Il y a cent ans, le 11 janvier 1924, un évènement tragique allait marquer l’histoire du mouvement ouvrier en France : l’assassinat de sang froid de deux militants ouvriers anarchosyndicalistes par des communistes, en plein coeur de la maison des syndicats. Cet article rappelle les faits, ainsi que la stratégie du Parti Communiste pour devenir hégémonique dans le mouvement ouvrier, quitte à éliminer au sens propre celles et ceux qui contesteraient ses méthodes. Une histoire qui n’appartient pas seulement au passé …
Le « 33 » de la Grange-aux-Belles
Au 33 de la rue Grange-aux-Belles, se trouve dès le début du XXe siècle la « Maison des
syndicats ». L’immeuble est en effet le lieu d’activités de la CGT (Confédération générale du
travail) à partir de juin 1907. La salle du rez-de-chaussée, pouvant accueillir jusqu’à
3 000 personnes, est très prisée des militants ouvriers. S’y ajoute un dispensaire ainsi qu’une
imprimerie.
Si la CGT a eu une orientation révolutionnaire influencée par l’anarchisme à sa création en 1895, ce n’est déjà plus le cas après le Congrés d’Amiens de 1906, où est adoptée une Charte de compromis, pour ne pas dire de compromission, entre réformistes et révolutionnaires (marxistes et anarchistes). (cf. LA CHARTES D’AMIENS EST MORTE … https://cnt-ait.info/2019/05/02/la-chartes-damiens-est-morte/)
En 1914, la CGT et globalement toute la gauche (et même des libertaires …) sombrent dans le nationalisme, en rejoignant l’Union Sacrée lors de la Première guerre mondiale. Toutefois une minorité reste sur des positions révolutionnaires et pacifistes. C’est à la Granges au Belle qu’ils se réunissent, maintenant le lien entre eux face à l’adversité, et faisant de ces locaux un forum où se côtoient et débattent, même si c’est parfois de façon contradictoire, toutes les tendances révolutionnaires sans qu’aucune ne cherche à prendre l’ascendant sur les autres.
Mais après guerre et surtout après la Révolution Russe, les choses vont changer. Le Parti Communiste français créé en 1921 s’aligne sur les thèses Léninistes de la Centralisation et du Parti Unique. Il ne saurait y avoir d’autre option révolutionnaire que le Communisme. En interne comme en externe les voix contradictoires avec la ligne du parti sont étouffées.
L’enjeu, pour les communistes, est alors de s’assurer la main-mise sur la CGTU (Confédération générale du travail unitaire) qui vient d’être créé en 1922 du fait d’une scission d’avec la CGT réformiste. En effet, après la fin de la guerre de 1914-1918, les idées révolutionnaires se répandent vite parmi les syndiqués de la CGT. Pour ne pas risquer de perdre la main sur le syndicat, les sociaux-démocrates réformistes par une suite de manoeuvres provoquent une scission pour exclure la minorité révolutionnaire, laquelle forme la CGTU (Confédération générale du travail unitaire). Celle-ci comprend alors aussi bien des anarchistes que des communistes et des syndicalistes révolutionnaires (ou syndicalistes purs).
Mais cette alliance tactique, qui n’avait comme seule base que de faire front commun contre les réformistes au sein de la CGT, n’a plus aucun sens dans la nouvelle CGTU. Très rapidement il apparait que les Communistes entendent bien rester seuls maîtres à la direction de la CGTU, le U de unitaire voulant dire « tous unis derrière les communistes » … . Les communistes peuvent alors compter sur l’appui indéfectible des syndicalistes révolutionnaires (ou « syndicalistes purs ») du groupe La Vie ouvrière (Monatte et les futurs animateurs de la revue « la Révolution Prolétarienne ») , avec qui ils s’entendent pour purger la CGT de ses éléments anarchiste. Ironie de l’histoire, les Communistes se débarrasseront ensuite des Syndicalistes Révolutionnaires une fois que ces « idiots utiles » (pour reprendre l’expression de Lénine) ne leur serviront plus à rien.
La Maison des syndicats était statutairement la propriété de l’Union des syndicats de la Seine, elle même membre de la CGTU. Pour affirmer leur hégémonie au sein de la CGTU, les Communistes devaient donc se rendre maitre du bâtiment et en « vider les anarchistes ».
