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Yuval Moav de Kfar Neter, Oryan Mueller de Tel Aviv et Itamar Greenberg de Bnei Brak ont été condamnés début août pour refus de rejoindre leur service militaire obligatoire. Tous trois sont envoyés à la prison militaire de Neve Ztedek. Ils devraient être jugés à plusieurs reprises pendant plusieurs mois.
Depuis le début de la guerre, le réseau israélien de soutien aux refuzniks Mesarvot soutient des réfractaires tels que Tal Mitnik (185 jours de prison), Sofia Orr (85 jours) et Ben Arad (95 jours). Les trois réfractaires emprisonnés cette semaine ont reçu les conseils et le soutien des réfractaires précédents.
Mesarvot nous a fait suivre un interview qu’ils ont donné au média en ligne +972 ainsi que leurs déclarations de refus lues devant le tribunal, que nous avons traduites et partageons pour faire entendre leur voix pour la paix le plus largement possible.
Les compagnes et compagnons de la CNT-AIT
Pour contacter Mesarvot : https://linktr.ee/Meaarvot
Les objecteurs de conscience Yuval Moav, Itamar Greenberg et Oryan Mueller expliquent pourquoi ils sont prêts à aller en prison pour s’opposer à la guerre.
Par Oren Ziv
Oren Ziv est photojournaliste, reporter pour Local Call et membre fondateur du collectif de photographie Activestills.
7 août 2024
Texte original : https://www.972mag.com/israeli-army-refuseniks-moav-mueller-greenberg
Cette semaine, trois objecteurs de conscience de 18 ans se sont présentés au centre de recrutement de l’armée israélienne de Tel Hashomer, près de Tel Aviv, et ont déclaré leur refus de s’enrôler dans le service militaire obligatoire en signe de protestation contre l’occupation et la guerre actuelle contre Gaza. Yuval Moav, Oryan Mueller et Itamar Greenberg ont tous été jugés et condamnés à une peine initiale de 30 jours de prison militaire, qui sera probablement prolongée. Les seuls autres refuzniks à s’être publiquement opposés à la conscription pour des raisons politiques depuis le 7 octobre – Tal Mitnick, Ben Arad et Sophia Orr – ont récemment été libérés après avoir purgé des peines de prison totalisant respectivement 185, 95 et 85 jours.
Ces trois nouveaux refuzniks – qui sont accompagnés tout au long du processus de refus par le réseau d’objecteurs de conscience Mesarvot – ont chacun publié des déclarations avant de comparaître devant un tribunal militaire. Greenberg, qui a grandi dans la ville ultra-orthodoxe de Bnei Brak, a déclaré qu’il avait d’abord vu l’enrôlement comme un moyen de s’intégrer davantage dans la société israélienne, avant de se rendre compte que « la porte d’entrée dans la société israélienne passe par l’oppression et le meurtre d’un autre peuple ». Il a ajouté : « Une société juste ne peut pas être construite sur des canons de fusil ».
Moav a adressé sa déclaration aux Palestiniens. « Par mon simple geste, je veux être solidaire de vous », a-t-il déclaré. « Je reconnais également que je ne représente pas l’opinion majoritaire de ma société. Mais par mon action, j’espère faire entendre la voix de ceux d’entre nous qui attendent le jour où nous pourrons construire un avenir commun [et] une société basée sur la paix et l’égalité, et non sur l’occupation et l’apartheid. »
Mueller a expliqué que la vengeance est le moteur du cycle de l’effusion de sang. « La guerre à Gaza est la manière la plus extrême dont l’État d’Israël profite de l’envie de vengeance pour faire avancer l’oppression et la mort en Israël-Palestine », a-t-il déclaré. « La lutte contre la guerre ne suffit pas. Nous devons combattre les mécanismes structurels qui la rendent possible. »
Plusieurs dizaines de personnes sont venues soutenir les refuzniks lors d’une manifestation devant le centre de recrutement lundi matin, alors que Moav recevait sa sentence. À proximité, des centaines de juifs ultra-orthodoxes ont également organisé une violente manifestation sur le site, le premier jour de leur conscription obligatoire suite à la décision historique de la Haute Cour du mois dernier, qui a annulé une exemption militaire vieille de plusieurs décennies.
