Première publication : 5 avril 2020
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Table des matières :
- La vasectomie comme pratique militante d’action directe
et d’autonomie individuelle. - Les Comité anarchiste de défense du droit de la vasectomie en Autriche (1929-1934)
- Norbert Bartosek en Espagne et la diffusion de la vasectomie au sein de la CNT-AIT espagnole (1933)
- L’Affaire des stérilisés de Bordeaux (1935)
Annexe 1 : Témoignage d’un « stérilisé volontaire »
Annexe 2 : La mobilisation pour la défense des «stérilisateurs» de Bordeaux.
Annexe 3 : Extrait de la presse populiste à propos de l’affaire des « stérilisations de Bordeaux »
Annexe 4 : Sélection d’articles parus dans les journaux anarchistes de l’époque
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La vasectomie comme pratique militante d’action directe et d’autonomie individuelle [1]
En matière de procréation et de contraception, l’inégale division sexuelle place de longue date l’essentiel des responsabilités et des conséquences du côté des femmes. Cependant, il convient de ne pas considérer l’histoire des pratiques anticonceptionnelles occidentales comme une permanence anhistorique qui n’impliquerait les hommes à aucun moment ni en aucun lieu. Le XIXe siècle a fait naître en Europe une perception de l’individu, de la famille et de la société qui renouvelle la manière de penser les responsabilités de la génération, et qui partant, redéfinit l’implication des hommes en ce domaine. Au début du siècle, l’art de faire de beaux enfants, la callipédie, s’efface progressivement pour laisser place aux projets de perfectionnement de l’espèce humaine, telle la mégalanthropogénésie, puis aux prémices de l’eugénique. La procréation devenue science s’en trouve soumise aux pouvoirs médical, scientifique et politique masculins, et la rationalisation des naissances nécessite une participation des citoyens mâles à un élément fondateur du devenir collectif : le renouvellement et l’amélioration de la population. Premiers à contrôler le rythme des naissances dès la fin du XVIIIe siècle, les Français semblent avoir adopté largement la méthode du coït interrompu pour limiter leur descendance sans se soumettre à une fâcheuse abstinence.
Dans les années 1920 et 1930, les moyens de « la fraude conjugale » demeurent, pour l’essentiel, le coït interrompu et, dans une moindre mesure, le préservatif ; deux méthodes contrôlées par les hommes. De façon marginale, une autre technique anticonceptionnelle masculine est employée, qui ne relève pas de la contraception – en soi réversible et temporaire – mais d’une méthode anticonceptionnelle définitive : la stérilisation par vasectomie. La dimension symbolique de la castration plane bien évidemment, et la vasectomie suscite à cet égard un émoi particulier chez les hommes. Mais au-delà, elle pose des questions spécifiques : sa technique très simple ne lui oppose que peu de limites et des cas de stérilisations clandestines émergent çà et là en Europe dès la fin des années 1920. Une propagande en faveur de sa pratique est diffusée dans divers pays, plusieurs médecins et réseaux de praticiens proposent leurs services pour stériliser des volontaires, et des opérations clandestines ont lieu entre 1929 et 1936 en Autriche, en France, en Belgique, en Espagne, en Angleterre ou encore en Roumanie.
Les médecins ne sont alors pas les seuls à participer aux controverses que suscitent ces affaires : au cœur d’une période où l’eugénisme fait débat, la stérilisation dépasse la dimension du choix individuel. Choisir entre une procréation consciente, raisonnée, saine (selon les uns), ou prolifique, vigoureuse, « naturelle » (selon les autres), se pose alors comme un choix lourd de conséquences politiques. Des médecins de renom, des hygiénistes, des eugénistes, des sexologues, des militants de la réforme des modes de vie, des moralistes, des criminologues, des hommes d’Église et des hommes politiques, débattent alors de la légitimité à intervenir sur le sexe masculin pour stériliser les hommes, et plus particulièrement les prolétaires.
Au-delà du terrain du droit (légal/illégal), la stérilisation masculine volontaire, pratiquée de manière « sauvage », peut être observée comme une expérience d’insubordination face à la tentative d’un contrôle médical sur le corps.
L’annihilation des capacités génésiques d’hommes considérés comme vigoureux semble perturber une certaine appréhension du masculin. Par ses effets démographiques supposés (surtout là où la dénatalité effraie comme en France et en Autriche) et par sa transgression des normes de genre, elle menace de bouleverser l’ensemble des rapports sociaux. La vasectomie volontaire à visée anticonceptionnelle sort des cadres légaux dans tous les pays concernés et, par conséquent, sort des cadres médicaux institutionnels pour n’être exercée qu’en clandestinité.
On pourra s’interroger sur le caractère toujours relatif de la volonté sous l’effet des pressions sociales, mais il importe ici de distinguer clairement une pratique pleinement désirée, de celle des stérilisations institutionnelles contraintes qui ont lieu dans le même temps dans différents pays européens, et des prescriptions thérapeutiques (fondées ou non) qui légitiment l’emploi de la vasectomie dans un cadre médical.
Les Comité anarchiste de défense du droit de la vasectomie en Autriche (1929-1934)
Plus qu’aux hommes qui ont fait le choix de la vasectomie en dehors de toute prescription médicale ou légale, nous nous intéressons ici à ceux qui leur ont offert les moyens de mettre en œuvre leur projet de stérilisation. L’insubordination à l’injonction de procréation a trouvé à s’allier à l’insubordination au pouvoir médical. La potentialité subversive du geste est incarnée en deux éléments, deux figures qui ne sont plus le couple « patient et médecin », mais deux complices hors-la-loi. Parmi eux figurent des praticiens de deux sortes : des médecins reconnus qui opèrent dans la clandestinité, et des non-médecins qui maîtrisent la technique de vasectomie – comme d’autres maîtrisent discrètement celles de l’avortement.
En 1929, dans un pénitencier autrichien, un prisonnier explique ingénument au médecin de détention que ses cicatrices au niveau des bourses sont dues à une
stérilisation pratiquée par un certain Docteur Schmerz. Le médecin s’empresse alors de dénoncer ces agissements qui constituent selon lui « une lourde menace contre la vitalité de la nation ». S’ensuivent nombreuses perquisitions, des arrestations et interrogatoires dans des foyers ouvriers. Treize personnes avouent avoir été opérées par le même Schmerz mais, solidaires, refusent de déposer contre lui. Les experts convoqués pour l’occasion, embarrassés, ne savent pas quelle opération a été pratiquée : la stérilité est-elle définitive ? S’agit-il d’une ligature ou d’une section du canal spermatique ? Quels en sont les effets à long terme ? Dans le doute, le professeur Schmerz est inculpé pour blessures corporelles légères. Ce procès est le premier d’une série d’affaires retentissantes qui ont lieu durant les deux premiers tiers de la décennie 1930 en Autriche, dans les régions proches de Graz. Des médecins locaux, jusqu’au directeur d’un sanatorium, des étudiants en médecine, des militants anarchistes et des ouvriers, s’associent à répétition dans le crime de lèse-fécondation pour organiser des stérilisations masculines.
La première enquête de 1929 révèle que les stérilisés sont majoritairement des travailleurs mariés qui doivent élever plusieurs enfants. Selon la police de Linz, « la chose était très connue et […] les hommes allaient en masse à Graz pour se faire stériliser par le prof. Schmerz ». Cinq cents employés de chemins de fer figureraient parmi les opérés, dont le nombre est estimé à environ sept cents. La peine infligée au professeur Schmerz, symbolique puisqu’aucun texte ne prévoit ce délit, suscite un grand meeting de protestation le 26 novembre 1929. Cependant, sa pratique est loin de faire l’unanimité et son nom est rayé de l’Association des médecins allemands-autrichiens : ses opérations menacent l’avenir de la nation et s’opposent à l’éthique médicale allemande. Les réactions des confrères de Schmerz sont parfois vives : « Il n’existe pas une injure plus grande pour un Allemand que de s’entendre dire qu’il n’est pas un homme ! Pour cette raison aucun Allemand ne se laissera déposséder de sa virilité ! », Profère le Dr Jerzabeck[2]. Pourtant, la demande persiste et Schmerz continue à stériliser. Malgré cette première condamnation, il est arrêté encore à deux reprises en 1933 et en 1934.
Schmerz est loin d’être le seul en Autriche à se prêter aux volontés stérilisatrices. Une deuxième affaire éclate fin 1932, en lien avec l’Union des socialistes antiautoritaires, dont fait partie le théoricien anarchiste Pierre Ramus, principal animateur du Comité anarchiste de défense du droit de la vasectomie en Autriche (qui défend aussi le droit à l’avortement).
Ce comité organise de nombreux meetings et diffuse des textes en faveur de la stérilisation libre, après qu’un groupe de médecins et d’étudiants, la plupart anarchistes, a réalisé des opérations dans une démarche d’entraide sociale. Pour que l’opération soit accessible à tous les prolétaires, le tarif fixé est bas, et l’opération est même gratuite pour les chômeurs. Une partie des médecins reverse les gains aux organisations anarchistes. Selon un communiqué du Comité, des centaines d’hommes sont ainsi vasectomisés[3].
Dans cette deuxième affaire, quatre-vingt-quatre personnes sont arrêtées à Graz et à Vienne en septembre 1932, et vingt personnes, dont Ramus considéré comme l’organisateur du réseau, sont emprisonnées. En décembre, celui-ci entame une grève de la faim pour revendiquer ses idées anarchistes et sa ferveur vasectomiste.
Quatre-vingt-quinze stérilisés sont examinés par des experts et vingt-trois personnes sont inculpées de « crimes anticonceptionnels ». Mais après un procès retentissants, elles seront finalement acquittées.
En 1933, Ramus est agressé par un groupe de nazis, qui lui reprochent tout à la fois son militantisme pour la vasectomie, son anarchisme et ses origines juives.
Après l’échec de l’insurrection ouvrière de février 34 et l’instauration en réaction de l’austrofascisme faisant constitutionnellement de l’Autriche un « Etat chrétien, corporatif, germanique et autoritaire », le procès est relancé et annule l’acquittement général. En mai 1934, Ramus et dix-huit de ses camarades sont condamnés aux travaux forcés.
Un Comité pour la libération de Ramus se met en place autour de Hem Day à Bruxelles. La CGTSR-AIT, la section en France de l’Association Internationale des Travailleurs relaye l’appel à la solidarité, bien que Ramus soit un adversaire acharné de Rudolf Rocker, le Secrétaire de l’AIT. Le journal de la CGTSR-AIT publie le communiqué « Pour la libération de Pierre Ramus » dans son numéro 84 du 14 décembre 1934 :
« En juin 1933, à Graz, en Autriche, l’écrivain Pierre Ramus était traduit devant le tribunal, accusé d’avoir pratiqué des « opérations de stérilisations sur des êtres humains ». Pierre Ramus fut inculpé d’attentat ou dommage causé au corps d’autrui.
La Chambre de Justice de Graz, après des débats qui durèrent quatre semaines, fut obligée de rendre un verdict d’acquittement général, aucun dommage ni attentat n’ayant été constaté par le corps des patients appelés comme témoins.
En mai 1934, le nouveau régime s’opposait au jugement précité et la Haute Chambre de Justice condamnait les accusés (19) et tout particulièrement P. Ramus. Pour condamner le directeur de « Erkenntnis und Refreiung » (« Connaissance et Libération »), P. Ramus, le tribunal s’appuya spécialement sur un article intitulé : « Devons-nous, nous hommes, procréer lorsque nous n’avons pas les moyens de nourrir nos enfants ? ».
Des 19 accusés condamnés, P. Ramus est le seul qui soit en prison et jamais, pendant le procès, il le fut prouvé que P. Ramus avait pris part à la pratique des opérations. C’était donc le propagandiste de l’activité en faveur de la vasectomie qui était visé.
