Blagnac : bilan d’une lutte
octobre 2000
La lutte des précaires de Blagnac a duré près de deux ans.Comme souvent en pareil cas elle a connu ses périodes d’exaltation et de dépression. Mais » certaines luttes se gagnent sur la durée » (CS n°58). C’est ce qui s’est passé : par leur ténacité, leur mobilisation, leur conviction, les précaires des CLAE [1] ont arraché la création de 14 postes. Fin septembre, cela s’est concrétisé par la » stagiairisation » (avant titularisation) de toutes [2] les précaires qui avaient mené la lutte, ainsi que d’autres employées. Dans un tel contexte général de développement de la précarité, cette lutte montre qu’on peut imposer à l’employeur une logique inverse. C’est pourquoi il nous paraît important d’y revenir, en développant d’abord les points qui ont posés problèmes et les réponses qui y ont été apportées. Puis, pour clore ce dossier nous en rappellerons les principales étapes. Il s’agit de la sorte d’alimenter un débat militant qu’il revient à chacun d’enrichir.
L’apprentissage de la lutte par les vacataires
« On veut se battre, mais on ne sait pas comment faire. Apprenez-nous ! » C’est ainsi que l’on pourrait résumer la demande du groupe de neuf vacataires qui étaient présentes aux assemblées générales et conseil d’employés.
La tâche aurait été sûrement facile pour un syndicat traditionnel : il aurait confié le « dossier » a ses permanents et juste demandé aux vacataires de cotiser et de participer à une ou deux actions ponctuelles quand les « responsables » l’auraient décidé.
Pour la section CNT-AIT de Blagnac, ça a été un combat de plusieurs mois. Notre objectif affiché était de permettre la prise en main de la lutte par les personnes directement concernées. Mais l’auto-organisation ça ne se décrète pas, ça s’apprend, parfois lentement, surtout quand, pendant des années, on a été écrasé par le quotidien, quand on n’a aucune expérience de la lutte et quand le patron vous a fait comprendre que vous n ’êtes qu’un simple exécutant.
Que faire, alors ? Pour la section, il s’est agi d’éviter les deux écueils les plus habituels :
dire aux gens « prenez vos affaires en main’ et s’en laver les siennes, attitude souvent observée chez ceux qui ont peur de confronter leurs grandes idées avec la réalité quotidienne ou qui ont avant tout le souci de continuer leur petite vie tranquille
prendre la direction des opérations. La aussi ce ne sont pas les prétextes qui manquent, la moindre difficulté étant érigée en incapacité des travailleurs à s’organiser.
A tâtons, nous avons donc essayé de ne pas faire à la place des vacataires, mais, dès le départ, avec les vacataires, en orientant notre action vers leur autonomisation. La section a donc joué au départ un rôle de support : elle a apporté une méthodologie pour les réunions, assure, au début, les présidences de séance de façon officieuse, pour qu’il y ait un libre échange. Elle a été vigilante aux positions de SUD et de la CMB afin qu’elles ne soient pas décisionnaires. Elle a poussé à chercher ensemble des moyens d’action, à impulser la libre parole sur les craintes des vacataires de subir des représailles ou sur le découragement provoqué par celles qui quittaient le groupe ou étaient moins présentes. Il a fallu aussi les aider à résister aux pressions : celles de l’extérieur, de leurs collègues, de leurs chefs, qui leur reprochaient d’être sous la coupe d’un « syndicat dirigeant ». Elles démentaient timidement, disaient que rien ne leur était imposé. Il a fallu tout cela pendant plusieurs mois, mais la section l’a toujours fait dans la même perspective. Et, progressivement, les vacataires ont pris confiance en elles. D’elles-mêmes, au fil des mois, elles sont allées seules à des rendez-vous avec des élus municipaux ou aux rencontres avec les parents d’élèves, leur expliquant leurs revendications. Elles ont fait des réunions régulières entre elles pour préparer leurs interventions ou leurs tracts. Elles ont progressivement constaté qu’elles étaient vraiment leurs propres maîtres.