La main-mise des Communistes sur le « 33 »
Le scénario se déroule en plusieurs épisodes tout au long des années 1922-1923:
Tout d’abord, les communistes prennent de plus en plus pied dans la Maison des Syndicats, en la transformant en lieu de réunion politique pour ne pas dire politicienne. Ainsi, C’est au 33 de la Grange aux Belles que le premier congrès national administratif du Parti Communiste en mai 1921 décide de l’appellation « Section Française de l’Internationale Communiste » (SFIC) pour le 1er janvier 1922, et adopte les premiers statuts de l’organisation.
En juin 1922 se déroule à Saint Etienne la premier congrés de la CGTU. Le bolchévique Alexandre Lozovski, envoyé par Moscou, créé le terme « anarchosyndicalisme », assimilé à un « anarcho-réformisme », pour ridiculiser ceux qui refusent de s’aligner inconditionnellement sur la ligne communiste et refusent d’adhérer à l’Internationale Syndicale Rouge (ISR) qui vient juste d’être créée à Moscou.
Les libertaires ont le sentiment d’être confrontés à une exploitation politique du syndicalisme. Les tensions vont crescendo, mais restent dans des formes « verbales », malgré la violence des propos et la dénégation mise en place par les communistes. Ces derniers multiplient les affirmations gratuites et les sous-entendus, et les libertaires s’interrogent de plus en plus sur la nécessité de rester dans la CGTU.
Le 15 octobre 1922, pour marquer leur territoire, le Parti Communiste (SFIC) organise son Deuxième Congrès au 33 de la Grange au Belles, en présence d’un autre délégué de Moscou, Dimitri Manouilsky, envoyé par l’Internationale Communiste (Komintern). La « Maison des syndicats » se transforme proressivement en la « Maison du Parti », ce qui irrite de plus en plus les anarchistes attachés à l’autonomie des syndicats vis à vis des partis politiques.
D’autant plus que les communistes se cachent de moins en moins de leur volonté de bolcheviser la CGTU et de s’en servir comme d’une « courroie de transmission » pour le Parti : Dès 1923 et l’occupation de la Ruhr par l’armée française, l’occasion est donnée de mettre en pratique les directives de l’Internationale Syndicale Rouge sur la subordination du syndicat au Parti , pudiquement rebaptisée « collaboration entre le parti communiste et le syndicat à l’échelle nationale« . La CGTU signe alors avec le PC-SFIC le premier accord commun d’action dans le cadre d’un « Comité central d’action contre l’impérialisme et la guerre ». En janvier, la CGTU est la seule centrale syndicale à participer à la conférence d’Essen en Allemagne appelée par l’Internationale Communiste et à signer avec sept autres Partis Communistes d’Europe, le manifeste « contre la paix de rapine de Versailles et pour la lutte contre l’occupation de la Ruhr ».
Au niveau international, les anarchistes – qui avaient un moment soutenu la Révolution Russe – finissent par réagir au fur et à mesure que des informations arrivent sur la situation réelle en Russie. Ils se réunissent à Berlin en 1921, et décident de convoquer un grand congrès international auquel sont invités tous les révolutionnaires non bolchéviques. Ce Congrès se réunit fin décembre 1922- début janvier 1923, toujours à Berlin. Des anarchistes russes, dont certains ont eu des postes importants dans la Révolution Russe (Alexandre Schapiro) sont présents. Ils dressent un tableau accablant de la situation dans la jeune Union Soviétique et de la terreur que fait régner le Parti Communiste. Le Congrès décide de publier une brochure de témoignage, La Répression de l’anarchisme en Russie soviétique (http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article911) , véritable petit Livre noir du communisme. Ils s’agit à travers ces exemples de montrer à l’opinion ouvrière le danger du bolchevisme. Le Congrès international qui réunit entre autre la CNT Espagnole, la FORA d’Argentine, la FAUD d’Allemagne, l’USI d’Italie, les Anarchosyndicalistes russes, mais aussi des émissaires d’Asie, décide de recréer l’AIT (Association Internationale des Travailleurs) [1], comme alternative révolutionnaire à l’Internationale Syndicale Rouge. Un message de sympathie est adressé aux anarchosyndicalistes français – qui ont ont assisté au Congrès en simple invités – pour qu’ils rejoignent formellement l’AIT. Mais les anarchosyndicalistes français hésitent, ils veulent mener le combat au sein de la CGTU, espérant l’emporter lors du Congrés extraordinaire qui doit se tenir à Bourges à l’été 1923.