Tout ceci doit nous engager à protester contre l’emprisonnement de P. Ramus et à réclamer sa mise en liberté immédiate.
Le Comité en faveur de la libération de P. Ramus lance un appel au monde intellectuel et médical, qui ne peut accepter que l’on condamne des écrivains qui ne font que propager des idées en faveur de la vasectomie, idées reconnues par des hautes autorités scientifiques.
Le Comité espère qu’il sera répondu avec l’enthousiasme qui ne doit cesser d’animer les causes justes et nobles, les causes de justice et de liberté.
Le Comité pour la libération de P. Ramus.
Envoyez votre protestation à : Hem Day, boîte postale no 4, Bruxelles 9. »
Plus discrètement, d’autres affaires suivent : en avril 1935, un chirurgien impliqué dans l’affaire de Graz de 1929 est écroué durant neuf mois pour avoir pratiqué des vasectomies dans les régions de Graz et de Leoben. Son complice, un mécanicien, est écroué lui aussi. En 1937, c’est un ancien étudiant en médecine qui est arrêté à son tour, parmi d’autres vasectomistes, pour avoir stérilisé dans plusieurs villes d’Autriche. Combien sont ceux qui ne se sont pas faire prendre ? L’ensemble de ces procès autrichiens révèle que les stérilisations volontaires ont pu être une pratique significative dans certains milieux politiques et ouvriers de l’entre-deux-guerres. Les conditions de réalisation des opérations – accessibilité, voire gratuité, prise de risque, désintéressement personnel, soutien aux organisations anarchistes – font de cet acte médical un acte militant.
Parmi les praticiens présents dans ces procès figure une fratrie : Klemens et Norbert Bartosek. Tous deux sont anarchistes. Le premier, qui est chirurgien, enseigne au second la technique de la vasectomie. Impliqué dans l’affaire des stérilisations de 1932, Norbert fuit l’Autriche et voyage en Europe à partir de 1933 au sein des réseaux libertaires à qui il offre ses talents de chirurgien ès-stérilisation.
Norbert Bartosek en Espagne et la diffusion de la vasectomie au sein de la CNT-AIT (1933)
Le premier pays où Norbert Bartosek trouve refuge est l’Espagne, où il sait qu’il peut bénéficier de la protection d’un mouvement anarchiste puissant et organisé.
On retrouve sa trace à Madrid en décembre 1933, où il est arrêté à la suite d’une série de stérilisations sur des travailleurs anarchistes membres ou proches de la Confédération Nationale du Travail, section en Espagne de l’Association Internationale des Travailleurs (CNT-AIT). C’est d’ailleurs la même année qu’est publié le principal support de propagande en faveur de la vasectomie. Une brochure au titre explicite : « Vasectomia. Amor sin consecuencias » (Vasectomie, l’amour sans les conséquences), est publiée par les éditions de la CNT-AIT[4]. L’auteur est un certain Gerardo Liguda, présenté comme un militant de la Ligue internationale pour prévenir le repeuplement et par ailleurs « membre autrichien de l’AIT ». On peut sans trop s’avancer penser qu’il s’agit en fait de Norbert Bartosek.
Si l’on a pu retrouver quelques traces de stérilisations qui se seraient déroulées dans les milieux anarcho-syndicalistes espagnols, aucune affaire n’est aussi visible qu’en Autriche. La question est cependant débattue et la force du mouvement anarchiste peut laisser penser que des réseaux efficaces ont existé, et que Bartosek ne fut pas le seul à opérer. La diffusion de textes appelant à la pratique de la vasectomie suppose également la présence des moyens de s’y soumettre. Mais qui sont ces stérilisateurs ? Leur prudente clandestinité nous empêche de le savoir aujourd’hui.
Car comme l’explique dans la revue anarchiste Estudios « un médecin rural » anonyme (mais en fait bien connu comme on va le voir) : « Étant une opération non autorisée par la loi, elle doit être exécutée clandestinement, ou du moins avec une grande discrétion, raison pour laquelle peu de médecins sont disposés à la pratiquer, autrement que sur la base du profit, pour lequel les professionnels de la santé, comme tous les professionnels, sont généralement sans scrupules. Et pour être à la portée du prolétariat, l’opération doit être gratuite, ou du moins très économique[5] ».
Selon certains témoignages recueillis auprès de protagonistes dans les années 80, Bartosek semble aussi avoir opéré au pays basque, à Saint Sébastien[6]. Or c’est aussi au Pays Basque que l’on retrouve l’un des défenseurs notoires de la vasectomie, Isaac Puente, figure du mouvement anarchiste espagnol, et qui exerce comme médecin rural. Théoricien du communisme libertaire, il collabore à de nombreuses revues tant médicales qu’anarchistes, et publie dans ces dernières des articles de théorie politique comme des informations et des conseils en sexologie. En 1933, alors que Bartosek séjourne dans cette région, Puente publie anonymement – la propagande anti conceptionnelle étant toujours sévèrement réprimée sous le République Espagnole – son premier texte en faveur de la vasectomie. Son caractère de réversibilité supposée lui confère la qualification de contraceptif temporaire et entièrement efficace. Isaac Puente rapporte dans Estudios que cette méthode est la procédure la plus sûre pour éviter une grossesse et celle avec le moins d’effets secondaires. Il présente l’opération comme simple et quasi bénigne : « elle n’entraîne aucun trouble corporel ni n’altère en rien les autres fonctions organiques (…) Une simple excision de chaque côté et dans la partie supérieure du scrotum suffit à réaliser l’opération, qui à peine il nécessite un quart d’heure à effectuer, se faisant sous anesthésie locale »[7].
Puente nous amène à inscrire cette technique dans une théorisation de la conscience de soi propre au mouvement naturiste libertaire qui mêle nudisme, végétarisme, abstinence alcoolique, et proto-écologie[8]. Il fait une critique en acte de la médecine institutionnelle et défend une approche holistique de la santé qui rétablit le lien entre l’individu et son corps, entre l’environnement et l’organisme, entre l’émancipation personnelle et l’émancipation sociale.
À ce titre, si la pratique de la vasectomie à visée anticonceptionnelle fait concorder les aspirations individuelles (famille restreinte) et l’amélioration de la qualité de vie humaine, elle n’est qu’un pis-aller : « Le perfectionnement des moyens anticonceptionnels physiologiques balaiera la vasectomie.[9] » Il n’en demeure pas moins que son intégration dans le champ social, avec l’ensemble des questions relatives au corps et à la santé, lui confère un sens politique certain.
La vasectomie ne fait pas pour autant l’unanimité chez les anarchistes. Dans un article de la revue de référence anarchiste La Revista blanca, Federica Montseny s’y oppose et dénonce « cette ultime extravagance » parfois présentée comme « la panacée universelle [10]».
Si elle reconnait le droit à chacun de disposer de son corps comme il l’entend, elle met en garde contre les présentations trop passionnées de la vasectomie, où les arguments perdent le chemin de la raison en passant sous silence le fait que l’opération n’est pas systématiquement réversible. Elle rappelle aussi que la vasectomie n’entraine pas systématiquement un remise en cause du mode patriarcal, au contraire : « C’est avoir une mentalité primitive, avec une conception dépassée de l’amour et qui accepte l’institution familiale comme permanente, que de supposer que l’homme et la femme sont forcément obligés de vivre ensemble, satisfaisant sans plaisir et sans volonté le désir d’autrui. Si la femme ne s’approchait de l’homme que lorsqu’elle le voulait, sans avoir besoin de préservatifs ou de vasectomies, elle pourrait être sûre qu’elle ne serait mère que lorsque sa nature ou son cœur l’exigerait. Et non en se soumettant à aucune abstinence, mais en connaissant un peu sa constitution physiologique. Les médecins sont fatigués de répéter que, pendant tout le mois menstruel, la femme n’a que cinq ou six jours propices à la fécondation. Ceci est prouvé et rend absurde toute opération irréparable faite sur l’intégrité masculine. Apparemment, les partisans de la vasectomie sont liés à des femmes dépourvues de toute culture sexuelle et totalement dociles aux caprices de ces partisans, elles sont sans personnalité propre et sans indépendance de caractère. » Elle pointe d’ailleurs qu’un des arguments majeur utilisé par les défenseurs masculins de la vasectomie est qu’elle leur donne une vigueur sexuelle décuplée dont leurs compagnes ne se plaignent pas. Et Montseny de décocher le coup de pied de l’âne « Si les compagnes de Lapeyre sont contentes de l’excellent instrument de plaisir qui a résulté [de l’opération] pour le camarade en question, nous ne pouvons que nous en féliciter…. Mais nous ne sommes pas intéressées de savoir si [les vasectomisés] ont gagné ou si ils ont perdu dans leurs amours. »
Un débat s’ouvre également dans le mouvement anarchosyndicaliste pour bien distinguer la vasectomie, pratique volontaire et présentée comme réversible, de la castration forcée, notamment utilisée par les régimes autoritaires. Puente explique que cette confusion est maintenue par « (…) les journalistes, la police et la justice [qui] démontrent qu’ils ne savent pas en quoi consiste la vasectomie, la confondant malheureusement, comme le fait le grand public avec la castration (…) »[11]. En 1935, un article de l’anarchiste belge Hem Day publié par Estudios dénonce les objectifs politiques de la stérilisation forcée en Allemagne et présente les cas dans lesquels la stérilisation doit être rejetée[12]. Pour la même raison, l’anarchiste français Sébastien Faure écrit que la vasectomie n’est pas la castration qui est pratiquée à des fins racistes et politiques par certains gouvernements, alors que « la vasectomie: (…) est une opération bénigne et classique. Elle a pour effet de suspendre, d’interrompre pour un temps et non d’enlever irrémédiablement la capacité de se reproduire »[13].
Dans sa réponse à Federica Montseny en défense de la vasectomie, Isaac Puente tient à marquer une distinction nette avec la méthode « utilisée par Hitler pour sa campagne antisémite » et qui consiste à détruire de manière irréversible les canaux spermatiques, alors que la méthode qu’il préconise consiste en une simple ligature. Il propose d’ailleurs de différencier la vasectomie à proprement parler (du suffixe grec ec, qui signifie extirpation totale ou partielle) de « l’opération qui se pratique à des fins anticonceptionnelles, et volontaire, [et qui devrait être appelée plus proprement] vasotomie, de la particule grecque o indiquant seulement une incision ».[14]
Un autre docteur anarchiste, le Dr J. Martinez dénoncera à son tour l’eugénisme nazi, qui n’a rien à avoir avec l’eugénésisme (ou eugénisme positif) défendu par les anarchistes : « Eugéniquement, la castration est un échec et une menace pour l’humanité. Essayer de purifier le genre humain[15] en castrant des individus est une
stupidité intellectuelle et une ignominie politique, qui peut servir à se débarrasser de ses ennemis. Il existe d’autres moyens d’améliorer la race [humaine]. Le naturisme nous enseigne le vrai chemin de cette amélioration »[16].
Cette conception de l’eugénisme positif (ou eugénésisme) est invariablement commune à tous les anarchistes ibériques, pour qui l’idéal eugénique consiste pour l’espèce humaine à vivre en équilibre avec la nature comme source de santé et d’amélioration humaine, harmonie impossible à réaliser sous le régime capitaliste.
Toutefois, avec le temps et les premières expériences de vasectomies, on observe une diminution de l’enthousiasme vis-à-vis de cette méthode, qui ne s’avère pas toujours réversible. Puente lui-même écrit en juin 36 : « il faut avoir des raisons sérieuses et permanentes de renoncer définitivement à la reproduction car, bien qu’en théorie, il soit possible de la réparer, l’opération de restauration nécessite une plus grande compétence chez le chirurgien et la coïncidence de circonstances postopératoires favorables[17] ».