Dans les dernières semaines, l’autogestion de la lutte a pris toute sa dimension. Etant devenue une lutte vraiment auto-organisée, elle a trouvé ainsi une force considérable qui a été un facteur décisif pour arracher la satisfaction des revendications : face au refus de la mairie, elles sont revenues à la charge, impulsant des assemblées générales avec d’autres vacataires, des chefs de service. Elles ont réussi à rallier au mouvement 12 écoles sur 14, avec grève quasiment générale programmée. Elles n’ont jamais pris de décision en sous-groupe. Elles ont organisé des assemblées générales avec tour de parole et vote, sans qu’aucun syndicat ne soit présent. Elles ont démontré les capacités de la base à lutter et à gagner, et c’est sur des principes anarcho-syndicalistes qu’elles ont appris que l’action directe restait une arme redoutable.
L’intersyndicale
A Blagnac, la section CNT-AIT a agi au départ en impulsant une intersyndicale qui regroupait tous les syndicats présents parmi les municipaux. C’est une pratique inhabituelle pour notre organisation. Deux ans après, un bilan peut en être tiré :
La façon dont la section de Blagnac a agi n’est pas le résultat d’une stratégie préprogrammée.
Quand la section s’est créée, il nous a semblé naturel de nous présenter aux autres syndicats de la boîte afin d’être identifiés tant sur nos noms que sur notre ligne d’action. Précisons en effet que les autres syndicats étaient menés par des collègues que nous connaissions depuis des années. De plus, l’un d’entre nous avait milité à la CFDT, un autre à la CMB…, et nous avions quitté ces syndicats dans la transparence, en expliquant nos positions différentes. C’est pour cela que nous avons pensé qu’il fallait essayer de bosser ensemble, en gardant nos spécificités, pour obtenir un impact plus important concernant les luttes à mener.
LA CFDT
Sporadiquement, avant la lutte actuelle des vacataires, la CFDT fit partie de deux luttes intersyndicales (celle pour le paiement du 1er Mai aux vacataires, celle contre un élu municipal aux pratiques douteuses envers le personnel féminin)
Mais elle a refusé immédiatement de faire partie de l’unité syndicale pour l’intégration des vacataires. Son motif a été qu’elle avaient commencé, paraît-il, le travail depuis plus d’un an, avec des « négociations en haut lieu ». Cela avait le mérite d être clair : l’objectif pour eux était que la CFDT gagne, et non pas que les vacataires soient titularisées.
LA CGT
Concernant la CGT, nous avons voulu pratiquer l’ouverture, ne pas rester sur ce qui se dit, mais leur laisser le bénéfice du doute.
Nous croyons réellement que nous avons bien fait, car on ne pourra pas nous taxer de « sectaires ». Ce sont eux qui, au travers de leurs positions, ont montré qu’ils ne voulaient pas se mettre contre le patron, puisqu au bout du compte ils négocient avec ce même patron pour « ce » ou plus exactement pour « ceux » (ou « celles ») qui les arrangent. Ils ont quitté à deux reprises l’intersyndicale, sans aucune explication, au moment où le rapport de forces se mettait en place entre les travailleurs et le maire. Il n’y aura pas eu de troisième fois et, si la possibilité d’une intersyndicale dans une autre lutte se présentait, nous dirions tout haut à la CGT ce que nous venons d’écrire.
F0
F0 est inexistante, apparue et disparue lors d’une distribution de tracts.
SUD
SUD (une seule militante) a été très souvent absent physiquement. Cela nous a sûrement bien arrangé. Nous avons donc géré la situation, respectueusement mais sans jamais composer. Il y a eu des points positifs : elle ne s’est jamais protégée de l’autorité et a fait participer son organisation financièrement, comme la CMB et la CNT-AIT.
