Traduction libre et augmentée d’un texte de Carlos David Aguiar García, Docteur en histoire contemporaine de l’Université de Barcelone et Yanira Hermida Martín, Doctorat en histoire contemporaine de l’Université de Barcelone
Nous pouvons affirmer que la grève des locataires de Santa Cruz de Tenerife fut le point culminant du mouvement syndical et gréviste dans la province des Îles Canaries. Deux raisons, profondément enracinées, déclenchent cette grève, et expliquent sa durée :
– d’une part, la pénurie de logements et en conséquence le coût élevé des loyers dans la capitale Tenerife et,
– d’autre part, la prise de conscience collective des locataires qui les amena à s’organiser sous forme syndicale de locataires.
Le contexte social et le problème du logement social à Tenerife dans les années 30
La population de Santa Cruz de Tenerife a observé une croissance rapide et notable au cours des trois premières décennies du XXe siècle, passant d’environ 38 000 habitants au début du siècle à environ 62 000 habitants en 1930 : « Ce qui signifie presque un doublement d’habitants dans la capitale, sans qu’ait été réalisée la croissance correspondante des infrastructures pour couvrir les besoins vitaux (principalement le logement et l’emploi) »[1] des nouveaux arrivants.
Le phénomène d’attraction démographique de la part de Santa Cruz de Tenerife répond à une raison principale : une orientation de l’économie locale vers le secteur des services, résultat du développement urbain généré, dans une large mesure, par une croissance significative des exportations et importations portuaires. Cette augmentation démographique, si rapide et forte, aura des conséquences évidentes sur la réalité économique et urbaine de la ville.
Dans la province, un double processus migratoire a été généré à la fin du 19e siècle : d’une part, un déplacement de personnes des îles périphériques (La Palma, La Gomera et El Hierro) vers Tenerife et, d’autre part, dans l’île centrale, un déplacement du reste des municipalités vers Santa Cruz de Tenerife et La Laguna.[2]
La grande majorité des travailleurs pauvres des secteurs différents et, dans une moindre mesure une partie des classes moyennes, étaient logés dans des ciudadela (citadelles), il s’agissait des logements les moins chers, dans lesquelles plusieurs personnes se regroupaient souvent en une seule pièce pour, de cette manière, réduire les dépenses, et ainsi pouvoir assumer le paiement d’un loyer qui mangeait une part notable du salaire.
Pour être plus précis, voyons la définition que le professeur Ramón Pérez González a élaborée sur les ciudadela de Santa Cruz de Tenerife :
La ciudadela est un type de logement collectif, généralement développé au rez-de-chaussée, composé d’un certain nombre de pièces indépendantes, toujours de taille réduite, disposée de part et d’autre d’une allée aveugle de largeur et de longueur variables selon les cas, ou autour d’un patio, qui ont en commun presque toujours les toilettes et la cuisine ainsi que systématiquement un seul accès pour le patio ou l’allée depuis la rue, souvent fermée par un rideau.[3]
Les dimensions des maisons (conçues comme des maisons unifamiliales, qui abritaient entre quatre et six personnes) à l’intérieur des ciudadela, variaient de 36 mètres carrés de la citadelle située sur la Rambla 9 de février à 12,25 mètres carrés, pour la citadelle située sur la rue Iriarte.[4]
Pour les familles de travailleurs, s’ajoutait aux dimensions réduites de leur foyer, des loyers excessifs (entre 75 et 125 pesetas par mois[5], alors qu’aucun travailleur ne touchait plus de six pesetas par jour, ce qui fixe le salaire mensuel à environ 120 ou 130 pesetas). Ainsi, se trouvait d’une part un grand nombre de travailleurs asphyxiés économiquement pour survivre ; et d’autre part, un groupe, plus ou moins réduit, de propriétaires et de personnes qui sous-louaient des ciudadela et qui toutes tiraient des bénéfices considérables de l’activité de location. Pour aggraver encore la situation, les sous-loueurs et les administrateurs de biens augmentèrent leurs frais fixes de gestion administrative, afin d’augmenter leur marge bénéficiaire.[6]
Les casas baratas : où comment la bourgeoisie cherche à détourner les HLM de leur objectif pour défendre ses propres intérêts de classe
En 1903, le ministère de l’Intérieur acheta trois parcelles et les remit à la mairie de Santa Cruz de Tenerife afin qu’elle construise des casas baratas, « maisons bon marché » – selon la terminologie de l’époque – dont le loyer ne devait pas être supérieur à 50 pesetas, et ainsi mettre fin à la situation sanitaire malheureuse générée par le surpeuplement des ciudadela, problème qui persistait depuis longtemps[7].
À Santa Cruz de Tenerife, la politique de construction de maisons bon marché fut l’une des demandes prioritaires du mouvement ouvrier. Pendant la Deuxième République, aucune construction ne put voir le jour, bloquée par des artifices de la part des municipalités successives, le conseil municipal étant entre les mains de la classe politique traditionnelle conservatrice[8] et la représentation des partis politiques de gauche diminuant progressivement.