Cette référence de Puente à la vasectomie en juin 1936 est la dernière connue dans les publications anarchistes en Espagne. Deux mois plus tard, ce médecin est abattu par les fascistes à Vitoria.
L’Affaire des stérilisés de Bordeaux (1935)
Bartosek et le réseau anarchosyndicaliste en France
Bartosek continua son périple de réfugié et passa ensuite en France, où il continua de pratiquer clandestinement des vasectomies, avec l’appui des militants de la section en France de l’AIT, la CGTSR-AIT[1].
Muni de la recommandation de compagnons de Solidaridad Obrera, le journal de la CNT-AIT de Barcelone, il trouva refuge à Lyon chez des militants anarchistes. C’est dans ce milieu libertaire et néo-malthusien qu’il poursuivit ses opérations et sa promotion de la vasectomie. Il opéra alors en toute discrétion un certain nombre de compagnons (espagnols et italiens pour la plupart), dans l’arrière-salle d’un débit de boissons appartenant à Antoine Lagrange, alors secrétaire de l’Union lyonnaise de la CGTSR-AIT.
Bartosek fut ensuite invité par les anarchistes de Bordeaux, où il poursuivit son activité médicale clandestine assisté de Louis Harel, et d’un ouvrier anarchiste espagnol du nom de Jean Baeza.
Mais après avoir opéré une quinzaine de volontaires anarchistes et libres-penseurs tels qu’Aristide Lapeyre (l’un des fondateurs de la CGTSR), André Prévôtel, Caballero, Pauly, Larrère, Hernandez et Bielle, une dénonciation (par la femme d’un ami d’enfance de Prévotel) révéla l’affaire aux autorités qui arrêtèrent les protagonistes :
André et Andrée Prévôtel (chez qui les opérations avaient lieu) ainsi qu’Aristide Lapeyre furent arrêtés à Bordeaux les 30 et 31 mars 1935, et immédiatement incarcérés à la prison du Fort du Hâ, sous escorte policière et menottés. Le journal la France de Bordeaux et du Sud-Ouest, précise le 5 avril 1935 que « Mme Prévotel est la mère d’un enfant de 18 mois, et que les renseignements de police représentent comme une bonne mère et une bonne épouse »
Harel « homme toujours élégant et affable, jouissant de l’estime générale » fut arrêté le 4 avril dans sa « teinturerie, qu’il venait d’ouvrir avec sa femme en septembre 1934 et sur la devanture de laquelle s’étale une vignette du timbre du Comité national antituberculeux avec le portrait de Calmette « sauveur des tout-petits »[2]. Il fut aussi transféré à la prison du fort du Hâ dans une certaine confusion car l’administration de la prison n’avait pas été informée de son arrivée ! Quant à Jean Baeza, il parvint à prendre la fuite et disparu en Espagne.[3]
Enfin un mandat d’arrêt international fut lancé contre Bartosek, qui était alors passé en Belgique. Il y était notamment caché par trois insoumis français clandestins en Belgique : Ferdinand Pera, français de 46 ans (né à Francescas en 1888), René Bergé (né en 1888 à Ecosmenai) et Henri Ferjasse, jeune libertaire (né en 1911 à St Ouen) et condamné en 1933 à un an de prison par le Conseil de Guerre pour objection de conscience[4]. La demande d’extradition de Bartosek mis les autorités Belges dans l’embarras, car il n’existait aucun motif légal d’infraction pour la justifier ! « Le gouvernement français d’alors, se sentant touché dans ses intérêts les plus immédiats, réclama son extradition, mais ne l’obtint pas sans peine, car la loi belge ne prévoit pas le crime de « castration [5]». Finalement, pour garder de bonnes relations et éviter l’incident diplomatique, les autorités Belges arrêtèrent Bartosek le 1er avril puis l’extradèrent le 3 décembre, au mépris de tout cadre légal. Emprisonné au fort du Hâ, sa correspondance était particulièrement surveillée comme en témoigne une note de Prévotel parue dans le Combat Syndicaliste CGTSR-AIT du 17 janvier 1936.
Entre temps, Andrée Prévôtel fut mise en liberté provisoire le 11 avril. Toutefois elle et son mari furent immédiatement révoqués des PTT, perdant ainsi leur emploi. Aristide Lapeyre et André Prévôtel furent remis en liberté seulement le 6 juillet.
La police cherche à démanteler le réseau
Très vite la police soupçonna l’existence d’un réseau. Elle envoya des commissions rogatoires dans toute la France, à Nice, Toulon, en Dordogne, à Paris et région parisienne etc. …
La CGTSR-AIT fut particulièrement dans le viseur. Dans ses déclarations à la presse, l’inspecteur Joulin insista sur l’appartenance de Lapeyre au « syndicat révolutionnaire »[6]
11 avril 1935
Le 10 avril, la police perquisitionna le domicile de Maurice FOURCADE, secrétaire adjoint de la CGTSR et qui figurait sur la liste policière des anarchistes de la Gironde à surveiller[7].
Si la police y saisit des comptes rendus de réunion, faisant apparaitre la participation de l’anarchiste espagnol Caballeiro ou encore celle de l’instituteur landais Larrère dont les journaux de droite réclamaient la révocation de l’éducation nationale, elle ne put rien trouver pour inculper les compagnons. Aussi, faute de preuve, les investigations policières s’arrêtèrent-elles là, du moins officiellement. La police chargea la presse de faire le sale boulot de recueillir les mouchardades.
L’affaire des « stérilisés de Bordeaux » vue par la presse
L’affaire fit grand bruit dans la presse populaire, qui la popularisa sous le nom « des stérilisés de Bordeaux »[8].
Toute la presse s’acharna sur Bartosek qui parce qu’autrichien ne pouvait être qu’un agent d’Hitler.
La presse populiste utilisa tous les ressorts de la diffamation, faisant passer les libertaires de Bordeaux pour des semi-débiles, demi-fous, des illuminés membres d’une secte, des propagandistes d’idées mauvaises, des agents étrangers.
La palme revient au Journal[9] qui fit le 3 avril une description du salon de coiffure de Lapeyre qui tenait plus de l’antre d’un ogre, gardé par un « nègre » – dont on devine qu’il ne pouvait être que cannibale … il s’agissait d’Armand Maurasse, anarchiste d’origine haïtienne qui travaillait avec Aristide Lapeyre dans le salon de coiffure.
« je me suis rendu en flânant rue de la Fusterie, où se trouvait le salon de coiffure de Lapeyre. La boutique, avec sa devanture peinte au minium et ornée de filets rouge sang, ressemble plus à une boucherie hippophagique [chevaline] qu’à un institut de beauté. La peinture couvre mal un bois rongé par l’humidité.
Le premier commis de Lapeyre, qui semble avoir été aussi son homme de confiance en ce qui concerne l’exploitation du « salon », est un nègre gigantesque. Souvent il tenait le magasin en l’absence de Lapeyre, appelé pour quelque conférence dans les environs ou pour un lointain voyage. C’est un homme qui ne plaisante pas avec le délicat sujet de la stérilisation.
Je vis dès l’abord qu’il me serait difficile d’en tirer quelque chose. Mais l’affaire faillit tourner mal lorsque j’eus l’imprudence de lui demander, en termes cependant enveloppés, si son maître l’avait converti à la « cause », si enfin il s’était fait stériliser. Je dus prendre la fuite et laisser là le très fidèle gérant du beau salon vermillon. »[10]
La plupart des journaux reproduisirent en gros plan les photo anthropométiriques, certainement grâcieusement fournies par la police qui esperait certainement ainsi susciter des témoignages de gens qui auraient été susceptibles de rencontrer les prévenus, et ainsi augmenter les charges contre eux.
Le Petit marseillais de son côté insista le sur le côté inquiétant du réseau international autour de Lapeyre, chez qui la police découvrit des « documents compromettants » et des revues libertaires telles que Solidaridad Obrera ou « Terre Libre, journal nord-africain édité à Aulnay par M. Saïd (sic) Mohammed et une lettre datée de Cardiff expédiée par un M. Berlot de Saint Nazaire »[11]
La Gazette de Biarritz Bayonne Saint Jean de Luz insite sur le côté internatioanle en remontant les ramifications du réseau jusqu’en Espagne et en mentionnant les liens entre Bartosek et la CNT.
8 avril 1935
La presse populiste, avide de sang, essaya d’élargir la culpabilité de Lapeyre à la pratique d’avortements clandestins (ce qui était puni de peine de mort à l’époque …)
Mais faute de preuves, elle dû abandonner sa campagne.
De son côté L’Humanité, le journal du Parti Communiste qui ne brilla jamais pour son appui au contrôle des naissances, ne fut pas en reste déplorant que « les travailleurs anarchistes soient détournés par leurs dirigeants, au profit de pareilles billevesées, de la lutte contre leurs exploiteurs. »
Cette mise en garde du Parti Communiste contre les anarchistes qui détournent les honnêtes travailleurs du droit chemin s’explique aussi parce que certains communistes avaient bénéficié des services de l’équipe de Bordeaux, comme en témoigne le déplacement de l’inspecteur Dejean à Bayonne pour y interroger 5 membres du Parti Communistes qui reconnurent être allés à Bordeaux pour se faire opérer. Par son message de mise en garde, le Parti adressait un message clair à ses ouailles …
Une affaire de « stérilisation humaine » découverte à Bordeaux : Trois personnes appartenant aux milieux anarchistes sont arrêtées. Une quinzaine d’hommes auraient été « opérés ».
(L’Humanité, 2 avril 1935)
Une étrange affaire de « stérilisation humaine » vient d’être découverte à Bordeaux. Le 20 mars, le chef de la Sureté bordelaise était informé que trois hommes, arrivés à Bordeaux dans la nuit du 20 mars, avaient procédés à des opérations de stérilisation sur des personnes appartenant aux milieux anarchistes de la ville. Ces opérations avaient été effectuées (…) au domicile des époux Prévôtel, 6 rue Millière[12]. Une perquisition fut faite chez ces derniers, et l’on découvrit dans une cave le matériel chirurgical qui avait servi aux opérations.
L’opération pratiquée sur eux, qu’on nomme en médecine « vasectomie », consiste à pratiquer une incision qui rend l’opéré immédiatement stérile. Au point de vue juridique, l’auteur de semblables pratiques tombe sous le coup de l’article 316 du Code pénal et est passible des travaux forcés à perpétuité. Lapeyre et les époux Prévôtel sont inculpés de complicités de « crimes » visés à l’article 316. Une perquisition a eu lieu hier au domicile de Lapeyre, qui a refusé de révéler l’identité du médecin qui procéda à la stérilisation.
L’on ne peut que regretter que des travailleurs anarchistes soient détournés par leurs dirigeants, au profit pareilles billevesées, de la lutte contre leurs exploiteurs.
La question de la natalité n’est qu’une partie de la question sociale et sera résolue avec elle. Alors que toutes les forces des travailleurs doivent être tendues vers la lutte pour le pain, contre le fascisme, pour la révolution prolétarienne, la bourgeoisie ne demande pas mieux que de voir des exploités s’égarer dans de pareilles histoires. Soulignons que certains de ces chefs anarchistes, qui oublient la lutte contre la bourgeoisie, assommaient récemment des travailleurs communistes.
Une partie de la presse bourgeoise s’est immédiatement emparée de l’affaire pour faire de la propagande chauvine et xénophobe, en racontant une rocambolesque histoire « d’agents de l’étranger désireux d’atteindre la race française dans ses œuvres vives, etc. etc. »
L’affaire de Bordeaux fut également abondamment commentée dans la presse espagnole, du fait des liens de Bartosek avec les anarchosyndicalistes de la CNT-AIT espagnole. Le journal « El Heraldo de Madrid » du 6 avril publia la photo de la maison des époux Prévotel présenté comme « la casa de l’amor libre », la maison de l’amour libre, avec des sous-entendus salaces.