CMB (syndicat autonome)
Nous avons travaillé avec un adhérent pendant plus d’un an, avec une petite équipe sur les derniers mois. Notre collaboration a été fructueuse. Ils ont été présents dans les réunions, dans toute l’intendance et financièrement. Le fait que la CMB soit un syndicat légalement représentatif a permis les préavis de grève officiels. Ces copains-là sont bien du même monde que nous, avec les mêmes valeurs : solidarité, justice, base qui décide et qui agit jusqu au bout, sans crainte des représailles. Pourtant, c’est bien la section CNT AIT qui a permis l’alchimie nécessaire à leur implication dans la lutte. La CNT-AIT a, dès le départ, proposé ses pratiques dans les assemblées générales et les conseils d’employés qui les ont adoptées. Cela a permis l’élargissement à tout un chacun de la parole, de la décision, de l’action bien au-delà d’un bureau restrictif comme la CMB le faisait jusque-là.
Les échanges se sont faits en profondeur, sur tous les aspects de la vie syndicale, au-delà de la lutte des vacataires.
Le secrétaire de la CMB a même, en fin de lutte, démissionne de son mandat de représentant du personnel. Il a vu enfin avec lucidité que c était une façon non pas de défendre les salariés, mais de conforter les patrons dans leur pouvoir décisionnaire. C’est un exemple : les prises de conscience furent massives dans leur syndicat, car, malgré l’étiquette syndicale, ils ont vu que certains de leurs adhérents étaient non solidaires des grévistes. La petite histoire dit même qu’ils ont ’jeté » leur permanente, qui n’était là que pour traiter ses affaires personnelles et qui n’a pas suivi les mouvements de grève. Et l’histoire dit vrai ! Les heures syndicales, ils vont maintenant les répartir sur un large groupe d’adhérents. Ainsi, pour toutes ces petites raisons tangibles, et celles qui sont plus impalpables, ne soyons pas prétentieux mais contents de ce qu’a impulsé la section CNT-AIT de Blagnac. Ces copains-là nous ont fait une confiance absolue. Ce ne sont pas des naïfs, ils se sont simplement retrouvés dans les pratiques impulsées par la section. Souhaitons que l’avenir soit prometteur et qu il ne se limitent plus à leurs décision de bureau. Souhaitons aussi que nous puissions encore lutter ensemble Le maire et les élus municipaux ont bien senti la CMB et la CNT-AIT solidaires jusqu’au bout dans la lutte Ce fut un poids indiscutable. La CMB est le plus important syndicat de la Mairie, avec quelques personnalités déterminées. Quant à la CNT-AIT elle fait peur aux élus et aux hauts fonctionnaires. Malgré cette intersyndicale vivante, le mouvement a bien été taxé dans les hautes sphères de « lutte anarchiste ». Il est vrai qu une assemblée générale sur la place de la mairie, avec 150 employés, ils n’avaient jamais vu !
NOTRE DÉBAT INTERNE
Le fait que la section de Blagnac non seulement se propose de faire partie d’une intersyndicale mais en prenne l’initiative a soulève comme on le comprend, d’importantes discutions dans le syndicat intercorporatif CNT-AIT de Toulouse et de la région (auquel la section de Blagnac est rattachée) : On peut les résumer en disant que, avec raison, les militants ne font aucune confiance aux » grandes centrales « . L’analyse globale de ces institutions démontre que la CFDT, la CGT ou SUD sont des rouages de collaboration, dont le rôle est de tenir les travailleurs sous la tutelle du gouvernement, des partis politiques et finalement, du patronat. Cette analyse est partagée par tous. Pourtant, le syndicat ne s’est pas opposé à cette expérience.
Pourquoi ? Parce que l’analyse du contexte local et des circonstances présentait des particularités.
D’abord, les militants de la section de Blagnac connaissaient bien leur terrain d’action, pour y travailler depuis des années. Ils pensaient que les militants de la CFDT, de la CGT, de SUD pouvaient se dégager des logiques partisanes de leur centrale pour lutter contre un problème qu’ils avaient sous les yeux, d’autant qu’ils se déclaraient depuis des années solidaires des précaires. C’est sur cette opinion que les critiques ont été les plus importantes dans le syndicat CNT-AIT, car, comme cela a été dit à ce moment, s’il arrive que des militants ou des sections de la CGT ou de la CFDT acquièrent une indépendance face à leurs dirigeants locaux, cela ne dure jamais très longtemps : soit on les fait rentrer dans le rang, soit on les en chasse. Il a finalement semblé que c’était intéressant de faire évoluer, si on le pouvait, ces personnes ; et que, si elles n’évoluaient pas, on se passerait de leur participation.
