Les rites de communication politique (Serge Tchakhotine)

Extrait du « Le viol des foules par la propagande politique », de Serge Tchakhotine (1883-1973). Microbiologiste et sociologue allemand d’origine russe, hostile au nazisme, il fut, au sein du parti social démocrate, l’un des initiateurs de la propagande pour contrer l’hitlérisme. Cette expérience, comme sa connaissance des travaux de Freud et de Pavlov a été à l’origine de ses travaux qui ont renouvelé la connaissance de la psychologie des foules. Le viol des foules par la propagande politique est son principal ouvrage.

Le symbole est généralement conçu comme une représentation instantanément évocatrice d’une idée ou d’une doctrine, il est le signe presque mécanique, ou plutôt automatique, qui suggestionne les hommes, qui les rallie autour de cette idée. Mais l’idée ou la doctrine est une création des hommes, destinée à stimuler leur activité, la polarisant dans un sens déterminé ; elle contient toujours des éléments de ce que Pavlov a nommé le réflexe du but. Or, si l’homme tend vers un but, c’est qu’il ne se contente pas de ce qu’il vit actuellement, il cherche quelque chose de mieux, de plus attrayant et, voyant l’impossibilité d’atteindre, de son temps, ce but, il crée l’idéal, l’oiseau bleu. C’est l’origine des mythes. La politique et les mythes ont des points de contact très nets. […] Dans l’Antiquité, les rites jouaient dans la vie un rôle extraordinaire, non seulement dans les pratiques religieuses, mais aussi dans la vie privée et politique. On leur donnait souvent la forme des fêtes publiques, qui revenaient périodiquement et fournissaient l’occasion aux hommes de laisser librement se manifester leur affectivité, plus ou moins longuement inhibée en dehors des fêtes par les nécessités sociales ou les lois restreignant la liberté de comportement. C’étaient de vraies manifestations de désinhibition collective, d’excès autorisés, par lesquels l’individu se trouvait dramatisé et devenait ainsi lui-même le héros du mythe, le rite réalisant le mythe et permettant de le vivre. À propos de la fête, Freud dit qu’elle est « une violation solennelle d’une prohibition ». Actuellement on peut encore observer que les mouvements politiques, qui exploitent sciemment l’affectivité des masses, le besoin qu’elles éprouvent d’extérioriser leurs espoirs ou leurs aspirations, de les vivre au moins symboliquement, s’efforcent de créer des mythes et font grand usage des fêtes spectaculaires qui prennent parfois tous les caractères des rites. C’est ainsi, par exemple, que le culte du Soldat inconnu, création de l’après-guerre qui s’est propagé presque partout, a créé des rites de pèlerinage à l’Arc de Triomphe à Paris, de la cérémonie de la flamme, du marathon de Rethondes à Paris, etc. Mais ce sont surtout les mouvements fasciste et hitlérien qui ont recours à ces méthodes et qui – dans des exhibitions, à Nuremberg et ailleurs, de leur force guerrière, offrent des exemples de ce genre, se rapprochant par l’exaltation des participants, des fêtes des tribus sauvages ; avec la seule distinction que l’organisation moderne et la discipline « de cadavre » y jouent un grand rôle, la mentalité barbare restant inaltérée.

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Texte extrait de la brochure « Un CHAT NOIR,UN A CERLE, UN DRAPEAU ROUGE ET NOIR …ET UN RATON LAVEUR, une petite histoire des symboles anarchistes … »

Lire et télécharger en ligne : https://cnt-ait.info/2025/04/29/symboles-anar

Sommaire :

Pourquoi cette brochure ?

Les rites de communication politique (Serge Tchakhotine)

Fétichisme révolutionnaire [1937]

L’aliénation de la consommation des symboles révolutionnaires

Du drapeau rouge au drapeau noir

Louise Michel et le drapeau noir

1968 : Le drapeau noir contre le drapeau tricolore

« Mort à tous ceux qui s’opposent à la liberté des travailleurs » : A propos d’un faux drapeau Makhnoviste devenu symbole de l’Anarchie

Les origines du drapeau rouge et noir

Tout ce qui est rouge et noir n’est pas anar …

Le logo de l’AIT, de 1922 à aujourd’hui

De la Croix-Rouge Anarchiste à la Croix Noire Anarchiste : plus d’un siècle de solidarité avec les prisonniers.

Le label syndical

Ni Dieu ni Maitre !

Histoire du A cerlé

L’emblème historique de la CNT :  Hercule et le Lion de Némée

D’où vient le symbole du Chat Noir anarchiste ?

Les mains entrelacées, un symbole anarchiste de lutte et de solidarité

Pourquoi les anarchistes s’appellent entre eux compagnons et pas camarades ?

Le sabot

No Pasaran, les trois flêches, Siamo tutti antifascisti : des symboles de défaites …