Du côté des anarchistes, le Docteur Isaac Puente réaffirma son engagement pour la vasectomie et sa solidarité avec les inculpés de Bordeaux avec un article dans Estudios numéro 141 qui rappelle les fait et un article plus détaillé dans la Revista Blanca de Barcelone : après avoir exposé ce qu’était la vasectomie (ou plutôt vasotomie) d’un point de vue médical, il déclare « Et maintenant non pas en tant que médecin, mais en tant que partisan de la limitation de la reproduction, je considère légitime le droit de chacun à disposer de son propre corps.La stérilisation volontaire entièrement individuelle est une question de choix.Dans le procès de Bordeaux, je suis avec les stérilisés volontaires, et contre l’Etat, qui au nom du repeuplement piétine le droit individuel à l’abstention reproductive. [13]».
Organisation de la défense des anarchistes inculpés
Alors que pendant l’interrogatoire les 3 anarchistes se montrèrent particulièrement calme et tranquilles, ce que souligne même le titres de presse les plus hostiles, l’avocat de Lapeyre fit des déclarations maladroites, cherchant à disculper son client en le faisant passer pour un être faible manipulé par une organisation mystérieuse située en Espagne œuvrant « à l’anéantissement de l’humanité par extinction de la race » :
« J’ai rendu visite ce matin aux trois inculpés ils ne sont pas le moins du monde abattus et prennent la responsabilité de leurs acte »[14]
« Nous avons ici, à Bordeaux, une centaine d’anarchistes plus ou moins connus, groupés en diverses sociétés, assez fermées d’ailleurs, dont les principales sont « Culture et Action » et « Révolution et Patrie humaine ». Presque tous les membres de ces associations sont d’anciens communistes découragés ou exaltés. Ils sont en liaison avec leurs « frères » des villes voisines, notamment ceux de Saint-Nazaire, de Nantes, de Toulouse, etc., enfin avec les groupements étrangers, principalement avec ceux d’Espagne. Il semble bien que ce soient ces derniers qui ont poussé Laperre (sic) à propager les théories anticonceptionnelles et à appliquer finalement ces mêmes théories. Il y a peu de temps encore, mon client, de son aveu même, n’était que libertaire syndicaliste, libre-penseur et pacifiste. Aucune propagande n’était faite dans les sociétés qu’il fréquentait contre la procréation. Mais, par contre, les groupements espagnols, où les théories de l’anéantissement de l’humanité par extinction de la race sont l’objet d’études poussées, conseillent vivement à leurs membres de lutter pour la stérilisation. De là à Imaginer que Lapeyre fut séduit par cette nouvelle ferme de prosélytisme, il n’y a qu’un pas. Notez bien qu’il ne connaissait pas le docteur Norbert et que celui-ci lui fut envoyé par une autorité supérieure du mouvement anarchiste. »[15] Au procès, Lapeyre assumera totalement ses idées et ses actes, en pleine conscience…
Si dans un premier temps Bartosek essaya de se présenter uniquement comme un propagandiste et non comme un opérateur, arguant que les opérations avaient été pratiquées par un « docteur anarchiste de Paris »[16] mais dont il refusait de dire le nom, il endossa rapidement l’entière responsabilité en arguant d’une part qu’il ne s’agissait pas de stérilisation et d’autre part que ces motifs étaient purement humanistes.
Le Comité de Défense Sociale, lié aux anarchistes, organisa des meetings de protestation dans différentes localités (Bordeaux, Lyon, Marseille, …) auxquels participèrent aussi des représentants des associations des droits de l’homme (LDH) voire de la gauche humaniste. Le PC lui ne s’associa à aucune des protestations.
Lapeyre et Andrée Prévôtel bénéficièrent d’un non-lieu le 4 avril 1936. Le procès des 4 autres inculpés se déroula le 29 avril 1936, comme indiqué dans un entrefilet du Combat Syndicaliste de la CGTSR-AIT du 10 avril 1936.
Le procès fit la une d’un certain nombre de journaux populaires, oscillant entre le côté vaudevillesque de l’affaire et la dénonciation des agents de l’étranger voulant affaiblir la « race » française.
Si les journaux populistes mirent en avant que le procès avait attiré un foule nombreuse, notamment « de jeunes femmes élégantes » attirées par le côté scandaleux de l’affaire, le Petit journal donne une présentation factuelle du déroulement du procès : dans « le public, guère plus nombreux que pour un procès banal, on reconnaissait quelques militants anarchistes mêlés aux auditeurs … et à un certain nombre d’agents en civils venus renforcer discrètement le service d’ordre [17]». La police était omniprésente, entourant les accusés et mêmes les témoins.
Au procès, Bartosek fit une certaine impression sur le public : « C’est un homme d’une quarantaine d’années, grand, élancé le visage salubre et les cheveux blonds, le regard vif, ayant dans son attitude un air d’aisance naturelle et d’autorité. Il parle notre langue, non seulement très correctement, mais même avec une certaine élégance que rend plus sensible son accent étranger. Il est, d’ailleurs, l’auteur d’un ouvrage sur la stérilisation, écrit directement en français.[18] ». Les journaux populaires dépeignent Bartosek sous un côté « charmeur », « « assez joli garçon qui évoque plutôt l’image d’un danseur [19]», pour insinuer qu’il aurait pu embobiner ses « victimes ». Pour la « bonne presse » il est impensable que des « vrais hommes » aient pu se prêter volontairement à cette opération, ils ne peuvent être que des naïfs qui se sont laissés abusés par un esprit pervers …
Lors du procès, les accusés ne se montrèrent pas intimidés, au contraire ! « Les inculpés avouent sans aucune réserve, en affirmant qu’ils avaient agi par humanité conformément à leur idéal philosophique.[20] ».
Bartosek «très maître de lui, franchi l’espace qui le sépare du tribunal. Le voilà penché ses notes à la main, discutant à voix basse, puis expliquant l’opération » « d’une voix douce». « Il étale un grand dessin au lavis : c’est le schéma de l’opération. Il tient à le montrer au tribunal.
Le président Chabrol. — Ça n’intéresse pas le tribunal. Aucun de ses membres n’a l’intention de se faire opérer. (Sic.)
Mais Bartosek insiste si gentiment, qu’il décide le tribunal à contempler longuement son schéma. ». Il fait l’apologie du « malthusianisme intégral »[21]. Il assume son geste pour des raisons économique et sociale (« Bartosek déclare que ses opérations ont rendu de grands services à de pauvres gens qui en temps de crise et de paupérisme eussent été bien gênés si leur famille se fût accrue »), mais aussi au nom de la liberté individuelle, et du droit de disposer de son corps.
Prévotel, « garçon de 28 ans, est grassouillet et souriant » quant à lui, est plutôt amusé de la situation. « il s’exprime avec allégresse en même temps qu’avec un savoureux accent girondin. Il déclare que s’il s’est fait stériliser, c’est parce que sa femme a failli mourir en lui donnant un enfant. ». Il fait rire le tribunal : « Et maintenant, je suis très content, très charmé. Oui, messieurs » Ce à quoi le président Chabrol réplique « Je dois dire que Prévotel, que je vois ici, n’a pas l’air de se mal porter. Il a fort bonne mine ». Prévotel : « Tout va très bien, monsieur le Président, je vous remercie. »
Sur le plan médical, « Les professeurs Channavaz, Lande et Duvergey furent invités à se prononcer ils déclarèrent que les « accidentés » pouvaient fort bien être remis sur pied »[22], ruinant par-là l’accusation de « castration ».
Faute d’assise légale, la vasectomie volontaire n’étant pas une infraction reconnue par la loi, l’accusation porte essentiellement sur les activités politiques de Bartosek, et son statut de réfugié :
« Bartosek, d’une voix douce déclare qu’il a quitté volontairement l’Autriche parce que le régime actuel, qu’il considère comme fasciste, ne lui plaisait pas. Il alla vivre en Espagne, mais les Espagnols, qui n’étaient pas encore sous le régime du Front populaire, l’expulsèrent
Le président Chabrol. — Là-dessus, vous vous êtes réfugié en France, terre hospitalière s’il en fut.
Résidant à Paris, Bartosek fut appelé à venir à Bordeaux par un comité franco-espagnol libertaire, partisan de la stérilisation par le procédé de vasectomie. »
« Le président Chabrol. — Vous ne vous êtes pas dit que vous faisiez, vous, étranger, quelque chose de contraire à notre système social et à nos lois.
Bartosek. — Je suis libertaire. Mais ce n’est pas ici le lieu de discuter les théories libertaires. »
M. Steck, substitut du procureur de la République, stigmatise dans son réquisitoire l’attitude de Bartosek.
« Le substitut Steck. — Réfugié en Espagne quand l’ordre régnait encore dans ce pays, il en a été chassé et il est venu en France, cette France qui, malgré quelques nettoyages, trop peu nombreux, hélas ! reste la terre d’élection de tous les Bartosek du vieux continent. »
On voit que la magistrature n’avait pas attendu les lois de Daladier de 1938 sur les « étrangers indésirables » pour réclamer le « nettoyage » de la France. Dès lors on ne s’étonne pas que tous les magistrats, sauf un, prêtèrent serment d’allégeance et fidélité au Maréchal Pétain en 1941 …
Bien que la loi de 1920 qui réprime la contraception et sa promotion ne mentionne pas la vasectomie, les inculpés furent tout de même condamnés, le 2 mai 1936, pour « castrations et violences » (procédure inappropriée pour une stérilisation librement consentie). Bartosek écopa de trois ans de prison, Baeza de deux ans (par contumace) et deux de ses co-inculpés, Harel et André Prévôtel, de six mois ; peines qui furent réduites en appel. La CGTSR-AIT protesta contre ces lourdes condamnations, dans l’édition du 8 mai 1936 de son journal.
Les condamnés firent immédiatement appel.
L’audience de la cour d’appel eut lieu le 1er juillet. Dans son arrêt du 8 juillet, elle confirma les motifs de la condamnation, mais diminua les peines,
ramenant notamment celle de Bartosek à un an ferme, ce qui le fit libérer immédiatement.
Le 1er juillet 1937, la chambre criminelle de la cour de cassation rendit un arrêt confirmant celui de la cour d’appel. La vasectomie était assimilée à des coups et blessures faits volontairement, avec préméditation, et « le fait que les victimes auraient consenti aux violences n’est pas exclusif de la préméditation ».
Bartosek, libéré après 15 mois de prison, retourna à Lyon. Lorsqu’éclata la Révolution espagnole, le 19 juillet 1936, à peine sorti de prison, il mit ses talents de polyglotte au service de la solidarité envers les compagnons
espagnols. Le 8 août, de Paris, il écrit à ses amis Prévôtel : « Je me trouve chaque jour au Libertaire pour faire les traductions nécessaires. Solidarité pour l’Espagne ! Il faut le crier partout, l’organiser partout, la pratiquer chaque jour, […]. Harel va partir ce soir pour Barcelone comme conducteur d’une camionnette chargée de médicaments pour la CNT et la FAI […]. Excusez-moi, je n’ai plus le temps de philosopher et je néglige même l’amour. » [23]
Avec la fin de l’expérience révolutionnaire espagnole, il chercha un nouveau refuge, notamment en Suisse (il passa quelque temps à Genève à partir de mai 1938).
En 1937, il publia une brochure « La Stérilisation sexuelle : son importance
eugénique, médicale, sociale », préfacée par l’anarchiste individualiste belge Hem Day, qui la publia dans sa collection « Pensée et action » à Bruxelles.
Pendant la guerre il s’installa en Vendée, à La Faute-sur-Mer, où il continua à pratiquer des opérations clandestines sur un nombre important de militants. Malgré les déboires judiciaires que les anarchistes bordelais eurent à subir, jamais leur détermination à disposer librement de leurs corps ne fut altérée.
