Quand une protestation contre les exécutions capitales en Iran est interrompue par la police, au motif de respecter les droits des chiens !

En 1766, François Jean de La Barre est décapité et brûlé pour ne pas avoir salué une procession religieuse à Abbeville. C’est le dernier condamné à mort pour blasphème en France et il est depuis le symbole des libres penseurs en lutte contre l’obscurantisme. Quand l’Eglise décide de bâtir le Sacré Cœur en haut de la Butte Montmartre , pour faire expier au Paris populaire d’avoir osé se soulever pendant la Commune, les Libres Penseur font ériger une statue du Chevalier de la Barre en 1905 et ils la placent face à la Basilique, comme un défi. En 1926, la statue est déplacée dans le square proche, pour que les croyants ne soient plus dérangés par sa vue. En 1941, la statue est fondue sous Pétain sur demande de l’occupant nazi, laissant le socle vide. Finalement, en 2001, grâce à une souscription de l’Association Le Chevalier de la Barre,  la statue est de retour dans le square Nadar à Montmartre.

Aujourd’hui, le square Nadar est devenu un « square canin », où l’on peut promener son chien. Quel beau symbole, pour le respect de la laïcité, que de pouvoir faire chier son chien au pied de cette statue et même lui pisser dessus. Le photographe Nadar aurait sûrement aimé immortaliser une telle scène avec son appareil photo.

Mais pourquoi nous sommes en colère ? Parce que aujourd’hui, avec deux poignées d’amis, nous voulions rendre hommage à d’autres jeunes libres- penseurs, Sadrollah Fazeli Zare et Youssef Mehrad  qui dans leur pays, l’Iran, ont été pendu ce 8 mai 2023 pour blasphème, dans l’indifférence générale. Ce même 8 mai, les médias avaient des informations  plus importantes à diffuser : nous  montrer Macron défilant seul pour des commémorations militaires annonçant la guerre contre les peuples  et la classe ouvrières.

A LA MEMOIRE DE Sadrollah Fazeli Zare et Youssef Mehrad
HEROS DE LA LIBRE-PENSEE

Nous nous étions donc donné rendez-vous symboliquement devant la statue du Chevalier de la Barre, pour évoquer la mémoire et le courage de ces deux jeunes qui sont l’esprit même de la Résistance, qui ont osé dire publiquement ce qu’ils pensaient, sans crainte des sanctions de leur gouvernement dictatorial, ni de de déplaire à leur société.

Mais alors que nous étions en petit cercle, autour d’un banc, où un compagnon iranien nous expliquait les luttes en cours au pays des Mollahs, sans perturber du moins du monde le public de bobos du square qui étaient venus promener leurs chiens de race (pas de bâtards dans ce square …), une personne, look bourgeois casual, est venu interrompre notre discussion et – s’adressant à nous de manière très brutale et autoritaire – nous a crié d’aller nous exprimer ailleurs. « Ici c’est un parc pour les chiens, pas pour exprimer des opinions politiques. » Nous lui avons fait remarquer que nous étions ici par rapport à la statue du Chevalier de la barre et de son symbole. Elle répond qu’elle connait cette histoire et n’en a rien à faire de ces iraniens pendus pour blasphème. Manifestement pour elle le droit de son chien est plus important que les droits de l’Homme …  Son invective étant de plus en plus virulente nous avons répondu calmement que nous ne quitterions pas les lieux. Nous avons alors pris à témoin le reste des badauds, qui ont commencé à former un attroupement. La furie, qui manifestement cherchait la provocation s’est jetée sur nous, cherchant à arracher les portraits des deux martyrs de la laïcité que nous avions apposés sur la statue, griffant un compagnon au passage (qui heureusement est vacciné contre la rage !). Voyant qu’elle n’arriverait pas à nous déloger malgré ses invectives, elle a appelé la police faisant croire qu’elle était victime d’une agression !

Arrive une première patrouille de 6 soldats Vigipirate, armés de fusils mitrailleurs ! Rapidement, les militaires comprennent la situation. L’un des militaires fait remarquer à la folle furieuse que le parc est un espace public et que chacun est libre de s’y exprimer. Un compagnon, malicieux, lance «l’armée avec nous ! » Nous rigolons sous cape ! Mais arrive ensuite une seconde patrouille Vigipirate suivie de 7 flics en uniforme puis de 2 flics municipaux. En tout, il y a alors 21 personnes en uniformes sur ce petit square – qui n’a pas dû en voir autant depuis l’époque de la Commune où il servait de parc à canon pour les Fédérés.

