LA SOLIDARITÉ COMME AUTOMATISME AVEUGLE

Geronimo/Jeroen (Amsterdam)

Ce document a été publié par l’un des membres du comité d’Amsterdam de solidarité avec le Mexique (aujourd’hui dissous). Il s’agit d’une tentative incomplète d’évaluation de nos activités et de nos points de vue après quatre ans et demi d’activité. Il est le fruit des opinions des trois membres restants du comité. Il ne reflète pas nécessairement les pensées de tous celles et ceux qui y ont été impliqués dans le passé.


Le Comité d’Amsterdam de solidarité avec le Mexique a été créé peu après le soulèvement de l’EZLN dans l’État mexicain du Chiapas. Au départ, il s’agissait d’une plate-forme, mais au bout de trois mois (avril 1994), il est devenu un groupe d’individus indépendants et anti-autoritaires. De 1994 à 1998, nous avons informé aux Pays-Bas les personnes intéressées par la situation au Mexique par différents moyens (courrier électronique, site web, magazines, conférences, programmes radio…).

Pendant quatre ans et demi, ce petit groupe n’a pas interprété la solidarité comme une nouvelle forme d’action humanitaire ou comme une sorte de solidarité aveugle où il n’y a pas de place pour l’opinion personnelle. Nous avons essayé d’exprimer nos propres opinions sur les développements au Mexique, sur les déclarations publiées par la direction de l’EZLN et sur le fonctionnement du réseau européen de solidarité.

Au début de l’année 1994, nous avons été frappés par l’anti-autoritarisme qui se dégageait des communiqués de l’EZLN. Nous avons également apprécié le refus des néo-zapatistes de conquérir le pouvoir pour eux-mêmes et leur refus de faire partie de ce monde matérialiste dans lequel tout un chacun est réduit à sa valeur économique et à sa capacité à générer du profit. Nous avons vu beaucoup de nos idées et de nos opinions se refléter dans la façon dont ils regardaient la société mondialisée actuelle et dans la façon dont ils pensaient la politique et la prise de décision populaire. Certains d’entre nous étaient bien d’une certaine manière plus sceptiques que d’autres à l’égard du credo zapatiste du « commander en obéissant » et d’autres contradictions similaires, comme leur dévotion au drapeau et à la nation mexicains et les appels qu’ils lançaient aux gouvernements du monde dans un grand nombre de leurs communiqués. Mais au moins, nous croyions en leur capacité à apporter des changements radicaux.

En 1995, nous avons commencé à participer au réseau européen de solidarité avec les zapatistes, qui venait d’être créé, et nous avons assisté à quelques réunions intereuropéennes de ce réseau. À partir de cette date, des doutes ont commencé à naître parmi nous. Lors des réunions européennes, nous avons entendu parler de groupes qui tentaient de monopoliser le travail de solidarité dans leur ville, leur région ou leur pays. Par exemple, l’Union des Mexicains en Exil (UMES) à Zurich (Suisse) a menacé un autre groupe (Solidaridad Directa) du mouvement autonome de la même ville, qui effectuait également un travail de solidarité. Il est assez étrange que les personnes du groupe autonome qui nous ont parlé des menaces et autres comportements autoritaires qui avaient eu lieu, n’aient pas vraiment voulu soulever la question de l’affiliation de l’UMES au réseau européen lors des sessions plénières.

Nous avons également assisté en septembre 1995 à la tentative de « coup d’État » raté de certains groupes italiens. Ils organisèrent une réunion européenne à Brescia (Italie) trois mois avant la date qui avait convenue lors d’une réunion précédente, avec l’intention de créer un secrétariat central européen pour coordonner les campagnes de solidarité et pour recevoir et envoyer des informations. La majorité des autres groupes européens ne se rendirent pas à cette réunion de Brescia parce qu’ils ne pouvaient ou ne voulaient pas le faire. Les groupes non italiens présents n’ont pas compris grand-chose, car la plupart des discussions se sont déroulées en italien, alors que l’espagnol est la langue habituelle de ce type de réunion. Trois mois plus tôt, la même proposition avait été rejetée par la plupart des groupes présents à la réunion européenne de Barcelone (en juin 1995). Après une cascade de réactions furieuses venues de toute l’Europe, le secrétariat central s’est éteint en silence. Mais il est très étrange que cette tentative de « coup d’État » n’ait pas été ouvertement critiquée par la suite lors de la réunion européenne de Paris (janvier 1996). Toutes les divergences internes devaient être enterrées pour la primauté de l’objectif, qui était la solidarité avec les zapatistes.