« C’est quelques temps après la libération de Bartosek qu’Aristide, un jour que je passais au salon, m’informa que les opérations de vasectomie recommençaient et que si cela m’intéressait… ça m’intéressait… Quelques temps après nous partions, six dans une [voiture] qui appartenait à La Librairie des Bons Livres où j’étais employé, pour nous faire opérer chez Thérèse, une énergique et excellente militante, à la Faute-sur-Mer en Vendée. Opération et aller-retour dans la même journée, ou plus exactement un retour au petit matin pour reprendre le boulot. Et les opérations continuèrent au fur et à mesure dans toute la France jusqu’à la guerre je crois bien. »[24]
Lors de l’occupation, Bartosek s fut arrêté quelque temps à Paris au printemps 1941. Après la guerre, il retourna à Graz et au début des années 1950, il émigra en Argentine où il fit commerce de denrées importées ; il mourut à Buenos Aires en 1959.
Les autres acteurs du procès – et notamment les frères Lapeyre et Arru – organisèrent pendant l’occupation un réseau de résistance singulier, en ce sens qu’ils dénonçaient l’occupation nazi et le régime collaborationniste de Vichy, mais sans pour autant se vautrer dans le nationalisme ni se mettre sous la coupe du Gaullisme ou du Parti Communiste. Ce fut le seul groupe anarchiste à avoir une activité autonome pendant l’occupation, et il ne fait pas de doute que l’expérience tissée avant-guerre de réseau et de clandestinité pour les opérations de vasectomie explique en grande partie cette singularité.
Après-guerre, le journaliste Géo London qui avait couvert le procès de 1936 refit paraitre (en 46 et en 47) deux papiers racoleurs dans le journal populiste Ce Soir[25], tentant au passage de la faire passer pour un «collabo » ayant « endossé l’habit feldgrau ». Les vielles calomnies étaient tenaces …
Par la suite, l’affaire tomba dans l’oubli, avant d’être remise en lumière dans les années 70, à la faveur des débats dans le mouvement libertaire autour des questions de contraception.
[1] Dictionnaire des anarchistes Maitron, notice BARTOSEK Norbert
[2] Le Radical de Vaucluse, 5 avril 1935
[3] Le Petit Journal du 7 avril 1935 nous indique que « Jean Baeza, né le 2 mars 1902, à Aiméras (Espagne), est un libertaire de longue date. Il habite avec sa femme et ses deux enfants de 8 et 10 ans dans un quartier de Blanc-Mesnil, où se sont groupés un certain nombre d’anarchistes espagnols et portugais. Ouvrier plombier, il est sans travail depuis six mois et vivait jusqu’à maintenant, ainsi que sa famille, de ses indemnités de chômage. Le petit pavillon qu’il occupe 58, avenue Jean-Bart, depuis 1929, respire d’ailleurs une grande pauvreté ».Il rejoindra la Révolution espagnole en 36 et prendra part aux Groupes d’action et de résistance antifranquiste après la fin de la guerre civile. Arrêté en septembre 1939, il sera condamné à mort le 11 septembre et exécuté le lendemain au Camp de la Bota à Barcelone.
[4] Paris-soir, 4 avril 1935
[5] L’Œuvre, 3 avril 1935
[6] La Dépêche du Berry, 3 avril 1935
[7] CAC Fontainebleau 200 10216/170//
[8] Élodie Serna, L’Affaire des stérilisations de Bordeaux (1935-1936)
[9] Le Journal, quotidien national ” qui tirait, dans ses meilleures livraisons, à un million d’exemplaire www.ledauphine.com/drome/2017/08/02/l-affaire-de-la-malle-sanglante
[10] Le Journal, 3 avril 1935
[11] Saïl Mohammed, pionnier anarchiste algérien https://cnt-ait.info/category/inter/algerie/msail/
[12] On remarquera au passage que l’Humanité étalait avec complaisance les noms et adresses des personnes pourtant bénéficiant encore de la présomption d’innocence. Mais c’est vrai que ce n’étaient que des anarchistes …
[13] Puente Isaac, « Sobre la vasectomía », La Revista blanca, 27 décembre 1935, p. 7-8.
[14] Le Petit Courrier, 4 avril 1935
[15] Le Journal, 3 avril 1935
[16] e Petit Parisien, 3 avril 1935
[17] Le Petit Journal, 1er Mai 1936
[18] L’affaire de stérilisation de Bordeaux, interrogatoire de « l’opérateur » Bartosek, La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, 24 décembre 1935
[19] « La « mutilation » pratiquée sur un tiers qui y consent est-elle un crime ? », Le Journal, 1er mai 1936
[20] Le Petit Journal, 1er Mai 1936
[21] Le Journal, 1er Mai 1936
[22] L’Œuvre, 30 avril 1936
[23] Marc Prévôtel, Les stérilisés de Bordeaux, Réfraction, n°7, automne 2001.
[24] Témoignage de René Sauliere, dit André Arru, Les cahiers des amis d’Aristide
Lapeyre, numéro 2. Bordeaux, avril 1986, p. 21.
[25] Géo London, « Comment Norbert Bartosek stérilisa quinze bordelais naïfs qui, de bonnes grâces, se prêtèrent à l’opération », Ce soir, 19 janvier 1947
Témoignage d’un « stérilisé volontaire »
En 1978, après la parution d’un article sur la vasectomie dans un journal libertaire, Camille Malan, lui-même opéré par Norbert Bartosek à la Rochelle, livra son témoignage sur comment était pratiqué l’opération :
« J’étais alors boulanger à La Rochelle Pallice, et le lendemain matin [de l’opération], j’ai été livré mon pain comme d’habitude. […] ». « Ma maison […] était la plaque tournante pour recevoir ceux qui étaient convoqués. Un camarade, employé des Ponts et Chaussées, venaient les prendre, et les emmenaient, à tour de rôle, chez un autre camarade de La Rochelle, où Norbert opérait. Bien que je connaissais ce camarade, je ne savais pas que ça se passait chez lui, car il était bien entendu entre nous que nous ne poserions pas de questions [..]. Il en est venu de Belgique, d’Algérie, et un petit peu de tous les coins de France. » « À Bordeaux, il opérait dans l’appartement d’un de nos amis [Prévôtel] qui était postier, et l’administration des postes l’a obligé à donner sa démission à la suite de cette affaire […]. ».
« Un hasard de circonstance malheureuse a mis fin momentanément à l’activité si précieuse de « Nono » (comme nous appelions dans l’intimité Norbert). Un de nos camarades s’est fait opérer sans en prévenir sa femme, sachant qu’elle ne serait pas consentante. Il lui arrivait quelquefois d’avoir des crises d’épilepsie, et cela Nono ne le savait pas. De retour chez lui, ce camarade a eu une crise presque aussitôt. En déboutonnant le pantalon, comme elle en avait l’habitude dans ces moments, sa femme a aperçu les pansements, et a fait venir le docteur, lui disant qu’on avait mutilé son mari, et c’est ce docteur qui a fait venir la police. Nono a été mis en prison aussitôt […]. Nous avons tous témoigné en sa faveur en disant que nous n’étions pas mutilés et que nous pouvions en apporter la preuve ; qu’il n’y avait rien de changé sur notre santé, notre activité, et nos aptitudes conjugales ; il n’y avait que la semence qui était négative. Et, un peu plus tard, Norbert a été libéré ; il était Tchécoslovaque [autrichien de Slovénie en fait], et il n’est pas resté très longtemps en France ensuite ; la guerre de 1939 est arrivée et nous l’avons perdu de vue”.[23]
La mobilisation pour la défense des « stérilisateurs » de Bordeaux
BORDEAUX
Un scandale judiciaire !
Au nom de la morale ! de leur morale !
pour protester contre cette iniquité, Assistez en masse au meeting placé sous la présidence d’honneur de Victor Margueritte avec la présence notamment de Paul Lapeyre pour la CGTSR, Boudoux de la Fédération nationale du
bâtiment [CGTSR], Costedoat (SFIO), Maudet (Comité national de la Ligue des Droits de l’Homme), Barrué (Fédération Unitaire de l’enseignement), Aristide Lapeyre (Groupe anarchiste Culture et Action), Georges Pioch (homme de lettres)
A noter que sur Bordeaux la Libre Pensée se dissocia de Lapeyre dès le début de l’affaire. Ainsi on peut lire dans le journal la France de Bordeaux et du Sud-Ouest du 2 avril 1935 :
« Ce que nous dit un militant de la libre pensée au sujet de Aristide Lapeyre
Un militant nous a déclaré ce qui suit : “Je connais Aristide Lapeyre depuis de nombreuses années. je ne partage nullement ses vue libertaire et mes camarades sont dans mon cas. Aristide Lapeyre était admis à faire, sous sa responsabilité personnelle, des conférences dans les milieux de libre pensée, non sur des sujets libertaires, mais sur des points touchant les dogmes. Il ne fait pas partie de notre bureau fédéral. Lapeyre était un garçon “très arrêté” dans ses idées, mais correct. C’est tout ce que je puis dire.
Ainsi, la libre pensée, qui admet – son titre l’indique – l’expression de toutes les opinions pourvu qu’elles soient sincères et qu’elles ne troublent pas l’ordre ne peut nullement être atteinte par l’arrestation d’Aristide Lapeyre. Je tiens à vous faire cette déclaration, car d’aucun ne manqueront pas d’englober nos groupements dans cette affaire où ils n’ont que voir.”
MARSEILLE
LYON
Comité Bartosek et Comité de Défense Sociale
Un scandale judiciaire !
Au nom de la morale !
De leur morale !
Le 2 mai passé, à Bordeaux, des juges de correctionnelle se sont permis, en marge du Code et au nom de leur parti pris, de condamner :
Norbert Bartosek à 3 ans de prison et 10 ans d’interdiction de séjour ;
Jean Baesa à 2 ans de prison et 10 ans d’interdiction de séjour ;
Louis Harel à 6 mois de prison et 5 ans d’interdiction de séjour ;
André Prévôtel à 6 mois de prison et 5 ans d’interdiction de séjour ;
pour « délit » de stérilisation humaine. Or ce délit n’est pas prévu par la loi.
Pour protester contre cette iniquité, assistez en masse au Meeting qui aura lieu le mardi 9 juin, à 20 h 30. Salle Émile-Zola, à l’Unitaire – 129, rue Boileau à Lyon
y prendront la parole Lequertier (Fédération socialiste du Rhône), Émery (Ligue des droits de l’Homme, Front social), Branche (avocat du CDS), Georges Pioch, homme de lettres
Que notre appel soit entendu par toutes les organisations et individus qui ont à cœur de défendre la liberté individuelle (ce droit sacré de l’homme). Nous invitons particulièrement : l’Union des Syndicats confédérés, les intellectuels anti-fascistes, la Patrie Humaine, la Libre Pensée, les rassemblements de femmes de toutes les tendances, les Jeunesses socialistes révolutionnaires, la Ligue des droits de l’Homme, le Front social et Jeunesses frontistes, les syndicats de la CGTSR, les Jeunesses syndicalistes et révolutionnaires, les groupes libertaires de Lyon et de Villeurbanne, etc., etc.
Participation aux frais : 0 fr. 50 — Entrée gratuite pour les chômeurs
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Sélection d’articles parus dans les journaux anarchistes de l’époque
CE QU’IL FAUT SAVOIR SUR L’AFFAIRE DES « STERILISATIONS DE BORDEAUX »
(tract paru dans la Conquête du Pain, vendredi 12 Avril 1935, dossier « machination policière à Bordeaux »)
1° La « vasectomie » (résection du canal spermatique) n’a rien de commun avec la « castration » (ablation des testicules). Elle ne porte atteinte ni à la vitalité, ni à la personnalité du patient, elle n’est pas dangereuse elle n’entraine pas I ‘impuissance.