Pour ne pas être accusée d’immobilisme, la Municipalité se devait de présenter des projets de casas baratas, même si elle n’en avait aucune envie d’un point de vue politique. Pour éviter ces constructions, ou du moins les dévier de leur objectif initial si elles devaient malgré tout voir le jour, le premier artifice consista à définir dans le projet des conditions d’attributions favorisant le clientélisme politique municipal : il était prévu que les habitations devaient revenir en premier aux employés municipaux gagnant moins de 3000 pesetas, puis aux familles vivants dans des habitations insalubres avec un salaire inférieur à 3000 pesetas, enfin aux ouvriers avec des salaires inférieurs à 3000 pesetas. En 1930, la Mairie alors de droite de Santa Cruz lança un appel d’offres pour la construction de ces casas batratas, mais aucun entrepreneur ne répondit. La bourgeoisie locale ne voulait pas de ces constructions.
Avec la nouvelle municipalité élue en 1931, sous la pression de la minorité socialiste, le projet fut de nouveau mis sur la table, mais avec des réticences de la municipalité. Le second artifice pour empêcher la réalisation effective de ces maisons bon marché fut de choisir des terrains d’implantations éloignés de tout ou même carrément insalubres. En faisant cela la Municipalité de droite espérait jouer un coup double : soit le projet ne voyait pas le jour du fait de terrains peu appropriés à l’urbanisation (les quartiers de Salud Alto, de Los Campitos et la rue Barrionuevo), soit les projets sortaient effectivement de terre et cela permettait alors aux propriétaires de ces terrains[9] de tirer une juteuse plus-value sur des terrains autrement sans aucune valeur et inexploitable. On le voit, la bourgeoisie pensait toujours en premier lieu à ses intérêts de classe, plutôt qu’à la résolution un problème social flagrant.
Sans surprise, en 1932 le Ministère du Travail et de la Prévision social, qui devait être consulté sur ces projets, rejeta le plan proposé, car les terrains choisis étaient inadéquats. Ce n’est qu’en mars 1936, sous la nouvelle municipalité du bourgeois républicain libéral José Carlos Schwartz[10] que le projet réapparut. Il faut dire que la grève des locataires de 1933 avait mis une pression suffisamment forte pour que le projet devienne réellement prioritaire. Cependant le coup d’État franquiste de juillet 1936, et la rapide victoire des fascistes dans les Canaries, enterra définitivement le projet.
La Création du Syndicat des locataires, et l’influence anarchosyndicaliste
En juillet 1923 avait été créée une première Ligue des locataires (Liga de Inquilinos), mais qui ne dura pas. Elle fut réanimée par la création en 1928 à Santa Cruz de Tenerife du Syndicat des locataires (Sindicato de Inquilinos)[11].
Quelques années plus tard, en 1932, la Fédération des travailleurs (Federación Obrera[12]) dans une assemblée tenue dans le cinéma La Paz réorganisa le Syndicat des locataires, basé dans la rue Miraflores de Santa Cruz, partageant l’adresse du journal de la CNT-AIT « En Marcha »[13].
Avec la fin de la dictature de Primo Rivera et l’avènement de la Seconde République espagnole en 1931, le Syndicat des locataires entra dans un conflit ouvert et continuellement protestataire, conflit dans lequel le mouvement ouvrier canarien mènera l’une de ses principales batailles[14]. Lors de l’Assemblée inaugurale du Syndicat, la raison d’être de l’organisation était évidente « pour éviter les abus commis par les propriétaires »[15].
Il s’agissait de réduire la pénurie de loyers et de s’attaquer frontalement aux administrateurs de biens et aux sous-loueurs, qui contribuaient encore plus à rendre les loyers plus chers. Début 1933, le Syndicat se dotera d’un journal d’expression : la Voix du Locataire, La voz del inquilino. Le nombre d’adhérents à la Fédération passera de 200 syndiqués à la fin de 1932 à plus de 3 500 au plus fort de la grève[16].
Si le Syndicat des locataires fut créé par la Fédération ouvrière, elle-même sous l’influence idéologique de l’anarchosyndicalisme, elle se rapprocha organiquement de la CNT-AIT. Ainsi lors du congrès régional canarien de la CNT-AIT, le 8 avril 1933, une des motions présentées à ce congrès relatif à l’organisation du journal confédéral CNT est cosignée par Bernardino Garcia dont il est précisé qu’il est délégué par le Syndicat des Locataires. À ce même congrès régional de la CNT-AIT, une motion est discutée « au sujet des locataires », présentée par M. Martin, Salvador Dominguez, Virgilio Acosta, Rosendo Rodriuguez, et Ricardo Ferrada, ce dernier étant le président du Syndicat des Locataires[17].
