Ceci est une tentative de ma part d’expliquer le conflit autoritaire au Soudan de mon point de vue d’anarchiste né au Soudan, en m’appuyant sur ma connaissance de ses conflits.
Avant le colonialisme britannique, le Soudan ne connaissait pas d’État unifié mais plutôt constitué de petits États et royaumes gouvernés par des systèmes tribaux, ethniques ou claniques, tels que le Royaume de Wadai, les Nubiens, les royaumes des Monts Nouba et bien d’autres.
Le Soudan lui-même est divisé en régions qui présentent des différences culturelles et sociales importantes, ce qui le rend difficile à comparer avec tout autre État.
Le nord du Soudan, par exemple, est habité par les vestiges des royaumes nubiens dont les populations partagent des liens culturels au-delà de la frontière avec l’Égypte, s’étendant jusqu’à Assouan.
Dans l’est du Soudan, vous trouverez les tribus Beja, Beni Amer et Hadendowa, qui ont des liens profonds avec l’Érythrée et l’Éthiopie.
Le Darfour, lui aussi, est divisé en régions du nord et du sud, avec des différences culturelles et ethniques importantes. Ces régions ont également des liens avec le Tchad et la République centrafricaine.
Les grands royaumes que les puissances coloniales ont tenté d’unifier à la recherche de richesses, compte tenu des richesses du Soudan en or et des terres fertiles propices à la culture du coton à l’époque, restent aujourd’hui au cœur des conflits internationaux sur les ressources soudanaises. Les puissances coloniales n’ont pas été en mesure d’assimiler ces communautés en une seule entité ; au lieu de cela, elles ont appliqué des politiques qui ont abouti à la séparation du nord et du sud, comme cela est encore évident aujourd’hui.
Tout cela montre que, malgré les révolutions qui ont cherché à expulser les colonisateurs et à unifier les royaumes et les communautés soudanaises, le système de contrôle tribal est resté dominant et en contrôle jusqu’à ce jour. C’est l’une des perspectives anarchistes que nous allons essayer d’appliquer à notre réalité, en visant à la déconstruire à travers ce prisme.
Tribu et État
La tribu est une forme miniature d’autorité sociale qui possède sa propre culture autoritaire et est gouvernée par l’autorité d’un chef tribal, caractérisée par un transfert héréditaire de leadership dans la plupart des cas. Elle a été et continue d’être le principal obstacle à la transformation du peuple soudanais d’un centre de conflit tribal, de violence et d’immersion dans l’ignorance et le retard vers un stade meilleur.
Le colonialisme a contribué à façonner les hostilités entre tribus en distinguant certaines des autres et en les armant, en leur accordant l’autorité de l’État, ce qui a formé des coalitions complexes de divers groupes humains même sur les questions communautaires les plus simples.
La transition de la tribu à la nation n’a pas eu lieu au Soudan, nous laissant à un stade tardif d’avancement de l’auto-organisation. Même sous la forme de l’État moderne post-indépendance au Soudan, les systèmes tribaux et les administrations locales contrôlent toujours l’État d’une manière ou d’une autre, ouvrant la voie à la propagation du racisme, des conflits tribaux et des guerres civiles.
Le problème contemporain du Soudan, exploité par les forces impérialistes pour contrôler sa position stratégique et ses vastes ressources, est la formation de mouvements armés et de milices sur la base de critères ethniques et raciaux dans le but de diviser et de fragmenter le pays pour en faciliter le contrôle. Aujourd’hui, nous constatons que le Soudan compte sept armées qui se battent entre elles, et ce n’est qu’une question de temps avant que le chaos n’engloutisse tout le pays ou qu’il ne se désintègre. Il est essentiel de combattre la mentalité tribale au sein de la population, tout comme il est important de lutter contre les idées nationalistes qui conduisent à des guerres civiles en cours.
A suivre …
Un anarchiste du Soudan
Original en anglais : https://cnt-ait.info/2024/10/28/tribe-state/