Les Haredim ont d’abord pensé que les manifestants de gauche étaient des laïcs venus manifester contre eux, mais les deux groupes de manifestants ont rapidement trouvé un terrain d’entente dans leur opposition commune à l’armée. « La Sainte Torah nous interdit de nous engager dans la guerre, l’occupation et l’armée », a déclaré un manifestant ultra-orthodoxe, sous les applaudissements de ceux qui soutenaient les refuzniks. « Nous ne devons pas provoquer les nations [non juives], nous devons faire des compromis sur ce qui est possible, car la chose la plus importante est la vie, pas la mort. »
Avant d’entrer en prison, les trois adolescents ont parlé au magazine +972 et à Local Call des raisons de leur refus, des réactions de leur entourage et des perspectives de convaincre davantage d’Israéliens de leur position. Extraits de cette conversation :
Comment avez-vous pris la décision de refuser ?
Mueller : Je suis né à Tel-Aviv et toute mon éducation politique a commencé à la maison. Je viens d’une famille qui critique l’occupation et d’autres problèmes politiques, mais c’était quand même une maison sioniste et toute ma famille a servi dans l’armée. On s’attendait à ce que je serve aussi. Mais ensuite, j’ai appris et compris davantage, et lorsque la guerre a éclaté [et que j’ai lu] les témoignages qui sont sortis de Gaza, j’ai compris que je devais refuser.
Je pense que la brutalité a sapé [pour moi] l’idée qu’on peut faire la distinction entre l’occupation d’un côté et l’État d’Israël de l’autre, et que ce sont deux choses distinctes. Le niveau de destruction et de mort à Gaza et le manque d’attention qu’il reçoit en Israël – ou la manière dont il est activement dissimulé – ont brisé cette dissonance.
Greenberg : Après avoir grandi dans une famille ultra-orthodoxe, j’ai traversé des processus de questionnement politique et religieux. J’ai abandonné la religion, et parce que j’ai été une personne très politique depuis que je suis très jeune, cela m’a orienté vers la justice et je suis arrivé là où je suis aujourd’hui. Je pense que la décision de refuser est une conséquence directe de cela.
Dans une famille ultra-orthodoxe, ce n’est pas grave de ne pas servir, mais j’ai grandi avec un père qui a servi dans la réserve pendant 25 ans, et même maintenant il est dans la réserve depuis 10 mois. Cela affecte beaucoup l’ambiance à la maison. Ce n’est pas facile. Je n’en parle pas avec eux parce que je sais à quel point c’est douloureux. C’est ce qui me dérange le plus dans tout le processus. Le vrai prix du refus n’est pas la prison mais ce qui se passe à l’extérieur. Je me soucie du prix que [ma famille] paie, car ils ne le méritent pas. J’essaie de ne pas trop leur faire de mal.
Moav : Je viens de Kfar Netter, un moshav[1] près de Netanya. Comme Oryan, j’ai grandi dans une famille sioniste de gauche, mais dans un foyer moins politique. Ils ont joué un rôle dans ce que je suis, mais mon refus ne vient pas de là. La vérité est que j’ai eu la chance d’être exposé à un contenu international qui m’a permis de changer d’avis sur l’endroit où je vis.
J’ai réalisé que je ne savais vraiment pas ce qui se passait ici. Dès que je me suis intéressée et que j’ai posé des questions, j’ai vu que j’étais seule : j’ai compris que je ne pouvais pas m’engager parce que c’est une armée d’occupation, et même si je savais que d’autres refusaient, je me sentais complètement seule dans mon expérience et dans la raison de ma décision. Puis j’ai entendu parler des refuzniks, des Mesarvot, des gens qui sortent et disent leur vérité et paient un prix, et j’ai réalisé que j’appartenais à ce groupe, que je n’étais pas seule.
Si vous me demandez pourquoi je refuse aujourd’hui, la réponse est, en fin de compte, parce que je refuse de participer au génocide. J’ai été confrontée à la violence [pour ma décision], mais je continue. La guerre n’a fait que renforcer ma position.
Le fait d’avoir vécu l’occupation de première main a-t-il influencé votre décision ?
