Il est d’usage de dire que « tout ce qui bouge n’est pas rouge ». On pourrait dire de la même façon que « tous ce qui est rouge et noir n’est pas anar ». Attention aux faux-amis !
Le drapeau des nationalistes ukrainiens Banderistes

Dans la manifestation du dimanche 22 mars 2022 contre l’agression impérialiste de la fédération de Russie en Ukraine, on a pu observer des drapeaux rouges et noirs, avec des bandes horizontales. Interrogés par des copains russophones, les porteurs de drapeau ont confirmé qu’il s’agissait de drapeaux de l’UPA de Bandera (Armée insurrectionnelle ukrainienne, active dans la période de la Seconde guerre mondiale) et pas de drapeaux makhnovistes. (Pour mémoire, le drapeau rouge et noir des anarchistes est en diagonale pas en bandes horizontales. Et les Makhnovistes n’ont jamais utilisé le drapeau rouge et noir mais uniquement le drapeau noir cf.« Mort à tous ceux qui s’opposent à la liberté des travailleurs » : A propos d’un faux drapeau Makhnoviste devenu symbole de l’Anarchie, https://makhno.home.blog/2023/05/12/faux-drapeau).
L’UPA était la branché armée de l’Organisation Nationaliste Ukrainienne dirigée par Stepan Bandera (OUN-B). Bandera était un nationaliste ukrainien, qui avait des liens avec l’Allemagne nazie et la Gestapo dès les années 30, collaborant pour créer la Légion Ukrainienne de la Wehrmacht, avant que les nazis ne rompent avec lui fin 1941. Mais cette rupture ne vient pas de Bandera lui-même. Bandera a écrit des textes antisémites et anti-polonais ; sous son autorité les nationalistes de son mouvement ont massacré des juifs et des polonais pour des raisons racistes ; ils ont aussi exécuté des ukrainiens non nationalistes. Aujourd’hui ce drapeau est utilisé par le parti ultranationaliste ukrainien « Secteur Droit » (Пра́вий се́ктор), parti identitaire, antisémite, raciste, ultraconservateur chrétien, homophobe, néofasciste.
Ces deux drapeaux et ces deux personnes ne représentent rien de significatif dans le nombre des participants à ce rassemblement, mais il est regrettable que les organisateurs les laissent exhiber ces symboles funestes, qui ne font qu’apporter de l’eau au moulin de la propagande poutinesque.
(D’après un message Facebook d’un militant de la CNT-AIT Paris, Mars 2022)
Le drapeau de la Phalange espagnole

La Phalange espagnole est un mouvement d’inspiration fasciste né en Espagne dans les années 1930. Très minoritaire lors de sa création, elle deviendra, à la faveur de la guerre civile 1936-1939 et après la mort en 1936 de son fondateur José Antonio Primo de Rivera, le noyau du parti unique sur lequel s’appuiera le régime de Franco. La Phalange fournit au régime la rhétorique, les rituels et les symboles qui seront utilisés de façon quasi monolithique pendant les trente-six années de franquisme, de 1939 à 1975.[1]
Crée en 1931 dans l’objectif de « nationaliser » l’esprit des travailleurs espagnols, alors majoritairement sous l’influence idéologique anarchosyndicaliste de la CNT-AIT, la Phalange sème la confusion : elle se déclare « nationale syndicaliste », mélange hétéroclite de corporatisme économique et de nationalisme politique. Son principal théoricien, Ramiro Ledesma Ramos s’inspire des théories syndicalistes révolutionnaires du français Georges Sorel[2], et notamment la croyance en la valeur régénératrice de la violence. Sur le plan de la symbolique, la Phalange s’approprie les couleurs rouges et noires du drapeau anarchosyndicaliste.

Toutefois malgré les tentatives de débauchages de quelques militants syndicalistes en vue, tentatives qui restèrent sans lendemain, jamais la Phalange n’eut une réelle incidence sur les ouvriers en Espagne. Au contraire, elle participa en 1936 au soulèvement militaire contre-révolutionnaire du fascisme franquiste et son drapeau est tâche du sang des militants anarcho-syndicaliste qu’elle assassina et tortura jusqu’en 1975, mort de Franco.
[1] L’uniforme de la Section féminine de la Phalange espagnole, Christine Lavail, in Le vestiaire des totalitarismes, sous la direction de Bernard Bruneteau et François Hourmant, 2022, CNRS Éditions
[2] Le syndicalisme révolutionnaire sorélien fur une composante première du fascisme. Les syndicalistes révolutionnaires italiens, après s’être séparés des anarchosyndicalistes pour s’allier avec les nationalistes, trouveront en 1919 en Benito Mussoloini, autre grand admirateur de Sorel, le Chef nécessaire à leur projet politique autoritaire. Cf.Naissance de l’idéologie fasciste, Zeev Sternhell
Texte extrait de la brochure « Un CHAT NOIR,UN A CERLE, UN DRAPEAU ROUGE ET NOIR …ET UN RATON LAVEUR, une petite histoire des symboles anarchistes … »
Lire et télécharger en ligne : https://cnt-ait.info/2025/04/29/symboles-anar
Sommaire :
Les rites de communication politique (Serge Tchakhotine)
Fétichisme révolutionnaire [1937]
L’aliénation de la consommation des symboles révolutionnaires
Du drapeau rouge au drapeau noir
Louise Michel et le drapeau noir
1968 : Le drapeau noir contre le drapeau tricolore
Les origines du drapeau rouge et noir
Tout ce qui est rouge et noir n’est pas anar …
Le logo de l’AIT, de 1922 à aujourd’hui
Le label syndical
Ni Dieu ni Maitre !
Histoire du A cerlé
L’emblème historique de la CNT : Hercule et le Lion de Némée
D’où vient le symbole du Chat Noir anarchiste ?
Les mains entrelacées, un symbole anarchiste de lutte et de solidarité
Pourquoi les anarchistes s’appellent entre eux compagnons et pas camarades ?
Le sabot
No Pasaran, les trois flêches, Siamo tutti antifascisti : des symboles de défaites …
5 commentaires sur Tout ce qui est rouge et noir n’est pas anar …