« Toi non plus tu n’as rien vu » : un film sensible et délicat sur le déni de grossesse
Le film « Toi non plus tu n’as rien vu » est un film sensible et délicat sur le déni de grossesse, sujet complexe et dont la reconnaissance légale est un véritable combat féministe.
Ce film est un hommage à notre compagnon, le Dr Felix Navarro, et indirectement aux militants et sympathisants de la CNT-AIT qui – il y a 20 ans de cela- ont défendu de toute leurs maigres forces face à l’Etat et l’institution médico-judiciaire une jeune femme qui était confrontée à ce drame. Ce combat victorieux – mais après des batailles âpre et éprouvantes – a contribué à faire connaitre et reconnaitre peu mieux, notamment au niveau pénal, la réalité du déni de grossesse.
Néanmoins, le déni de grossesse reste un impensé, autour du quel règne un silence pesant y compris même dans le milieu féministe (1).
Puisse ce film contribuer à faire tomber le mur du silence !
à voir à Paris et Toulouse, ce week end du 10, 11, 12 mars :
PARIS
Débats à l’Espace Saint Michel à Paris
Jeudi 9 mars, 20h20
En présence du Professeur Israël Nissand, médecin et expert sur le déni de grossesse, maître Yves Maine, avocat pénaliste et Stéphanie Douet, productrice Sensito films
Vendredi 10 mars 20h20
En présence de Natacha VELLUT, psychologue et chercheuse sur les violences intrafamiliales
Dimanche 12 mars, 16h45
En présence de Patrick Sandoz, auteur du roman « Sandwich aux sentiments » qui aborde le déni de grossesse
Lundi 13 mars, 20h20
En présence de Fanny Grévant, psychologue experte sur le déni de grossesse et Béatrice Pollet
TOULOUSE
Du 8 au 28 mars au Cinéma « American Cosmograph » de Toulouse
Le Samedi 11 mars à 16h15, la projection sera suivie d’une rencontre avec la réalisatrice Béatrice Pollet et la comédienne Maud Wyler
(1) Nous devons à la vérité de dire que si le mouvement féministe brilla par son silence pendant ce combat judiciaire, la seule réaction militante que suscita notre campagne pour clamer l’innocence de notre compagne fut une contre-campagne organisée par des intersectionnels sur le thème « si l’innocent mérite notre solidarité, le coupable la mérite encore plus … », façon d’accabler la femme dans le box des accusés et qui plaçait de fait leur auteurs et autrices du même côté du prétoire que le Procureur et les flics.
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« Le déni de grossesse est la complication obstétrique la plus dangereuse à être ignorée par la recherche et la littérature scientifique » Jens Wessel, gynécologue obstétricien
Le film s’ouvre sur une séquence montrant Claire sautant dans une piscine avec un ventre totalement plat ; elle est pourtant enceinte de huit mois et demi. Elle accouche deux semaines plus tard dans un état de sidération tel qu’elle utilisera plutôt le terme « se vider ». Comme Claire, sa famille, son entourage et nous, spectateurs, sommes stupéfaits : personne, non plus, n’a rien vu. Dès son arrivée aux urgences, Claire est arrêtée pour tentative d’homicide sur enfant de moins de quinze ans e son mari mis en examen pour complicité. Pourtant, Claire est aussi victime dans cette histoire, victime de son corps qui ne lui a monté aucun signe de cette future naissance. Son amie Sophie, avocate, va prendre l’affaire en main et se débattre tant bien que mal dans les méandres juridiques dus à l’ignorance totale de cet insondable phénomène. Car, depuis toujours, la maternité est considérée comme sacrée et il semble socialement inconcevable de ne pas la ressentir comme telle.
Après une enquête minutieuse et extrêmement documentée, Béatrice Pollet se lance dans cette fiction délicate mais remarquablement maîtrisée. Tournée à Toulouse, pour rendre hommage au Docteur Félix Navarro qui y a créé l’Association pour la Reconnaissance du Déni de Grossesse, Toi non plus tu n’as rien vu met en lumière un sujet d’une grande complexité, un mystère qu’il faut pourtant accepter.
