Utopia condamné pour licenciement abusif

Justice : le cinéma toulousain, chantre de la dénonciation des injustices sociales, épinglé par le conseil des prud’hommes (2007)

La Dépêche du Midi,  06 février 2007

Utopia condamné pour licenciement abusif

Utopia Toulouse épinglé pour licenciement abusif, voilà qui fait tache dans la vitrine de cette institution du cinéma engagé à gauche, plateforme de l’alter-pensée, grand pourfendeur de l’exploitation capitaliste sauvage et chantre de la dénonciation de l’ultralibéralisme économique. Le conseil des prud’hommes de Toulouse a pourtant bien condamné Utopia, en septembre dernier, à verser 11 000 € de dommages et intérêts à une ancienne salariée. Les causes du conflit remontent à plus de deux ans. À l’origine, parce qu’elle conteste ce déficit de 90 heures de travail que lui reproche la direction, et que les conditions de travail ne lui paraissent pas conformes à ses droits, cette ex-salariée saisit l’inspection du travail. « À partir de ce moment, mon travail n’était plus satisfaisant », se souvient-elle.

EXPLOITATION ?

Pour Anne-Marie Faucon, l’un des fondateurs du réseau Utopia, c’est avant tout le  « comportement » de la jeune femme qui est en cause. En particulier lors de la venue du réalisateur Robert Guédiguian, soirée où l’employée aurait déserté son poste. Et il n’y aurait chez Utopia pas plus de harcèlement pour manque « d’un minimum de conscience politique » que d’incitation à travailler bénévolement pour servir la cause, comme « les ragots et les cancans » du syndicat anarchiste CNT-AIT le prétendent. CNT-AIT qui aurait suffisamment de talent de persuasion et d’entregent, selon elle, pour « influencer les prud’hommes ».

Ragots ou cancans, un collectif d’anciens salariés d’Utopia s’est quand même constitué. Et même marginaux, leurs témoignages évoquent la « nécessaire dévotion à Utopia », les « réunions sanctions », la « demande incessante d’investissement et de volontariat » ou « la participation bénévole à des activités internes à Utopia hors du temps de travail ». Sans compter 25 départs d’employés en deux ans, de juin 2002 à octobre 2004, certains avant même la fin de leurs contrats parce qu’ils ne supportaient plus leurs conditions de travail. Rue Montardy, les actuels salariés d’Utopia démentent de telles horreurs. Mais, d’une certaine manière, pour Sophie, Raf, Clément ou Peggy, la fin justifierait les moyens. Rien ni personne ne les contraint à rester au-delà des heures de boulot, sinon le militantisme. Au risque de s’affranchir du code du travail et ainsi de fauter par les pratiques qu’on dénonce.

Me Jean-Marc Denjean, l’avocat de la salariée abusivement licenciée, lui, se garde bien de conclure à une exploitation généralisée chez Utopia. Il s’en tient à la décision de justice : « Le conseil des prud’hommes, dans une décision motivée et détaillée, a jugé que le licenciement n’était pas étayé par des éléments de preuve suffisants pour caractériser l’existence d’une faute. »

Jean-Louis Dubois-Chabert

Illustration : Jean-Paul Van Der Elst

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