Comprendre le sens du 17 octobre 1961 ne peut reposer que sur l’analyse de ce qui s’est joué côté gouvernement français
Un choix de la direction du FLN
Pour les raisons qui sont indiquées et soulignées dans le texte ci-dessus, la tension, en octobre 1961, était extrême. La direction du FLN pouvait-elle ignorer dans ces conditions, que l’État opposerait à toute manifestation de masse, même non violente, une répression farouche ? A-t-elle fait le choix, par calcul politique (pour ne pas laisser tout le bénéfice de la future victoire à la seule Armée de libération nationale, pour conserver sa main mise -une main de fer- sur l’immigration algérienne, continuer à percevoir l’impôt révolutionnaire obligatoire, contrôler les individus…) de s’offrir quelques « martyrs » ? Rien n’est exclu. Mais cette hypothèse a pour elle que l’instrumentalisation de la mort d’innocents à des fins politiques, cela faisait partie de la stratégie du FLN, c’était le penchant psychologique de la guerre. En tout cas, force est de constater que dans les commémorations, les pro-FLN font chaque année un effort conjoint dans ce sens, quitte à pervertir l’histoire et à tenter de faire passer le FLN pour une organisation respectable, luttant contre le « fascisme » et la « liberté ». Il n’en est rien.
(voir aussi 17 octobre 1961 : Massacre avec préméditation)
De Sétif aux émeutes de la faim
Soulignons tout d’abord que, pour le FLN et ses laudateurs, tous les massacres de l’armée française contre les algériens n’ont manifestement pas le même intérêt politique suivant les périodes. Ils peuvent être purement et simplement occultés. Ainsi en est-il de l’épisode des massacres de Sétif et de Guelma de mai 1945 : la seconde guerre mondiale vient de se terminer. Les Algériens ont grandement contribué à la libération de la métropole. Ils réclament la liberté, l’égalité et la fin du régime colonial. S’en suivent des manifestations et un soulèvement populaire. De Gaulle refuse de renoncer à sa colonie et étouffe la contestation dans la violence et dans le sang. Ce massacre, le PCF de l’époque l’a soutenu et même encouragé, en particulier par la bouche de l’un de ses membres éminents, Amar Ouzegane, qui taxait les révoltés « d’hitléro-trotskistes provocateurs » et qui exigeait leur châtiment ! Ouzegane entrera ensuite au FLN. Il y apportera sa vison stalinienne et islamiste radicale. Par la suite, ce massacre, le FLN fermera les yeux dessus. Pourquoi ? Simplement pour pouvoir se poser en interlocuteur crédible et raisonnable afin de pouvoir négocier avec le France et son président. Après la fin de la guerre et sa prise de pouvoir le FLN utilisera les massacres de Sétif et de Guelma pour déconstruire l’Histoire et construire le mythe d’un FLN soucieux du sort des algériens.
Venons-en à 1954. Comme d’autres, le dictateur égyptien Nasser est conscient qu’un soulèvement populaire peut se produire à court terme en Algérie, mouvement qui ne lui reconnaîtrait peut-être pas le leadership du monde arabe. Le 1er novembre 1954, sous son influence, à la hâte, le FLN anticipe la révolte qui se profile et, pour prendre le contrôle des futurs événements, lance l’insurrection (celle qui déclencha la guerre d’Algérie). L’objectif ici non plus n’avait rien de « démocratique ». Il s’agissait avant tout de prendre de court le grand adversaire politique du FLN (Messali Hadj [1]), de lui couper l’herbe sous les pieds. La provocation fonctionna à la merveille : la France réprima férocement les messalistes [2], faisant de nombreux morts en leur sein. Le FLN put dès lors se poser en interlocuteur unique du gouvernement français.
Sautons quelques années. Octobre 1988. Les Algériens excédés par plus d’un quart de siècle d’un pouvoir de plomb, qui ne leur apporte que misère et violence, se soulèvent. Des émeutes touchent tout le pays. Cette colère populaire légitime, le FLN toujours au pouvoir depuis la fin de la guerre, la réprime avec une violence inouïe.
Aujourd’hui encore, tout soubresaut de liberté est férocement réprimé.
Le système politique algérien, basé sur le pouvoir autoritaire et indiscutable de l’armée a été pensé, voulu et mis en place par le FLN. Lequel FLN est toujours le parti unique qui contrôle tous les rouages de la société.
Vous avez dit « liberté » ?
Yoann_
[1] D’abord membre du Parti communiste, de la CGTU, il participe dès sa création à l’Etoile Nord Africaine, structure qui voulait réformer le colonialisme et repoussait la mise en place du socialisme a plus tard. En 1927, il rompt avec le PCF et l’Internationale communiste. Il milite contre le colonialisme, pour la création d’une assemblée constituante en Algérie, l’indépendance de toute l’Afrique du nord, mais prend des positions en opposition avec celles de Nasser. Il est considéré comme le père du nationalisme algérien. Marxiste-léniniste, il était bien sûr partisan d’une avant-garde pour diriger la société. L’avant-garde concurrente, le FLN, ne le lui a pas pardonné. Entre nationalistes, marxistes, avant-gardistes… les luttes pour le pouvoir sont féroces et ignorent l’éthique…
[2] Partisans de Messali Hadj.
1 commentaire sur Guerre d’indépendance de l’Algérie : Chair à canons pour boucherie politique