Nous sommes contre toutes les religions, y compris l’islam « – interview d’un membre de l’Union des anarchistes d’Iran et de l’Afghanistan

(traduction d’un article de https://pramenby.wordpress.com, 28/02/2019, revue et corrigée après l’envoi par les compagnons de l’Union des anarchistes d’Iran et d’Afghanistan de la version originale en anglais à lire ici : Lien)

 Nous sommes habitués à ce que l’anarchisme soit un phénomène purement occidental. Les rébellions, les émeutes et les soulèvements plus à l’Est sont davantage associés aux islamistes qu’aux idées anti-autoritaires. Tout cela génère un certain nombre de stéréotypes sur les habitants de ces régions. Cependant, il s’avère que des groupes d’anarchistes existent même là où tombent les bombes américaines et que des personnes sont exécutées pour des publications sur Facebook. Le site anarchiste Biélorusse Pramen a interviewé l’Union des anarchistes d’Iran et d’Afghanistan.

– Votre groupe s’appelle l’Union des anarchistes d’Iran et d’Afghanistan. Qu’est-ce qui vous a amené à unir vos forces précisément dans les deux pays? Proximité géographique? Absence de barrière linguistique ? Des frontières transparentes ? Histoire commune ?

 « Puisque l’anarchisme conduit à des positions contre les frontières et les États, dans le cas de l’Iran et de l’Afghanistan, il est important de se rappeler que ce sont seulement des noms, les noms de deux régions. Nous ne justifions pas l’existence de frontières et d’États. Nous voulons au contraire que nos revendications révolutionnaires soient universelles et non pas liées à un domaine particulier. En général, la raison principale est que les camarades parlent la même langue et coopèrent au sein des deux régions. »

 – En général, en Europe nous savons peu de choses sur l’Iran et l’Afghanistan. L’opinion publique est façonnée par les médias grand public. Le principal discours sur l’Iran, c’est le programme nucléaire, les sanctions et les émeutes périodiques. Pour l’Afghanistan: c’est le trafic de drogue et la guerre. Mais en réalité, nous savons très peu de choses sur la façon dont les travailleurs y vivent. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les réalités socio-politiques?

 « Pour l’Iran et l’Afghanistan, le mouvement anarchiste est nouveau et en phase de développement. Ces dernières années, de plus en plus de jeunes sont devenus anarchistes. En outre, bien que le mouvement féministe et anticapitaliste, le mouvement ouvrier, le mouvement pour les droits des enfants et des réfugiés, le mouvement écologiste et le mouvement pour la protection des animaux se soient considérablement développés, le mouvement antifasciste reste encore très faible.

 Il n’y a pas de large mouvement anarchiste en Afghanistan, mais l’anarchisme se développe là aussi. La religion et le patriarcat demeurent un problème en Afghanistan, bien que les mêmes problèmes existent en Iran, car la République islamique considère que sa mission est de répandre des structures d’oppression, mais une partie de la société s’y oppose consciemment. La République islamique défend une tradition islamique réactionnaire, mais il y a des gens qui s’y opposent et qui s’opposent à la propagande d’État.»

– Comment les mouvements anarchistes sont-ils apparu en Iran et en Afghanistan et quelles sont leurs racines?

 « La première publication anarchiste en farsi a été faite il y a 42 ans dans la diaspora. En 1977, deux ans avant le règne de la république islamique d’Iran, il y avait plusieurs publications anarchistes à l’extérieur de l’Iran, qui ont été distribuées pendant plusieurs années. Mais comme elles n’ont été publiées qu’à l’étranger, elles n’ont eu aucune influence sur les événements en Iran. Cela a duré jusqu’à ce que des étudiants anarchistes reprennent leurs études à l’université en 2007. Neuf ans plus tard, nous nous sommes organisés à l’étranger pour publier nos informations sur des blogs, sur Facebook et sur d’autres sources. Il y a cinq ans, trois groupes anarchistes, un en Iran, un en Afghanistan et «Asr Anarshism» (camarades de la diaspora iranienne et afghane) ont créé l’Union anarchiste d’Iran et d’Afghanistan. Peu de temps après, nous avons été rejoints par des anarchistes de deux autres villes d’Iran, et tout récemment deux autres équipes nous ont rejoints: une d’Iran et une de l’étranger.»

– Parlez-nous de votre groupe, s’il vous plaît. Nous sommes intéressés par votre activité, vos projets, votre structure organisationnelle et, bien sûr, votre expérience pour lutter contre la répression.

 « L’une de nos campagnes concerne Soheil Arabi, un prisonnier anarchiste initialement condamné à mort pour des messages sur Facebook[«insultant le Prophète» selon l’accusation]. Il est en prison depuis 2013. Il avait été condamné à mort dans un premier temps, puis finalement à trois ans de prison en 2014, après quoi, en 2015, sa peine a été réexaminé et commuée en deux ans de prison. Soheil aurait du être libéré l’année dernière, mais il est toujours en prison et a fait plusieurs grèves de la faim, ce qui indique une répression sévère contre lui. L’Union des anarchistes d’Iran et d’Afghanistan a publié un magazine en cinq parties intitulé « La Souffrance et la mémoire des anarchistes en Iran », qui contient de sérieuses leçons sur notre lutte.

