La CNT-AIT espagnole, contre vents et marées

A propos des manoeuvres qui visent à domestiquer et institutionnaliser l’anarchosyndicalisme espagnole, pour le rendre acceptable pour le Système en l’intégrant

Nos compañeras et compañeros de la CNT-AIT espagnole sont de nouveau victime d’une manoeuvre du pouvoir pour essayer d’éradiquer de la péninsule ibérique l’anarchosyndicalisme en pratique. Depuis la mort de Franco, rien n’aura été épargné aux militants anarchosyndicalistes : la répression brutale (assassinats de , les montages policiers (le cas Scala), les infiltrations policières (Enric marcos), l’appui de la CIA aux tendances réformistes (cf. les documents publiés par wikileaks), …

Les coups les plus durs assenés à la CNT espagnole ont été les multiples scissions qui avaient toutes comme objectif d’intégrer l’anarchosyndicalisme dans les institutions, d’en domestiquer l’esprit insoumis et rebelle, et de ranger l’anarchosyndicalisme au rayon des souvenirs historiques que l’on sort de l’étagère poussiéreuse le temps d’une commémoration annuelle nostalgique, comme les religieux sortent les reliques lors de Semaine Sainte, mais sans réelle prise sur le présent et la réalité.

La CNT espagnole s’est de nouveau déchiré il y a maintenant 5 ans entre deux tendances :

  • l’une – la CNT-CIT – est favorable à une révision de l’anarchosyndicalisme, pour l’orienter vers une structure de service – notamment de services juridiques. Disposant d’avocats tirant leur rémunération des cas qui plaident pour la CIT devant les prudhommes espagnols, ils sont moins disposés à l’action directe et plus à la médiation via les tribunaux. Les avocats ayant besoin d’un volant minimum d’affaires à traiter pour pouvoir en vivre, ils ont besoin de chercher à étendre leur clientèle, c’est-à-dire les adhérents syndicaux, au mépris de l’éthique et du positionnement politique radical. Cela les amène notamment à se rapprocher de la gauche républicaine espagnole, pour augmenter leur surface de visibilité et ainsi leur chance de toucher de nouveaux clients. L’action directe est délaissée, car elle donne une mauvaise image de l’organisation. La CNT-CIT est vue uniquement comme un instrument juridique au service d’intérêts particuliers.
  • L’autre, la CNT-AIT, reste sur la position anarchosyndicaliste de l’action directe, dans un fonctionnemnet assembléiste et horizontal. S’il lui arrive aussi parfois d’appuyer des travailleurs devant les tribunaux pour faire valoir leurs droits, elle n’en fat pas son alpha et oméga, et ne recours à cette solution qu’en dernière extrémité, quand l’action directe se révèle impossible. Mais elle ne fait pas un principe du fait que l’action directe ne soit jamais possible et qu’il faille systématiquement passer par les tribunaux en première intention et que les actions de mobilisation/visibilité ne seraient que des points d’appuis aux procédures juridiques.

Néanmoins, malgré la pression idéologique de tous ceux qui disent qu’il faut être raisonnable et réaliste, qu’il faut abandonner toute ambition révolutionnaire pour se contenter de petits accomodemments avec le système dans le cadre de ses lois et des ses institutions, qu’il faut substituer un syndicalisme révolutionnaire à l’anarchosyndicalisme, les compagnons de la CNt-AIT espagnole continuent de porter haut et fort les principes, tactiques et finalités de l’anarchosyndicalisme, contre vents et marés.

Que les compañeras et compañeros soient assurés de l’entière solidarité de leur section soeur d’outre Pyrenées,la CNT-AIT en France.

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Pour comprendre la situation qui déchire l’anarchosyndicalisme espagnol, entre une tendance « juridique » (la CNT-CIT, qui a cessé l’action directe au profit des actions judiciaires   et que nul militant qui s’intéresse à la situation espagnole ne peut prétendre méconnaître un extrait d’un courrier de la CNT-AIT espagnole qui explique les détails :

CNT-AIT Espagne, le 24 Novembre 2020

RAPPORT SUR LES POURSUITES JUDICIAIRES INTRODUITES PAR LA « CNT »-CIT CONTRE LA CNT-AIT

Nous tenions à signaler que la CNT-CIT a de nouveau intenté une action en justice contre la CNT-AIT pour soit disant « violation de ses droits fondamentaux ».