La deuxième caractéristique était la présence d’un important syndicat autonome, la CMB, dont certains militants ont déjà démontré leur combativité et une ouverture à des pratiques et à des idées proches des nôtres. Ces caractéristiques rendaient possible un travail en commun, tout en continuant a souligner ce qui nous sépare, entre autres notre position sur les élections professionnelles (auxquelles la CMB se présente).
Enfin, troisième élément important, le dynamisme et la capacité de la section de Blagnac à maintenir une ligne anarcho-syndicaliste dans son action (ce qui a donné une coloration particulière à cette intersyndicale et ce qui explique probablement le retrait de certains…). Cette capacité provient entre autres du travail de fond entrepris (diffusion mensuelle de L’Intelligence de la lutte, diffusion du Combat syndicaliste, soutien aux conflits ponctuels…), qui, malgré la répression (mutations disciplinaires de militants…) s’est poursuivi avec constance. Ce travail a donné à la section une crédibilité parmi les employés et fait que personne dans la boîte ne pouvait se tromper sur les orientations, les tactiques et les finalités de la section.
Le bilan, tel qu’il est résumé ci-dessus, a été suivi de semaine en semaine. Il ne manque pas de points intéressants :
En ce qui concerne l’inter syndicale, on notera qu’elle a fondu avec le durcissement de la lutte. Commencée avec tous les syndicats existants (lors de l’action pour le paiement du 1er mai), elle a fini par une synergie entre la CMB et la CNT-AIT, avec une participation de SUD sur laquelle il n’est pas possible de dire grand chose.
La façon dont la CFDT et la CGT se sont comportées ne fait que conforter ce que pensaient sur ces organisations les plus critiques d’entre nous. Cette fois encore, le petit miracle de militants s’autonomisant par rapport à des structures de collaboration ne s’est pas produit. Par contre, le travail avec la CMB a été très intéressant. Il est vrai que ce syndicat n’est lié à aucun parti politique, à aucune stratégie nationale de pouvoir… D’une part, son action, qui a été respectueuse de l’autonomie des vacataires, a largement pesé pour favoriser leur victoire, d’autre part, les échanges, la réflexion ont entraîné des évolutions substantielles tant chez certains militants que dans leur fonctionnement interne. La démission de ses mandats électoraux de son secrétaire (qui continue bien entendu à militer) en constitue un symbole fort.
LA FORCE DES CONSEILS D’EMPLOYES
Outre les Assemblées générales et l’intersyndicale, il y a eu à Blagnac une autre structure de lutte, les conseils d’employés. Explication.
Les conseils d’employés sont ouverts à tous ceux qui souhaitent s’engager un tant soit peu sans pour autant être syndiqués, mais en étant néanmoins en contact avec des syndicaliste présents comme tels, avec leurs propres exigences. Le fonctionnement de cet outil de combat s’inspire directement des méthodes anarcho-syndicalistes et fait une référence historique aux Conseils ouvriers du début du XXe siècle et aux diverses étapes libertaires (Makhnovtchina, CNT-FAI). Cette structure offre un moyen efficace de réflexion et d’action dans la lutte. Sa présence continue au sein d’une collectivité, administration ou entreprise reflète l’expression de la mobilisation sociale sur le terrain.
Dans le cas de la revendication portée par les vacataires de l’animation, les conseils d’employés furent des temps et des lieux où la solidarité effective a pu se réaliser.