Enfin le journal de la CNT-AIT mentionne la présence à titre informatif de 3 délégués du syndicat des locataires, qui représentent 600 affiliés.
Face à l’impasse des discussions avec la Municipalité, l’évidence de la grève se fait jour
Après avoir tenté de négocier avec les autorités responsables du logement, le président du Syndicat, Ricardo Ferrada, affirma que les échecs du conseil municipal ont été le résultat d’une collision avec des institutions qui défendent les fraudeurs, c’est-à-dire les propriétaires du logement. Voyons son avis au sujet de la municipalité de Santa Cruz de Tenerife « les bureaux de l’hygiène se sont écrasés contre le “caciquisme”[18] qui prévaut dans la municipalité. »[19]
Lors de l’assemblée du 26 mars, le syndicat est confronté à un dilemme fort et seules deux options peuvent être retenues : dissoudre le syndicat ou déclarer la grève compte tenu de l’impossibilité de conclure des accords avec les propriétaires, les administrateurs et les autorités (judiciaires comme municipales) pour mettre un terme à l’exploitation dont souffraient les locataires[20]. Les propositions furent soumises au vote et c’est la grève qui fut décidée. Elle fut convoquée pour le 4 avril.
Le Syndicat établit alors une série de revendications qui devaient être satisfaites pour mettre fin à la grève, à savoir : que tous les adhérents des syndicats de la Fédération des travailleurs et ceux de la CNT-AIT ne paieraient pas leur loyer si ceux-ci n’étaient pas réduits de 40 % de leur prix actuel. Le Syndicat appelait à une résistance collective contre les expulsions et à faire pression sur le conseil municipal pour mener à bien ses projets de construction de maisons bon marché[21].
De son côté, la Cámara de Propiedad Urbana, Chambre de la propriété urbaine, entité qui regroupait tous les propriétaires y compris ceux de logements locatifs, émit une note dans laquelle, après avoir pris connaissance de la proposition des locataires de réduire de 40 % les loyers, insista pour que les propriétaires ne cèdent en aucune manière à ces exigences, car ladite réduction n’était ordonnée par aucune loi[22].
Les médiations du gouverneur civil entre le Syndicat des locataires et la Chambre de propriété urbaine pour empêcher la grève de conduire à des actes de violence échouèrent lamentablement compte tenu de l’intransigeance des deux parties concernées.
À l’annonce de la première expulsion par les autorités pour le 5 juillet 1933, le Syndicat des locataires demanda le soutien de toute la classe ouvrière de Santa Cruz de Tenerife, par le biais d’un appel à la grève générale.
Première expulsion, explosion populaire de mécontentement
La première expulsion eut lieu au numéro 62 de la rue Santiago[23]. Immédiatement, la grève générale est déclenchée. À cette époque, quand ils étaient appelés à la grève générale, la grande majorité des travailleurs de la capitale quittaient leurs activités pour manifester dans la rue principale.
Les autres expulsions prévues ce jour-là (numéro 63 de la rue San Miguel, numéro 23 de la rue Emilio Calzadilla et numéro 18 de Pasaje Ojeda) furent suspendues.
Ce même après-midi du 5 juillet, en riposte les locataires prirent d’assaut les maisons appartenant aux propriétaires et administrateurs les plus méprisés : Luciano Padrón, José Barbuzano, Norberto Morales, Manuel Fernández del Castillo, Ana Muñoz, Carlos Peraza et Macario Peña[24]. Ils vidèrent les maisons bourgeoises de leurs meubles qu’ils détruisirent sur place dans la rue. Ils incendieront également le navire de Francisco Naveiras (chef du Parti républicain radical, lié à la municipalité, et qui avait licencié des ouvriers les jours précédents). Ils ont également mis le feu aux entrepôts de paille de la famille Rodríguez López. Comme nous pouvons le voir, avec ces incendies, la grève qui initialement était une lutte entre propriétaires et locataires va s’étendre rapidement pour devenir une confrontation claire entre le mouvement ouvrier et la classe politique dominante de l’île (ni la famille Rodríguez López, ni la famille Batey, ni Francisco Naveiras ne louaient de maisons et donc n’étaient pas directement concernées par les revendications portant sur le logement ; par contre ils exploitaient bien des travailleurs dans leurs entreprises respectives).
Voici comment le journal La Tarde, Le Soir, caractérise les évènements qui se déroulent le 5 juillet : « d’énormes contingents de travailleurs, parmi lesquels de nombreuses femmes, ont parcouru les rues de la ville en formant différentes manifestations, applaudissant la grève générale et son triomphe immédiat. »[25]
Le même après-midi, une réunion est convoquée dans les arènes pour évaluer la portée de la grève générale. Il est convenu de demander la médiation du gouverneur civil, Gil Tirado, d’appartenance radicale-socialiste, entre propriétaires et locataires, mais aussi de maintenir la grève générale pour continuer la pression.