Greenberg : Je suis actif [dans des activités de solidarité] en Cisjordanie, principalement dans le village de Mukhmas [une communauté palestinienne qui subit régulièrement la violence des colons soutenue par l’armée]. Être présent en Cisjordanie change les perceptions, vous familiarise avec l’occupation et l’oppression, et vous fait passer du statut de spectateur à celui de partenaire physique de l’expérience. Même si je ne le vis pas moi-même, j’ai des amis qui subissent quotidiennement l’oppression, de la part de gens qui veulent les chasser de chez eux. Quand vous le voyez de vos propres yeux, cela ne disparaît pas. Je me promène ici, mais ma tête est là-bas.
Mueller : Je n’ai pas eu l’occasion de le vivre, mais contrairement à la plupart des Israéliens, j’ai été exposé à des témoignages de terrain, principalement en ligne. Je suis actif dans des forums de discussion politique. Lorsque j’essaie de parler de ces témoignages avec des gens qui n’y sont pas exposés, je tombe sur un immense mur qui sépare les Israéliens de ce qui se passe à 5 kilomètres au sud de chez eux. Je ne sais pas quel genre de bouleversement culturel il faudrait pour qu’ils commencent à voir des témoignages provenant de Gaza dans les actualités israéliennes ; pour le moment, nous ne le voyons tout simplement pas.
Si vous pouvez en parler, vous devez le faire : de l’ampleur des destructions et des morts à Gaza, de l’oppression et de la profondeur des racines de l’apartheid en Cisjordanie. Il y a une limite au nombre de [vidéos] d’enfants sans bras que vous pouvez regarder avant de vous rendre compte que quelque chose ne va pas.
Moav : Mon processus a été plus personnel. La principale cause de ma radicalisation est liée à la société israélienne et à son opacité. Au final, j’ai décidé de ne pas m’engager parce que j’ai été exposé à des contenus internationaux. J’ai compris que l’Israélien moyen en sait moins sur ce qui se passe à 2 kilomètres de chez lui que quiconque ayant accès à Internet à l’étranger, et que vous ne rencontrez aucune sympathie de la part de nombreuses personnes, certaines plus âgées que vous, qui sont censées vous protéger.
Voyez-vous votre refus comme une façon d’essayer d’influencer la société israélienne – en particulier dans le contexte extrême d’aujourd’hui, où beaucoup n’ont aucune envie d’écouter les voix anti-guerre ?
Greenberg : Je pense que c’est un message important pour la société israélienne : commencer à dire non. J’exhorte mes pairs à réfléchir à ce qu’ils font. L’enrôlement est un choix politique, et c’est ainsi qu’il doit être traité. Nous avons le droit de choisir ce en quoi nous croyons.
Mueller : Refuser, c’est comme tendre un miroir à la société israélienne, tout d’abord pour montrer qu’il est possible de résister à la machine de mort militariste et au cycle de la guerre.
Nous ne sommes pas obligés d’y prendre part. C’est aussi une sorte de plateforme qui permet de montrer à la société israélienne ce qui se passe au-delà de ce que l’on voit dans les médias, qui ne révèlent pas vraiment ce qui se passe à Gaza et en Cisjordanie.
Moav : Contrairement à mes amis, je suis moins optimiste quant à l’impact de ce que nous faisons sur la société israélienne, et au final, c’est aussi moins important pour moi. Je le fais d’abord par solidarité avec le peuple palestinien, et dans l’espoir de faire entendre la voix des gens de la société israélienne qui attendent le jour où nous pourrons construire un avenir commun. Mais mon appel s’adresse avant tout au peuple palestinien.
Mais c’est très important pour moi de le faire aussi pour les gens que j’aime, pour leur montrer qu’il existe une autre voie. J’espère seulement que les gens s’arrêteront et réfléchiront lorsqu’ils porteront des armes et qu’on leur demandera de faire des choses qu’ils ne veulent peut-être pas faire. J’espère aussi que cela atteindra le monde, car au final, les gens du monde entier voient les horreurs qui se produisent à Gaza.
Greenberg : Je pense que notre plus grand message à la société palestinienne est qu’il y a des gens ici qui se battent, peut-être pas assez, mais qui se battent quand même, et qui sont prêts à payer un prix personnel très élevé pour avoir choisi de se battre pour la justice et l’égalité.
Mueller : Il y a la vision plus large du conflit et de l’occupation, en tant que processus historique dans son ensemble, mais il y a aussi la lutte immédiate de la guerre et de la mort qui doit être arrêtée. Et la manière la plus pratique de participer à cette lutte est le refus.
Contrairement à de nombreux refuzniks du passé, votre refus intervient en temps de guerre. Pensez-vous que cela donne un sens supplémentaire à la décision ?