2° La « vasectomie » – telle qu’elle fut pratiquée à Bordeaux n’entraîne qu’une stérilité provisoire. L’opération inverse reste toujours possible. La vasectomie n’est donc pas une « mutilation ».
3° La « vasectomie » n’est interdite par aucune disposition du Code. Traquée arbitrairement en France dans un but de répression politique, elle est autorisée en Allemagne et en Angleterre, et certains gouvernements l’appliquent obligatoirement aux individus tarés.
4° La « vasectomie » n’apporte pas la solution de la question sociale (qui implique l’abolition de l’autorité et du profit). La « vasectomie » n’est pas objet de propagande, pas plus que l’opération de l’appendicite. La « vasectomie » est un moindre mal social par rapport à la mortalité infantile effroyable causée par la misère dans les foyers des chômeurs charges de famille et par rapport à l’avortement clandestinement pratiqué, lequel tue ou mutile en France trois cent mille femmes par an.
5°· Les poursuites contre la « vasectomie » sont le prétexte hypocrite inventé par les maîtres de l’heure pour diffamer et emprisonner les militants libertaires, et mettre fin à leur .propagande syndicaliste, pacifiste et· révolutionnaire au moment où Je Comité des Forges prépare une nouvelle guerre.
ASSEZ DE MENSONGES !
LIBEREZ LES EMPRISONNES !!
NOURRISSEZ CEUX QUI ONT FAIM !!!
L’Alliance Libre des Anarchistes de la Région du Midi
Appel disponible auprès du journal : La Conquête du pain, 39, rue de Bretagne, Paris
Les Stérilisations de Bordeaux et la Vasectomie[24]
(Terre libre, ANNÉE. II NUMÉRO 13, MAI 1935.)
La retentissante affaire des libertaires bordelais, accusés de pratiquer des « opérations de stérilisation sur des êtres humains», nous a montré une fois de plus ce que peut la presse stipendiée de droite et de gauche dans le domaine du mensonge et de la calomnie.
Devant le flot d’insanités déversé sur nos camarades, on ne peut s’empêcher d’évoquer le remarquable procès des stérilisateurs autrichiens qui se déroula devant la Cour d’assises de Graz (Autriche) du 6 juin au 4 juillet 1933. Comme on se le rappelle, les quotidiens nationaux et internationaux avaient présenté Pierre Ramus et ses amis comme d’abominables criminels qui, pour s’enrichir, mutilaient affreusement les hommes. Mais le procès ayant démontré l’inanité de ces stupides accusations, la Cour, après deux jours de délibérations, acquitta tous les accusés.
Il est inouï de constater la mauvaise foi, l’ignorance et la malfaisance de tous les larbins de la plume, confondant à dessein pour les besoins de leur criminelle cause : vasectomie et castration, afin de ridiculiser et de frapper ensuite les militants anarchistes.
Si tout le monde connait ce qu’est la castration, combien en est-il qui connaissent la vasectomie ? son véritable rôle dans la société et en quoi consiste cette bénigne opération ? C’est le docteur William Belfied de Chicago qui, le premier en 1907, exposa les bienfaits de la vasectomie. Des expériences appliquées en Amérique sur certains condamnés, connurent le plus .grand succès. La vasectomie étant le plus simple et le plus efficace de tous les moyens anticonceptionnels, son procédé offrant la plus grande garantie et ne présentant aucun risque pour la santé des opérés, un grand nombre d’Etats et tout récemment l’ Allemagne hitlérienne, reconnaissant qu’il y a un intérêt primordial à empêcher la reproduction des dégénérés, tarés, criminels, etc… ont décrété ce genre de stérilisation.
Poursuivant les études de la vasectomie, le célèbre professeur Eugen Steinach pratiquait cette opération comme complément de la prostatectomie et pour combattre les effets de la vieillesse prématurée. On sait que, si un organe a deux fonctions et que l’une d’elles soit annulée, l’autre devient plus active et concentre en elle le fonctionnement de l’organe. Or, le testicule a deux fonctions : celle de produire les spermatozoïdes et celle de produire une sécrétion qui passe dans le sang, causant certains caractères sexuels et modifications psychophysiologiques. Il est prouvé que la vieillesse prématurée est due à la diminution de cette sécrétion interne, de laquelle dépend la vigueur du corps et la bonne disposition au travail.
L’opération de la vasectomie n’entraîne aucune altération des autres fonctions organiques ; au contraire, elle a une influence favorable sur la santé et contribue même à la guérison de certaines maladies chroniques.
En 1927, reprenant la théorie du docteur Steinach, qui qualifiait cette opération de « rajeunissement » et en réservait le bénéfice aux gens riches, le docteur Schmerz, grand chirurgien à l’Université de Graz, fit de la vasectomie une question sociale et eugénique en opérant d’une façon tout à fait désintéressée des hommes de la classe ouvrière, surchargés d’enfants, qui n’en voulaient plus ou n’en pouvaient plus élever d’autres.
Avec un peu d’habitude, l’opération se fait rapidement, en trois ou quatre minutes, après simple anesthésie locale. Cette opération consiste dans la ligature ou le sectionnement de chacun des deux canaux qui conduisent le sperme du testicule à la vésicule. Les opérés conservent le désir du coït et peuvent le satisfaire ; leur érection est normale ; l’éjaculation, composée principalement de liquide prostatique, est légèrement diminuée, mais la volupté n’est pas abolie (l’orgasme n’étant en rien diminué). L’homme ainsi stérilisé n’est pas « châtré », ni «impuissant», il ne lui manque que la faculté de fécondation : les spermatozoïdes sont absents de son éjection, ainsi qu’on peut le constater au microscope.
La vasectomie offre encore cet avantage que l’homme vasectomisé peut jouir à nouveau de sa capacité fécondatrice en· subissant l’opération inverse, à la condition toutefois qu’elle ne soit pas faite plus de cinq années· après la première opération. Pour cela, il suffit de rétablir la communication des canaux déférents, ce qui permet aux spermatozoïdes de pénétrer dans le liquide séminal. En un mot, c’est comme si l’on rétablissait le courant électrique d’un fil coupé.
L’opération de la vasectomie peut être également réalisée sur la femme par la ligature des trompes de Fallope, mais elle est beaucoup plus sérieuse et même périlleuse. ‘
D’après Eugen Relgis « … il n’est pas exagéré de considérer la vasectomie comme une véritable révolution, non seulement dans le domaine de l’eugénisme, mais aussi dans le domaine social. On peut même affirmer qu’elle est à la base de la régénération de l’espèce humaine, des réformes sociales qui mèneront à la disparition de tant de maladies héréditaires ». De plus, c’est un procédé admirable de limitation des naissances, limitation plus que jamais nécessaire, car la surpopulation sans frein et sans contrôle est un des principaux facteurs qui engendrent la guerre comme l’a magistralement démontré Manuel Devaldès dans son magnifique ouvrage « Croître et Multiplier, c’est la guerre ».
A tous les points de vue : scientifique, biologique, éthique, eugénique, individuel, social et humain, la vasectomie, si nous en croyons certaines sommités du monde médical, peut être considérée à juste titre comme une merveille pour l’humanité. ·
Mais hélas ! dans un pays gouverné par le sabre et le goupillon, où l’infect « lapinisme» est proclamé vertu, se faire volontairement vasectomiser est pour les ignares repopulateurs un crime impardonnable de lèse-patrie.
L’inique et scélérate loi du 31 juillet 1920 ne suffisant plus, les pourvoyeurs de charniers réclament dans leur délire des sanctions encore plus sévères.
Plus que jamais, la liberté individuelle est bafouée
Et ici se pose la question : une société qui laisse lentement mourir de faim et de misère des millions et des millions d’êtres humains (alors que les greniers sont pleins et que les magasins regorgent de produits de toute sorte), a-t-elle le droit d’empêcher et de punir des hommes conscients, animés du plus noble Idéal humain, de ne plus vouloir appeler d’autres élus à la misère ? A-t-elle le droit, cette société, de parler de mutilation, alors que pour de sordides et inavouables intérêts, décrétant d’infernales guerres, les corps sont broyés.
Non, vraiment, en fait de stérilisation, en entendant ce concert d’anarchophobie, on est en droit de se demander si tous ces odieux aboyeurs, ces chiens malfaisants, ne sont pas eux, stérilisés du cerveau !
Louis Boué.
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L’affaire des stérilisations
(La Voix Libertaire, n°301, 11 mai 1935)
J’ai été appelé il y a quelques jours, au siège de la police d’Orléans, pour expliquer pourquoi je figurais sur une liste de noms portés sur un carnet saisi sur Norbert Bartosek, lors de son arrestation à Bruxelles. J’apprends que tous ceux qui figuraient sur ledit carnet ont été ainsi interrogés, et certains cuisinés.
On pourrait écrire un article sur l’inconvénient de conserver sur soi des listes d’adresses. Mais passons. Je me contenterai de dire qu’on ne saurait jamais prendre trop de précautions. Parmi ces adresses se trouvent celles de camarades étrangers, qui risquent plus ou moins d’être inquiétés.
Toute le monde peut se procurer mon adresse, qui figure sur plusieurs annuaires, l’En dehors [le journal d’E. Armand] indique quand on peut me découvrir à Paris, si on éprouve ce désir ou ce besoin. J’ai rencontré Bartosek une ou deux fois. Je me suis entretenu avec lui de la vasectomie, dont il se déclarait le propagandiste, j’ai discuté avec lui, je lui ai opposé quelques objections, auxquelles il a répondu, etc.
Mais d’abord, est-ce que ces poursuites, cette procédure, ces investigations ont une base légale ?
Ces messieurs [de la police] ne se disent pas a-légaux, ils se piquent de légalité ; ce ne sont pas des hors-la-loi, tels de vulgaires an-archistes. Ils se tiennent, disent-il, en dedans de la loi.
Quand on leur parle de la libre disposition que chaque humain devrait avoir de sa personne, de son corps, ils ne comprennent point. Le corps d’un individu ne lui a jamais appartenu, à vrai dire. Vouloir que son corps soit à soi est une revendication, et non une réalisation. Le corps de l’individu humain a appartenu au maître, à la Cité, à l’Etat, aux prêtres, à Dieu, à la patrie, à l’employeur, à la loi, à la moralité en cours, à toutes sortes d’institutions extérieures. Il en est de même aujourd’hui, mais voici qu’en plus, il appartient à la race, à la collectivité.
L’avenir de la race exige une procréation de X enfants au moins : pour que la collectivité puisse se réaliser dans tel ou tel sens, les femmes doivent enfanter ; il est contre la moralité en vigueur de se rendre stérile ou d’employer des moyens destinés à limiter la reproduction humaine. On peut considérer qu’actuellement les conceptions de maternité et de paternité volontaires sont contraires à la légalité et à la morale officielle. Tout est donc à conquérir dans ce domaine. Les pays mêmes où existent des cliniques où l’on examine les femmes qui demandent conseil pour savoir si procréer davantage ne nuirait pas à leur santé ou qui exposent que leur état spécial misérable ne leur permet pas d’élever plus d’enfants qu’ils n’en ont déjà – ces pays-là n’acceptent ces cliniques qu’en renâclant, mettant toutes sortes d’obstacles à la diffusion des traités relatifs aux anticonceptifs et des moyens d’éviter la conception, etc.
Mais, pour en revenir à l’affaire des stérilisations de Bordeaux et à la vasectomie, les poursuites engagées à ce sujet sont-elles légales ?
Dans notre code, la vasectomie ne figure pas.
Et il est si évident que ce procédé ne tombe pas sous le coup de la loi que nous le voyons décrit dans des livres édités par des maisons d’éditions qui ne sont ni scientifiques ni médicales, maisons qui se garderaient bien de laisser décrire des moyens anticonceptionnels, ce qui démontre bien qu’elles considèrent la vasectomie comme un cas non prévu par le Code Pénal.