Le 6 juillet, le gouverneur civil, effrayé par le grand nombre de personnes qui ont soutenu la grève générale et la tournure violente que prenaient les évènements, au lieu de se prêter à la médiation entre les parties adverses, a décidé d’interdire les manifestations et ordonné à la Garde civile de dissoudre la réunion des locataires qui devait se tenir ce jour-là. Cette réunion rassembla plus de 2000 personnes, conduisant aux premières arrestations[26]. Une soixantaine de personnes furent détenues à Paso Alto comme « prisonniers du gouvernement, » certaines accusées de troubles publics et d’autres de la sédition, et parmi eux 12 des dirigeants ouvriers les plus représentatifs des protestations[27].
Comme nous l’avons vu, la participation de nombreuses femmes à cette grève a été importante et certaines d’entre elles ont été arrêtées. Le livre « la Grève des locataires. Tenerife 1933 » publiée par la CNT-AIT, rappelle la liste publiée dans la presse locale des personnes détenues par ce conflit, parmi lesquelles figurent quatre femmes : Carmen Hernández Dorta, María Padilla Arteaga, et les sœurs Ginesa et Polonia Fernández García.[28]
La rudesse des actions de protestation fut qualifiée de crime en raison de leur « tendance révolutionnaire et séditieuse », ce qui a conduit le gouverneur civil à décréter également la fermeture du siège et des lieux de réunion des Federaciones Obreras, du Syndicat des locataires et de la CNT-AIT canarienne. Plusieurs des personnes qui avaient été détenues du fait de grève des locataires, seront arrêtées puis assassinées (abattues ou jetées vivantes à la mer, enveloppées dans un sac, pratique assez répandue dans l’archipel des Canaries) après le soulèvement militaire fasciste du 18 juillet 1936.
L’impuissance des élus d’opposition au conseil municipal
En laissant de côté les tenants et aboutissants du cadre clientéliste de la politique insulaire, dans cette lutte pour le droit à un logement décent, les voix de nombreuses personnes marquantes de la gauche des Canaries se firent entendre, notamment celle de Isabel González González. Surnommée Azucena Roja, le lys rouge[29], elle connaissait profondément les dimensions de cette situation problématique et les conditions de vie de la classe ouvrière. Elle n’hésitait pas à jouer le jeu judiciaire en dénonçait explicitement les arnaques des propriétaires aux Impôts, espérant ainsi que la Justice bourgeoise agisse, là où les ouvriers anarchistes préféraient l’action directe sans intermédiaire étatique.
Ainsi elle dénonçait les propriétaires qui déclaraient aux autorités recevoir des loyers bien inférieurs à ceux effectivement perçus en réalité. Avec ces critiques, elle essayait d’obtenir des autorités républicaines les réformes et les changements nécessaires à la construction des fameuses maisons bon marché et à l’amélioration des contrats de location de logements. Toutefois, elle dut reconnaitre l’impuissance de ses démarches tant politiques que judiciaires. « En ce qui me concerne, je peux dire que j’ai épuisé tous les recours afin que les propriétaires de la maison où je vis y installent eau courante ; le maire – semble-t-il – de dispose pas d’assez d’autorité pour contraindre un cacique comme Oramas à se conformer aux Ordonnances municipales. [30]»
Malgré une répression brutale, la grève des locataires se poursuit
Le 7 juillet 1933, après 3 jours de troubles violents, la grève générale des travailleurs prend fin, l’activité habituelle reprend dans la capitale de Tenerife, mais la grève des locataires continue sa marche[31], pour reprendre le titre de l’hebdomadaire de la CNT-AIT des Canaries qui publiait régulièrement des articles sur la grève. Le gouverneur civil, sous la pression de la bourgeoisie de Santa Cruz, adopte une position résolument répressive contre les locataires, qui comporte deux aspects fondamentaux : d’une part, il met en œuvre une politique visant à déclarer illégale la Federación Obrera, à fermer son imprimerie, à interdire ses publications.
Toutes les réunions de plus de trois personnes sont également dissoutes par la Garde civile[32]. D’autre part, il ordonne que toutes les expulsions de logement ordonnées par les tribunaux soient effectuées, et ce sans délai[33].
Mais le degré de violence dans l’affrontement ne diminue pas et chaque expulsion d’un locataire sera suivie de l’explosion d’une bombe dans ladite maison expulsée ou dans d’autres propriétés des mêmes propriétaires ou de leurs gérants[34]. La Garde civile détient les expulsés, soupçonnés d’avoir provoqué les explosions et les destructions collatérales. Les derniers sursauts de la grève des locataires seront constatés jusqu’à la dernière semaine d’août, date à laquelle elle pourra être considérée comme terminée.