Vous pouvez vous demander quel est l’intérêt de soutenir une lutte anti-autoritaire quand vous faites partie d’un réseau où une poignée de groupes complètement autoritaires et centralisés essaient encore et encore d’imposer leurs idées et leurs plans à tout le monde.

Quelques mois plus tard, en mars 1996, presque la même chose s’est produite lorsque la Rencontre continentale européenne pour l’humanité et contre le néolibéralisme a été planifiée et préparée par le réseau européen. Alors que des groupes en Allemagne, notamment à Berlin, préparaient déjà cette rencontre (comme cela avait été convenu lors de la réunion européenne de Paris), un réseau italien (le même que celui mentionné ci-dessus) a soudainement tenté de faire un autre « coup d’État » en annonçant que la rencontre se tiendrait à Milan. L’argument sur lequel ils s’appuyaient pour continuer à organiser la rencontre en Italie était que tout avait été déjà annoncé publiquement et qu’il n’y avait pas moyen de le changer.

Le réseau européen ne s’est pas laissé intimider et tous les groupes hors d’Italie (et certains groupes non staliniens en Italie) ont déclaré à l’unanimité que la réunion n’aurait pas lieu en Italie. Les staliniens italiens se sont alors retirés et leur absence à la réunion, qui s’est finalement tenue à Berlin (du 31 mai au 2 juin 1996), a été remarquée.

Ensuite, en juillet-août 1996, l’EZLN a organisé la Rencontre Intercontinentale pour l’Humanité et contre le Néolibéralisme qui s’est tenue dans la jungle Lacandone, au cœur des terres zapatistes. La manière dont cette rencontre a été organisée et s’est déroulée a suscité de nombreuses critiques parmi les participants. Mais comme d’habitude, ces critiques se sont exprimées presque uniquement verbalement [sans que tien ne soit écrit] et au sein même des groupes de solidarité [sans que ce soit rendu publique]. La critique semble être quelque chose qui ne peut pas être exprimée ouvertement. Nous avons vu très peu d’analyses critiques de la Rencontre dans les publications et les magazines publiés par la suite par les groupes de solidarité qui y avaient participé. Avant, pendant et peu après la Rencontre, il y a eu beaucoup de critiques sur l’organisation bureaucratique, les modérateurs autoritaires des groupes de travail de la Rencontre, l’absence de discussion dans les groupes de travail en raison de l’agenda imposé de lecture de documents interminables et répétitifs, les rapports superficiels (niant l’existence et la présence d’opinions dissidentes au sein des groupes de travail) et les machinations spectaculaires auxquelles les personnes présentes (qui sont restées assises pendant des heures sous un soleil brûlant en attendant l’arrivée du nouveau Messie, le sous-commandant Marcos) ont été « soumises » par l’organisation zapatiste. Il était étonnant de voir comment les gens perdaient la tête dès que Marcos apparaissait quelque part. Des groupes entiers couraient dans tous les sens avec leurs appareils photo, prêts à « shooter » et à prendre la photo qu’ils étaient venus chercher.

En outre, beaucoup de participants avaient des doutes quant à la présence de représentants de l’EZLN dans les groupes de travail. Dans la plupart d’entre eux, [bien qu’ils étaient physiquement là], ils paraissaient ne pas être présents. Ils ont très peu participé aux discussions, ils sont restés assis et certains se sont endormis (comme beaucoup d’autres personnes, car il était très ennuyeux de rester assis pendant deux jours à écouter les discours officiels écrits lorsqu’ils étaient lus à haute voix  … Car il semble bien qu’on leur avait donné les discours déjà écrits.)