Tout au long de l’année 1923, les conflits se multiplient dans la CGTU entre anarchistes et communistes autour de la question russe. En effet, les anarchistes soulignent la disparition et l’assassinat de militants en Union soviétique, la répression contre les ouvriers à Petrograd, les marins de Kronstadt ou encore contre les paysans ukrainiens et la Makhnovtshina. Ils traduisent et diffusent à la veille du congrès extraordinaire de la CGTU , la brochure de l’AIT sur La Répression de l’anarchisme en Russie soviétique.
Mais le Congrès extraordinaire de Bourges de 1923 signe la victoire de la majorité communiste, qui lors du vote des motions l’emporte avec trois quarts des voix, sur la minorité anarcho-syndicaliste définitivement battue. La voie est désormais ouverte pour le parti communiste qui va de plus en plus marquer son emprise sur la centrale Unitaire, d’autant qu’à partir de 1924 la bolchévisation de la galaxie communiste est en route.
Dès lors le Parti Communiste ne prends plus de gants et – pour bien marquer son emprise – il décide d’appeler à un meeting électoral dans la Maison des Syndicats pour le 11 janvier 1924.
Le meeting électoral du 11 janvier 1924 : les communistes flinguent les anarchistes
C’en est trop pour les anarchistes, qui considèrent que la ligne rouge est franchie. Le Libertaire, journal de la Fédération Anarchiste de l’époque, appelle alors à aller porter la contradiction au meeting communiste, pour faire entendre un autre son de cloche que celui des moscoutaires électoralistes.
Le 11 au soir commence la réunion publique. Dans la salle près de 3 000 personnes sont présentes. Trois cents libertaires sont venus. À la tribune se succèdent les dirigeants de la SFIC et du Secours rouge international. Marthe Bigot une des dirigeantes du Parti et de la CGTU prend la parole. Un militant libertaire l’interrompt : « Le syndicalisme, ce n’est pas votre affaire. » Première bronca. L’un des responsables du PCF et gérant de L’Humanité, Marcel Cachin, tente de ramener le calme.
Rien n’y fait. Au contraire, les huées et les applaudissements s’élèvent, les échanges de coup de poing se multiplient. Julien Le Pen, secrétaire du syndicat des monteurs-électriciens coupe le courant. Henri Reynaud, l’un des secrétaires de la CGTU et par ailleurs, membre de la SFIC, va le rétablir autorisant ainsi la poursuite des affrontements. Albert Treint[2], le tout frais secrétaire du Parti, monte à la tribune et se lance dans une série d’invectives à l’égard des anarchistes qui se sont regroupés dans le coin gauche de la salle et tentent de prendre la tribune d’assaut. Treint qui a été Capitaine pendant la Première Guerre Mondiale, se voit reprocher son passé militaire, son caporalisme et les insultes quotidiennes déversées dans L’Humanité.
Le service d’ordre du PCF intervient une première fois en repoussant les assaillants qui tentent d’occuper la tribune. Treint ordonne au service d’ordre dirigé par Georges Beaugrand, ancien militaire, de réagir énergiquement. Chose faite, les responsables font feu. Jules Boudoux, de son vrai nom Sellenet, secrétaire du syndicat des charpentiers et un des principaux animateurs de la minorité syndicale, a la gorge tranché par une balle, mais échappe de peu à la mort.
Par contre, Nicolas Clos, membre de la minorité du syndicat unitaire des métaux, et Adrien Poncet, de la commission d’organisation de l’Union anarchiste et militant du syndicat unitaire du bâtiment qui selon les souvenirs de May Picqueray était insoumis, vivant sous une fausse identité, sont mortellement blessés et succombent pendant leur transfert à l’hôpital. Dès le lendemain, Le Libertaire, alors quotidien, et L’Humanité, se rejettent la responsabilité. Mais, les preuves abondent : les libertaires étaient regroupés dans le coin gauche de la salle, et les impacts de balles se trouvent de ce côté. Dans le quotidien anarchiste et dans Le Peuple, l’organe de la CGT, les témoignages se multiplient. Certains militants présents peuvent donner un signalement précis de l’un des tireurs. Les libertaires cependant suppriment les indices qui permettraient de reconnaître le tireur. Le 15 janvier, lors des obsèques de Poncet, trois milles personnes suivent le cortège funèbre, le PC arrachant à la compagne de Clos, une prétendue appartenance de ce dernier au parti, qui a été contredite par les témoignages. À son enterrement, le PC ne réussit à entraîner que peu de monde.
