No Pasaran, les trois flêches, Siamo tutti antifascisti : des symboles de défaites …

Il est devenu courant dans les manifestations ou les évènements militants d’entendre les slogans « no pasaran », « siami tutti antifascisti » ou encore de reprendre le symbole des trois flèches. Ces symboles sont utilisés de façon rituelle, un peu comme des fétiches sensés protégés ceux qui les utilisent contre le fascisme. Pourtant, si on étudie un peu l’histoire de ces symboles, on se rend compte qu’elle est surtout celle de défaites face au fascisme.

¡No Pasarán! ou le rappel de la victoire franquiste …

Le cri “¡No Pasarán!” ponctue souvent les discours antifasciste. Pour beaucoup il est devenu le symbole de la résistance antifasciste par excellence. Mais c’est oublier que ce slogan, né de la propagande stalinienne, est surtout celui d’un échec qui n’a pas empêcher les fascistes de passer …

« ¡Ya hemos pasado! » – Nous sommes passés ! Le 27 janvier 1939 : Des Barcelonais de la bourgeoisie catalane fraternisent avec des soldats franquistes des Corps d’Armée Navarrais et Marocains pendant les célébrations de la prise de Barcelone par les fascistes

Alors qu’à l’été 1936 les troupes fascistes assiègent Madrid, la très stalinienne dirigeant du Parti Communiste Espagnol Dolores Ibárruri lance à la radio le fameux cri. Elle l’a emprunté aux « poilus » de la guerre de 14 qui lors de la bataille de Verdun disaient en parlant des « boches » : « ils ne passeront pas ! ». No Pasarán devient alors le cri de ralliement des Républicains espagnols. Toutefois les communistes – appuyés par les socialistes et les républicains bourgeois – s’assurent surtout que le Révolution sociale initiée par les anarchistes ne passe pas. Les communistes accusaient les anarchistes de briser « l’unité antifasciste » en effrayant la petite bourgeoisie républicaine par leurs mesures trop radicales.

L’agressivité des communistes envers les révolutionnaires culmine avec les évènements de Mai 1937 à Barcelone, où les républicains (communistes en tête) liquidèrent physiquement les antifascistes révolutionnaires. Après ces évènements, la République espagnole interdit le POUM, parti communiste non orthodoxe. En même temps qu’ils criaient « No Pasaran », les communistes espagnols aidés par leurs conseillers soviétiques assassinèrent de nombreux militants antifascistes révolutionnaires, le plus connu étant Andreu Nin, le leader du POUM. La révolution était défaite, la voie était grande ouverte pour permettre le déferlement des fascistes en Espagne. Les soldats franquistes victorieux entrèrent dans Madrid assiégée en 1939, en chantant « ¡Ya hemos pasado! » (« Nous sommes passés ! »).

Les anarchistes espagnols, réfugiés après avoir fui le fascisme, n’utilisaient pas ce cri qui leur rappelait trop les coups de poignards dans le dos des communistes et la défaite de la Révolution.

Les « trois flèches », symbole de la défaite des antifascistes allemands

Le symbole des « trois flèches » n’est pas du tout un symbole de l’antifascisme radical, contrairement à ce que certains « Antifa » actuels voudraient nous faire croire. Ce symbole a été inventé par le célèbre théoricien du « viol des foules par la propagande politique » Serge Tchakhotine, pour l’organisation paramilitaire du Parti Social-Démocrate Allemand, le Front de fer. Les trois flèches visaient les monarchistes, les nazis et les communistes. Les sociaux-démocrates démontrèrent leur incapacité à faire barrage au nazisme et le soit disant « front de fer » fut balayé par les nervis nazis en chemises brunes.

Les trois flèches furent adoptées comme symbole officiel par le Parti Socialiste français (SFIO), des années 1930 jusqu’à son remplacement par le symbole du poing et de la rose dans les années 1970. Là encore, c’est un symbole associé à une défaite du mouvement ouvrier, celle de la résignation et de l’abandon des principes révolutionnaire au profit de la cogestion du système capitaliste.

Congrès de la SFIO, mars 1946

Siamo Tutti Antifascisti

Ce slogan en italien, qui veut dire « nous sommes tous antifascistes » serait né dans l’Italie des années 1920, lancé par des militants italiens de gauche en lutte contre le fascisme. Cette résistance au fascisme mussolinien s’est organisée dans un contexte de répression brutale. Les opposants risquaient leur vie, comme en témoigne l’assassinat du socialiste Giacomo Matteotti dès 1924. L’OVRA (Organisation de surveillance et de répression de l’antifascisme), la police secrète de Mussolini, traquait systématiquement les dissidents, y compris à l’étranger. Ce slogan incarnait alors un véritable acte de résistance face à un régime totalitaire qui supprimait toute opposition.

