Rencontre avec les Zapatistes A l’OCCASION DU VOYAGE POUR LA VIE DE 2021 : DROLE DE RESSENTI …

Un militant de la CNT-AIT

Publié dans Anarchosyndicalisme !, numéro 174, novembre/décembre 2021

Pour faire connaître leur lutte une délégation de Zapatistes parcourt actuellement l’Europe et rencontre des communautés, des groupes, des personnes en lutte. Une rencontre étant programmée pas très loin de mon domicile, j’ai décidé d’y assister. J’arrive sur le lieu. La réunion a déjà commencée. Un groupe de 10 zapatistes, 5 hommes, 5 femmes, presque uniformément vêtues (casquettes, tee-shirts…). L’un après l’autre, ils récitent (certains parfois lisent leurs notes) l’histoire passée et présente de leur communauté.

Dans des zones difficiles d’accès (très peu de routes) du Chiapas, des communautés indigènes se sont organisées collectivement pour lutter contre l’état Mexicain et préserver à tout prix leurs cultures, leurs modes d’organisation, leur autonomie, leur indépendance. Aussi extraordinaire que ça puisse sembler, dans des zones sauvages et isolées (montagnes, forêts, déserts) d’Asie, d’Afrique, d’Australie ou d’Amérique des dizaines de millions de personnes, encore aujourd’hui, vivent dans des sociétés non hiérarchisées, sans état où tous les individus partagent un même goût de la liberté.

De nombreux anthropologues ou ethnologues ont étudiés ces sociétés. Parmi de nombreux ouvrages, on peut citer celui de James C. Scott, « Zomia ou l’art de ne pas être gouverné ». Zomia étant le nom d’un immense territoire très isolé et d’accès difficile, situé à cheval sur plusieurs pays d’Asie dans lequel, au cours des siècles et encore aujourd’hui, nombre de peuples se sont réfugiés pour vivre librement, loin des contraintes étatiques. L’extraordinaire développement de l’Etat depuis quelques siècles et son emprise généralisée sur nos vies nous font facilement oublier que la démocratie directe est le mode d’organisation des sociétés le plus ancien et le plus naturel, et il n’y a pas encore si longtemps le plus universel.

Beaucoup de ces sociétés partagent nombre de caractères communs et en particulier la volonté de préserver un mode de fonctionnement très démocratique et égalitaire, mais les communautés zapatistes se distinguent par ce qu’elles ont affirmées très clairement leur volonté de se maintenir, y compris par la force face à l’Etat et au capitalisme. L’Etat et le capitalisme étant clairement identifiés par eux comme des ennemis mortels. La zone contrôlée par les zapatistes constitue donc véritablement une île encerclée par l’armée dans le Mexique d’aujourd’hui, même si la communauté zapatiste a tissé des liens avec d’autres communautés indigènes.

Dans les discours que nous avons entendu, nous avons noté leur souci premier de préserver leur ancienne culture (ce qu’ils nomment « retrouver les bonnes pratiques »), leur identité et donc tout ce qui les distingue du reste de la société mexicaine. On comprend donc que pour eux la société mexicaine est constituée d’une part d’indigènes (eux en premier lieu) et d’autre part de non-indigènes : tous les autres. Leur projet est donc clairement un projet identitaire, à l’exact opposé de l’idéal anarchiste universaliste. Par ailleurs, pour résister à la pression de l’Etat mexicain, ils ont été amenés à mettre en place une sorte de gouvernement qui coiffe les divers groupes constituant leur communauté et prend les décisions (et uniquement celles-là) intéressant l’ensemble zapatiste. Même si dans le cours du débat, les délégués ont fortement insisté sur les moyens de contrôle de cet organe et des « élus » que la communauté s’est donnée (élections démocratiques, fonctions purement bénévoles constituant pour les élus une charge supplémentaire, charte précisant leurs devoirs) on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit là d’une sorte de « proto Etat » en formation.

Le fait qu’à plusieurs reprises, les délégués aient refusé de répondre à certaines questions (on n’est pas venu pour parler de ça) ne peut que nous conforter dans cette idée. Est-ce ce gouvernement qui a décidé des sujets dont on pouvait ou pas parler ? L’avenir nous dira ce qu’il en est.

Notons quand même qu’à plusieurs reprises, les délégués ont reconnu que des erreurs avaient été commises d’où la nécessité de se remettre en question. Ainsi par exemple, une déléguée nous a parlé de la création puis de la suppression de prisons pour les délinquants. On sent chez ces personnes beaucoup d’empathie et le souci de s’améliorer.

Après la réunion, lors d’une discussion avec un ami, ce dernier s’est interrogé :
« que sont-ils venus faire ici  ? » La réponse est simple, ils sont venus chercher des appuis, et notamment des appuis politiques. Pendant longtemps la sociale démocratie européenne a soutenu l’expérience zapatiste. L’arrivée au pouvoir [en 2018] de la sociale démocratie mexicaine a changé la donne et les zapatistes viennent chercher des appuis dans la gauche européenne , qu’elle soit institutionnelle ou extra parlementaire [en espérant que la gauche européenne fera pression sur le gouvernement de gauche mexicain pour qu’il relâche son étau contre les communautés zapatistes].

Un militant de la CNT-AIT


Extrait de la brochure : « DE LA RÉVOLTE A L’AUTONOMIE AUTORITAIRE :Quand nous avons cru en la révolution zapatiste »

Co-édition CNT-AIT France / UAS (Unión Anarco-Sindicalista) du Mexique

Table des matières

En guise de prologue

https://cnt-ait.info/2024/11/11/bro-autonomie-autoritaire

De la révolte à l’autonomie autoritaire : quand nous avons cru en la révolution zapatiste

https://cnt-ait.info/2024/11/11/autonomie-autoritaire

La solidarité comme automatisme aveugle

https://cnt-ait.info/2024/11/11/solidarite-aveugle

Rencontre avec les Zapatistes A l’occasion du Voyage pour la vie de 2021 : drôle de ressenti …

https://cnt-ait.info/2024/11/11/rencontre-zapatistes


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Au-delà des passe-montagnes du Sud-Est mexicain https://cnt-ait.info/2021/05/09/passe-montagnes

Toutes les brochures sont disponibles au format papier sur demande à CNT-AIT, 7 rue St Rémésy, 31000 TOULOUSE. Pour les recevoir, écrire à CNT-AIT, 7 rue St Rémésy 31000 TOULOUSE. Participation aux frais d’impression et d’envoi (au moins 5 euros par brochure) appréciée.