Les instances confédérales de la CGTU à la demande pressante des anarchistes constituent une commission d’enquête, laquelle, sur les conseils de la majorité communiste, ne publia jamais les résultats. Pour cause, l’un des responsables des coups de feu, Gabriel Ducœur, communiste et responsable de la Fédération des cheminots, connu pour sa violence gratuite pendant le premier conflit mondial a été clairement identifié. C’est en 1929 que deux militants libertaires et syndicalistes de la CGT, Julien Le Pen et Albert Guigui, victimes d’une cabale conduite par le PC, livrent son nom.
Dans la mémoire anarchiste, la mort de Clos et Poncet a rejoint les autres libertaires tombés sous les coups léninistes des disparus de la Baltique à ceux des journées de mai de Barcelone.
Suite à ces assassinats, Le Libertaire titre : « Rompons avec les assassins ». Les anarchistes ainsi que les syndicalistes non communistes (mais pas les syndicalistes révolutionnaires) quittent la CGTU pour se regrouper un temps dans l’Union fédérative des syndicats autonomes (UFSA). Toutefois ce départ motivé par l’émotion ne masque pas les désaccords idéologiques entre ceux qui gardent l’espoir dans un projet révolutionnaire, et ceux qui se résignent à abandonner toute perspective de rupture avec le Capitalisme. Au terme de deux ans de débats, ces derniers iront rejoindre les rangs de la CGT réformiste et sociale démocrate. Les anarchistes décidèrent quant à eux, sur proposition d’une motion présentée entre autre par Boudoux au congrès de l’UFSA de juin 1926, de créer la CGT-SR ( https://cnt-ait.info/2022/10/04/la-charte-de-lyon-1926/) qui deviendra la Section en France de l’AIT (Association Internationale des Travailleurs). L’AIT existe toujours, plus de 100 ans après sa création, et c’est la CNT-AIT (https://cnt-ait.info) qui a repris le flambeau de la CGT-SR en tant que section en France, toujours sur les mêmes valeurs de refus des partis politiques et pour l’autonomie ouvrière.
Une histoire du passé ? pas si sûr …
En 1924, le Libertaire, concluait son article « Assassins ! » par ces mots : « Entre les criminels de la Granges-aux-belles et nous, il y a désormais le sang. Nous nous en souviendront et nous saurons agir en conséquence.«
Cent ans après pourtant, de nombreux anarchistes semblent avoir oublié et n’hésitent pas à participer dans les mêmes syndicats que les successeurs idéologiques des assassins de la Grange-aux-Belles, à co-signer des tracts unitaires avec eux, voire à co-organiser des évènements unitaires.
On pourrait se dire qu’après tout ce sont des histoires du passé, que de l’eau a coulé sous les ponts et que ce temps et ces pratiques sectaires des communistes sont révolues. En est on bien sûr ?
Depuis 1924, les communistes (sous quelqu’avatar qu’ils soient : orthodoxes léninistes ou staliniens comme trotskystes ou maoïstes) ont montré à de nombreuses reprises leur volonté hégémonique et leur refus de tolérer d’autres pratiques ou stratégies que la leur. Qu’on pense aux résistants espagnols massacrés par des guerrilleros communistes [3] ou aux résistants à qui les communistes ont refusé de participer à l’évasion d’une prison sous Pétain [4] parce qu’ils avaient eu le mauvais gouts d’être anarchistes.
Plus près de nous on se souvient d’Isabelle FERRON, assassinée par des militants d’AC! et de SUD en 1998 [5], également pour un histoire de local. On n’oublie pas non plus les réactions de nombreuses organisations « degôche » que ce soit dans l’affaire de Tarnac [6], lors des émeutes de 2005 (« Les responsables des violences et des dégradations doivent être sanctionnés » – Communiqué du Parti communiste français du 03/11/2005)), l’expulsion par la CGT de la bourse du Travail occupée par les Sans Papiers en 2009, ou encore plus récemment les gilets jaunes qui ont été accusés de tous les maux, Martinez de la CGT en tête (« Les Gilets jaunes sont favorisés par certains grands patrons » https://www.dailymotion.com/video/x6x9n1k).