Maison expulsée détruite par une bombe pour empêcher sa relocation par le propriétaire
Les actions répressives des autorités sont soutenues par l’atmosphère de paranoïa et de méfiance croissante parmi l’élite politique canarienne[35]. En effet, les caciques des îles ont été traumatisés par l’impact des évènements de types insurrectionnels encouragés par la CNT-AIT depuis 1932, que ce soit dans la péninsule ou encore dans les Canaries mêmes avec les évènements d’Hermigua en mars 1933.[36] Et le fameux agitateur anarchiste, Buenaventura Durutti, n’était-il pas venu en meeting en septembre 1932 à Tenerife ?
Les propos du gouverneur civil, Gil Tirado, pour décrire la grève des locataires dans son information au ministre de l’Intérieur le 5 juin 1933, sont alarmants. Il décrit comment, face aux expulsions, “une grève générale absolue est promue dans la capitale, spontanée (sic) dans tous les services publics et privés, le commerce, l’industrie, les travaux, etc. avec l’exécution d’actes de sabotage”. Il décide alors de concentrer toute la force publique dans la capitale de l’île, demandant la collaboration du gouvernement civil de Las Palmas[37]. Dans son télégramme suivant d’information des autorités centrales, le gouverneur de Santa Cruz de Tenerife, rapporte le retour à la tranquillité, ainsi que les principales conséquences des évènements de la veille : le refus et même l’opposition aux expulsions et la manière dont certains groupes de locataires ont attaqué les maisons et les meubles des propriétaires qui avaient demandé leur expulsion.
Cependant, bien que le Gouverneur ait ouvertement pris parti après les premières attaques contre les maisons des propriétaires, la bourgeoisie de Santa Cruz n’a pas pardonné à Gil Tirado de ne pas avoir agi plus durement dès le premier instant contre les locataires. Ainsi, après avoir informé les députés Antonio Lara, Alonso Pérez Díaz et Andrés Orozco des évènements du 5 juillet, ils rencontrent Azaña et Casares Quiroga, le 7, faisant état de la mauvaise gestion de la grève par le Gouverneur civil de la province[38], qui sera définitivement révoqué en septembre[39]. Le désaccord de l’élite de Santa Cruz avec le gouverneur civil se reflète dans un télégramme qu’ils lui adressent le 5 juillet 1933 et qu’il ne fera suivre au ministre de l’Intérieur que le lendemain :
“Réunies les représentants des corporations signataires ci-dessous, nous nous devons de vous manifester notre sentiment que face aux évènements et abus perpétrés aujourd’hui par des perturbateurs déclarés dans une grève illégale annoncée publiquement depuis hier, pas la moindre mesure préventive ou répressive n’a été prise par votre autorité, et ce bien que des foyers aient été dévalisés, des meubles incendiés sur la voie publique et jusqu’à des maisons détruites, en la présence impassible de la police gouvernementale, nous avons ; Aussi, nous avons convenu de contacter le Gouvernement de la République pour lui demander une protection en dehors de votre nullité, avec laquelle nous nous déclarons incompatibles…”[40]. Le télégramme susmentionné est signé par le président de la Mancommunité (Communauté de commune) provinciale R. Gil Roldán, le président du Conseil de l’île : Maximino Acea, et le maire de Santa Cruz de Tenerife : T. de Armas.
La note du gouverneur civil au ministre de l’Intérieur se poursuit avec l’explication du télégramme qu’il lui a transmis et qu’il considère comme “diffamatoire, tendancieux de faussetés méprisantes et hautement irrespectueuses”, motivé par une vengeance revancharde de ces dirigeants de l’élite politique de Tenerife :
« …C’est pour me rendre difficile et même impossible toute action saine, honnête, légale, morale et juste que ces soi-disant représentants estiment que leur politique de cacique est centrale pour leur fierté. Je ne me prête pas à leurs manœuvres et je ne consens pas à ce que ce gouvernement civil et à son gouverneur actuel soient leur marionnette pour leurs caprices comme ils l’ont toujours été auparavant. Je peux vous assurer que depuis ma prise de fonction, j’ai mis en évidence de graves problèmes dont les résolutions passaient par la modification totale de leur système politique avec un gang de chefferie à l’ancienne, dégénéré et avec une caciquisme le plus sauvage, que j’ai dû détruire totalement pour commencer à construire de rien pour le bien de la République… »[41]
CONCLUSION
Après cinq mois de grève des loyers et une émeute insurrectionnelle, prolongée par des actes de sabotage contre les propriétaires ou les patrons, le mouvement dû être suspendu, sans avoir obtenu de satisfaction des revendications. Du moins, les mois de loyers qui n’avaient pas été payés ne furent jamais réclamés par les propriétaires qui durent s’assoir dessus.
L’évaluation de l’importance de la grève des locataires est une tâche ardue et complexe. Sans aucun doute, ce mouvement a dépassé de loin la confrontation entre locataires et propriétaires et supposé une polarisation des positions entre le mouvement ouvrier et la classe socio-économique dominante de l’île, les deux protagonistes adoptants des attitudes de plus en plus violentes.