American Cosmographe
=======
Inspiré d’un faits divers réel et tourné dans la région toulousaine, le nouveau film de Béatrice Polley, qui sort ce mercredi 8 mars, suit le parcours psychologique et judiciaire d’une jeune mère bien sous tous rapports, qui se retrouve au tribunal après un déni de grossesse. Un sujet extrêmement fort traité avec une grande rigueur.
C’est un sujet tabou. Une énigme. Voire un mystère métaphysique. On parle de déni de grossesse quand une femme enceinte n’a pas conscience de l’être, dont le corps ne l’informe en rien de ce fait et quand personne (partenaire, parents, amis, proches, médecins… etc.) n’en perçoit rien. On parle de déni de grossesse pour Claire (Maud Wyler, absolument remarquable).
Un récit très documenté
Comme sa meilleure amie Sophie (Géraldine Nakache, précise à contre-emploi), elle est avocate et comme elle aussi respire la réussite entre son mari et ses enfants. Mais un soir, ce dernier (le trop rare Grégoire Colin) la découvre évanouie dans une mare de sang. Claire a accouché toute seule d’un enfant dont absolument personne n’a soupçonné la gestation et abandonné le nouveau-né dehors devant chez elle, sur une benne à ordures. Vivant. Mais elle n’a aucun souvenir qu’il était question d’un enfant. La voilà accusée de tentative d’homicide sur enfant de moins de 15 ans. Son amie Sophie va assurer sa défense, et plaider le déni de grossesse.
Réalisatrice qui autant œuvré dans le cinéma de fiction (son premier long métrage Le Jour de la grenouille, en 2011) que dans le film documentaire (notamment sur la périnatalité), Béatrice Polley a choisi de poser sa caméra à mi-chemin de l’un et de l’autre. Son choix conscient d’une mère de famille heureuse, aisée et éduquée appartient au premier domaine, et évite le regard en surplomb et l’explication condescendante à laquelle d’aucuns doivent se hasarder en pareil cas. Bref, elle use de la fiction pour nous épargner toute diversion, et se focaliser pour le reste, tout le reste ou peu s’en faut, sur la réalité documentaire.
Un regard d’une grande rigueur
Avec une grande rigueur, elle documente le parcours de cette femme qui se découvre étrangère à elle-même : la déposition, la reconstitution, la détention, l’interrogatoire psychologique, le vertige familial, la préparation au procès… Dans son souci de monstration, son regard pourra paraître sans doute un peu prudent, voire neutre, sinon à l’endroit de l’accusation, un peu orienté. De même pourrait-on regretter un certain manque de cinéma dans le cadre si n’était l’excellence des comédiens qui charrient par leur talent et leur investissement tout ce que le film pèse de romanesque et d’émotion. Mais quelles que soient ces réserves, jusque dans son très beau titre, Toi non plus tu n’as rien vu nous informe qu’il est encore le temps, si l’on ose dire, de mettre au jour…
Jérémy Bernède, Midi Libre
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Extrait d’Anarchosyndicalisme, journal de la CNT-AIT, automne 2004
S. EST INNOCENTE
samedi 2 octobre 2004
Incarcérée depuis le 29 avril 2004 sous l’accusation d’avoir étouffé son bébé à la naissance, S. est innocente : une expertise de laboratoire le démontre. Pourtant, elle reste en prison. Pourquoi ?
Le 22 mars 2004, S., qui est déjà mère d’un enfant de trois ans, accouche à l’improviste. Elle n’avait pas conscience d’être enceinte. Elle présentait ce que les médecins appellent un « déni de grossesse ». Il s’agit d’un état pathologique dans lequel non seulement la femme ne se sait pas enceinte mais, de plus, ne présente aucun des signes habituels de grossesse (ni « masque de grossesse », ni « gros ventre », ni fatigues particulières…). Il s’agit d’une maladie connue des spécialistes et parfaitement documentée. Les experts psychiatres et psychologues mandatés par le juge d’instruction ont reconnu que S. souffrait de ce syndrome. N’ayant pu prendre la mesure de son état, elle accouche seule dans les toilettes de sa maison dans des conditions épouvantables, avec une hémorragie massive. Le nouveau-né ne donne aucun signe de vie, il est ou mort ou en état de mort apparente. Pour que son autre fils -qui à ce moment là est la seule autre personne présente dans la maison- ne voit pas le corps, elle le met dans un sac plastique et le cache dans la machine à laver. Son hémorragie continue. Sa propre vie n’est sauvée qu’in extremis par l’arrivée de son compagnon qui alerte immédiatement le SAMU. Hospitalisée en urgence, S., au sortir de l’hôpital, est admise dans une clinique psychiatrique. Le 29 avril, les gendarmes se présentent à la clinique. Les perfusions lui sont pratiquement arrachées. Elle est incarcérée pour infanticide car, d’après le scénario élaboré par la police puis repris par la justice, elle aurait étouffé volontairement son nouveau-né en l’enveloppant dans ce fameux sac en plastique. Sa famille et ses amis ont très rapidement mis en relief les incohérences de ce scénario en établissant que S. ne présentait aucun signe de grossesse , qu’il n’y avait aucun mobile pour qu’elle tue son bébé …
Au cours de l’été, un examen de laboratoire, une expertise anatomopathologique (c’est-à-dire l’étude au microscope des différents tissus organiques) est venu effondrer totalement le scénario policier.