De tout temps, les tendances autoritaires du mouvement ouvrier ont dénoncé comme « provocateurs » toutes celles et ceux qui avaient l’outre-cuidance d’agir de façon autonome. Ils les ont dénoncé à l’Etat et à sa police pour quelle les matraque et les réprime sans retenue, se chargeant eux-même de la sale besogne si besoin.
Aujourd’hui encore, on l’a vu avec la réforme des retraites, les partis politiques et les syndicats sont des entraves à l’auto-organisation et à la lutte pour l’émancipation. Ils ne sont que les pacificateurs d’une situation sociale qui est pourtant explosive. (Sophie Binet n’a t elle pas dit qu’il ne fallait pas faire quoique ce soit qui puisse gêner les Jeux Olympiques à venir ?).
Qui ne se souvient pas de son passé est condamné à le revivre.
Alors que des nuages noirs s’annoncent à l’horizon, il est vital de se souvenir qui sont nos amis, et qui ne le sont pas.
Ni oubli. Ni pardon.
Nicolas Clos et Adrien Poncet, présents !
Des militants anarchosyndicalistes
[1] La Naissance de l’Association internationale des travailleurs de Berlin : du syndicalisme révolutionnaire à l’anarchosyndicalisme (Arthur Lehning)
https://cnt-ait.info/2021/05/25/lehning-ait-fr/
[2] Treint était le fidèle porte-parole des Bolcheviques. Treint, secrétaire général du P.C. après la démission de Frossard, toujours du bon côté lors des intrigues moscoutaires, ne brilla jamais, pour le grand stratège qu’il se croyait être, par sa finesse, il fut l’inventeur de la formule « plumer la volaille socialiste », désignation de la finalité du « Front Unique Socialiste-Communiste ».
[3] 15 juillet 1944 : des guerrileros communistes espagnols assassinent une famille de réfugiés espagnols parce que résistants anarchistes
[4] C’ETAIENT PAS DES PATRIOTES … A UN ROYALISTE J’AURAIS OUVERT LA PORTE, MAIS PAS A UN ANARCHISTE !
https://cnt-ait.info/2019/05/24/pas-des-patriotes/
[5] MORT D’UNE CHOMEUSE, ASSASSINEE PAR DES MILITANTS D’AC ! ET DE SUD
http://sipncntait.free.fr/article_147.html
[6] Olivier Besancenot : « les actes de sabotage ne sont pas et ne seront jamais ceux de la LCR. Dans ce climat, la LCR – qui condamne totalement ces agissements – appelle à déjouer toutes les provocations» ; Nathalie Bonnet, secrétaire fédérale de SUD rail déclarait le 11 novembre sur TF1 : « nous sommes soulagés que les responsables des actes de sabotage soient arrêtés
https://cnt-ait.info/2023/03/30/le-coup-de-tarnac/
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Ce texte doit beaucoup pour les aspects factuels à l’article « 11 janvier 1924, 33 rue de la Grange-aux-Belles » de Sylvain Boulouque, paru dans Le Monde libertaire, hors-série n° 24, 25 décembre 2003-11 février 2004
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1924 : Le meeting de la Grange-aux-Belles raconté par May Picqueray
A l’entrée, je rencontre Bernard, secrétaire du syndicat des gantiers. Il porte son grand chapeau noir et sa cape. Il n’est plus tout jeune, la soixantaine ? Impossible de le dire.
A la tribune, le « capitaine » Treint déverse sa bile et attaque violemment les anarchosyndicalistes. Tout à coup une voix s’élève, venant du fond de la salle, près de l’estrade, une voix qu’on connaît bien…. « Vive l’anarchosyndicalisme ! » suivie presque aussitôt d’un appel au secours : « A moi, les copains ! »
C’est Boudoux, un militant du SUB (Syndicat Unique du Bâtiment). Les Jeunes Gardes [le groupe des jeunes communistes] qui protègent l’estrade lui tombent dessus à bras raccourcis. Suivie de Bernard, je fonce vers le lieu de la bagarre, bousculant ceux qui se trouvent sur notre passage. Nous nous retrouvons une quinzaine de camarades dans ce coin, et arrivons à dégager Boudoux.
