RUSSIE : LA REPRESSION DU REGIME DE POUTINE CONTRE LES SYNDICALISTES S’INTENSIFIE

Kirill Ukraintsev, secrétaire du syndicat des livreurs « Courier » a été arrêté en avril 2022 suite à un

mouvement de grève très suivi à Moscou[1]. Depuis il est maintenu en prison, au mépris de la loi russe qui limite la privation préventive de liberté à 6 mois maximum, son procès étant sans cesse reporté et renvoyé à des tribunaux de plus en plus éloignés. Le 1er février, il est passé devant le tribunal d’une petite ville de province près de Moscou, à Sergiev Possad,  à l’abri des regards du public.

Appel à la solidarité : « Liberté pour Kirill Ukraintsev, victime syndicale de l’arbitraire du régime russe ! » https://cnt-ait.info/2022/11/07/liberte-kirill/

Said Shamkhalov, un autre président du syndicat « Courier », a été arrêté par la police en novembre, prétendument soupçonné de vol. Comme il n’y avait aucune preuve (il ne pouvait y en avoir !), le militant a dû être relâché après interrogatoire.

Le syndicat des travailleurs de la santé « Action » est aussi particulièrement dans le collimateur du Pouvoir. A Saint-Pétersbourg Vladimir Baranov, anesthésiste-réanimateur à l’hôpital municipal n° 40 de Sestroretsks, a subi des pressions de la part des autorités: il a été convoqué pour interrogatoire où il été faussement accusé de trafic de drogue, après quoi il lui a été remis une convocation pour le bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire.

Tôt le matin du 21 décembre, alors que Baranov était au travail, les policiers sont venus chez lui et ont exigé de sa femme qu’elle ouvre la porte du domicile. Le syndicat « Action » affirme que les policiers ont insisté pour que la femme du médecin les laisse entrer pour une perquisition, menaçant de casser la porte, mais refusant de révéler le matricule et le nom de l’enquêteur. Le lendemain, Vladimir a été « invité » à un interrogatoire, où il a appris qu’il était témoin dans une affaire pénale pour production et vente illégales de drogue (article 228.1 du Code pénal de la Fédération de Russie), écrit le syndicat. Selon toute vraisemblance, la descente de police de la veille était destinée à dissimuler de la drogue au domicile de Baranov pour forger de fausses preuves contre lui.

A la sortie du commissariat de police, ils ont tenté de remettre à Baranov une convocation au bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire, mais celui-ci l’a refusée.

Dès la déclaration officielle du syndicat « Action » auprès de l‘hôpital numéro 40 en Avril 2021, la direction lui a déclaré la guerre : une « série de plaintes » ont été déposée immédiatement contre le président de l’organisation syndicale, Vladimir Baranov, auprès du bureau du procureur du district de Kurortny, plaintes qui ont toutes été classées sans suite après enquête. Puis une affaire pénale a été ouverte contre Vladimir Baranov pour diffusion de « fausses nouvelles » sur le coronavirus en raison d’une interview sur les problèmes d’ambulance pendant le COVID-19. L’enquête n’a pas révélé la commission d’actes illégaux par l’activiste. En revanche, grâce à la participation de Baranov, il a été possible de prouver une classe de danger accrue et de réduire la semaine de travail du personnel de terrain à 36 heures.

En Bachkirie, république autonome de l’Oural, c’est au tour d’Anton Orlov, ambulancier et responsable régional du syndicat « Action » de faire l’objet d’une manipulation du pouvoir. Il a été condamné en septembre 2022 à 6 ans et demi de prison pour soit disant « détournement de carburant » dans l’entreprise où il travaille. En fait il lui est surtout reproché son activisme qui a permis d’obtenir un certain nombre de succès pour les travailleurs du secteur médical dans cette république. Ainsi, dans le seul service d’urgence de Birsk, les résultats suivants ont été obtenus :

  • payement des primes Covid aux ambulanciers paramédicaux et les ambulanciers ;
  • payement des impayés de salaire des ambulanciers ;
  • Salaire double pour le travail du week-end ;
  • Congés maternité avec maintien du même niveau de salaire.

    Le syndicat « Action » se distingue par l’emploi de la « grève du zèle », qui consiste à travailler en appliquant strictement à la lettre toutes les procédures de travail, qui sont souvent excessivement bureaucratique, ce qui revient souvent de fait à paralyser le fonctionnement d’une entreprise ou d’un service par excès de zèle. (Cf. notre brochure « TECHNIQUES DE LUTTES »   https://cnt-ait.info/2020/06/17/techniques-de-luttes/).

Anton ayant  fait appel de sa condamnation, un nouveau procès s’est tenu le 1er février qui a réduit sa peine de … 2 mois, la portant à 6 ans et 3 mois de prison ! Il s’agit clairement d’une parodie de justice, qui a été prononcé la veille de l’annonce d’une grève du zèle des ambulanciers pour protester contre les sous-effectifs et les heures de travail non payées. Si vous voulez en savoir plus sur le cas d’Anton Orlov, regardez la vidéo « 6 ans de prison pour un syndicat » (https://www.youtube.com/watch?v=XA_30F6vG9w). (Sous-titres anglais inclus).

On le voit, cette répression cible des militants syndicalistes qui, entre autres, ont déjà organisé des grèves. Par conséquent, tout ce qui se passe ne peut être considéré autrement que comme la volonté des autorités russes, sous couvert de guerre, de supprimer les éléments du mouvement ouvrier qui existent encore dans ce pays !

D’après des informations des syndicats Courier et Action et de la section en Russie de l’AIT (KRAS-AIT)

[1] Cf. nos appels à la solidarité : « Liberté pour Kirill Ukraintsev, victime syndicale de l’arbitraire du régime russe ! » https://cnt-ait.info/2022/11/07/liberte-kirill/