L’experte, Professeur à la faculté de médecine, choisie par la juge d’instruction, a en effet établi de façon irréfutable, « l’absence de stigmates pouvant évoquer une asphyxie ou une suffocation », apportant ainsi la preuve scientifique que S. n’avait pas étouffé son bébé. De plus elle a établi la présence de liquide amniotique dans les poumons du nouveau-né, ce qui est tout à fait compatible avec les descriptions de S. concernant l’état de mort au moins apparente du nouveau-né. Ajoutons que l’inhalation de liquide amniotique est en soi une cause potentielle de décès spontané d’un nouveau-né par détresse respiratoire quand il n’y a pas une prise en charge spécialisée en urgence.
Comme il n’y a par ailleurs aucun signe de violences ou de cause provoquée de mort, la conclusion s’impose d’elle-même : Les causes du décès sont naturelles.
Otage a seysses
Ce rapport d’expertise tout à fait essentiel a été remis à la justice au mois de juillet. La juge d’instruction serait à ce moment-là partie en vacances sans en avoir connaissance ou sans le lire semble-t-il, et ce jusqu’au 6 septembre. Aucun autre magistrat n’a pris sur soi de faire libérer notre amie, malgré une demande de mise en liberté très argumentée. Voilà l’explication off, très légère il est vrai, que l’on nous a donné sur le « fonctionnement » de l’institution judiciaire pour nous faire patienter. Mais cette explication n’est qu’une explication de circonstance qui empêche d’aller au fond du problème. A savoir de réfléchir sur la nature de cette institution judiciaire. Tout le monde se doute bien que si S. avait été l’épouse d’un notable proche du pouvoir, elle aurait été cru sur parole. Elle a d’emblée décrit l’état de mort, au moins apparente, du nourrisson, elle a présenté indubitablement un déni de grossesse, il n’y avait aucune raison pour ne pas la croire en attendant que les expertises sur les causes de la mort arrivent. D’autant qu’elle était hospitalisée en clinique, les deux psychiatres immédiatement consultés (dont un expert) ayant conclu à la nécessité d’un long traitement. Il n’y avait donc aucune “urgence” à l’emprisonner. Pourtant, on est allé la chercher à la clinique. C’est bien une justice faite pour les puissants qui s’exprime dans ce cas comme dans tant d’autres. S. est en prison parce qu’elle est coupable en tant que femme de n’avoir pu mener jusqu’au bout sa grossesse. C’est vraiment encore la justice “des hommes” dans toute sa splendeur ! Circonstance aggravante pour une magistrature réactionnaire elle vit en union libre, et le couple milite à la CNT-AIT.
S., innocente du crime dont on l’accuse, est en prison en tant que femme et en tant qu’opposante à la société et au système capitaliste. Ni prévenue, ni encore moins condamnée, ayant maintenant la preuve scientifique de son innocence, de la même façon que d’autres sont otages des talibans ou de la maffia, elle est un OTAGE de l’Etat français
le sale boulot de la Dépêche du Midi.