Avec les sièges des premiers rangs, dont nous avons chassé les occupants, nous faisons une barricade, et nous nous battons par-dessus, contre les Jeunes Gardes armés de matraques. Je suis venue les mains vides ; j’enlève ma ceinture de cuir, l’enroule autour de mon poignet et prends place dans la bagarre.
Près de moi, un grand gars vêtu de velours côtelé, portant casquette, joue des poings. Tout à coup, la voix de Treint ordonne aux jeunes gardes d’arrêter le combat : « Arrêtez, cela suffit ! » Les Jeunes Gardes s’écartent et du podium, les balles partent et nous sifflent aux oreilles. Dans la salle, c’est la panique, les gens fuient vers la sortie, ou se piétinent, les sièges sont brisés, les vitres aussi.
Ce n’est pas beau à voir… Dans notre coin, nous nous comptons. Une quinzaine environ. Certains copains sont allongés sur le sol. Tout à coup, Poncet, que nous appelions « le plombier », s’écroule près de moi, le long du mur (insoumis, il vivait sous un nom d’emprunt, et je n’ai connu son véritable nom qu’après sa mort). Je lui tapote la joue, croyant à un malaise. « May, je suis touché », je ne vois rien. J’ouvre sa veste, au-dessus de la ceinture, le sang coule… Il a deux balles dans le ventre. Puis il tombe sur le côté.
On le transporte vite au dispensaire qui se trouve dans la cour, devant la gravité de son état on appelle l’ambulance de l’hôpital Saint-Louis, qui se trouve à deux pas. Il mourra dans la nuit.
Clot, ce grand garçon à casquette qui se trouvait près de moi pendant la bagarre, s’était élancé vers la tribune d’où partaient les coups de feu. Arrivé au pied de celle-ci, il s’écroule à son tour, tué d’une balle tirée de haut en bas, qui lui traverse la casquette et le crâne. Son corps sera enlevé par la police un peu plus tard.
D’autres camarades sont blessés. Charlot, le concierge de la salle C.G.T., de l’avenue Mathurin-Moreau, ancien charpentier en fer qui boîte déjà à la suite d’un accident du travail, a une balle dans la cuisse. On évacue les blessés et ça discute dur sur ce qui vient de se passer.
A la faveur de la bousculade, et leur forfait accompli, Treint et ses acolytes avaient quitté la salle. Celle-ci fut mise sous séquestre par la police accourue, commissaire en tête.
Le lendemain, l’Humanité raconte les faits à sa façon et accuse les anarchosyndicalistes d’être venus en force pour saboter la réunion et d’avoir utilisé contre eux des armes à feu. Malheureusement pour eux, on ne trouve de trace de balles que dans le coin où s’étaient regroupés nos camarades, d’après les résultats de l’enquête, et toutes à hauteur d’homme.
Nous sommes convoqués à quelques-uns à la P.J. (on essaye de me faire dire le nom ou les noms de ceux qui ont tiré. Et pour cela tous les arguments sont employés). Ce n’est pas mon rôle de dénoncer qui que ce soit. Que le ou les coupables se dénoncent. Qu’ils aient le courage, ou que la police dont c’est le travail, les démasque.
Il n’y a jamais eu d’arrestation, ni d’inculpation… Je rencontrais un des tireurs presque chaque jour et le traitais d’assassin.
Il ne bronchait pas, mais est-ce le remords ? Il me semblait que ses cheveux blanchissaient. Les bolcheviks n’assassinent pas qu’en Russie !
Comble de cynisme, un délégué du P.C. alla trouver la famille Clot, présenta la chose à sa façon et le P.C. fit à Clot de magnifiques funérailles… après l’avoir assassiné ! Il fallait bien sauver la face ! »
May Picqueray
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1924年1月11日:共产党人暗杀了两名无政府主义工人。既不是遗忘,也不是原谅…… 一个不只属于过去的故事……
2 commentaires sur 11 janvier 1924 : Les communistes assassinent deux ouvriers anarchistes. Ni oubli, ni pardon …