Greenberg : Nous avons eu une discussion sur le « privilège » du refus, et je pense que refuser en temps de guerre est vraiment un privilège. Mais refuser est aussi l’acte le plus fort que nous puissions faire face à la guerre.
Mueller : Si je peux empêcher un Israélien d’aller à Gaza, de tuer et de mourir, alors cela en vaut la peine. Et bien sûr, nous voulons soutenir et promouvoir la lutte contre l’occupation. Le changement que subit la conscience israélienne de manière assez importante en temps de guerre transforme notre refus en quelque chose d’encore plus marginal qu’il ne l’était par le passé. Cela revient à aller à l’encontre de la société israélienne et à dire : « Non, nous n’avons pas besoin de construire des monuments aux morts si nous pouvons d’abord empêcher les morts. »
Moav : En fin de compte, ce qui est le plus important pour moi à dire, c’est que je refuse de participer au génocide. A propos de « privilège », je ne vais pas en prison avec la conscience tranquille parce que je ne sais pas si j’en fais assez, je ne sais pas quelle est ma responsabilité dans cette situation. Je reconnais que les jeunes et les enfants de mon âge à Gaza et en Cisjordanie ne peuvent pas faire quelque chose de similaire à moi ; ils ne peuvent pas décider de refuser de prendre les armes, de communiquer cet acte et d’essayer d’améliorer la situation des deux peuples.
Votre refus est-il aussi une déclaration contre le militarisme qui s’est encore intensifié en Israël depuis la guerre ?
Moav : Oui. Nous sommes des gens de paix. Mais il y a quelque chose de plus grand ici, un processus qui corrompt la société. Notre société est capable de rester silencieuse face à des crimes d’une telle ampleur. C’est une société où, pour l’instant, la seule chose que je puisse faire en tant qu’être humain, aussi douloureux que cela puisse être de le dire, c’est de m’en séparer. Si répéter encore et encore que je refuse d’être complice d’un génocide, ou même de prononcer cette phrase, peut nuire à ma capacité à atteindre le public israélien, qu’il en soit ainsi.
Greenberg : C’est un peu compliqué. J’aimerais vraiment vous dire oui, car je pense que le militarisme est l’une des pires choses. À l’âge de 12 ans, j’ai décidé de m’engager parce que j’ai compris que c’était ma façon de m’intégrer à la société israélienne, et je pense que c’est l’une des observations les plus justes que j’ai faites. C’est une grande injustice envers tous ceux qui ont grandi dans cette société – est-ce la façon d’en faire partie ? Malheureusement, la réponse est oui. Mais le refus public a aussi un aspect militariste, celui de se mobiliser pour une cause, juste une autre.
Vous êtes-vous préparé à la prison ? Avez-vous parlé à des refuzniks qui ont déjà purgé une peine ?
Mueller : Au sein de Mesarvot, certains on le rôle d’ accompagnateur » : un ancien refuznik qui a purgé une peine de prison et qui aide à préparer le futur refuznik — qu’il s’agisse de préparation mentale aux difficultés du processus menant à l’incarcération, ou de compréhension de la vie en prison, d’apprentissage des astuces qui peuvent faciliter le quotidien, de connaissance des lois, des procédures et de la routine. Plus ou moins comme un programme préparatoire pré-militaire.
Greenberg : Un cours préparatoire avant le refus, c’est le rêve.
Moav : Le principal conseil était que plus on parle, plus on se fait avoir.
Les livres et les CD sont autorisés à l’intérieur de la prison, sous réserve d’inspection et d’approbation à l’entrée. Qu’est-ce que tu vas apporter avec toi ?
Mueller : Tout d’abord, « Israelis and Palestinians: From the Cycle of Violence to the Conversation of Mankind » de Jonathan Glover. C’est un livre génial mais super difficile, et je le lis lentement. J’apporterai aussi « The Biggest Prison on Earth » d’Ilan Pappe et beaucoup de prose hébraïque. J’ai un CD de Johnny Cash, « At Folsom Prison », qu’il a enregistré dans une prison fédérale américaine. J’ai aussi un CD d’OutKast que j’ai reçu du refuznik Ben Arad, et que j’ai très hâte de prendre.