Autre élément trouble du dossier : ce sont les fuites qui ont permis de manipuler l’opinion publique. Dans les heures suivant le drame elles ont permis aux journalistes de La Dépêche du Midi de diffuser les propos, pourtant confidentiels, tenus pendant la garde à vue par le couple victime de cette tragédie. Rappelons que ces propos étaient tenus séparément, l’un ne sachant ce que disait l’autre, mais en même temps. Qui donc pouvait diffuser ces propos tenus en concomitantes aux dates des 23 et 24 mars 2004 [1]. L’article du 24 mars 2004 de la Dépêche du Midi ne pouvait être qu’orienté et culpabilisant, car il reprenait un montage des morceaux choisis par ceux qui ont organisé ces fuites. Ces derniers ont soufflé à l’oreille des journalistes leur version du drame. D’après eux S. aurait étouffé son bébé à l’aide du sac en plastique dans lequel on a retrouvé le corps. Nous l’avons vu, l’expertise scientifique citée plus haut rejette cette thèse paranoïaque. Mais tout ceci apporte la preuve que les fuites ont bien lieu quand cela arrange le pouvoir : Plus de six semaines après la remise de l’expertise anatomopathologique, aucun article de presse n’en a évoqué les conclusions. Si à l’inverse ce rapport avait « enfoncé » S. nous pouvons êtres sûrs que des fuites « miraculeuses » auraient eu lieu dans les 24 heures ! Dans cette affaire, le rapport anatomopathologique est un élément essentiel. Il est curieux que ceux qui se retranchent derrière le devoir d’information du public n’en ait pas soufflé mot à ce même public !
Volontairement ou non La Dépêche du Midi a participé à la tentative, qui a échoué, de salir et de détruire des opposants politiques a ce système [2].
[1] L’article en question a été publié dans l’édition du 24 mars, ce qui laisse entendre que “les informations” sont arrivées en fin de soirée du 23 [1 bis] Que fait le parquet ? Son rôle est pourtant de poursuivre la moindre infraction au Code Pénal, dans le cas présent les faits sont sanctionnables par les articles 226.1 et 226.2 or le parquet ne se préoccupe pas pour l’instant de savoir quels sont les coupables d
« Toi non plus tu n’as rien vu » : un film sensible et délicat sur le déni de grossesse
Publié le 9 mars 2023 | Par CNT-AIT | Aucun commentaire
Le film « Toi non plus tu n’as rien vu » est un film sensible et délicat sur le déni de grossesse, sujet complexe et dont la reconnaissance légale est un véritable combat féministe. Ce film est un hommage à notre compagnon, le Dr Felix Navarro, et indirectement aux militants et sympathisants de la CNT-AIT qui ont défendu de toute leur force face à l’Etat et l’institution médico-judiciaire l’une des leurs confrontée à ce drame.
Ce combat victorieux – mais après des batailles âpre et éprouvantes – a été mené dans un extrême isolement militant, dû au silence assourdissant de toutes celles et ceux pourtant prompte à donner des leçons de « féminisme » et de « genre » à tout bout de champ (1). Puisse ce film contribuer à faire tomber le mur du silence !
(1) Nous devons à la vérité de dire que la seule réaction militante que suscita notre campagne pour clamer l’innocence de notre compagne fut une contre-campagne organisée par des intersectionnels sur le thème « si l’innocent mérite notre solidarité, le coupable la mérite encore plus … », façon d’accabler la femme dans le box des accusés et qui plaçait de fait leur auteurs et autrices du même côté du prétoire que le Procureur et les flics.
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« Le déni de grossesse est la complication obstétrique la plus dangereuse à être ignorée par la recherche et la littérature scientifique » Jens Wessel, gynécologue obstétricien
Le film s’ouvre sur une séquence montrant Claire sautant dans une piscine avec un ventre totalement plat ; elle est pourtant enceinte de huit mois et demi. Elle accouche deux semaines plus tard dans un état de sidération tel qu’elle utilisera plutôt le terme « se vider ». Comme Claire, sa famille, son entourage et nous, spectateurs, sommes stupéfaits : personne, non plus, n’a rien vu. Dès son arrivée aux urgences, Claire est arrêtée pour tentative d’homicide sur enfant de moins de quinze ans e son mari mis en examen pour complicité. Pourtant, Claire est aussi victime dans cette histoire, victime de son corps qui ne lui a monté aucun signe de cette future naissance. Son amie Sophie, avocate, va prendre l’affaire en main et se débattre tant bien que mal dans les méandres juridiques dus à l’ignorance totale de cet insondable phénomène. Car, depuis toujours, la maternité est considérée comme sacrée et il semble socialement inconcevable de ne pas la ressentir comme telle.
