Bulletin d’info des travailleurs de l’aéronautique et de la métallurgie
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Des métallos rouges et noirs
A PROPOS DU LEAN MANAGEMENT …
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On entend de plus en plus parler dans nos entreprises du Lean Management. Cette forme d’organisation de la production apparue il y a déjà quelques années au Japon, a gagné le monde entier, notamment dans les industries automobiles, et à fortiori dans l’aéronautique. Mais de quoi s’agit-il au juste ?
Inspiré du système de production de Toyota, le Lean Management est une méthode de gestion et d’organisation du travail qui vise à améliorer les performances d’une entreprise et, plus particulièrement, la qualité et la rentabilité de sa production. Cette forme de production qui apparaît sous forme de théorie en 1962, mis au point par l’ingénieur Taiichi Ono, consiste à réduire le gaspillage, maintenir une qualité optimale tout au long de la chaîne de production, éviter les offres excédentaire (c-a-d ne pas produire plus que la demande), prendre en considération l’avis des opérateurs, production à flux tendu et zéro stock, améliorer le système de façon continue, en une dynamique interne qui intègre tous les acteurs concernés de l’ouvrier à l’ingénieur. Le terme lean en anglais veut dire « sans superflu » … mais aussi « maigre ». Car c’est bien d’une cure d’amaigrissement qu’il va s’agir …
Cette organisation de la production, désormais adopté dans toutes les entreprises du secteur aéronautique, est managée par des cost-killer de la réduction des coûts de production. Cela signifie des licencieurs en série ici et des usines « Low-Cost » là-bas, généralement dans des pays en voie de développement notamment en Afrique du nord ou en Europe de l’est, là où les travailleurs cravachent plus et pour moins cher qu’en Europe occidentale ou aux U$A, au détriment parfois de la qualité.
Ce système repose sur trois éléments essentiels le flux-tendu/juste à temps, l’organisation du travail en groupe, et un mode spécifique de mobilisation-contrôle des salariés fondé sur l’évaluation individuelle, ce qui permet de faire pression sur les ouvriers peu productifs (voire même récalcitrants !), considérés alors comme superflus. Le mode de production LEAN est quasiment toujours associé à la sous-traitance, et même la sous-sous-traitance, à l’éclatement géographique et technique des chaînes de production, en une cascade de fournisseurs et d’équipementiers.
Avec l’épidémie du COVID 19, ce qui faisait la force des chaînes de production mondialisée, devint leur principale faiblesse. On se souvient de la pénurie de masques pendant la première année de l’épidémie, pénurie criminelle résultante de la politique « zéro stock » appliquée jusque dans les politiques sanitaires des Etats … On a vu alors les Etats se comporter comme de vulgaires voyous, allant jusqu’à se voler les cargaisons de masques sur les tarmacs des aéroports. Cette gestion « zéro stocks », cette fameuse chasse aux coûts superflus après avoir envahi les entreprises privées a désormais contaminé le service public. Pas étonnant dans ce cas que l’hôpital public, l’école publique et l’administration soient dans un si piteux état.
Depuis des années, depuis le fameux « il faut dégraisser le mammouth » prononcé en 1997 par le socialiste Claude Allègre sous le gouvernement du Socialiste Jospin, en passant par la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) de Sarkozy en 2007, puis les « réformes » successives sous Hollande puis Macron, les gouvernements ont appliqué comme méthode de gestion ce fameux toyotisme pour la réduction à l’extrême des coûts, en réduisant au maximum du maximum les dépenses des services publics. Les syndicats pourront toujours râler, mais c’est en même temps ce système qu’ils défendent toute l’année au nom du pragmatisme, en collaboration avec le patronat. Dès lors, il ne faut pas s’étonner de la désertification des zones rurales où les vieux qui sont restés dans leur villages du fin fond de l’Aveyron ou du Gers, n’ont plus un seul médecin à des kilomètres à la ronde ni aucun guichet d’un service public quelconque.
Il est à noter que tout ce galimatias économique est notamment possible parce que les Etats sont tous – sans exception – capitalistes (même la Chine soit disant communiste). Parce que le Capitalisme ce n’est pas uniquement le marché mais c’est aussi l’Etat. Ce dernier endosse en effet une certaine quantité de fonctions vitales pour le bon fonctionnement du marché, comme par exemple la garantie du circuit économique, le pouvoir de répression, la régulation des conflits salariés / patron/nes, de la lutte des classes en général (l’Etat est bien aidé en cela par la domestication des syndicats) …
Pour en revenir dans la vie réelle, parlons un peu de ce monde merveilleux, bienveillant et démocratique qu’est le monde de l’entreprise, notamment dans l’aéronautique, où le système de production LEAN fonctionne de pair avec le syndicalisme d’accompagnement mais réellement patronal.
Dans l’entreprise où je bosse, il y a certains postes, qui ne demandent pas un grand savoir technique, par exemple tout ce qui concerne l’ébavurage des pièces. Et généralement c’est souvent les personnes les plus fragiles socialement qui sont affectés à ces corvées. Un collègue, qui travaille dans cette boite depuis 25 ans, y travaille à son rythme. Si jusque-là cela ne posait pas de problème ni à ses collègues ni au management, depuis que la mode est au « lean », le management a jugé que ce rythme était insuffisant avec le niveau de productivité attendu par les actionnaires, qui se foutent bien de notre santé ou de notre bien-être au travail et ne voient que leurs profits. D’autant plus qu’en face de lui un autre collègue qui lui travaille à la vitesse de la lumière, court dans tous les sens, est stressé et surtout à une trouille bleue des chefs, surtout si on le voit papoter. Depuis quelques semaines, le premier collègue est mis sur la sellette par la hiérarchie de l’usine. Il est convoqué « pour entretien » au bureau de la hiérarchie. Il n’est pas seul dans son cas.
Entre collègues, les discussions vont bon train sur les convocations au bureau pour tous les gens « peu productifs ». En discutant entre nous, on parle du cas du collègue ébavureur qui court dans tous les sens et met ses collègues – excusez-moi l’expression – dans la merde. Du coup, certains d’entre nous ont été le voir pour discuter avec lui, lui expliquer que son comportement mettait d’autres travailleurs dans des situations difficiles et pour lui demander de faire preuve de solidarité avec ses collègues. Surtout que cela ne changera rien à sa paye à la fin du mois. Mais il se trouve que le camarade-délégué syndical de FO passant par-là, a entendu cette conversation … Il est alors parti comme une furie, en disant que demander à un collègue de ralentir la cadence pour sauver notre autre collègue, était ni plus ni moins que … du harcèlement moral !!!
Mais les choses n’en sont pas restées là. Quelques jours plus tard, l’ébavureur super rapide a été convoqué au bureau à son tour. Là il est interrogé par le chef d’atelier, par le directeur prod, et par la responsable ressources humaines, pour qu’il balance ceux qui font du « harcèlement moral » afin qu’il ralentisse la cadence. Pour l’aider, ils lui suggèrent des noms, demandant si c’est telle ou telle personne. Bref, une liste « noire », comme dans tous les régimes dictatoriaux, fascistes ou communistes …
La méthode LEAN, associée à la domestication syndicale, c’est pour le prolétaire le rétablissement de l’esclavage, mais sous une forme scientifique et rationnelle. Travail, travail, travail et ne sortez pas de là. Mais les prolétaires n’ont pas dit leur dernier mot … Même la nuit la plus sombre prendra fin et le soleil se lèvera (Victor Hugo)
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