Il y aurait plein de choses à dire à propos de ces phrase sensées résumer une « pensée » qui fleurissent en fonction des moments. Ce phénomène de réduction de la pensée à des phrases chocs, destinées à faire le buzz en 140 caractères, a explosé avec les réseaux sociaux, facebook, Twitter et autre…
Une de ces « punchlines » refait surface à cause de la guerre en Ukraine. Il s’agit de : « Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes ».
Quelle connerie !
Cette phrase signifie deux choses :
Primo, que la guerre en Ukraine est une guerre du peuple russe contre le peuple ukrainien, ce qui en plus d’être stupide est dangereux.
Stupide car ce ne sont pas les populations qui ont déclaré la guerre mais les dirigeants politiques. Poutine ce n’est pas « les russes ». Les courageux manifestants qui ont osé sortir dans la rue et braver la répression pour crier « non à la guerre » à Moscou, Saint Petersbourg et dans plus de 50 villes russes montrent bien que tous les russes ne sont pas derrière Poutine. De même, « Zelensky ne représente pas tous les ukrainiens mais uniquement les bourgeois ukrainiens, qui ont mis leur famille à l’abris à l’étranger une semaine avant l’invasion tout en appelant les travailleurs, infirmières, mineurs, …=, tout ceux dont ils refusaient hier d’entendre les revendications sociales face à une misère noire, à aller aujourd’hui verser leur sang pour « la terre sacrée de la patrie » » [Groupe Drapeau Noir, Lviv, 16 février 2022]
Deusio, ce slogan signifierait que les peuples existent. Or qu’est ce que la notion de peuple, à part un moyen de séparer les gens pour les écarter de leurs intérêts communs ? L’histoire, la culture, la langue même, des russes et des ukrainiens sont intimement mélés depuis toujours. Le mot « russe » désignait à l’origine le royaume de kiev au 9ème siècle ! 30% des russes ont de la famille en Ukraine. Kroutchev était ukrainien. Certains ukrainiens sont russophones ! De nouveau, comme hier en Yougoslavie ou au Rwanda, les nationalistes attisent les différences, voire même les créent artificiellement en imposant l’usage exclusif d’une seule langue au détriment du multilinguisme, pour que ceux qui étaient hier encore cousins ou voisins, aillent s’entretuer.
Dans cette folie ambiante, il nous revient à nous, anarchistes, anarchosyndicalistes, d’essayer de garder la tête froide et de rappeler que cette guerre, comme celle qui a cours au Tigré en Ethiopie depuis 3 ans mais qui ne fait pas la une des journaux, comme toutes les guerres, à pour cause l
Et puisqu’il est question de l’Ukraine, souvenons nous des insurgés de l’armée noire qui – de 1918 à 1921 -s e sont battus pour la Liberté des Humains, sans considération ni de leur origine ni de leur croyance :
« »D’une façon générale, les insurgés makhnovistes – et aussi toute la population de la région insurgée et même au-delà – ne faisaient aucun cas de la nationalité des travailleurs.
Dès le début, le mouvement connu sous le nom de » Makhnovtchina » embrassa les masses pauvres, de toutes nationalités, habitant la région. La majeure partie consistait, naturellement, en paysans de nationalité ukrainienne. Six à huit pour cent étaient des travailleurs d’origine grand russienne. Venaient ensuite les Grecs, les Juifs, [les allemands, les arméniens], etc.
Formé par les exploités et fondu en une seule force par l’union naturelle des travailleurs, le mouvement makhnoviste fut imprégné, dès ses débuts, d’un sentiment profond de fraternité de tous les peuples. Pas un instant il ne fit appel aux sentiments nationaux ou » patriotiques « . Toute la lutte des makhnovistes contre le bolchevisme fut menée uniquement au nom des droits et des intérêts du Travail. Les préjugés nationaux n’avaient aucune prise sur la Makhnovtchina. Jamais personne ne s’intéressa à la nationalité de tel ou tel combattant, ni ne s’en inquiéta. »
un sang mélé
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extrait de » La Révolution inconnue » de Voline (1947)
« D’une façon générale, les insurgés makhnovistes – et aussi toute la population de la région insurgée et même au-delà – ne faisaient aucun cas de la nationalité des travailleurs.
Dès le début, le mouvement connu sous le nom de » Makhnovtchina » embrassa les masses pauvres, de toutes nationalités, habitant la région. La majeure partie consistait, naturellement, en paysans de nationalité ukrainienne. Six à huit pour cent étaient des travailleurs d’origine grand russienne. Venaient ensuite les Grecs, les Juifs, etc.
» Paysans, ouvriers et partisans – lisons-nous dans une proclamation makhnoviste du mois de mai 1919 – vous savez que les travailleurs de toutes nationalités : Russes. Juifs, Polonais, Allemands, Arméniens, etc., croupissent tout pareillement dans l’abîme de la misère. Vous savez combien d’honnêtes et vaillants militants révolutionnaires juifs ont donné leur vie au cours de la lutte pour la Liberté. La Révolution et l’honneur des travailleurs nous obligent, tous, à crier aussi haut que nous le pouvons que nous faisons la guerre à un ennemi commun : au Capital et au principe de l’Autorité, qui oppriment également tous les travailleurs, qu’ils soient de nationalité russe, polonaise, juive ou autre. Nous devons proclamer partout que nos ennemis sont les exploiteurs et les oppresseurs de toutes nationalités : le fabricant russe, le maître de forges allemand, le banquier juif, le propriétaire foncier polonais… La bourgeoisie de tous les pays et de toutes les nationalités s’est unifiée pour une lutte acharnée contre la Révolution, contre les masses laborieuses de tout l’univers et de toutes les nationalités. «
Formé par les exploités et fondu en une seule force par l’union naturelle des travailleurs, le mouvement makhnoviste fut imprégné, dès ses débuts, d’un sentiment profond de fraternité de tous les peuples. Pas un instant il ne fit appel aux sentiments nationaux ou » patriotiques « . Toute la lutte des makhnovistes contre le bolchevisme fut menée uniquement au nom des droits et des intérêts du Travail. Les préjugés nationaux n’avaient aucune prise sur la Makhnovtchina. Jamais personne ne s’intéressa à la nationalité de tel ou tel combattant, ni ne s’en inquiéta.
D’ailleurs, la véritable Révolution change fondamentalement les individus et les masses. A condition que ce soient effectivement les masses elles-mêmes qui la réalisent, à condition que leur liberté de chercher et d’agir reste intacte, à condition qu’on ne réussisse pas à leur barrer la route, l’élan des masses en révolution est illimité. Et l’on voit alors avec quelle simplicité, avec quelle facilité cet élan naturel emporte tous les préjugés, toutes les notions artificielles, tous les fantômes, pourtant amoncelés depuis des millénaires : fantôme national, épouvantail religieux, chimère autoritaire.