Après une enquête minutieuse et extrêmement documentée, Béatrice Pollet se lance dans cette fiction délicate mais remarquablement maîtrisée. Tournée à Toulouse, pour rendre hommage au Docteur Félix Navarro qui y a créé l’Association pour la Reconnaissance du Déni de Grossesse, Toi non plus tu n’as rien vu met en lumière un sujet d’une grande complexité, un mystère qu’il faut pourtant accepter.
American Cosmographe
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Inspiré d’un faits divers réel et tourné dans la région toulousaine, le nouveau film de Béatrice Polley, qui sort ce mercredi 8 mars, suit le parcours psychologique et judiciaire d’une jeune mère bien sous tous rapports, qui se retrouve au tribunal après un déni de grossesse. Un sujet extrêmement fort traité avec une grande rigueur.
C’est un sujet tabou. Une énigme. Voire un mystère métaphysique. On parle de déni de grossesse quand une femme enceinte n’a pas conscience de l’être, dont le corps ne l’informe en rien de ce fait et quand personne (partenaire, parents, amis, proches, médecins… etc.) n’en perçoit rien. On parle de déni de grossesse pour Claire (Maud Wyler, absolument remarquable).
Un récit très documenté
Comme sa meilleure amie Sophie (Géraldine Nakache, précise à contre-emploi), elle est avocate et comme elle aussi respire la réussite entre son mari et ses enfants. Mais un soir, ce dernier (le trop rare Grégoire Colin) la découvre évanouie dans une mare de sang. Claire a accouché toute seule d’un enfant dont absolument personne n’a soupçonné la gestation et abandonné le nouveau-né dehors devant chez elle, sur une benne à ordures. Vivant. Mais elle n’a aucun souvenir qu’il était question d’un enfant. La voilà accusée de tentative d’homicide sur enfant de moins de 15 ans. Son amie Sophie va assurer sa défense, et plaider le déni de grossesse.
Réalisatrice qui autant œuvré dans le cinéma de fiction (son premier long métrage Le Jour de la grenouille, en 2011) que dans le film documentaire (notamment sur la périnatalité), Béatrice Polley a choisi de poser sa caméra à mi-chemin de l’un et de l’autre. Son choix conscient d’une mère de famille heureuse, aisée et éduquée appartient au premier domaine, et évite le regard en surplomb et l’explication condescendante à laquelle d’aucuns doivent se hasarder en pareil cas. Bref, elle use de la fiction pour nous épargner toute diversion, et se focaliser pour le reste, tout le reste ou peu s’en faut, sur la réalité documentaire.
Un regard d’une grande rigueur
Avec une grande rigueur, elle documente le parcours de cette femme qui se découvre étrangère à elle-même : la déposition, la reconstitution, la détention, l’interrogatoire psychologique, le vertige familial, la préparation au procès… Dans son souci de monstration, son regard pourra paraître sans doute un peu prudent, voire neutre, sinon à l’endroit de l’accusation, un peu orienté. De même pourrait-on regretter un certain manque de cinéma dans le cadre si n’était l’excellence des comédiens qui charrient par leur talent et leur investissement tout ce que le film pèse de romanesque et d’émotion. Mais quelles que soient ces réserves, jusque dans son très beau titre, Toi non plus tu n’as rien vu nous informe qu’il est encore le temps, si l’on ose dire, de mettre au jour…
Jérémy Bernède, Midi Libre
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PARIS
Débats à l’Espace Saint Michel à Paris
Jeudi 9 mars, 20h20
En présence du Professeur Israël Nissand, médecin et expert sur le déni de grossesse, maître Yves Maine, avocat pénaliste et Stéphanie Douet, productrice Sensito films
Vendredi 10 mars 20h20
En présence de Natacha VELLUT, psychologue et chercheuse sur les violences intrafamiliales
Dimanche 12 mars, 16h45
En présence de Patrick Sandoz, auteur du roman « Sandwich aux sentiments » qui aborde le déni de grossesse
Lundi 13 mars, 20h20
En présence de Fanny Grévant, psychologue experte sur le déni de grossesse et Béatrice Pollet
TOULOUSE
Du 8 au 28 mars au Cinéma « American Cosmograph » de Toulouse
Le Samedi 11 mars à 16h15, la projection sera suivie d’une rencontre avec la réalisatrice Béatrice Pollet et la comédienne Maud Wyler
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Extrait d’Anarchosyndicalisme, journal de la CNT-AIT, automne 2004
S. EST INNOCENTE
samedi 2 octobre 2004
Incarcérée depuis le 29 avril 2004 sous l’accusation d’avoir étouffé son bébé à la naissance, S. est innocente : une expertise de laboratoire le démontre. Pourtant, elle reste en prison. Pourquoi ?
