-américanisme / antisionisme, qui perdure encore aujourd’hui comme on a pu s’en rendre compte récemment. Cet article tiré du journal de la CNT-AIT de 1953 et signé par une Union Régionale (indiquant qu’il ne s’agit pas d’une position individuelle mais d’une position collective), pour ne pas oublier …

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LES PROCES DE PRAGUE : UN ANTISEMITISME QUI EN VAUT UN AUTRE …


Après le procès de Prague, il est bon de tirer une conclusion. Tout d’abord, ce qui a le plus frappé les observateurs impartiaux, c’est le caractère antisémite de cette sinistre comédie, les Staliniens, certes se défendent d’un tel crime, en déclarant : que condamner une poignée de traitres juifs, vendus au service secret Américain, ainsi qu’à l’Etat d’Israël, futur bastion de l’impérialisme atlantique, ne constitue pas un acte d’anti-sémitisme. Il n’en reste pas moins vrai que la presse et l’opinion publique des pays arabes ont favorablement accueilli la sentence, et cela a permis de donner un regain de haine anti-juive. D’ici que des incidents sanglants surgissent, ou même que le conflit Israélo-Arabe renaisse, il n’y a qu’un pas ! Qui sera responsable de cela ? Pas les Arabes bien sur, qui n’auront fait que tomber dans le piège d’une propagande criminelle et mensongère; mais, bel et bien la sinistre bande de gangsters qui ose encore se parer du drapeau rouge de la Révolution d’Octobre, ainsi que tous leurs valets et cireurs de bottes de France et autres lieux.

Je tiens ici à mettre en parallèle les écrits d’un plumitif du nom de Stil qui, sur « l’Humanité » du 29-11-52, a pondu un article intitulé « Les avocats qu’un Slansky mérite ». En voici quelques passages: « Est-ce que c’est être anti-français que de dénoncer les valets français des Américains ? » le plus plaisant serait qu’un de ceux que Stil nomme les anticommunistes lui réponde: « est-ce que c’est être anti-communiste que de dénoncer les valets français des Staliniens? Non, n’est-ce pas ». Mais Stil va plus loin dans l’ignominie, c’est lorsqu’il ajoute: « Et alors le pays, le peuple d’un côté, de l’autre une poignée d’hommes dignes de tous les mépris, on voudrait que nous nous indignions de voir une épouse, un fils, une mère ou un père faire passer avant tout l’amour de leur pays, on voudrait que nous méprisions cela, etc. » Là, décidément la mesure est comble. Par ces paroles Stil se met plus bas qu’une bête, et là, nous voyons une analogie monstrueuse entre le Stalinisme et l’Hitlérisme, car dans l’Allemagne nazie aussi, les pères, les mères, les épouses, les fils faisaient passer l’amour de leur pays avant tout, et cela donnait ce joli résultat de voir à la même table le fils espionner le père, le père suspecter la mère ou le frère et vice-versa, ce qui donnait une atmosphère irrespirable de mouchardage, de délation et de suspicion.

Ces ignobles fantoches osent se prétendre des révolutionnaires, des communistes. Véritablement Marx, Engels et Lénine ont de dignes descendants, car pour aller chausser les bottes de Hitler il faut qu’ils soient tombés bien bas. Seulement chaque homme conscient se demande aujourd’hui jusqu’où ce nouveau tournant de la politique stalinienne est capable de nous conduire, car n’oublions jamais, qu’en Allemagne, cela commença par des injures, des calomnies, des coups et des procès plus ou moins expéditifs, pour ensuite finir par des camps et des fours crématoires, où juifs et non juifs sont allés griller en commun.

Aussi est-il du devoir de tout syndicaliste de se dresser avec force contre cette nouvelle persécution qui pointe à horizon. Forgeons nous-mêmes notre arme dans un puissant syndicalisme révolutionnaire, qui sera notre seule route pour nous mener au socialisme, mais au socialisme libre qui nous débarrassera une fois pour toutes de toutes ces tyrannies de l’Est comme de l’Ouest.