Très souvent, les représentants de l’EZLN se sont contentés de lire « leurs » (façon de parler) discours et ont souvent semblé ne pas comprendre le contenu des discussions. Étaient-ils simplement assis là pour décorer ? Les autres participants (ceux qui n’étaient pas de l’EZLN) aux groupes de travail se sont-ils demandé s’ils s’étaient exprimés de manière compréhensible, sans trop de concepts intellectuels, et donc si des personnes peu ou pas instruites pouvaient suivre et participer aux discussions ? Des questions et encore des questions. Beaucoup de critiques, mais aucune n’a été publiée.

Nous avons également essayé, du mieux que nous avons pu, d’offrir nos propres opinions et celles d’autres compagnons de toute l’Europe sur le développement continu de la situation au Mexique et dans le réseau de solidarité. Notre revue « ZAPATA, Noticiero sobre México » (Zapata, bulletin d’information sur le Mexique), publiée de façon irrégulière (…) est passée d’une simple source d’informations sur les luttes populaires au Mexique et sur celles des zapatistes en particulier, à une revue qui remettait en question de nombreux développements au Mexique et critiquait ouvertement certaines opinions et manœuvres de l’EZLN et les événements dans le réseau européen de solidarité.

Nous avons été confrontés à nos propres problèmes et à des situations embarrassantes ou déconcertantes. Bien sûr, avons-nous commis nous aussi des erreurs. Nous avons diffusé des informations basées sur ce que nous entendions au sujet du Mexique. Parfois, les informations que nous avons incluses dans certains articles se sont révélées incorrectes après leur publication, en partie parce que nous ne les avons pas vérifiées nous-mêmes, en partie parce que nous n’avons pas laissé nos opinions politiques prévaloir et en partie parce que nous avons été désinformés par les gens, la source mexicaine ou le groupe en question.

Au cours de la première année d’activité, nous avons collaboré avec un Mexicain qui nous a mis en contact avec « Carlos », un représentant autoproclamé d’une organisation appelée Movimiento Democrático Independiente (MDI, Mouvement Démocratique Indépendant). Après un peu plus d’un an, ce MDI s’est avéré être un fantôme. Le MDI n’existait pas au Mexique. Il n’était rien d’autre que le front européen du PROCUP, une obscure et dogmatique organisation de guérilla urbaine marxiste-léniniste au Mexique, que beaucoup considèrent comme une marionnette des services de renseignement mexicains. Bien que certains d’entre nous avaient eu à un moment des doutes sur une information particulière reçue de « Carlos », nous ne lui en avions pas vraiment parlé. Lorsque nous avons découvert qui il était, nous avons rompu tout contact avec lui.

Le manque d’informations fiables provenant d’autres sources, notre propre naïveté et notre attitude non critique ont fait que nous avons collaboré pendant près d’un an avec quelqu’un dont les idées politiques étaient totalement contraires aux nôtres.

Un autre exemple de la façon dont certains d’entre nous ont mis de côté leurs critiques s’est produit en août-septembre 1995, lorsque nous avons participé à l’organisation de la Consultation internationale demandée par l’EZLN. Une partie de notre groupe pensait que les questions qui avaient été rédigées étaient complètement absurdes, vagues ou hors sujet. Néanmoins, nous avons distribué les feuilles aux Mexicains des Pays-Bas et une version traduite aux abonnés de notre magazine et à d’autres sympathisants. C’était une situation très étrange, car la plupart des membres du comité n’y participaient pas à cette consultation. Pourquoi organiser quelque chose dont on ne sait pas à quoi cela sert ? Nous avons agi comme beaucoup de « militants » : nous avons mis de côté nos propres sentiments, nos doutes et nos critiques dans l’intérêt de la « cause ». Plus tard, nous avons appris que nous avions commis une grave erreur. C’est l’une des erreurs dont nous avons tiré les leçons, mais je suis sûr que nous en avons fait d’autres.