Le 22 mars 2004, S., qui est déjà mère d’un enfant de trois ans, accouche à l’improviste. Elle n’avait pas conscience d’être enceinte. Elle présentait ce que les médecins appellent un « déni de grossesse ». Il s’agit d’un état pathologique dans lequel non seulement la femme ne se sait pas enceinte mais, de plus, ne présente aucun des signes habituels de grossesse (ni « masque de grossesse », ni « gros ventre », ni fatigues particulières…). Il s’agit d’une maladie connue des spécialistes et parfaitement documentée. Les experts psychiatres et psychologues mandatés par le juge d’instruction ont reconnu que S. souffrait de ce syndrome. N’ayant pu prendre la mesure de son état, elle accouche seule dans les toilettes de sa maison dans des conditions épouvantables, avec une hémorragie massive. Le nouveau-né ne donne aucun signe de vie, il est ou mort ou en état de mort apparente. Pour que son autre fils -qui à ce moment là est la seule autre personne présente dans la maison- ne voit pas le corps, elle le met dans un sac plastique et le cache dans la machine à laver. Son hémorragie continue. Sa propre vie n’est sauvée qu’in extremis par l’arrivée de son compagnon qui alerte immédiatement le SAMU. Hospitalisée en urgence, S., au sortir de l’hôpital, est admise dans une clinique psychiatrique. Le 29 avril, les gendarmes se présentent à la clinique. Les perfusions lui sont pratiquement arrachées. Elle est incarcérée pour infanticide car, d’après le scénario élaboré par la police puis repris par la justice, elle aurait étouffé volontairement son nouveau-né en l’enveloppant dans ce fameux sac en plastique. Sa famille et ses amis ont très rapidement mis en relief les incohérences de ce scénario en établissant que S. ne présentait aucun signe de grossesse , qu’il n’y avait aucun mobile pour qu’elle tue son bébé …
Au cours de l’été, un examen de laboratoire, une expertise anatomopathologique (c’est-à-dire l’étude au microscope des différents tissus organiques) est venu effondrer totalement le scénario policier.
L’experte, Professeur à la faculté de médecine, choisie par la juge d’instruction, a en effet établi de façon irréfutable, « l’absence de stigmates pouvant évoquer une asphyxie ou une suffocation », apportant ainsi la preuve scientifique que S. n’avait pas étouffé son bébé. De plus elle a établi la présence de liquide amniotique dans les poumons du nouveau-né, ce qui est tout à fait compatible avec les descriptions de S. concernant l’état de mort au moins apparente du nouveau-né. Ajoutons que l’inhalation de liquide amniotique est en soi une cause potentielle de décès spontané d’un nouveau-né par détresse respiratoire quand il n’y a pas une prise en charge spécialisée en urgence.
Comme il n’y a par ailleurs aucun signe de violences ou de cause provoquée de mort, la conclusion s’impose d’elle-même : Les causes du décès sont naturelles.