Greenberg : J’ai plusieurs livres sur l’économie. Mon objectif est d’avoir la légitimité d’exprimer une opinion économique, car pour l’instant je ne comprends rien à l’économie. J’ai un livre sur l’économie vietnamienne, par exemple.
Moav : J’apporterai de bons ouvrages de Marx et d’autres classiques que je lirai plus facilement en prison. Je dois continuer à apprendre.
Itamar, vous avez grandi dans une famille ultra-orthodoxe, et le jour où vous vous présentez au centre de recrutement, des manifestants Haredi manifestent au même endroit contre la conscription obligatoire. Comment voyez-vous leur lutte contre la conscription ?
Greenberg : Je peux comprendre la justification des ultra-orthodoxes pour refuser de s’enrôler : cela viole leur religion, ils n’ont donc aucun intérêt à y consentir. Je peux également comprendre le sentiment des « Dalabim » [acronyme hébreu de « démocratie pour les juifs seulement », en référence à la majeure partie du mouvement de protestation de masse de l’année dernière contre la refonte judiciaire du gouvernement d’extrême droite] selon lequel le fardeau [de la sécurité] devrait être partagé de manière équitable.
Nous devons travailler à l’intégration des ultra-orthodoxes dans la société israélienne et œuvrer pour l’égalité – mais pas par l’égalité dans le meurtre et l’oppression. Si nous n’avions pas la sécurité avec 300 000 soldats, alors nous n’aurons pas non plus la sécurité avec 360 000.
[1] Un moshav est une communauté agricole coopérative juive, principalement d’obédience socialiste, associant plusieurs fermes individuelles.
Déclaration de refus – Oryan Mueller
Le cycle du sang et de la souffrance est au cœur de la vie entre le fleuve et la mer. Des millions de personnes, Juifs et Arabes, en ressentent quotidiennement les conséquences.
La vengeance est le mécanisme principal derrière le cycle du sang, et la guerre à Gaza est la manière la plus extrême dont l’État d’Israël profite de l’envie de vengeance pour faire avancer l’oppression et la mort en Israël/Palestine.
La lutte contre la guerre ne suffit pas. Nous devons combattre les mécanismes structurels qui la favorisent : le racisme systémique en Israël, le régime militaire d’apartheid géré de près en Cisjordanie, la montée de l’extrémisme violent et militariste au sein de la population juive d’Israël, l’industrie des colonies et bien d’autres facteurs.
Je viens d’une famille établie à Tel Aviv. Dès mon plus jeune âge, les discussions politiques dans mon environnement familial étaient un mélange de valeurs sionistes et de gauche. Les conversations sur l’occupation et la signification du service militaire étaient très fréquentes. Quand j’ai commencé à m’interroger sur mon environnement, la question de l’armée a été au cœur des débats : comment se fait-il que l’armée israélienne permette et prête main-forte à toutes ces actions horribles qui vont à l’encontre de toutes mes convictions, alors que je suis obligé d’y participer ? N’y a-t-il pas d’autre solution ?
Comme tout le monde entre le fleuve et la mer, ma vie a changé de manière irréversible après le massacre du 10 octobre. Dès le début, l’activité opérationnelle à Gaza a apporté avec elle la mort et la destruction à une échelle jamais vue auparavant. Alors que la guerre se poursuivait, une image sinistre de la nouvelle réalité à Gaza est apparue : l’utilisation de la famine comme arme, la destruction de quartiers entiers, la création d’une crise des réfugiés d’une ampleur incompréhensible, l’extermination ciblée d’équipements et d’infrastructures médicales et le massacre de civils – en particulier d’enfants. Lorsque le poids de la vérité s’est abattu sur moi, j’ai compris qu’il ne suffisait pas de ne pas y prendre part. Le simple fait de l’éviter n’était pas une option. J’ai compris que je devais faire tout ce que je pouvais pour mettre fin à la mort et à la destruction – j’ai compris que je devais refuser.
Déclaration de refus – Yuval Moav
Je m’appelle Yuval Moav et je refuse d’être complice d’un génocide.
Je ne suis pas spécial. Comme les gens du monde entier, je vois ce que mon pays fait à Gaza et je suis à court de mots pour décrire l’horreur. J’appelle à traduire les criminels de guerre en justice. Pourtant, je comprends aussi que ce ne sont pas les actions de personnes individuelles qui ont amené l’opinion publique d’un pays entier à être aveugle et complice des crimes d’extermination. C’est un processus sociétal aux racines idéologiques profondes. De l’expulsion massive sur laquelle mon pays a été fondé au génocide de Gaza, le sionisme a fait souffrir des millions de personnes. Les tendances fondamentales de l’idéologie se sont révélées au cours de cette période. Ainsi, je rejette complètement le sionisme.