Je citerai un exemple convaincant, extrait de la Science de la Procréation, 12° volume des « Etudes de Psychologie Sexuelle », par Havelock Ellis, traduction Arnold van Gennep, édition du « Mercure de France ». Il s’agit d’un docteur établi aux Etats-Unis, et qui adresse une lettre à l’auteur du volume (pages 225 et 226) : « les troubles nerveux, la nécessité de garder mon sang-froid, qu’exigent les méthodes préventives, me fatiguèrent de plus en plus et, finalement, j’exposai mon cas à un de mes confrères ; il me garantit l’opération et, d’accord avec ma femme, je me fis rendre stérile en ayant le vas deferens de chaque côté sorti par une entaille dans le scrotum, puis lié en deux endroits par un fil de soie. L’opération eut lieux après injections anesthésiantes de cocaïne et ne fut pas très douloureuse bien qu’elle l’ait été à certains moments. Je n’abandonnai pas mon cabinet un seul jour ni ne fus gêné sérieusement d’aucune manière. Au bout de six jours, les agrafes dans le scrotum furent enlevées, trois semaines après j’ôtai le suspensoir qui m’était imposé par la sensibilité extrême du scrotum et du pénis (A noter qu’il s’agit là d’une opération remontant à plus de 25 ans).
Comment un individu quelconque, ayant lu cette description dans un ouvrage qu’on peut se procurer partout, pourrait-il imaginer qu’une telle opération est punissable ?
Alors qu’il sait parfaitement bien qu’une description des moyens anticonceptionnels l’exposerait à des poursuites le volume où elle paraitrait.
Nos camarades de Bordeaux, l’opérateur et ses aides, quels qu’ils soient, sont donc fondés à protester contre les poursuites dont ils sont l’objet, et à les taxer d’arbitraires. Les légalistes doivent donner l’exemple. Et il est à regretter que dans les journaux d’avant-garde on ne donne pas plus d’ampleur aux protestations dans ce sens, eux dont les rédacteurs sont si souvent en butte aux rigueurs de la loi – la loi expression et état d’un « contrat social » qui leur a été imposé dès le jour où le hasard les a jeté sur la planète, contrat social qui leur a été imposé avant même d’en discuter les termes.
E. Armand
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SAUVONS LAPEYRE ET LES AUTRES !
(La Conquête du Pain, vendredi 12 Avril 1935, dossier « machination policière à Bordeaux « )
L’affaire des stérilisations de Bordeaux, gonflée de vent et de ragots d’indicateurs, défraye la chronique en amusant les lecteurs. Le délayage semble néanmoins tirer à sa fin, et l’affaire menacée plus du silence que du bruit. Les partisans de la stérilisation doivent à la Grande Pourrie [la presse] une belle chandelle : jamais semblable publicité ne fut faite à leur cause. Aux dires du Matin, on arriverait presque à penser que toute la bonne ville de Bordeaux fut vasectomisée ! Aussi, n’était la longue détention arbitraire et les sanctions dont on menace nos amis, ces histoires de croquemitaine nous feraient rire – et on dirait qu’à ce sujet le spirituel La Fouchardière[25] et le Canard Enchaîné ont seuls donné le vrai ton.
Le but de ces genres de romans-scandales n’est, ne l’oublions pas, que de discréditer nos propagandistes et de les réduire au silence – et on sait quel actif militant est Lapeyre, par ses conférences, journaux, etc. C’est avec de semblables affaires qu’on discrédita et emprisonna les Sébastien Faure et les Armand, pour ne citer que ceux-là.
Le chantage à la stérilisation devient si évident, qu’on commence à gonfler une autre baudruche : après la stérilisation, l’avortement. N’ayant pu établir, et pour cause, que Lapeyre ait fait le « rabatteur », on veut en faire un « faiseur d’anges ». Sur quoi base-t-on l’accusation ? Sur la saisie, parait-il, de quelques instruments chirurgicaux, faite à la faveur d’une effraction policière, dite perquisition. Mais de ce qui devrait constituer l’accusation proprement dite, à savoir les dénonciations ou accidents, nenni. Or, la détention d’instruments plus ou moins prohibés n’en implique pas l’usage, non plus que la propriété. S’il fallait boucler tous les gens qui détiennent des « choses défendues », ne pourrait-on pas mettre une bonne partie des citoyens à l’ombre ? La correspondance ? Mais les allusions qui peuvent y figurer ne prouvent pas la matérialité des faits, et on sait que la police ne se fait pas faute d’envoyer de ces « missives » à la teneur compromettante. Le tort est ne pas détruire parfois sur le champ ces lettres-traquenards.
Le plus triste est de voir les échotiers [journalistes] dits d’avant-garde rivaliser dans le dénigrement avec la grande presse. N’étalons pas ici ces inepties de « collectivistes »[26] qui ne savent que se mépriser eux-mêmes, et dont le leitmotiv est toujours : « Fi de l’individu, je sers une sert une cause » ! Pourtant ces reproches d’indifférence, voire de trahison envers la chose sociale, adressés à Lapeyre, sont plus que déplacés, car il est de ceux auxquels la réalisation immédiate ne faisait pas perdre de vue le but.
Les échotiers de la « Grande » jubilent de pouvoir écouler leur intarissable bave sur un adversaire – irréductible à coup sûr. Avant même d’avoir établi le délit d’avortements, voilà qu’on accuse Lapeyre de les avoir pratiqués par esprit de lucre. Ce n’est pas tout. Les dits échotiers découvrent ou rapportent encore que c’est un « hâbleur », un « cuistre », un « faisant », etc. On s’y attendait. La cause est entendue.
Le crime de Lapeyre, c’est d’être un actif propagandiste, un autodidacte averti, un animateur de journaux locaux, un camarade serviable et désintéressé. On ne peut le condamner pour avoir joui de son imprescriptible droit d’user et d’abuser de son corps. C’est pourquoi son « affaire », qui n’en est pas une, est du pur chantage policier.
Nous avons compris. Nous veillerons.
C. Styr-Nhair
P. S. – -La France de Bordeaux du 5 avril fait remarquer que Lapeyre ne fait jusqu’alors l’objet d’aucune inculpation d’avortement. Paris-Midi du 9 avoue lui aussi que « l’enquête n’a pu établir des faits de manœuvres abortives ». Mais le dit journal annonce sur le même jour que « l’affaire ne viendra pas devant la justice avant six mois… Pendant ce; temps-là … » Aussi nous espérons que des initiatives sauront se faire jour pour prendre la cause de nos amis en main. Que feront les organisations de libre-pensée et la Ligue des Droits de l’Homme, pour défendre la liberté individuelle qu’ils affirment leur être si chère ?
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L’affaire Bartoseck
(La Voix Libertaire, n° 332, samedi 6 juin 1936)
Avril 1935, voici bientôt un an que mon ami Bartoseck, qui venait de débarquer à Bruxelles, se faisait enlever par la police bruxelloise.
J’avais eu à peine le temps de le voir, de bavarder quelques instants avec lui. A midi, nous avions pris rendez-vous pour parler de tout ce qui nous tenait à cœur. Je ne devais plus le revoir en liberté. A peine avais-je quitté N. Bartoseck qu’il était arrêté. Un mandat de capture avait été lancé par un juge d’instruction de Bordeaux pour l’affaire de stérilisation.
Ce sont les journaux qui m’apprirent le délit dont mon ami était l’objet. La presse fit bien les choses, si j’en juge par l’ampleur qu’elle donna à l’affaire.
Jamais cependant, je n’ai lu autant de stupidités sur le problème soulevé par l’acte d’accusation.
Pour nombre de journalistes, la confusion entre castration et stérilisation était flagrante. Misère de l’ignorance, que de maux on commet en ton nom !
Bartoseck, arrêté, fut écroué à la prison de Forest-lez-Bruxelles, en attendant d’être extradé. C’est ainsi que la Belgique entendait respecter un droit sacré, le droit d’Asile.
Il fallut obvier dare-dare aux manœuvres policières internationales. Jusqu’à la dernière minute, j’avais espéré, vu qu’un socialiste détenait le portefeuille du ministère de la Justice, que les choses en resteraient là. Je dus déchanter.
Fin de l’année 1935. N. Bartoseck était extradé et livré aux juges· de France.
La détention au Fort de Hâ, à Bordeaux, se prolongea. On refusa de le remettre en liberté provisoire, et le 2 mai dernier, le tribunal correctionnel rendait son jugement dans l’affaire dite des « stérilisateurs ».
Tout faisait prévoir un minimum de peine, une condamnation de principe, puisque les experts du tribunal avaient admis que les « opérés » pouvaient fort bien être remis dans leur état premier.
Un simple délit, coups et blessures légères et sollicités, c’est tout ce qui restait comme base à l’accusation. Elle devait crouler toute entière après la présentation de la défense, N. Bartoseck d’abord, pour ce qui est de la partie technique, et Maître Charpentier, avocat à la Cour de Paris, pour ce qui est de la partie juridique.
Coût de théâtre, le tribunal se prononce de parti-pris. Au nom de la morale, les juges condamnent Norbert Bartosek à 3 ans de prison, 10 ans d’interdiction de séjour ; ses amis Baesa Jean à 2 ans de prison, 10 ans d’interdiction de séjour, Harel Louis à 6 mois de prison, 5 ans d’interdiction de séjour, Prévôtel André, à la même peine.
72 mois distribués pour un délit qui n’est pas prévu par la loi, tel est le scandale judiciaire qui vient de se dérouler.
Déjà de partout s’élève des protestations. La Ligue des Droits de l’Homme proteste contre le verdict qui est un défi à la Justice et à l’équité.
L’article 311 du Code pénal ne peut être invoqué pour justifier pareille condamnation.
En interprétant étroitement l’article 311, le tribunal s’est abusé et sanctionne une inculpation sans fondement.
Il appartient aux organisations qui ont à cœur de défendre la liberté individuelle de protester contre cette iniquité.
Hem Day
[1] Texte largement inspiré d’un extrait d’un article consacré à la vasectomie volontaire dans l’Europe de l’entre-deux-gouerres : Élodie Serna, « Médecine clandestine et vasectomie volontaire dans l’Europe de l’entre-deux-guerres », Histoire, médecine et santé, 4 | 2013, 91-104 et complété par des recherches personnelles dans les archives militantes en France, Espagne et Autriche
[2] BARTOSEK Norbert, La Stérilisation sexuelle…, op. cit., p. 12-36.
[3] Communiqué de Comité anarchiste de défense du droit de la vasectomie en Autriche, 26 décembre 1932. IIHS Amsterdam fonds Ramus 239.
[4] Gerardo LIGUDA, Vasectomia, Amor sin consecuencias, Valencia, Solidaridad Obrera, 1933.
[5] Estudios, 1933, n ° 118, p. 25
[6] Interview de J. Angel Aransaez Cacicedo, Manuel Chiapuso Hualde, Emiliano Serna Martinez. « Protagonistas de la historia vasca (1923-1950). Ciclo de mesas abiertas, 21-23 mayo 1984 », Cuadernos de sección Historia-Geografía, vol. 7, Soc. de Estudios Vascos, 1985, p. 156-157.
[7] Un medico rural, « La Vasectomia », Estudios, n 118, 1933, p. 24-25.
[8] MASJUAN BRACONS Eduard, La Ecología humana en el anarquismo ibérico: urbanismo “orgánico” o ecológico, neomalthusianismo y naturismo social, Barcelone, Icaria, 2000.
[9] Puente Isaac, « Sobre la vasectomía », La Revista blanca, 27 décembre 1935, p. 7-8.
[10] MONTSENY Federica, « Dos palabras sobre la vasectomía », La Revista blanca, 29 novembre 1935, p. 9-10.