D’ailleurs, cette grève doit se comprendre dans un continuum de luttes revendicatives dans les années du début de la seconde république, aussi bien dans les Canaries que dans toute l’Espagne, luttes souvent inspirées si ce n’est impulsées et conduites par les anarchosyndicalistes de la CNT-AIT. Pour les seules Canaries, il y eut en 1932, 42 grèves de toutes natures et en 1933, 69 mouvements de plus ou moins grande ampleur. On citera les plus significatifs : la grève des travailleurs du port de Santa Cruz en mai-juin 1932, les fréquentes grèves des ouvriers du tabac (juillet 1931, novembre 1931, fin 1932 juin 1933), la grève et le massacre des ouvriers de Hermiga en janvier 1933…
Selon Miguel A. Cabrera, il y a eu un rapprochement des positions de différentes catégories qui leur permit d’agir de manière conjointe dans la grève [42]: le prolétariat le plus pauvre, représenté par la Federación Obrera qui venait d’intégrer la CNT-AIT, les employés plus confortables et ceux des services publics organisés à l’UGT, notamment au Syndicat des employées de commerce, industrie et banque, et une grande masse de locataires de condition petite-bourgeoise qui n’appartenait à aucun syndicat. À titre d’exemple de cette convergence, il est remarquable que l’assemblée du Syndicat des locataires tenue en avril 1936[43] se choisisse pour trésorière Isabel Cabrera, pourtant elle-même petite propriétaire de son propre logement, ‘en reconnaissance de sa grande ferveur et de son travail désintéressé’. Ces secteurs finiront à terme par se regrouper lors des élections de février 1936 dans la coalition hétérogène de gauche que l’on a appelée le Front populaire.
La grève a été interprétée par certains historiens comme un échec, car le Syndicat des locataires n’a pas été en mesure d’imposer leurs propositions, mais progressivement les conditions de location dans la capitale de Tenerife se sont améliorées, la classe politique dirigeante a pris conscience de la nécessité – déjà pour son propre intérêt – de remédier à ce grave problème afin d’atteindre ainsi la paix sociale nécessaire pour que ses affaires puissent prospérer en toute normalité et sans soubresauts.
Après le soulèvement militaire franquiste du 18 juillet, le conseil municipal – acquis à la cause fasciste – abordera un projet de construction de maisons bon marché et petit à petit, le problème du logement à Tenerife sera atténué, bien que partiellement.
Parmi les suites de la grève des locataires, il faut rappeler que la répression contre le mouvement populaire, commencée dès le début du soulèvement franquiste, fut extrêmement sévère. Elle se soldera par diverses exécutions, avec des jugements sommaires, et l’assassinat ou la disparition dans l’océan Atlantique de centaines de membres des syndicats ouvriers. Parmi les ouvriers condamnés à mort, rares sont ceux dont les bourreaux ont pris la peine de garder une trace de l’exécution de leurs bases œuvres :
– Paulino Hernández (27 ans), du Syndicat des Transports terrestres de la CNT-AIT. En 1933, il a apporté son soutien aux personnes accusées des évènements d’Hermigua en réalisant des collectes de fonds pour les proches des accusés. Collaborateur de l’hebdomadaire, En Marcha, organe de la CNT-AIT des îles Canaries. Accusé d’avoir mis le feu à l’usine de salaison de Francisco Naveiras pendant la grève des locataires. Fusillé le 18 septembre 1936.[44]
– Amadeo Hernández, accusé d’avoir mis le feu à l’usine de salaison Francisco Naveiras avec son frère Paulino. Capturé à Las Palmas de Gran Canaria, il fut jeté vivant à la mer, sans procès préalable.[45]
– Francisco Sosa Castilla (menuisier, 26 ans) président du Syndicat des locataires en 1936. Il fut l’un des organisateurs de la grève d’avril à juillet 1933. Arrêté en décembre 1933 pour incendie volontaire lors de la grève syndicale de la branche du bois organisée par la CNT-AIT. Il a dirigé un groupe de travailleurs qui ont tenté de faire face au coup d’État. Soumis à un conseil de guerre qui l’a condamné à mort le 7 octobre 1936 ; il fut fusillé le 13 octobre.[46]
– Jorge Hernández Mora, charpentier, secrétaire de la Federación Obrera. Détenu pendant la grève des locataires. Fusillé le 23 janvier 1937.[47]
– Francisco Infante Díaz, membre du Syndicat des maçons de la CNT-AIT, fils de Francisco Silvestre Infante, chef du Syndicat des locataires lors de la grève de 1933. Fusillé le 23 janvier 1937.[48]
– Francisco Reyes Martín, qui avait écrit divers articles dans « En marcha » pour défendre les locataires pendant la grève[49] fut fusillé le 23 janvier 1937[50].
