Selon Aziz Rebbah, ministre de l’Energie, des mines et de l’environnement du Maroc, « le secteur minier est un pilier de développement économique et social du pays ». Economique peut être, social surement pas. Les conditions de travail dans les mines restent souvent primitives, que ce soit en termes de salaire, de santé ou de sécurité.
Prenons l’exemple de la mine du Mont Aouâm (Jbel Aouâm) située à Mrirt, deuxième municipalité de la province de Khénifra, dans le Moyen Atlas marocain. Elle appartient à la Compagnie Minière de Touissit (CMT), leader marocain dans la production de concentrés de plomb argentifère. Cette société est cotée à la bourse de Casablanca, parmi ses principaux actionnaires se trouvent la société OSEAD MAROC MINING, elle-même filiale du FONDS OSEAD, et la CIMR (Caisse Interprofessionnelle Marocaine de Retraites). On pourrait donc s’attendre qu’avec un actionnaire constitué d’une caisse de retraite, elle traite bien ses salariés. Et bien pas du tout !
Déjà en 2019, les mineurs avaient dû entamer un mouvement de revendication sur des points pourtant basiques : l’amélioration des conditions de travail et de leurs situations sociales, ainsi que la garantie des mesures de sécurité sanitaire indispensables pour travailler dans les mines.
Les syndicats avaient accourus pour encadrer le mouvement, et avaient négocié un protocole avec la direction qui devait enfin prendre en compte la santé et les conditions de travail des mineurs. Pour monter l’importance et le sérieux du protocole, un représentant du Ministre des Mines avait même fait le déplacement pour témoigner de la signature et ainsi signifier que le Ministre, par ailleurs membre du PJD (Parti de la justice et du développement, islamiste), serait attentif à son exécution. Bien sûr, en échange, les salariés devaient s’engager à augmenter beaucoup leur productivité et à atteindre des objectifs de production supérieurs. Le patronat ne donne jamais rien gratuitement, il cherche toujours à augmenter son profit et donc notre exploitation …
Un an après l’accord syndicat-patron, les travailleurs ont fait leurs compte : eux ont respecté leur parole et ont atteint à 98% les objectifs de production inscrits dans le protocole, et ce malgré une année 2020 compliquée à cause de la crise Covid. Côté patron, c’est bien simple : rien. Il n’a rien mis en place de ce qu’il avait dit qu’il ferait…
Alors le 10 décembre 2020, les mineurs ont dit ça suffit, et sont passés à l’action directe. Ils ont occupé leur outil de travail pour faire pression sur le patron : 100 mineurs grévistes tenaient la mine, à 700 mètres sous la terre. Et 200 autres restaient en surface, alternant manifestations et sit-in de solidarité afin de populariser la grève et aussi organiser la logistique et le ravitaillement des occupants. Car le despotisme et l’entêtement de l’administration se sont exacerbés au point d’interdire l’approvisionnement en nourriture et en vivre destiné aux mineurs tenant le sit-in au fond de la mine.
Bien sur cette situation était insupportable pour les syndicats : le non-respect du protocole par le patron alors que les ouvriers avaient travaillé plus, montre bien l’inutilité (et même la perversité) de ces négociations syndicat-patron. Le fait que les ouvriers aient décidé de passer à l’action directe en occupant leur lieu de travail, pour faire pression, pourrait donner un mauvais exemple aux autres ouvriers en cas de réussite de leur lutte, à savoir celui de s’auto organiser en se passant des syndicats réformistes … l’UMT (Union marocaine du travail) et son organisation internationale (Industriall Global Union) ont donc contacté en urgence le Premier Ministre pour attirer son attention sur le risque que pourrait faire courir cette situation et sur l’urgence de déminer la situation en ouvrant de nouvelles négociations. Le message a été bien reçu puisque ni une ni deux, c’est Miloudi Moukharik, le Secrétaire Général de l’UMT, qui s’est déplacé en personne pour discuter avec le Directeur de la mine …
Bien entendu, la première chose qu’a demandé le syndicat aux grévistes avant d’ouvrir les négociations c’est de suspendre leur grève d’occupation. Les grévistes ont donc abandonné la mine le 21 décembre, après tout de même 10 jours difficiles d’occupation.
Le leader de Industriall Global Union a alors félicité : « l’UMT et les travailleurs pour les progrès accomplis. Saluons les étapes importantes vers le lancement des négociations. Nous exhortons l’entreprise à saisir l’opportunité d’engager un véritable dialogue avec le syndicat pour une production durable et le respect des droits légitimes des travailleurs. ». Il exhorte l’entreprise à saisir l’opportunité d’engager un dialogue : autrement dit le syndicat pleure auprès du patron pour que celui-ci accepte de leur parler, mais il n’a rien obtenu pour le moment.
Une nouvelle réunion de reprise des négociations devrait débuter le 24 décembre pour discuter les demandes d’augmentation des salaires, d’amélioration des conditions de travail dans la mine, la question des travailleurs sous-traitants et intérimaires, et un engagement de la direction à respecter le droit d’association et de ne pas licencier les grévistes.
Les mineurs ont fait preuve d’un courage et d’une force exemplaire en occupant, à 700 mètre sous terre leur mine, dans des conditions qui sont dangereuses pour leur santé. Espérons qu’ils ne seront pas trahis une nouvelle fois par les syndicats lors des négociations.
En attendant, apportons-leur le maximum de soutien possible. Par exemple en envoyant des mails à la direction de la CMT pour exiger :
– Le respect et la dignité pour les mineurs, qui sont les seuls créateurs de richesse de la CMT.
– Des salaires dignes permettant de vivre, pour tous les salariés quelques soient leurs statuts
– Des conditions de travail dignes, dans le respect des normes internationales de sécurité des travailleurs et de l’environnement
– Le respect de la liberté d’association et d’expression, ainsi que du droit de grève.
Des compagnes et compagnons solidaires des deux côtés de la méditerranée
Pour contacter la direction de l’entreprise :
Fax Direction Générale : °+212 (0)5 22 78 68 71
Téléphone : +212 (0)6 61 31 32 95 / (0)5 22 78 68 61
2 commentaires sur Pour le respect et la dignité, les mineurs de Touissit passent à l’action directe et occupent leur mine : Solidarité !