Toutefois, dès 1922, l’Internationale communiste fait de l’antifascisme une catégorie politique à part entière[1]. L’antifascisme prend alors une majuscule, devenant l’Antifascisme, abrégé depuis en Antifa. L’urgence de la lutte contre le fascisme devient le ferment rassembleur de toutes les gauches – et même au-delà de tous les Républicains, dans un « front unique » Antifasciste. Ce qu’exprime le « siamo tutti antifascisti », « nous sommes tous antifascistes ». Ce « front unique » se retrouve invariablement à appeler lors des élections à voter pour le « moins pire ». Et c’est ainsi qu’après avoir appelé à voter Chirac en 2002, la gauche en 2017, puis rebelote en 2022, appela directement ou indirectement à voter Macron au second tour de la présidentielle, au lieu d’appeler à l’abstention … Et c’est ainsi que des « Antifas » comme la Jeune Garde participèrent au « nouveau front populaire » qui appela à voter pour Darmanin, pour Hollande ou pour Elisabeth Borne aux législatives de l’été 2024. Ce faisant, nos « Antifas » font le lit de l’extrême-droite en accréditant son discours « tous pourris », lui permettant de se présenter comme la seule alternative politique.

Le « barrage » du vote Chirac puis Macron a effectivement empêché l’accession potentielle sur le moment au pouvoir du FN, mais a également ouvert la voie à une vingtaine d’années de politiques les plus antisociales possibles, de droite, de gauche puis macroniste … Même si la situation d’urgence peut souvent nous pousser dans nos retranchements, même si constamment la vie au sein de ce système semble nous condamner individuellement à des compromis, il me paraît que si nous, anarchistes ne pouvons porter collectivement le message d’un projet de transformation sociale radicale révolutionnaire sans compromission avec les différentes formes de gouvernement et de variantes du capitalisme, qui le fera ? La période est hyper sombre et certes loin d’être révolutionnaire, mais il faut bien qu’on s’y colle. On repart de loin…[2]


[1] Croce contre Gentile, l’antifascisme à coups de manifestes https://www.radiofrance.fr/franceculture/croce-contre-gentile-l-antifascisme-a-coups-de-manifestes-5029354

[2] A propos de l’antifascisme….  http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article1388


Texte extrait de la brochure « Un CHAT NOIR,UN A CERLE, UN DRAPEAU ROUGE ET NOIR …ET UN RATON LAVEUR, une petite histoire des symboles anarchistes … »

Lire et télécharger en ligne : https://cnt-ait.info/2025/04/29/symboles-anar

Sommaire :

Pourquoi cette brochure ?

Les rites de communication politique (Serge Tchakhotine)

Fétichisme révolutionnaire

L’aliénation de la consommation des symboles révolutionnaires

Du drapeau rouge au drapeau noir

Louise Michel et le drapeau noir

1968 : Le drapeau noir contre le drapeau tricolore

« Mort à tous ceux qui s’opposent à la liberté des travailleurs » : A propos d’un faux drapeau Makhnoviste devenu symbole de l’Anarchie

Les origines du drapeau rouge et noir

Tout ce qui est rouge et noir n’est pas anar …

Le logo de l’AIT, de 1922 à aujourd’hui

De la Croix-Rouge Anarchiste à la Croix Noire Anarchiste : plus d’un siècle de solidarité avec les prisonniers.

Le label syndical

Ni Dieu ni Maitre !

Histoire du A cerclé

L’emblème historique de la CNT espagnole :  Hercule et le Lion de Némée

D’où vient le symbole du Chat Noir anarchiste ?

Les mains entrelacées, un symbole anarchiste de lutte et de solidarité

Pourquoi les anarchistes s’appellent entre eux compagnons et pas camarades ?

Le sabot

No Pasaran, les trois flêches, Siamo tutti antifascisti : des symboles de défaites …





























































































Texte extrait de la brochure « Un CHAT NOIR,UN A CERLE, UN DRAPEAU ROUGE ET NOIR …ET UN RATON LAVEUR, une petite histoire des symboles anarchistes … »Lire et télécharger en ligne : https://cnt-ait.info/2025/04/29/symboles-anarSommaire :Pourquoi cette brochure ?Les rites de communication politique (Serge Tchakhotine)Fétichisme révolutionnaireL’aliénation de la consommation des symboles révolutionnairesDu drapeau rouge au drapeau noirLouise Michel et le drapeau noir1968 : Le drapeau noir contre le drapeau tricolore« Mort à tous ceux qui s’opposent à la liberté des travailleurs » : A propos d’un faux drapeau Makhnoviste devenu symbole de l’AnarchieLes origines du drapeau rouge et noirTout ce qui est rouge et noir n’est pas anar …Le logo de l’AIT, de 1922 à aujourd’huiDe la Croix-Rouge Anarchiste à la Croix Noire Anarchiste : plus d’un siècle de solidarité avec les prisonniers.Le label syndicalNi Dieu ni Maitre !Histoire du A cercléL’emblème historique de la CNT espagnole :  Hercule et le Lion de NéméeD’où vient le symbole du Chat Noir anarchiste ?Les mains entrelacées, un symbole anarchiste de lutte et de solidaritéPourquoi les anarchistes s’appellent entre eux compagnons et pas camarades ?Le sabotNo Pasaran, les trois flêches, Siamo tutti antifascisti : des symboles de défaites …

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