ANNEXE : Liste des 31 détenus du 6 juillet 1933
suite à la grève des loyers de Santa Cruz de Tenerife
Carlos Herrera Pérez
Enrique Cruz García
Juan Ramírez González
Amadeo Hernández y Hernández
Paulino Hernández y Hernández
Joaquín Alayón Navarro
Juan Romero González
Carlos Herrera Pérez
Enrique Cruz García,
Francisco Fresnada Dieppa
José y Álvaro Jiménez Pérez
Antonio González Gil “Mestizo”
Gregorio Remón Rodríguez “Platanito”
Cirilo Socorro Cubas “Juan el Canario
Carmen Hernández Dorta
José Delgado Torres
Melitón Castro García
José Manuel González Valladares “ El Cubanito”, Le petit cubain
Cándido Delgado Oramas
Ginesa Fernández García
Polonia Fernández García
Francisco Pérez Sabina “Peruales”, le péruvien
Santiago Hernández del Castillo
Jerónimo Henríquez Miranda
Francisco Carrillo Díaz
Eugenio Montesino Prieto
María Padilla Arteaga
Domingo Pérez García “Podrido”, le pourri
José Delgado García
Francisco Román Romero
José Hernández Mora
[1] Miguel Ángel CABRERA ACOSTA: La II República en las Canarias Occidentales, Santa Cruz de Tenerife, CCPC-Cabildo de El Hierro, 1991, p. 356.
[2] CNT-AIT : Huelga de Inquilinos. Tenerife 1933, Santa Cruz de Tenerife, CNT-AIT, 2003, pp. 9-10.
[3] Ramón PÉREZ GONZÁLEZ: Las Ciudadelas de Santa Cruz de Tenerife, Santa Cruz de Tenerife, Aula de Cultura de Tenerife, 1982, pp. 8-9.
[4] CNT-AIT : Huelga de Inquilinos. Tenerife 1933 …, p. 21.
[5] Miguel Ángel CABRERA ACOSTA: La segunda República en las Canarias occidentales…, p. 358.
[6] CNT-AIT : Huelga de Inquilinos. Tenerife 1933…, p. 23.
[7] Ibíd., p. 18.
[8] Pour une analyse plus détaillée de l’évolution des forces politiques qui ont occupé la mairie de Santa Cruz de Tenerife, et plus globalement les dynamiques politiques dans l’archipel canarien, voir : Carlos David AGUIAR GARCÍA: La provincia de Santa Cruz de Tenerife entre dos dictaduras (1923-1945). Hambre y orden, Tesis doctoral, Universitat de Barcelona, 2012.
[9] Ils appartenaient à la classe politique dominante des Îles : familles Cambreleng, Matías Molina et Ojeda. CNT-AIT : Huelga de Inquilinos. Tenerife 1933…, p. 19
[10] Il fut fusillé par les franquistes dès le début de leur coup d’État à l’été 1936
[11] Osvaldo Brito González : Historia del Movimiento Obrero Canario, Madrid, Editorial Popular, 1980, p. 234.
[12] Federación Obrera : Syndicat autonome spécifique des Canaries, qui se voulait unitaire en regroupant ouvriers anarchistes et socialistes. Si à l’origine le syndicat était plutôt socialiste, dans les années 1930 il évolua vers des tendances plus radicales, étant clairement influencé par l’idéologie anarchosyndicaliste. Du reste la Federación Obrera de Santa Cruz de Tenerife décida en 1933 de rejoindre la CNT-AIT. El movimiento obrero en las Canarias Orientales (1930-1936): la Federación Obrera de la provincia de Las Palmas, Suárez Bosa Miguel, Las Palmas de Gran Canaria, 1990, Cuadernos canarios de ciencias sociales
[13] CNT-AIT : Huelga de Inquilinos. Tenerife 1933…, p.27.
[14] « Les grèves des locataires seront particulièrement virulentes à Santa Cruz de Tenerife, où les anarchistes favoriseront des rassemblements et des actions constantes contre les propriétaires, dont la grève du 5 juin 1933, qui provoquera une situation violente dans la capitale, avec des attaques et des attentats contre les maisons de divers usuriers ». Dans Osvaldo Brito González : Histoire du mouvement des travailleurs des Canaries…, p. 235.
[15] « El problema de la vivienda », La tarde, 29 de agosto de 1932.
[16] Miguel Ángel CABRERA ACOSTA: La Segunda República en las Canarias occidentales… p. 359. À titre de comparaison, la CNT-AIT de Santa Cruz de Tenerife comptait un peu plus de 1000 membres lors de son Congrès d’avril 1933.
[17] « Ponencias presentadas por los sindicaos afiliados a la CNT en el Primer Congreso Regional abril de 1933 », En Marcha, journal de la CNT-AIT de la región des Canaries, année 4, numéro 110, 8 avril 1933
[18] En Espagne, un cacique est notable local qui exerce un contrôle de fait sur la vie politique et sociale de son district. (Larousse)
[19] Ricardo FERRADA : « Verdaderas causas del movimiento inquilino en Tenerife », Hoy, 16 de julio de 1933.