Otage a seysses
Ce rapport d’expertise tout à fait essentiel a été remis à la justice au mois de juillet. La juge d’instruction serait à ce moment-là partie en vacances sans en avoir connaissance ou sans le lire semble-t-il, et ce jusqu’au 6 septembre. Aucun autre magistrat n’a pris sur soi de faire libérer notre amie, malgré une demande de mise en liberté très argumentée. Voilà l’explication off, très légère il est vrai, que l’on nous a donné sur le « fonctionnement » de l’institution judiciaire pour nous faire patienter. Mais cette explication n’est qu’une explication de circonstance qui empêche d’aller au fond du problème. A savoir de réfléchir sur la nature de cette institution judiciaire. Tout le monde se doute bien que si S. avait été l’épouse d’un notable proche du pouvoir, elle aurait été cru sur parole. Elle a d’emblée décrit l’état de mort, au moins apparente, du nourrisson, elle a présenté indubitablement un déni de grossesse, il n’y avait aucune raison pour ne pas la croire en attendant que les expertises sur les causes de la mort arrivent. D’autant qu’elle était hospitalisée en clinique, les deux psychiatres immédiatement consultés (dont un expert) ayant conclu à la nécessité d’un long traitement. Il n’y avait donc aucune “urgence” à l’emprisonner. Pourtant, on est allé la chercher à la clinique. C’est bien une justice faite pour les puissants qui s’exprime dans ce cas comme dans tant d’autres. S. est en prison parce qu’elle est coupable en tant que femme de n’avoir pu mener jusqu’au bout sa grossesse. C’est vraiment encore la justice “des hommes” dans toute sa splendeur ! Circonstance aggravante pour une magistrature réactionnaire elle vit en union libre, et le couple milite à la CNT-AIT.
S., innocente du crime dont on l’accuse, est en prison en tant que femme et en tant qu’opposante à la société et au système capitaliste. Ni prévenue, ni encore moins condamnée, ayant maintenant la preuve scientifique de son innocence, de la même façon que d’autres sont otages des talibans ou de la maffia, elle est un OTAGE de l’Etat français
le sale boulot de la Dépêche du Midi.
Autre élément trouble du dossier : ce sont les fuites qui ont permis de manipuler l’opinion publique. Dans les heures suivant le drame elles ont permis aux journalistes de La Dépêche du Midi de diffuser les propos, pourtant confidentiels, tenus pendant la garde à vue par le couple victime de cette tragédie. Rappelons que ces propos étaient tenus séparément, l’un ne sachant ce que disait l’autre, mais en même temps. Qui donc pouvait diffuser ces propos tenus en concomitantes aux dates des 23 et 24 mars 2004 [1]. L’article du 24 mars 2004 de la Dépêche du Midi ne pouvait être qu’orienté et culpabilisant, car il reprenait un montage des morceaux choisis par ceux qui ont organisé ces fuites. Ces derniers ont soufflé à l’oreille des journalistes leur version du drame. D’après eux S. aurait étouffé son bébé à l’aide du sac en plastique dans lequel on a retrouvé le corps. Nous l’avons vu, l’expertise scientifique citée plus haut rejette cette thèse paranoïaque. Mais tout ceci apporte la preuve que les fuites ont bien lieu quand cela arrange le pouvoir : Plus de six semaines après la remise de l’expertise anatomopathologique, aucun article de presse n’en a évoqué les conclusions. Si à l’inverse ce rapport avait « enfoncé » S. nous pouvons êtres sûrs que des fuites « miraculeuses » auraient eu lieu dans les 24 heures ! Dans cette affaire, le rapport anatomopathologique est un élément essentiel. Il est curieux que ceux qui se retranchent derrière le devoir d’information du public n’en ait pas soufflé mot à ce même public !
Volontairement ou non La Dépêche du Midi a participé à la tentative, qui a échoué, de salir et de détruire des opposants politiques a ce système [2].
[1] L’article en question a été publié dans l’édition du 24 mars, ce qui laisse entendre que “les informations” sont arrivées en fin de soirée du 23 [1 bis] Que fait le parquet ? Son rôle est pourtant de poursuivre la moindre infraction au Code Pénal, dans le cas présent les faits sont sanctionnables par les articles 226.1 et 226.2 or le parquet ne se préoccupe pas pour l’instant de savoir quels sont les coupables de cette violation flagrante de la loi qu’il est chargé de faire respecter.
[2] Le directeur de la prison a d’ailleurs empêché S. de recevoir les journaux suivants : « Courrier international » et « Lutte Ouvrière », sans doute jugés trop subversifs…
e cette violation flagrante de la loi qu’il est chargé de faire respecter.
[2] Le directeur de la prison a d’ailleurs empêché S. de recevoir les journaux suivants : « Courrier international » et « Lutte Ouvrière », sans doute jugés trop subversifs…