1914-2018 : Un siècle de grèves des loyers
dans les pays anglophones

Les problèmes de logement ne datent pas d’hier. Les réactions populaires non plus. En plus des exemples de lutte que nous avons compilés dans cette brochure, voici un petit florilège, inspiré de Wikipédia, de luttes – menées très souvent par des femmes au passage – à des époques où il n’y avait ni internet ni réseaux sociaux, ce qui n’empêchait pas l’auto-organisation autonome…

En Europe

Glasgow, 1915

Pendant la Première Guerre mondiale, les propriétaires d’immeubles d’habitation à Glasgow ont cherché à profiter de l’afflux de constructeurs navals dans la ville et de l’absence de nombreux hommes pour augmenter les loyers. Les femmes laissées seules à l’arrière étaient considérées comme une cible facile et ont vu une augmentation générale de loyers pouvant aller jusqu’à 25 %. Des huissiers expulsaient les foyers incapables de payer la hausse de loyer.

À la suite de cette augmentation des loyers, il y a eu une réaction populaire contre les propriétaires qui a pris la forme d’une grève des loyers. La grève des locataires a commencé en mars 1915, lorsqu’une femme résista son expulsion. Son mari était soldat et la dette envers le propriétaire s’élevait à une livre. Le fait que les parents, les frères et les maris étaient en guerre pendant leur expulsion a accru la colère populaire. Lorsque des agents des forces de l’ordre arrivèrent, des centaines de voisins indignés leur barrèrent la route.

La grève a été une énorme manifestation d’auto-organisation ouvrière et populaire, avec des femmes au premier plan. Elle reçut également le soutien des travailleurs des chantiers navals et d’autres industries, qui ont fait grève à plusieurs reprises. Helen Crawfurd, qui accompagnait Mary Barbour dans la campagne, l’a racontée ainsi : “La Glasgow Women’s Housing Association s’occupait de cette question et des comités furent formés dans les quartiers populaires pour résister à ces augmentations de loyer. Nous imprimions des affiches imprimées avec le slogan ‘GRÈVE DES LOYERS – NOUS NE DÉMÉNAGERONS PAS’, que l’on plaçait sur les fenêtres des maisons.

En novembre, le conflit a atteint sa plus grande dimension, avec 20 000 foyers en grève. Le 17, plusieurs grévistes furent convoqués au tribunal, auquel répondit une manifestation de solidarité massive. La grève des locataires a culminé en un triomphe majeur, car toutes les accusations ont été abandonnées et une loi a été adoptée au Parlement peu de temps après pour limiter les augmentations de loyer. La mobilisation des femmes a radicalisé les ouvriers d’usine, qui ont déclenché des grèves pour des augmentations de salaire.”

Le mouvement était mené par Mary Barbour, entourée de son “armée de femmes” dont Mary B. Laird, Helen Crawfurd, Agnes. Sa stratégie était d’organiser la résistance des femmes, qui passaient une grande partie de la journée à la maison. Si de leur poste d’observation elles voyaient des huissiers ou des agents d’expulsion rentrer dans le quartier, elles devaient sonner l’alerte. Immédiatement, des dizaines ou des centaines de femmes quittaient leurs tâches ménagères et descendaient dans la rue avec des “armes artisanales” : fruits pourris, chiffons mouillés ou bombes à farine. Elles baissaient aussi leurs jupes pour leur monter leurs fesses aux huissiers ou elles les jetaient dans les poubelles dans l’arrière-cour des immeubles. Elles ont ainsi réussi à arrêter les expulsions à de nombreuses reprises.

Les grèves se sont rapidement répandues et sont devenues un succès retentissant à Glasgow puis dans d’autres villes à travers le Royaume-Uni au point que le gouvernement, le 27 novembre 1915, a introduit une loi pour limiter les loyers au niveau d’avant-guerre.

La grève des loyers de Leeds en 1914

Début janvier 1914, environ 300 locataires vivant dans le quartier Burley de Leeds se sont mis en grève des loyers contre une augmentation de 6 pence des loyers imposée par les propriétaires. L’augmentation du loyer avait été demandée par la branche de Leeds de la Property Owners Association (Association de propriétaire d’immeubles de logement).