Très tôt, nous avons critiqué la manière hasardeuse dont l’EZLN a conclu des pactes avec la gauche mexicaine, y compris le centre gauche représenté  par le PRD (Parti de la révolution démocratique[1]), ou encore avec le Partido Revolucionario de Trabajadores de tendance trotskiste[2] et d’autres encore…. Un jour, ils les rejetaient pour les rejoindre le lendemain, faisant la cour des dirigeants du PRD, comme Cuauthémoc Cárdenas et Manuel López Obrador[3]).

Il en a été de même pour la création de la « branche civile » de l’EZLN, le FZLN (Front Zapatiste de Libération Nationale). Dès avril 1996, quatre mois après sa naissance, nous avons publié une analyse critique de cette troisième tentative des zapatistes de créer un réseau de sympathisants civils au Mexique. Les questions que nous soulevions dans cette analyse, comme le fait que nous avions l’impression que le FZLN était submergé par des gens de l’ancienne gauche qui essayaient de regagner l’espace perdu dans l’arène politique mexicaine avec la vague de popularité de l’EZLN, ont trouvé une réponse lors de la visite d’un de nos membres au siège du FZLN à Mexico.

De nombreux anciens militants du PRT trotskiste occupaient des postes clés au sein du FZLN. Mais jusqu’à cette date (avril 1999), le FZLN n’avait pas encore décidé s’il formerait, dans certaines circonstances, des alliances formelles avec des partis politiques (comme le PRD mentionné ci-dessus) ou s’il refuserait de prendre le pouvoir en tant que projet politique. Notre mécontentement ne cessait de croître. En novembre 1996, Javier Elorriaga et sa compagne Gloria Benavides (deux anciens prisonniers politiques arrêtés en février 1995 en tant que dirigeants zapatistes présumés) se sont rendus à Paris en tant que représentants de l’EZLN[4]. Ils ont été invités par la crème de la crème des partis politiques français de centre-gauche, des syndicats et des élites culturelles. Ils ont rendu visite à l’ancien conseiller de Mitterrand, Régis Debray, se sont entretenus avec la veuve de Mitterrand, Danielle, et ont également rendu visite au maire « socialiste » de la ville de Montreuil. Quelques semaines plus tôt, ce dernier avait ordonné à la police anti-émeute d’expulser, avec la violence habituelle, des maisons occupées par des sans-papiers (immigrés clandestins sans titre de séjour). Et lorsque ces sans-papiers sont entrés dans la réunion des représentants de l’EZLN/FZLN avec l’élite « radicale » de France dans le célèbre théâtre de l’Odéon, les deux représentants des zapatistes n’étaient pas intéressés à parler à ceux qui n’ont pas de voix ni de visage en France. Ce spectacle tragique a créé une scission au sein du comité de solidarité parisien. A l’étranger, ce conflit n’a pas été pris au sérieux. Presque personne ne s’est exprimé sur le mauvais comportement des deux représentants de l’EZLN/FZLN. L’EZLN n’a pas non plus réagi à ce qui s’était passé à Paris. Et c’est devenu sa politique structurelle.

L’EZLN a accepté et accepte toujours n’importe quel soutien (dès lors qu’il ne vient pas du gouvernement mexicain), sans aucun scrupule. Au printemps 1996, Danielle Mitterrand a été reçue à grand renfort médiatique au « quartier général » des zapatistes, à La Realidad (dans la jungle du Lacandon). Lors de la Rencontre internationale pour l’humanité et contre le néolibéralisme en juillet/août 1996, Alain Touraine était l’un des invités d’honneur. Touraine, sociologue français, avait fermement rejeté la vague de grèves sauvages qui avait paralysé Paris et la France en décembre 1995. Face aux nombreuses protestations des participants français et allemands contre la présence de Touraine, Marcos a répondu que le but de la réunion était de discuter du néolibéralisme et des moyens de le combattre, avec n’importe qui, « même avec nos ennemis (le gouvernement mexicain), car nous parlons aussi avec eux ».