La 17ème Union Régionale de la CNT-AIT


(Publié par Le combat Syndicaliste CNT-AIT, 9 janvier 1953)


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Note : A Prague en 1952, sur pression de Staline et ordre de Klement Gottwald, Président de la République tchécoslovaque, des procès politiques à forte connotation antisémite montés de toutes pièces sont organisés, avec pour objectif d’éliminer des cadres expérimentés du Parti communiste. Ces cadres sont présentés comme des opposants au régime, bien qu’ils aient tous été des staliniens endurcis.

11 des 14 accusés étant juifs, ils furent traités non seulement de « titistes » mais aussi et surtout de « sionistes ». En fait, quelques-uns, anciens participants de la guerre d’Espagne et de la résistance antinazie, étaient surtout soupçonnés de pouvoir faire preuve d’esprit d’indépendance vis-à-vis de Moscou.

C’est qu’en fait, depuis la rupture du Yougoslave Tito avec Moscou en 1948, Staline et la bureaucratie russe étaient obsédés par la crainte qu’au sein des directions des « partis frères » certains soient tentés d’imiter Tito. Subsidiairement, l’URSS de Staline venait de changer radicalement de politique vis à vis d’Israël : après avoir soutenu la création d’Israël en 1947 (l’URSS fut même un des premiers pays à reconnaitre officiellement le nouvel état), à partir de 1950 l’URSS rompt avec l’Etat hébreu.

Les procès de Praque sont un signal pour le monde entier de ce renversement d’alliance, d’autant plus qu’il fallait faire oublier que depuis la fin mars 1948, Staline avait fait livrer à la Hagana (organisation sioniste armée qui préfigurait la future armée israélienne) par les dirigeants communistes de Prague Gottwald et Slansky, de grandes quantités d’armement, y compris chars et avions. Au cours d’une première phase, en avril-mai 1948, les armes tchèques permettent aux forces juives de mettre en œuvre le plan Dalet et de s’emparer ainsi de la plupart des grandes villes arabes. Ainsi équipée, la Hagana s’engage dans la bataille pour « nettoyer » la route de Jérusalem, au cours de laquelle se produira le premier grand massacre : celui de Deir Yassine, le 9 avril 1948. Dans une seconde phase, les armes tchèques aideront le jeune Israël à faire face simultanément aux cinq contingents arabes : égyptien, irakien, syrien, libanais et surtout transjordanien. Les livraisons d’armes tchécoslovaques se poursuivront jusqu’en février 1951. Au total, estime Laurent Rucker, pendant la seule première année, Prague livrera 25 000 fusils Mauser, 60 millions de cartouches 10 000 baïonnettes, 5 000 mitrailleuses légères, 880 mitrailleuses lourdes, 250 pistolets, 22 tanks, 1 million de cartouches antichar, 84 avions de combat et près de 10 000 bombes…

Ultime ironie, Slansky qui avait été celui qui le premier lança la « chasse aux titistes » avec une première vague d’arrestations de dirigeants, sera à son tour éliminé par Gottwald et se retrouvera dans le box des accusés avec certains de ceux qu’il avait fait arrêter !

Si quelques esprits conscients – dont nos compagnons de la CNT-AIT – dénoncèrent clairement le caractère antisémite de ces procès – et ce à peine 7 ans après la libération des survivants des camps de la mort ! – le Parti Communiste Français qui régnait alors en maître sur la Gauche s’obstinait à nier l’évidence, en appuyant les procès et en continuant à chanter les louanges de Staline et du stalinisme.

Ce n’est qu’en 1969, que le livre L’Aveu du survivant des procès Arthur LONDON puis, en 1970, le film que Costa-Gavras en tira, permettront de démolir le procès de Prague et ses méthodes centrées (comme celles de l’Inquisition) sur l’obtention de l’aveu, la « reine des preuves », disait Vichynski, le procureur des procès de Moscou.

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