[20] CNT-AIT : Huelga de Inquilinos. Tenerife 1933 …, p. 32.
[21] Ibíd., pp. 33-34.
[22] “Una nota oficiosa. La Cámara de la Propiedad Urbana y alquileres de las casas”, Gaceta de Tenerife, 19 de mayo de 1933.
[23] CNT-AIT : Huelga de Inquilinos. Tenerife 1933 …, p. 37-38.
[24] Ibíd., pp.38-39.
[25] « Al respecto del problema de los alquileres », La Tarde, 7 de julio de 1933.
[26] CNT-AIT : Huelga de Inquilinos. Tenerife 1933 …, pp. 40-41.
[27] “Orden Público. Huelga General 1933 », Archivo Histórico Provincial de Santa Cruz de Tenerife (AHPSCT), Gobierno Civil, Sign : 2.3.5.
[28] CNT-AIT : Huelga de Inquilinos. Tenerife 1933…, pp.40-41
[29] Fondatrice et leader du Parti Communiste dans les îles canaries, première femme à occuper un siège au Conseil municipal de Santa Cruz de Tenerife.
[30] « Otra cacicada », El Socialista, 7 de septiembre de 1931
[31] Miguel Ángel CABRERA ACOSTA: La segunda República en las Canarias occidentales…, p. 363
[32] CNT-AIT : Huelga de Inquilinos. Tenerife 1933 …, pp. 44-45.
[33] « Órdenes de desahucio », La tarde, 11 de julio de 1933.
[34] CNT-AIT : Huelga de Inquilinos. Tenerife 1933 …, p. 45.
[35] Carlos David AGUIAR GARCÍA: La provincia de Santa Cruz de Tenerife entre dos dictaduras (1923-1945). Hambre y orden… y Yanira Hermida Martín: Mujeres y cambios sociales en la provincia de Santa Cruz de Tenerife. 1931-1975. Amas de casa, camaradas y marginadas, Tesis doctoral, Universitat de Barcelona, 2012, pp.159-169.
[36] Le 22 mars 1933, les travailleurs du village de Hermigua dans l’île de Gomera, rejoints par leur famille, déclenchèrent une grève générale pour demander du travail et du pain. Partis en manifestation sur la plage, ils furent attaqués par les Gardes Civiles qui tirèrent des coups de feu, assassinant 5 grévistes. Par ailleurs de nombreux mouvements insurrectionnels furent lancés dans les années 1931-1933, souvent à l’initiative de la CNT-AIT, dans la péninsule, le plus célèbre étant celui de Casas Viejas du 10 au 12 janvier 1933.
[37] « Ante las reivindicaciones obreras el Gobernador Civil pide refuerzos a su homónimo de Las Palmas y al resto de fuerzas destinadas en la provincia. Orden Público. Huelga General 1933 », Archivo Histórico Provincial de Santa Cruz de Tenerife, Gobierno Civil, Sign : 2.3.5.
[38] « Información telegráfica », Hoy, 8 de julio de 1933.
[39] CNT-AIT : Huelga de Inquilinos. Tenerife 1933 …, p. 44.
[40] Orden Público. Huelga General 1933”, Archivo Histórico Provincial de Santa Cruz de Tenerife, Gobierno Civil, Sign : 2.3.5.
[41] Ibíd.
[42] Miguel Ángel CABRERA ACOSTA: La Segunda República en las Canarias occidentales… p. 366.
[43] “Sindicato de Inquilinos. Aviso », Gaceta de Tenerife, 14 de abril de 1936.
[44] Ricardo GARCÍA LUIS: La Justicia de los Rebeldes. Los Fusilados en Santa Cruz de Tenerife (1936-1940), Tenerife, Baile del Sol, Colección Vacaguaré, 1994. pp. 52-57; y CNT-AIT : Huelga de Inquilinos. Tenerife 1933 …, p. 60.
[45] Ibid.
[46] Ibid.
[47] Ibid.
[48] Ibid.
[49] Tous ses articles parurent dans l’hebdomadaire « En Marcha, portavoz de la CNT-AIT en Canarias ». Francisco REYES: « Opinamos », En Marcha, 124, 15 de julio de 1933 ; ÍD : “Afirmaciones”, En Marcha, 127, 14 de octubre 1933; ÍD. : “A las urnas no, a la calle sí”, 130, 4 de noviembre de 1933; ÍD. : “Osadía socialista”, 131, 11 de noviembre de 1933; ÍD. : « Las injusticias de la Justicia », 137, 13 de enero de 1934.
[50] Ricardo GARCÍA LUIS: Justicia de los Rebeldes. Los Fusilados en Santa Cruz de Tenerife (1936-1940)…, pp. 122-125 ; y CNT-AIT : Huelga de Inquilinos. Tenerife 1933 …, p. 60.
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