Première publication : dimanche 2 décembre 2001
Délégués du personnel, représentants aux commissions paritaires, aux comités d’entreprises, conseillers prud’hommes, chambres d’agriculture, … on vote beaucoup sur le lieu de travail. Si quelques petits patrons y sont encore réfractaires, le patronat public (fonction publique territoriale, d’Etat ou hospitalière) et le grand patronat privé est furieusement pour. Tant d’énergie dépensée par nos patrons pour nous amener à voter pour nos “défenseurs” cache bien évidemment quelque chose.
L’entreprise, privée ou publique ressemble de plus en plus à la société dans son ensemble : on voudrait nous faire croire qu’il n’y existe pas une féroce exploitation collective de tous les salariés mais simplement, parfois, rarement même, des problèmes individuels de tel ou tel d’entre nous. Dans l’usine, le chantier, le bureau ou le magasin, nous ne sommes plus des ouvriers ou des employés ; mais après être devenus voici quelques années “techniciens de surface”, “force de vente” “agents de réception”… nous voici “citoyens” dans l’entreprise comme nous le serions dans la cité. Tout au long de ces dernières années, il s’ est agi pour le patronat d’éradiquer la dimension collective de la lutte pour l’atomiser, la ramener à une défense individuelle, si possible négociée. Les institutions de représentation des personnels ont joué un rôle capital dans ce processus de désagrégation des luttes.
Dans l’entreprise comme dans la cité, voter c’est en effet abdiquer sa volonté et son pouvoir, confier à quelques personnes ses intérêts individuels et de classe. Les différentes institutions ont été conçues pour “calmer le jeu” en institutionnalisant la négociation, en l’ individualisant. Du point de vue patronal, elle ont magnifiquement fonctionné Les “Commissions paritaires” sont, dans la fonction publique, l’ exemple extrême de ce processus. Loin d’être un lieu de contestation, de revendication collective ; elles sont devenues au fil des ans un lieu de défense de quelques individus en difficulté avec leur hiérarchie pour finir par être essentiellement un lieu privilégié de marchandage entre les syndicats et l’administration, permettant tous les coups de piston et fermant les yeux sur toutes les magouilles. Ce qui est vrai pour ces fameuses commissions paritaires l’est pour l’ensemble des institutions censées assurer la représentation du personnel par voie électorale.
Le bilan qu’on peut tirer de plus de cinquante ans d’élections professionnelles est catastrophique : ces dizaines de milliers d’élus ont-ils servi réellement à quelque chose ? Tout au plus, ils ont aidé quelques salariés [1]Mais, ont-ils empêché le démantèlement de la fonction publique, les vagues de privatisation ? Ont-ils empêché dans le privé les grandes vagues de licenciement, la montée du chômage ? Ont-ils l’installation de la précarité, de la flexibilité ? Evidemment, Non, Non et Non.
Quels que soient les arguments, finalement assez minables, de ceux qui défendent encore ces institutions, le bilan est clair : la classe ouvrière, les salariés qui, dans leur ensemble, avaient confié bien imprudemment leur “défense” à des élus se trouvent bernés. La régression sociale que nous vivons actuellement est un des fruits pourris de l’électoralisme sur les lieux de travail.
Il faut dire que le système électoraliste a donné au patronat une arme de choix : quand l’élu est un gars honnête, “qui y croit encore”, qui essaye vraiment de défendre les collègues … le patron le vire sans aucun problème et sans scrupule [2] ; dans les autres cas, il l’achète. Un exemple qui illustre bien ces propos nous est fourni par le géant Vivendi (le groupe qui possède La Générale des Eaux, …). Ce patron de choc à le bon goût de laisser aux “représentants des travailleurs” le soin de fixer eux-mêmes leur note professionnelle. Or, nous apprend “Le Canard enchaîné”, “une bonne note entraîne une bonne prime : jusqu’à cent quatre vingt mille francs de plus par an pour les cadres. Deuxième recette employée par Vivendi pour amadouer les syndicalistes et leur faire trahir la classe ouvrière : l’embauche des parents et des copains. “La belle fille d’un chef cégétiste a été ainsi engagée en 48 heures et sans formalité à un grade élevé” nous apprend le même journal. Un délégué FO au conseil d’administration a pris sa retraite (après soyez en sûr de “bons et loyaux” services) avec, toujours selon les informations du Canard [3] , “une superbe indemnité transactionnelle”. On n’en finirait pas de donner des exemples.
De plus en plus de salariés le comprennent et refusent de voter [4]. Ils ont raison : refuser de légitimer ceux qui ont trahi la classe ouvrière est un premier pas, il est indispensable pour permettre un retour des luttes collectives.
Dans l’entreprise comme dans la cité, ne nous laissons plus embobiner. Abstention et action doivent être nos mots d’ordre.
Marc F. (CNT-AIT 31)
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[1] Si l’on peut appeler “aider” obtenir quelques milliers de francs d’indemnité pour un licenciement qui vous met en quelques années à la rue !
[2] Le Monde du 10 mai 99 révélait que, en une seule année, 13 521 salariés élus (et légalement “protégés”) ont été virés (avec l’accord de l’Inspection du travail).
[3] “Vivendi fiche les mauvais sujets et cajole les bons syndicalistes”, Le Canard enchaîné, 12 avril 2000.
[4] La dernière consultation nationale, celle des Prud’hommes, s’est traduite par une vrai raclée anti-électorale : l’abstention étant majoritaire avec 65,6 % de non votants.
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