

Le Combat Syndicaliste CNT-AIT, 25 juillet 1968, numéro 515
Le 13 juillet 1968, dans la soirée, des drapeaux rouges et des drapeaux noirs on surgit place de la Bastille. Le 15 juillet, le drapeau noir était ici à Douarnenez et à Annemasse. Le 16 juillet au matin, le drapeau noir flottait à nouveau un Douarnenez. Pendant les événements de Mai, le drapeau noir a parcouru Paris, côte à côte avec son frère, le drapeau rouge. Il a flotté pendant les grèves sur certaines usines, dans la région parisienne et en province.
Un représentant de la majorité gaulliste réactionnaire a déclaré, pendant la campagne électorale, que tous les Français sans exclusive pouvaient se réclamer du drapeau tricolore national, « sauf ceux qui brandissent le drapeau noir ». Avec cette histoire de drapeau, auquel certains auraient droit et d’autre part, ce parlementaire c’est, je l’espère, ridiculisé aux yeux des électeurs. Les problèmes sociaux et économiques qui motivent le mouvement de révolte actuel ne sauraient être ramenés à une question de drapeau.
Mais puisque on en parle, parlons-en aussi. En 1789, le drapeau tricolore a parcouru Paris et a été substitué aux emblèmes de la monarchie absolue par une classe qui se révoltait, tout comme les drapeaux noirs et les drapeaux rouges ont parfois flotté à Paris en mai 1968 à la place du drapeau tricolore. Tout comme le drapeau tricolore actuellement, le drapeau à fleur de lys de la monarchie était, en 1789, l’emblème national. Pourtant, on ne l’a pas conservé et cela précisément parce qu’un drapeau est un symbole et que lorsqu’on veut changer l’ordre existant il est nécessaire aussi, pour que les choses soient claires, de changer les symboles. C’est pourquoi nous avons un drapeau, bien que ce ne soit pas le drapeau lui-même qui soit importants mais les idées qu’il symbolise.
Nous n’avons pas le droit au drapeau tricolore, à l’emblème national ? Nous nous en passerons fort bien. Car le drapeau national représente toujours « l’intérêt général ». Or il est clair qu’un, dans une société de classe, ce que l’on appelle « l’intérêt général » est l’intérêt de la classe au pouvoir, les exploiteurs. C’est pourquoi l’emblème national devient l’emblème bourgeois réactionnaire qui représente symboliquement les privilèges des dirigeants. D’ailleurs, le drapeau noir et le drapeau rouge sont dans la rue et accompagnent les manifestations de travailleurs tandis qu’une floraison de drapeau tricolore flotte sur les banques, les compagnies d’assurance, les sièges des grandes compagnies et sur les ministères, les préfectures, etc. En un mot sur les édifices qui sont les instruments de l’oppression économique d’une part, de l’oppression politique de l’autre.
Le drapeau national c’est aussi, dans une société de classe, fondé sur l’exploitation de l’homme par l’homme, le drapeau du nationalisme sous toutes ses formes (guerre, colonialisme, etc.). Les capitalistes, pour sortir d’impasses économiques, ont besoin des conflits armés et le drapeau national devient alors l’emblème d’un patriotisme exacerbé au nom duquel on jette les peuples les uns contre les autres pendant que les marchands de canon et d’autres boursicoteurs accumulent les profits.
Quant au drapeau noir, il ne représente les intérêts de personne. Il flotte, dans tous les pays, chaque fois que les opprimés se soulèvent contre toute forme d’oppression. Il est un symbole de lutte et d’espoir qui ne date pas d’aujourd’hui mais des premières révoltes ouvrières. Il est l’emblème des anarchistes parce que les anarchistes ont été le ferment des premières luttes ouvrières. Il est né dans la misère et de la misère. Ses origines importent d’ailleurs peu dès lors qu’il est devenu, aujourd’hui, le symbole de la lutte révolutionnaire, la remise en cause globale de la société bourgeoise face aux réformistes et opportunistes le tout poil qui se dissimulent sous les plis du drapeau tricolore.
Le drapeau noir c’est le drapeau de la Révolution.

Texte extrait de la brochure « Un CHAT NOIR,UN A CERLE, UN DRAPEAU ROUGE ET NOIR …ET UN RATON LAVEUR, une petite histoire des symboles anarchistes … »
Lire et télécharger en ligne : https://cnt-ait.info/2025/04/29/symboles-anar
Sommaire :
Les rites de communication politique (Serge Tchakhotine)
L’aliénation de la consommation des symboles révolutionnaires
Du drapeau rouge au drapeau noir
Louise Michel et le drapeau noir
1968 : Le drapeau noir contre le drapeau tricolore
Les origines du drapeau rouge et noir
Tout ce qui est rouge et noir n’est pas anar …
Le logo de l’AIT, de 1922 à aujourd’hui
Le label syndical
Ni Dieu ni Maitre !
Histoire du A cerlé
L’emblème historique de la CNT : Hercule et le Lion de Némée
D’où vient le symbole du Chat Noir anarchiste ?
Les mains entrelacées, un symbole anarchiste de lutte et de solidarité
Pourquoi les anarchistes s’appellent entre eux compagnons et pas camarades ?
Le sabot
No Pasaran, les trois flêches, Siamo tutti antifascisti : des symboles de défaites …
5 commentaires sur Le drapeau noir contre le drapeau tricolore [1968]