Les Français se sont retirés parce qu’ils n’arrivaient pas à se mettre d’accord entre eux pour critiquer ouvertement Marcos ou l’EZLN. Certains participants français se sont même contentés de dire qu’il ne fallait pas le critiquer car « cela pourrait nuire à l’image de la France et des groupes de soutien français » (sic). Mais les groupes allemands qui avaient critiqué le comportement de l’EZLN ont également fait marche arrière, car les participants français n’ont pas maintenu leur critique initiale. La critique que l’EZLN exprime normalement contre la majorité de la vieille gauche mexicaine a été et est omise lorsqu’elle concerne ou touche des étrangers, des vieux gauchistes ou des sympathisants pseudo-intellectuels.

Ce même schéma peut être observé dans les contacts avec le parti communiste italien « réformé », Refondation communiste (RC). L’EZLN a accepté un projet financé par le conseil municipal de Venise – dans lequel Refondation communiste occupe une position clé – pour l’électrification du village zapatiste de La Realidad. Nous ne pouvons y voir qu’une acceptation sélective de l’idéologie autoritaire et des partis politiques. Cette sélection est certainement le résultat d’une manière opportuniste d’aborder les offres d’aide, qui sont le soutien dont la base zapatiste a besoin pour survivre dans certaines parties du Chiapas.

Revenons à l’Europe. Au cours de l’été 1997, la Deuxième Rencontre pour l’humanité et contre le néolibéralisme a eu lieu en Espagne. L’organisation a également fait l’objet de nombreuses critiques. Dès les préparatifs, il est apparu clairement qu’un petit groupe d’apparatchiks [bureaucrates], principalement de Madrid et de Saragosse, avait imposé son idée (qui était une copie presque identique de la 1ère Rencontre de 1996) sur la manière dont la Rencontre devait être organisée. Les groupes ayant un point de vue plus critique et des idées différentes n’ont pas eu l’occasion de donner leur avis, mais curieusement, un certain nombre de ces groupes critiques ont finalement réduit leurs critiques et ont participé. Cet Encuentro comprenait le même
« spectacle » ridicule d’accréditation et de papiers d’identité qui étaient obligatoires lors du premier Encuentro.

Les deux délégués zapatistes ont été presque complètement isolés des autres participants, comme s’ils étaient des chefs d’Etat en visite qui avaient besoin de gardes du corps pour assurer leur sécurité. Une fois de plus, les organisateurs se sont comportés comme des dictateurs, qui ont invité les volontaires venus aider à la préparation comme des travailleurs sans opinion. Quiconque osait critiquer la façon dont les choses étaient organisées pouvait s’attendre à être traité comme un espion qui saboterait la réunion.

Jour après jour, le réseau européen est devenu de plus en plus une organisation bureaucratique d’aide humanitaire prête à tout pour la bonne cause. Il semble qu’il y ait une perte de compréhension et/ou d’appréhension de la manière dont les choses évoluent en Europe. On ignore l’existence d’une Communauté européenne de plus en plus forte, qui exclut les non-Européens du territoire, qui s’homogénéise sur le plan militaire et policier (sécurité intérieure) et qui crée un énorme bloc économique où les gens ne comptent que lorsqu’ils prennent le rôle d’esclaves de la production salariée.

Ces derniers temps, le Réseau européen de solidarité s’est principalement attaché à faire pression sur l’Union européenne et le Parlement européen pour qu’ils n’acceptent pas le traité spécial conclu entre l’Union européenne et le gouvernement mexicain. L’autre approche consiste à faire pression sur les Nations Unies pour qu’elles interviennent au Chiapas en tant que médiateur entre les deux parties et en tant qu’observateur chargé de veiller au respect des droits de l’homme. Mais tant les Nations unies que l’Union européenne sont des instruments des gouvernements du monde et nous ne voyons aucune raison de leur demander des faveurs. Cela reviendrait à accepter passivement leur existence et leur autorité. Nous ne l’acceptons pas et ne l’accepterons pas. Il en va de même pour demander aux maires ou aux conseils municipaux de signer des pétitions contre les violations des droits de l’homme au Mexique. Le travail de solidarité en Europe semble se limiter à parler des droits de l’homme. Peut-être devraient-ils adhérer à Amnesty International. Amnesty International a été reconnue pour son excellent travail, mais évite toujours d’adopter des points de vue politiques et de remettre en question la légitimité de tout système (politique). C’est ainsi que activités du réseau européen de solidarité se sont concentrées de plus en plus sur les questions des droits de l’Homme.