À mes frères et sœurs palestiniens, par mon simple acte, je veux être solidaire de vous. Je sais que chaque enfant de Gaza est obligé d’être un héros plus grand que je ne le serai jamais. Je sais qu’il y a des enfants – plus jeunes que moi – dans les prisons israéliennes sans qu’ils en soient responsables, et dont je ne pourrai jamais connaître la douleur. Je reconnais aussi que je ne représente pas l’opinion majoritaire dans ma société. Mais par mon action, j’espère faire entendre la voix de ceux d’entre nous qui attendent le jour où nous pourrons construire un avenir commun, construire une société basée sur la paix et l’égalité, et non sur l’occupation et l’apartheid.
Malgré tout, j’ai encore de l’espoir – les jours où Israël pourra agir sans retenue sont comptés. Je sais que je ne suis pas seul – qu’il y a des gens comme moi partout dans le monde qui résistent à ces crimes. Je dis à tous ceux qui reçoivent ce message – continuez à faire ce que vous pouvez faire. Aujourd’hui, plus que jamais, le régime israélien s’appuie sur un petit groupe de personnes en position de pouvoir et sur leurs amis dans l’industrie de l’armement. Nous sommes plus nombreux qu’eux, et la justice est avec nous. Je vais entrer en prison maintenant, mais mon cœur est avec les enfants de Gaza et les peuples opprimés du monde entier. Mettez fin au génocide à Gaza. Mettez fin à l’occupation.
Déclaration de refus – Itamar Greenberg
Je m’appelle Itamar Greenberg et j’ai grandi dans une famille Haredi[1] à Bnei Brak. Quand j’avais 12 ans, j’ai décidé de m’enrôler dans l’armée israélienne pour faire partie intégrante de la société israélienne. Je ne voulais pas être soldat, mais je voulais être israélien.
Maintenant que j’ai 18 ans, je sais que le fait que la porte d’entrée dans la société israélienne passe par l’oppression et le meurtre d’un autre peuple est une grave injustice dans notre société. Une société juste ne peut pas être construite sur des canons de fusil. Par engagement envers cette société et par désir de la changer, je refuse de servir dans l’armée. Je m’engage pour la paix.
Je refuse par engagement envers les deux peuples. Par profonde solidarité avec le peuple palestinien, qui a été confronté l’année dernière à une guerre d’extermination à Gaza et qui, depuis de nombreuses décennies, est sous le joug d’une machine de guerre israélienne qui opprime, expulse, occupe et extorque. Je refuse aussi par engagement envers mon propre peuple, qui est devenu prisonnier d’idéologies nationalistes dangereuses.
Notre société permet le meurtre et l’oppression et déshumanise l’autre – qu’il s’agisse d’un Palestinien de Gaza, d’un citoyen palestinien d’Israël, d’un travailleur migrant ou même d’un Haredi. Cette déshumanisation est profondément liée au fait que nous gérons une occupation depuis des décennies. Seule la fin de l’occupation et des guerres pourrait nous permettre de guérir.
Mon refus est un appel immédiat et direct à nous détourner du mal : mettre fin à la guerre, à l’expansion des colonies et à l’expulsion des Palestiniens. Mettre fin à tout cela maintenant ! Après cela viendra le temps de faire le bien – permettre au peuple palestinien d’exercer son droit national à l’autodétermination et de vivre comme deux peuples en paix et à égalité côte à côte – avec la démocratie et la paix pour tous, du fleuve à la mer. Je refuse afin que nous puissions reconstruire le camp de la paix en Israël. Un camp de Juifs et d’Arabes travaillant ensemble pour un avenir commun et contre le camp du bain de sang au gouvernement. Toutes les forces de notre société – Juifs, Arabes, laïcs, religieux et Haredi – doivent s’opposer à la guerre éternelle que nous proposent les extrémistes au pouvoir. Nous devons formuler une réponse unifiée pour la construction d’une société qui aspire à la vie et à la paix.
[1] Les Haredi sont des juifs ultra-orthodoxes