Déclaration de principe adoptée au congrès constitutif de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT), à Berlin, du 25 décembre 1922 au 2 janvier 1923, et modifiées lors du Congrès du Centenaire de l’AIT du 8 au 12 décembre 2022 à Alcoy (Espagne)
1. L’anarchosyndicalisme, en se basant sur la lutte des classes, tend à l’union de tous les travailleurs dans des organisations économiques de combat, qui luttent pour la libération du double joug du Capital et de l’État. Sa finalité consiste en la réorganisation de la vie sociale en la basant sur le Communisme Libertaire moyennant l’action révolutionnaire de la classe ouvrière. Considérant que seules les organisations économiques du prolétariat sont capables d’atteindre cet objectif, l’anarchosyndicalisme s’adresse aux travailleurs en leur qualité de producteurs, de créateurs de richesses sociales, afin qu’il germe et se développe entre eux, en opposition aux modernes partis ouvriers qu’il déclare incompétents pour la réorganisation économique de la société.
2. L’anarchosyndicalisme est l’ennemi convaincu de tout monopole économique et social, et tend à son abolition moyennant l’implantation de communes économiques et d’organes administratifs régis par les ouvriers des champs et des usines, formant un système de libres conseils sans subordination à aucun pouvoir ni parti politique. L’anarchosyndicalisme érige contre la politique de l’État et des partis, l’organisation économique de la production, et oppose au gouvernement de l’homme sur l’homme la gestion administrative des choses. Par conséquent la finalité de l’anarchosyndicalisme n’est pas la conquête des pouvoirs politiques, mais l’abolition de toute fonction étatique dans la vie de la société. L’anarchosyndicalisme considère qu’avec la disparition du monopole de la propriété doit également disparaître le monopole de la domination, et que toute forme d’État, sous quelque apparence qu’il se cache, ne pourra jamais être un instrument de libération humaine et, au contraire, sera toujours le créateur de nouveaux monopoles et de nouveaux privilèges.
3. L’anarchosyndicalisme a une double fonction : poursuivre la lutte révolutionnaire quotidienne dans tous les pays pour l’amélioration économique, sociale et intellectuelle des conditions de vie de la classe ouvrière dans les limites de la société actuelle, et éduquer les masses afin qu’elles soient aptes le moment venu à une gestion indépendante du processus de la production et de la distribution, au travers de l’appropriation de toutes les composantes de la vie sociale. L’anarchosyndicalisme n’accepte pas que l’organisation d’un système social, qui repose exclusivement sur le producteur, puisse être ordonnée par de simples décrets gouvernementaux et affirme qu’elle ne peut être obtenue que par l’action commune de tous les travailleurs manuels et intellectuels, dans chaque branche d’industrie, par la gestion des usines par les travailleurs eux-mêmes, de telle sorte que chaque groupement, usine ou branche d’industrie soit un membre autonome dans l’organisme économique général et règle systématiquement, sur un plan donné et sur la base d’accords mutuels, la production et la distribution selon les intérêts de la communauté.
4. L’anarchosyndicalisme est opposé à toutes les tendances d’organisation inspirées du centralisme de l’État et de l’Église, parce qu’elles ne peuvent servir qu’à prolonger la vie de l’État et de l’autorité, et à étouffer systématiquement l’esprit d’initiative et d’indépendance de la pensée. Le centralisme est l’organisation artificielle qui soumet les couches dites basses à celles prétendues hautes et qui abandonne aux mains d’une minorité la réglementation des affaires de toute la communauté — l’individu se transformant en automate aux mouvements et aux gestes dirigés —. Dans l’organisation centraliste, les nécessités de la société sont subordonnées au bénéfice des intérêts de quelques-uns, la variété est remplacée par l’uniformité, la responsabilité personnelle est remplacée par une discipline rigide. C’est pour cela que l’anarchosyndicalisme fonde sa conception sociale sur une ample organisation fédéraliste, c’est-à-dire, une organisation de bas en haut, sur l’union de toutes les forces pour la défense d’idées et d’intérêts communs.