Lors d’une réunion de locataires le dimanche 10 janvier, les organisateurs de la grève des loyers ont appelé à une manifestation dans toute la ville contre l’augmentation. Une semaine plus tard, le Leeds Trades Council (conseil syndical de Leeds) a accueilli une conférence du Labour (parti travailliste) visant à organiser une résistance massive face à l’augmentation des loyers. Une Organisation de Défense des Locataires a été formée avec un comité central de neuf membres qui avait pour mission de diffuser la campagne de résistance à la hausse des loyers à travers la ville par une série de réunions publiques et de porte-à-porte. La grève de loyers a duré huit semaines. Finalement, les membres du comité de lutte ont été expulsés et mis sur une liste noire les empêchant de trouver un bail de location dans toute la région.

Grève des loyers de Kirkby (1972-1973)

Grève des loyers de 14 mois déclenchée le 9 octobre 1972 par 3 000 locataires dans la ville de Kirkby, proche (10 km) de Liverpool, contre le Housing Finances Act, qui provoquait une augmentation des loyers de 1 livre. Un groupe de femmes du quartier de Tower Hill a formé un groupe de discussion et de soutien pour s’entraider face à cette augmentation alors que la région est confrontée à des fermetures d’usines. Ces femmes ont formé un Groupe d’Action sur les Loyers Injustes et ont organisé une grève des loyers.

University College London (2015–2018)

Aux origines du mouvement en 2015, un groupe de 60 étudiants s’organise à Londres, courant 2016, le mouvement de grève des loyers concerne plus d’un millier d’étudiants de l’University College London (UCL) qui décident de suspendre le paiement de leur loyer face aux augmentations régulières de loyers dans des immeubles destinés au logement des étudiants de cette université. Les étudiants ont remporté le bras de fer contre les propriétaires et ont obtenu le recul des augmentations.

Cette grève des loyers s’est étendue à d’autres universités britanniques, de nombreuses organisations ont mis en place des campagnes “Cut the rent” (“Coupez le Loyer”) en référence au mouvement originel de l’UCL. Depuis cette grève des loyers de 2016, des grèves de loyers ont également eu lieu en 2017 6 et 2018 7 à l’UCL autour des mêmes revendications et préoccupation de logement digne et de réduction des loyers. Ces combats ultérieurs ont conduit à des gains dépassant 1,5 million de livres sterling pour les locataires.

En Amérique du Nord

Grève des loyers de New York en 1907

En 1907, en réponse à la hausse des loyers due à la pénurie de logements, 10 000 familles du sud de Manhattan ont initié une grève des loyers. Parmi les protagonistes de cette grève, Pauline Newman, alors âgée de 16 ans, des femmes au foyer et des femmes travaillant dans l’industrie du vêtement. La grève a duré du 26 décembre au 9 janvier et a conduit à une baisse de loyers pour environ 2 000 familles.

Par la suite des mouvements similaires se sont répétés tout au long des premières années du XXe siècle.

« Cette maison est en grève des loyers », New York, 1919, avec le soutien des voisins.

Vague nationale de grèves des loyers à travers les États-Unis dans les années 1960 et au début des années 70.

Les grèves des loyers se sont propagées aux États-Unis en réponse à des négligences chroniques de l’entretien de logements urbains privés et publics. La grève qui inspire le mouvement date de 1963-1964 à Harlem, elle devient une tactique populaire à la fois parmi les étudiants des villes universitaires et les locataires de logements sociaux qui vivaient dans des conditions insalubres en raison du sous-investissement et des politiques fédérales racistes.

Peut-être que Truelio [nom d’un propriétaire] est le Seigneur des taudis ? Les Seigneurs des taudis ont eu leur jour, les locataires veulent qu’arrive leur jour.

Les grèves des loyers se sont propagées aux États-Unis en réponse à des négligences chroniques de l’entretien de logements urbains privés et publics. La grève qui inspire le mouvement date de 1963-1964 à Harlem, elle devient une tactique populaire à la fois parmi les étudiants des villes universitaires et les locataires de logements sociaux qui vivaient dans des conditions insalubres en raison du sous-investissement et des politiques fédérales racistes.