[11] “El “affaire” de la esterilización de Burdeos”. Estudios, 1935, n° 141, p. 17
[12] Estudios, 1935, n° 139
[13] Estudios, 1935, n ° 142, p. 5
[14] Puente Isaac, « Sobre la vasectomía », La Revista blanca, 27 décembre 1935, p. 7-8.
[15] Dans le texte espagnol original, le terme employé est « raza », la race. Dans le contexte anarchiste des années 1930, ce terme signifiait « la race humaine », identifiant la race à toute l’espèce humaine. Mais vu l’évolution que ce terme a connue depuis, et pour éviter toute erreur d’interprétation je l’ai traduit par « genre humain » qui m’a semblé mieux rendre compte de l’idée exprimée par l’auteur. Note du Traducteur
[16] Estudios, 1937, n° 162, p. 23
[17] Estudios, juin 1936, n° 154, p. 14
[18] Dictionnaire des anarchistes Maitron, notice BARTOSEK Norbert
[19] Élodie Serna, L’Affaire des stérilisations de Bordeaux (1935-1936)
[20] On remarquera au passage que l’Humanité étalait avec complaisance les noms et adresses des personnes pourtant bénéficiant encore de la présomption d’innocence. Mais c’est vrai que ce n’étaient que des anarchistes …
[21] Puente Isaac, « Sobre la vasectomía », La Revista blanca, 27 décembre 1935, p. 7-8.
[22] Marc Prévôtel, Les stérilisés de Bordeaux, Réfraction, n°7, automne 2001.
[23] https://lignesdeforce.wordpress.com/tag/norbert-bartosek/
[24] Article favorable à la stérilisation, a-critique sur la stérilisation forcée en Allemagne, présentant la vasectomie comme « la merveille qui va régénérer l’humanité » !
[25] Georges de La Fouchardière, journaliste au Canard enchaîné. De conviction anarchiste et profondément pacifiste, il fut un adversaire endurci du clergé, de l’armée et du militarisme.
[26] Les membres du Parti Communiste
Texte extrait de la brochure La légalisation de l’avortement pendant la Révolution espagnole
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Visuel de 2021 pour la promotion de la vasectomie (source : groupe Facebook « femmes libertaires »)
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“La Vasectomía”
Un médico rural [Isaac Puente]. Estudios 118, 1933, pp. 24-25.
De todos los medios anticoncepcionales propuestos y ensayados hasta la fecha hay que citar a la vasectomía como el procedimiento que ofrece mayores garantías de éxito y el que menos preocupaciones acarrea. Proporciona una esterilidad absoluta y permanente, sin requerir ningún cuidado ni precaución preventiva, teniendo la ventaja de que puede repararse por una operación sencilla, la que hace recuperar la anterior potencia fecundadora.
Consiste en una sencilla operación, exenta de riesgos y que no trastorna la vida ordinaria, ni obliga a abandonar las habituales ocupaciones. Se limita a ligar o seccionar el conducto que en cada lado lleva el esperma del testículo respectivo a las vesículas seminales, lo que no impide ni la potencia sexual, ni el placer del orgasmo, ni la eyaculación;pues el semen se sigue produciendo con la única diferencia, apreciable sólo al microscopio, de no contener espermatozoides. No produce la menor mutilación ni acarrea ninguna suerte de anulación o invalidez. El hombre disfruta en la misma medida que antes de la vida sexual, pues como hemos dicho, el efecto sólo lo comprueba el análisis microscópico del esperma y la esterilidad que se produce en las relaciones sexuales.
Esta operación «e practica con otros fines, como para completar la prostatectomía y para combatir los efectos de la vejez prematura. Es un hecho de observación perfectamente comprobado, que cuando un órgano tiene dos funciones, si una de ellas se anula, la otra se activa, concentrándose en ella la actividad del órgano. El testículo tiene dos funciones: una, la de producir los espermatozoides; otra, la de producir una secreción, que pasa a la sangre, y produce, al difundirse por el cuerpo ciertos caracteres y modificaciones. De esta secreción depende el que el crecimiento se detenga, que se establezcan los caracteres sexuales secundarios que distinguen al varón, como la voz gruesa, el desarrollo del vello, la disposición de la grasa subcutánea y el impulso sexual. Está comprobado también que la vejez prematura es debida a la disminución de esta secreción interna, y que con ella tiene relación el vigor corporal y la buena disposición para el trabajo.
La operación no acarrea ningún trastorno corporal ni altera en lo más mínimo las demás funciones orgánicas. Por el contrario, puede influir favorablemente sobre la salud y hasta se ha logrado la curación de algunos padecimientos crónicos. Una simple escisión a cada lado y en la parte alta de las bolsas, basta para realizar la operación, que apenas exige un cuarto de hora para realizarse, haciéndose bajoanestesia local. Para devolver la capacidad fecundativa, en el caso de que se quisiera recuperar, basta con reparar la luz en uno de los conductos deferentes, permitiendo que los espermatozoides de un testículo hagan fecundo el líquido seminal.
Esta es la operación que las naciones que han adoptado leyes eugénicas protectoras aplican a los degenerados mentales y a los defectivos, que por su acción antisocial existe verdadero interés en evitar que se reproduzcan. Este método anticoncepcional decisivo ha sido auspiciado por la Liga Internacional para prevenir la Repoblación, filial de la A. I. T., la cual ha patrocinado el procedimiento. El compañero austríaco Gerardo Liguda lo propaga entusiásticamente, habiendo escrito un interesante folleto de exposición del método, que fue editado por Solidaridad Obrera, de Valencia, titulado «Vasectomía».
Poniendo de acuerdo la convicción con la conducta, como cumple a todo anarquista, han sido bastantes los compañeros que se han sometido a la operación, habiéndose prestado también para la prueba de refertilización para recuperar el poder fecundante, suprimido por una intervención anterior.
Una operación semejante puede realizarse en la mujer —la ligadura de las trompas—, pero por tener que operar dentro del vientre, la operación es bastante más seria y más peligrosa, requiriendo todas las garantías de una operación de gravedad. A causa de esto, y en la vida conyugal, es preferible que sea el hombre el que se someta a la intervención cuando se quieren evitar a toda costa los hijos. La única dificultad de este método estriba en los inconvenientes que se encuentran para su realización práctica.
Siendo una operación no autorizada por las leyes, ha de ser ejecutada clandestinamente, o cuando menos con gran reserva, por lo cual son pocos los médicos que se encuentren dispuestos a realizarla, si no es a base de la idea de lucro, mediando la cual los profesionales de la Medicina, como todos los profesionales, no suelen tener escrúpulos. Y para estar al alcance del proletariado, la operación ha de ser gratuita, o cuando menos muy económica.
La vasectomía suprime de una vez para todas, todas las precauciones de profilaxis anticoncepcional, y la preocupación de que la cópula debe rodearse cuando el peligro del embarazo es temido como una calamidad. Mediante ella, se suprime de raíz el aborto, al cual se recurre con excesiva frecuencia por el fracaso accidental de los medios anticoncepcionales, a lo que, en mayor o menor medida, todos están expuestos. La cirugía pone, mediante este método operatorio, al alcance del hombre, un excelente y decisivo medio de renunciar a reproducirse, brindándole al mismo tiempo la posibilidad de recuperar su función en el momento en que lo desee.
***
La esterilización sexual
Isaac Puente. “El «affaire» de esterilización de Burdeos”. Estudios 141, 1935, p. 17.
La prensa francesa, y especialmente la de Burdeos, ha hecho bastante ruido alrededor de este asunto, tratando de asustar a los pacíficos burgueses, repobladores cien por cien, presentándoles adornado con detalles de folletín y minuciosidades de comadre, la «aberración» de estos modernos «flageladores», «trastornados» por el anarquismo.
Una confidencia puso, seguramente, a la policía en la pista del domicilio de un compañero, en el que se habían practicado en serie, durante los días 23 y 24 del mes de marzo, un buen número de vasectomías en individuos que recurrían a tal operación como el más eficaz de los recursos contra la pesada carga que los hijos representan en los hogares humildes. Comprobado el hecho, fueron detenidos un buen número de anarquistas, alguno tan significado y tan activo como el camarada Arístides Lapeyre. A los pocos días se realizaba en Bruselas la detención del médico austríaco Norbert Bardoseck, hermano de Pierre Ramus, propagandistade la esterilización, que fue objeto de un proceso en su nación por la misma causa no hace muchos años. Con Norbert Bardoseck fueron detenidos tres supuestos ayudantes. Para todos ellos ha sido pedida la extradición, acusados de «producir lesiones que comprometen la función de un órgano», de acuerdo con el artículo 316 del Código Penal francés, que castiga la castración con trabajos forzados a perpetuidad.
Periodistas, policía y funcionarios de la Justicia demuestran no saber en qué consiste la vasectomía, confundiendo la lastimosamente, como lo hace la generalidad del público, con la castración. Como han argumentado Bardoseck y el abogado defensor de los detenidos, Robert Prieur, no ha habido castración ni ablación de partes genitales, ni supresión de la función, ni legiones definitivas, ya que por otra operación tan sencilla y poco mutiladora es posible devolver el poder reproductor al esterilizado.
Los operados son acusados de propagandistas del neomalthusismo, pues en realidad no se les puede perseguir por otra cosa. Se trata en su mayor parte de gentes bien consideradas, trabajadores sin tacha, con un hogar formado y casi todos con un número suficiente de hijos, hasta excesivo para lo que es corriente entre la clase acomodada de la vecina República. Todos ellos pudieran haber justificado con argumentos médicos y sanitarios su decisión de renunciar temporalmente a la reproducción, pero en un gesto de nobleza y de convicción anarquista, han preferido decir que han procedido así por consecuencia con sus ideas neomalthusianas, desafiando la condenación de la moral dominante y arrostrando la venganza de los repobladores de carne de cañón.
Este proceso, que será resonante, obligará a legislar al Estado francés contra esta forma de anticoncepción sobre la que aún no habían tenido ocasión de fallar los Tribunales. Por esto, y por la suerte que puedan correr nuestros compañeros, procuraremos tener al corriente de sus derivaciones a los lectores de ESTUDIOS.
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“Alrededor del asunto de las esterilizaciones” (Extracto)
Sebastien Faure, Estudios 142, 1935, p. 17.
¿Está claro? La vasectomía no es la castración. La vasectomía es una operación benigna y clásica. Tiene por efecto suspender, interrumpir por un tiempo y no arrebatar irremediablemente la facultad de reproducir, puesto que, por una operación inversa, esta facultad puede ser restablecida. La obligación de hacer el servicio militar, de pagar los impuestos, de conformarse a las exigencias de la ley, de sufrir las incomodidades y las injusticias, de hacerse estropear la figurapor defender la patria, etc., ¿no es bastante y aún demasiado? ¿Se va a añadir a todo eso la procreación obligatoria?
No conozco más que una categoría de individuos que agregarían de buena gana esta obligación a todas las que abruman ya a la pobre humanidad (quiero decir la humanidad pobre), si no comprendieran su ridiculez e inoperancia. Son los partidarios de la multiplicación a la manera de los conejos…, por parte de los demás. Porque si la aconsejan al prójimo, se guardan muy bien de practicarla ellos mismos
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Sur le même thème, lire notre Brochure sur La légalisation de l’avortement pendant la Révolution espagnole
Table des matières
Histoire de l’avortement en Espagne: le décret de la Generalitat
de Catalogne, 25 décembre 1936.
Décret de la réforme de l’avortement approuvé en 1936
par la Generalitat de Catalogne.
Sexologie populaire : l’oeuvre de vulgarisation scientifique des anarchistes espagnols.
Le mouvement eugéniste sans l’état : l’engagement des anarchistes
catalans avec l’eugénisme.
7 commentaires sur Les anarchosyndicalistes et la vasectomie dans les années 1930, réseaux internationaux, pratiques et débats