5. L’anarchosyndicalisme repousse toute activité parlementaire et toute collaboration avec les organismes législatifs, car il sait que le système de suffrage le plus libre ne peut faire disparaître les évidentes contradictions qui existent au sein de la société actuelle, et parce que le système parlementaire n’a qu’un but : celui de prêter un simulacre de droit au règne du mensonge et des injustices sociales.
6. L’anarchosyndicalisme repousse toutes les frontières politiques et nationales arbitrairement créées, et déclare que ce qu’on appelle nationalisme est la religion de l’État moderne, derrière laquelle se dissimulent les intérêts matériels des classes possédantes. L’anarchosyndicalisme constate qu’il n’y a de différences que celles d’ordre économique, qu’elles soient régionales ou nationales, et qu’elles engendrent des hiérarchies, des privilèges et toutes sortes d’oppressions (basées sur la race, le sexe, et des différences vraies ou fausses) et réclame pour tout groupement le droit à une autodétermination accordée solidairement à toutes les autres associations du même ordre.
7. C’est pour ces mêmes raisons que l’anarchosyndicalisme combat le militarisme et la guerre. L’anarchosyndicalisme recommande la propagande contre la guerre, et la substitution des armées permanentes, qui ne sont que les instruments de la contre-révolution au service du capitalisme, par les milices ouvrières qui, durant la révolution, seront contrôlées par les syndicats ouvriers ; il exige, en plus, le boycott et l’embargo contre toutes les matières premières et produits nécessaires à la guerre, à l’exception du cas où il s’agisse d’un pays où les ouvriers soient en train de réaliser une révolution de type social, auquel cas il faut les aider à défendre la révolution. En définitive, l’anarchosyndicalisme recommande la grève générale préventive et révolutionnaire comme moyen d’action contre la guerre et le militarisme.
8. L’anarchosyndicalisme reconnaît la nécessité d’une production qui ne détruit pas l’environnement et qui essaye d’utiliser le moins possible des énergies non-renouvelables et qui utilise, quand c’est possible, des énergies alternatives. Il n’admet pas l’ignorance comme source de la crise actuelle de l’environnement mais la soif de profit. La production capitaliste a toujours pour but de minimiser les coûts pour faire plus de profits afin de survivre, et est incapable de protéger l’environnement. En résumé, la crise de la dette mondiale a accéléré la tendance à l’agriculture industrielle au détriment de l’agriculture de subsistance. Cela a produit la destruction de la forêt tropicale, famines et maladies. La lutte pour sauver notre planète et la lutte pour détruire le capitalisme doivent se rejoindre où elles échoueront toutes les deux.
9. L’anarchosyndicalisme s’affirme partisan de l’action directe, et soutient et encourage toutes les luttes qui ne soient pas en contradiction avec ses propres finalités. Les moyens de lutte sont : la grève, le boycott, le sabotage, etc. L’action directe trouve sa plus profonde expression dans la grève générale, qui doit être en même temps, du point de vue de l’anarchosyndicalisme, le prélude à la révolution sociale.
10. Ennemi de toute violence organisée par n’importe quelle forme de gouvernement, l’anarchosyndicalisme tient compte du fait que des affrontements d’une extrême violence se produiront durant les luttes décisives entre le capitalisme d’aujourd’hui et le communisme libre de demain. Par conséquent, il reconnaît l’usage de la violence comme moyen de défense contre les méthodes violentes qu’emploient les classes dominantes durant les luttes que soutiendra le peuple révolutionnaire pour l’expropriation des terres et des moyens de production. Comme cette expropriation ne pourra être entreprise et portée à son heureux terme que par l’intervention directe des organisations économiques révolutionnaires des travailleurs, la défense de la révolution doit incomber également aux organismes économiques et non à une organisation militaire ou similaire qui se développe en dehors d’eux.
11. Ce n’est que dans les organisations économiques et révolutionnaires de la classe ouvrière que se trouve la force capable de réaliser la libération et l’énergie créatrices nécessaires à la réorganisation de la société sur la base du communisme libertaire.
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