Nous avons également 44 pages sur les médias sociaux. Pour cette raison, plusieurs de nos compagnons anarchistes de l’Union ont été emprisonnés et torturés pour leur activité et leur lutte. Naturellement, notre activité en Iran et en Afghanistan n’est pas publique, et c’est pourquoi nous ne pouvons pas nommer tout ce que nous faisons. Mais les compagnons iraniens sont actifs dans tous les mouvements de libération en Iran. Et, comme tout le monde, lorsqu’ils participent à des manifestations, ils sont persécutés, emprisonnés et torturés. Dans la plupart des cas, le régime ne sait pas qu’ils sont anarchistes.»

– Quelles sont vos relations avec les autres partis politiques et organisations?

 « D’un point de vue anarchiste, les partis politiques sont illégitimes et toute organisation hiérarchique luttant pour le pouvoir est son ennemi. Mais comme la République islamique détient le pouvoir de manière criminelle, nous avons un seul ennemi, la République islamique, et nous ne nous opposons donc pas aux autres forces et partis de l’opposition.»

– Avez-vous déjà entendu parler de la Biélorussie et du régime politique local ? Est ce que cela évoque pour vous des associations d’idées ?

« Environ 1/5 de la  surface de la Biélorussie est toujours affectée par l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986. La Biélorussie a un accord avec l’Ukraine sur la zone d’exclusion. La position stratégique de la Biélorussie – au nord de l’Ukraine et à l’ouest de la Russie, peut être très importante. Depuis sa déclaration d’indépendance de l’URSS, la Biélorussie fait face à un régime dictatorial depuis  25 ans. En général, en raison de la censure des médias , peu d’information filtre depuis la Biélorussie. Mais en analysant attentivement la situation, nous pouvons comprendre qu’il y a beaucoup de prisonniers politiques, il y en a même qui ont été emprisonnés pour des photographies. Le régime dictatorial biélorusse est voué à la destruction, bien qu’il soit soutenu par la Russie. Solidarité avec les compagnons combattant en Biélorussie !»

– Votre région est présentée dans les médias comme une région de conflits ethniques et religieux incessants. Quelle est votre position sur l’Islam et le christianisme ? Est-ce que vous avez des compagnons qui sont croyants ? Quelle est votre perspective politique et les moyens possibles pour combattre les tensions ethniques et sectaires ?

« Le Moyen-Orient n’est pas la seule région qui souffre de problèmes ethniques, économiques et religieux. Mais l’abondance de pétrole dans la région fait que les États alimentent ces différences. Nous sommes contre toutes les religions, y compris l’islam. Actuellement, l’outil le plus important pour résoudre ces problèmes sera de prêter attention à l’auto-organisation de nos communautés, ce que nous faisons de manière intensive. L’un des problèmes les plus importants pour l’Iran et l’Afghanistan est la désertification des territoires, le manque d’eau. En quarante ans, la république islamique d’Iran a causé des dommages irréparables à l’environnement, et de nombreux lacs et rivières se sont asséchés. Seulement 1,8% de l’Iran est encore à l’état naturel et ne connaît pas de crise écologique.»

– Peut-être aimeriez-vous ajouter quelque chose d’autre ?

 « Nous tenons à vous remercier pour cette interview. Soit dit en passant, il y a un groupe de notre Union anarchiste dans neuf autres pays, sauf en Afghanistan et en Iran. Un camarade marocain travaille avec nous et publie des articles en arabe et en farsi sur le site de Asr Anarshism. Nous travaillons avec toutes les langues en général.»

(Les compagnons n’ont pas fourni de photo des participants de leur organisation pour des raisons de sécurité).

 Site de l’Union des anarchistes d’Iran et d’Afghanistan, ici.[ http://asranarshism.com/] =============Questions additionnelles transmises par mail par les compagnons de l’UNion :
Je suis en train de traduire votre interview en ce moment et je suis inspiré par votre courage! Pourriez-vous nous donner quelques photos de Soheil Arabi et, peut-être, des photos pouvant représenter votre groupe ?  Peut-être avec des visages ou des visages couverts, pour être en sécurité pour vous. Juste pour illustrer l’article en cours de publication.
—————–

 Bonjour compagnon, nous pouvons vous envoyer  quelques photos de Soheil Arabi, mais en ce qui concerne les photos de notre collectif, ce n’est pas possible car nous sommes presque dans 11 pays et il est très dangereux pour nos camarades en Iran d’envoyer ou de prendre des photos. Nous espérons que vous comprenez notre problème

 ——————–

 Bien sûr, nous comprenons parfaitement. Nous connaissons le Rojava, mais qu’est-ce que le DFNS? Pourriez vous nous expliquer l’abréviation s’il vous plaît.

 ——————–

 Salut compagnons,

DFNS est l’abréviation pour « fédération démocratique du nord de la Syrie » (Democratic federation of North Syria), région autonome qui porte depuis septembre 2018 le nom de « Administration autonome de la Syrie du nord et de l’est ». ce terme est plus inclusif [que Rojava] car il y a [là bas] des Kurdes, des Arabes, des Assyriens et des Arméniens entre autres. Rojava est le mot kurde pour le Kurdistan occidental.

Laisser un commentaire