Avec la Police, changement de ton. L’un d’entre eux arbore une rangée de bagues explicites avec des symboles ultra catholiques et des tatouages équivoques. Les flics sont agressifs. Tout de suite, sans nous entendre, ils nous catégorisent : la furie est la « victime » et nous les « agresseurs » ! Nous avons chacun le droit à un contrôle d’identité et une palpation de fond en comble ! Puis on nous menace de nous embarquer en garde à vue !!! Bien entendu, la virago n’a pas eu le droit à rien de cela …  Quand un compagnon pose au chef pandore la question du pourquoi ? « On ne contrôle pas les victimes ».  Mais qu’est ce qui leur a permis de dire qu’elle était victime ? Quels agresseurs seraient suffisamment stupides pour attendre tranquillement sans s’enfuir ? En quoi une discussion entre quelques amis pouvait déranger qui que ce soit ? Finalement, après avoir bien enregistrés nos noms dans leurs fichiers, les flics desserrent leur étau autour de nous et nous sommes de nouveau libres de nos mouvements.

La patrouille encercle la statue pour nous empêcher de l’approcher …

Nous avons laissé les chiens vaquer à leurs occupations (chier et pisser) autour de la statue sans nous en plaindre. Même si nous trouvons ça limite vulgaire de laisser des animaux domestiques faire leurs besoin contre le socle d’une statue, nous pensons que si cette statue avait été un évêque, le square aurait été interdit aux chiens depuis bien longtemps. Là il ne s’agit que d’un blasphémateur, ce n’est donc pas important.

Quelques participantes et participants

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Mort à la République d’exécution d’Iran !

à la mémoire de deux héros libres-penseurs,
Yousef Mehrad et Sadrollah Fazeli Zare

Le 16 septembre 2022, une révolution a débuté en Iran. Les femmes, la jeunesse, la population se sont levées pour exiger la liberté de vivre, tout simplement, sans obligation morale archaïque, en parfaite égalité entre les hommes et les femmes.

La réponse de la République islamique à cette explosion de liberté est brutale et féroce. En plus de la répression sauvage contre les manifestations, la peine de mort tourne à plein régime. Au moins 290 personnes ont été exécutées depuis le 1er janvier, soit en moyenne plus de 10 par semaine. Sur le podium de la barbarie, la République Islamique d’Iran est à la seconde place, après la Chine Communiste.

En Iran on peut être condamné à mort pour avoir participé à des manifestations, comme celles qui se déroulent depuis la mort en détention de Mahsa Amini, arrêtée pour port « inapproprié » du voile islamique. Quel courage que démontrent ces femmes qui osent défier le pouvoir autocratique qui les étouffe !

On peut aussi y être condamné à mort pour avoir osé critiquer la religion. Le 8 mai, Yousef Mehrad et Sadrollah Fazeli Zare ont été pendus pour ce motif. Ils avaient été arrêtés et emprisonnés en 2020 pour avoir créé un groupe Télégramme intitulé « Critique de la superstition et de la religion », sur lequel entre autre apparaissait une vidéo d’un Coran brûlé ainsi que des propos remettant en cause la religion.

Le 10 mai, deux jours après cette exécution, dans un immense bras d’honneur à l’Humanité, la République islamique d’Iran a été désignée par l’ONU pour présider pour 2023 le Forum social du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui – comble de l’ironie – est consacré cette année au thème « de la contribution de la technologie et de l’innovation à la promotion des droits de l’homme ». Tout cela avec le silence assourdissant, sinon l’aval, des «gouvernements  « démocratiques »  du monde entier

Pourtant la lutte pour la liberté de pensée est indissociable de la lutte pour la justice sociale. Pierre-Joseph Proudhon distinguait trois formes d’aliénation : la Religion (aliénation de la raison) ; l’État (aliénation de la volonté) et la propriété (aliénation du corps). Les trois formes d’auto-aliénation sont liées et connectées les unes aux autres comme trois anneaux imbriqués, et la libération humaine n’est pas possible qu’en se libérant des trois.

L’exécution ignoble de ces deux héros de la libre pensée nous rappelle celle du Chevalier de la Barre, un jeune homme qui en 1766 avait lui aussi été accusé de profanation d’objets religieux et de propos blasphématoires. Après avoir été torturé, il fut amené à l’échafaud, la corde au cou, portant dans le dos une pancarte sur laquelle était écrit « impie, blasphémateur et sacrilège exécrable ». L’indignation devant ce crime odieux alluma le feu de la Raison et des Lumières qui devait déboucher quelques années plus tard sur la Révolution française.

Espérons que la mémoire de ces deux héros, qui osèrent braver la dictature des Mollahs pour exprimer leur liberté de pensée, allumera les brasiers qui demain balayeront le régime théocratique iranien.

Pour honorer les combattantes et combattants de la Liberté, d’hier et d’aujourd’hui, nous vous donnons rendez-vous le Samedi 20 mai à 14h30 au Square Nadar, sur la butte Montmartre, haut lieu de la Commune de Paris, autre grande célébration de la Liberté et de l’Egalité.

Mort à la république de l’exécution مرگ بر جمهوری اعدام

CNT-AIT (anarchosyndicalisme !) contact@cnt-ait.info https://cnt-ait.info

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