De nouveau ils ont déposé plainte contre nous et nous poursuivent pénalement. Déjà il y a 3 ans ils avaient poursuivi 7 syndicats de la CNT-AIT, mais ces poursuites avaient été annulées car les tribunaux provinciaux où elles avaient été déposées se sont déclarées incompétentes pour juger cette procédure, faisant valoir que ce problème n’était pas un événement isolé, mais plutôt que toutes les revendications incluaient le même problème réparti sur plusieurs provinces et communautés autonomes, et que pour cette raison, la CNT-CIT devait s’adresser à un tribunal national.

Aujourd’hui donc, 3 ans plus tard, la CNT-CIT nous poursuit à nouveau en déposant ses revendications devant une juridiction nationale, mais cette fois-ci elle a poursuivi 18 syndicats sur les 27 qui composent la CNT-AIT. Ce tribunal s’est déjà déclaré incompétent dans plusieurs des demandes, ce qui laisse penser que, petit à petit, des lettres arriveront au reste des syndicats annulant ces procédures.

Le tribunal a fait valoir que puisque chaque syndicat a une entité juridique indépendante et qu’il s’agit de syndicats locaux ou provinciaux, ces demandes doivent être portées devant les tribunaux provinciaux.

Nous sommes actuellement dans cette situation, les deux juridictions se sont déclarées incompétentes pour juger cette procédure, nous ne savons pas ce que la CNT-CIT va faire maintenant, elle pourrait retenter devant les juridictions provinciales en utilisant la dernière décisions au niveau national, ils pourraient chercher un autre tribunal national où ils pourraient intenter des poursuites, ou ils pourraient attendre que la CNT-AIT soit légalement déclarée et commencer les actions en justice à ce moment-là. Pour le moment, nous attendons son prochain coup.

Son argument principal est basé sur le fait que la loi organique sur la liberté syndicale établit que la dénomination d’une organisation syndicale ne peut pas coïncider ou prêter à confusion avec une autre légalement enregistrée, ce même point indique également que la protection concernant la dénomination s’étend aux initiales utilisées comme acronyme pour nommer le syndicat.

Dès lors, leur demande vise à ne pas utiliser le sigle CNT ou le nom complet de la Confédération nationale du travail. A cette demande, ils ajoutent également qu’ils ont déposés [auprès de l’autorité de la Propriété Intellectuelle]  les logos CNT, avec leur typographie et leurs couleurs, à titre de marque commerciale et c’est pourquoi nos syndicats ne peuvent pas les utiliser. [la CNT-CIT s’arroge la propriété exclusive des couleurs rouges et noires …]

En plus de nous poursuivre pour utilisation abusive du nom et des sigles et utilisation abusive des logos CNT afin que nous renoncions à leur utilisation, la CNT-CIT réclame 50 000 € de dommages et intérêts à chacun des 18 syndicats défendeurs. Au total ce serait 900 000 € que la CNT-CIT réclame à la CNT-AIT.

Ce montant est demandé à titre de compensation pour plusieurs raisons :

– La première est qu’ils disent que le fait qu’il y ait des syndicats locaux qui utilisent le nom CNT empêche leur croissance en tant que syndicat, vu qu’ils ne peuvent pas s’implanter dans ces municipalités.

– Parce qu’ils disent que la CNT-AIT a porté atteinte à son image publique en tant que syndicat en écrivant des articles les insultant et les critiquant. Les qualifiant de syndicat jaune, traîtres aux idées anarcho-syndicalistes, etc.

– Parce qu’on utilise le nom de la CNT pour les priver d’affiliation et donc de cotisations, créant la confusion dans la classe ouvrière et affiliant des personnes qui, voulant adhérer à la CNT-CIT, commettent une erreur et adhèrent à la CNT-AIT.

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