Vous avez peut-être eu l’impression que notre travail était tout simplement affreux et décevant. Ce n’est certainement pas le cas. Nous avons rencontré beaucoup de gens merveilleux, intelligents, chaleureux, fougueux et drôles dans beaucoup d’endroits du monde. Tous, chacun à leur manière, ont essayé de trouver des façons de penser et d’agir. En collaborant avec eux, nous avons découvert qu’il existe de nombreuses façons et possibilités de travailler en solidarité.

Geronimo/Jeroen

(Amsterdam)

Texte original : https://www.nodo50.org/ekintza/2005/la-solidaridad-como-automatismo-ciego

Première publication : 14 février 2005

Première (?) traduction en français par la CNT-AIT France, août 2024


[1]   [Note des traducteurs] Le Parti de la révolution démocratique (en espagnol : Partido de la Revolución Democrática) ou PRD est un parti politique mexicain fondé le 5 mai 1989 d’une scission de l’aile du centre gauche du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), parti unique qui a régné sur le Mexique depuis la fin de la Révolution mexicaine en 1929 jusqu’à l’an 2000. Le PRD a longtemps été l’un des trois partis majeurs du Mexique, avant de s’affaiblir au profit du Mouvement de régénération nationale. Au moment de l’insurrection zapatiste en 1994, le PRD était alors en pleine ascension politique et était le parti d’opposition de gauche au PRI, le PAN représentant la droite. Il était évident en 1994 que tôt ou tard le PRI fossilisé et corrompu allait devoir passer la main. Et pour que cela se fasse en douceur et dans le respect des institutions, le PRD était la carte maitresse du système politique mexicain à gauche. Tout change pour que rien ne change …

[2]   [Note des traducteurs] plus précisément de la tendance trotskyste du Secrétariat unifié de la 4ème internationale, comme la LCR hier ou le NPA aujourd’hui]

[3]   Après deux tentatives infructueuses en 2006 et 2012, Andrés Manuel Lopez Obrador – dit AMLO –  sera finalement élu Président de la République fédérale du Mexique en 2018.

[4]   [Note des Traducteurs] Pour mémoire, le siège du Comité de Solidarité avec l’EZLN était et est toujours hébergé dans les locaux de la CNT-Vignoles, au 33 rue du même nom.


Extrait de la brochure : « DE LA RÉVOLTE A L’AUTONOMIE AUTORITAIRE :Quand nous avons cru en la révolution zapatiste »

Co-édition CNT-AIT France / UAS (Unión Anarco-Sindicalista) du Mexique

Table des matières

En guise de prologue

https://cnt-ait.info/2024/11/11/bro-autonomie-autoritaire

De la révolte à l’autonomie autoritaire : quand nous avons cru en la révolution zapatiste

https://cnt-ait.info/2024/11/11/autonomie-autoritaire

La solidarité comme automatisme aveugle

https://cnt-ait.info/2024/11/11/solidarite-aveugle

Rencontre avec les Zapatistes A l’occasion du Voyage pour la vie de 2021 : drôle de ressenti …

https://cnt-ait.info/2024/11/11/rencontre-zapatistes


Autres brochures sur le même thème :

L’irradiation pornographique du néo-zapatisme, voix critiques anarchistes de la région mexicaine contre le spectacle de l’EZLN : https://cnt-ait.info/2023/11/18/brochure-ezln

Au-delà des passe-montagnes du Sud-Est mexicain https://cnt-ait.info/2021/05/09/passe-montagnes

Toutes les brochures sont disponibles au format papier sur demande à CNT-AIT, 7 rue St Rémésy, 31000 TOULOUSE. Pour les recevoir, écrire à CNT-AIT, 7 rue St Rémésy 31000 TOULOUSE. Participation aux frais d’impression et d’envoi (au moins 5 euros par brochure) appréciée.