STRATEGIQUES SANS LE VOULOIR
Premier débrayage :13 avril. Deuxième débrayage : 4 mai. Le bruit circule dans les hautes sphères qu’une grève est prévue le 30 mai (12 écoles sur 14 seront fermées). Le préavis de grève doit être déposé par la CMB vers le 20 mai. Les copains de la CMB s’emmêlent les pinceaux entre eux, pensent avoir déposé le préavis, mais ne l’ont pas fait. Nous pensons tous que le préavis est arrivé au cabinet du maire, et donc la grève se prépare. Réunion des vacataires, intersyndicale dans laquelle l’effervescence règne au milieu de toutes les démarches à effectuer. En catastrophe, on décide de faire une lettre au maire pour lui demander de recevoir une délégation le jour de la grève. On se trompe de date et on marque que ce sera le 30… juin.
On réajuste le tir. On déplace la grève au 6 juin (avec tout ce que ça comporte de démarches) et on dépose un préavis de grève en bonne et due forme. Nous avons quelques jours devant nous. On commence à organiser une manifestation de rue – ce qui n’a pas manqué d’arriver aux oreilles du cabinet du maire.
Panique générale dans les bureaux du maire. Ils ne comprennent plus rien. Pour quand est la grève ; la manif : le 30 mai, le 30 juin, le 6 juin ? à une autre date ? Ont-ils peur d’une série de grèves sauvages ? On peut le croire, car ils savent que l’ambiance est chaude.
Cette pagaille involontaire, stratégie involontaire, nous a très certainement servi dans la suite des événements. Elle explique peut-être le revirement brutal que nous avons vécu : les élus, les hauts fonctionnaires jettent l’éponge et convoquent tous les syndicats le 31 mai pour annoncer la titularisation de 14 agents. L’intersyndicale ne s’est bien sûr pas prononcée sur l’annulation de la grève. Le maire a reçu une délégation de vacataires l’après-midi même pour confirmer les titularisations. La délégation n’a pas pris la responsabilité d’annuler la grève. Les élus ont dû patienter jusqu’au 5 juin pour que les vacataires, en assemblée générale, décident l’annulation de la grève.
Explication d’un mouvement ponctuel à partir de bases militantes
1- DÉMARRAGE
Créée pour des nécessités de liberté d’expression et d’action en mars 1998, la section CNT-AIT de la mairie de Blagnac, avec un noyau de militants et d’employés ouvertement sympathisants (participant activement à des réunions et à la diffusion d’un bulletin) avait immédiatement ciblé deux objectifs prioritaires parmi les problèmes imposés aux salariés. Ainsi avaient été posées les bases d’une revendication globale contre un régime de primes discriminées et l’exigence de combattre la précarité dont les employés contractuels vacataires et CDD sont victimes depuis des années.
Très vite, en l’espace de huit mois (dès fin 1998), notre lutte contre la précarité est rejointe par la création d’une dynamique en intersyndicale CNT-AIT, CMB (autonomes), SUD, CGT, après la tentative ratée d’une plate-forme nationale SUD-CGT sur ce problème en 1998. La section CNT-AIT a exprimé dès cet instant son souci de permettre les prises de décision à la base. Par application de ces principes, les salariés ont alors participé avec l’intersyndicale à des conseils d’employés où se sont réellement décidées les positions et actions collectives à réaliser (échéancier à l’appui !). Le premier conseil d’employés avec pour ordre du jour « la précarité » fut tenu en janvier 1999 avec 30 salariés du secteur animation et quelques autres. Des groupes de travail furent définis.
2- PRISE DE CONSCIENCE
L’année 1999 voit donc se développer des démarches conjointes autour de la revendication. Elle est ponctuée de rencontres en conseils d’employés avec l’intersyndicale, qui apporte ses propres réflexions sur l’avancée du mouvement et son soutien (appui et conseils techniques pour les courriers, réunions avec la Direction des ressources humaines, assemblées générales avec des parents d’élèves, ouverture de cahiers de pétitions, aide au montage d’un dossier technique confirmant la nécessité d’emplois stables…). Devant l’apparente durée annoncée du mouvement (pourrissement joué par l’administration), la CGT se désolidarise fin mars 1999, à la suite d’une rencontre, à nouveau infructueuse, avec les autorités municipales. Dans le même temps, les vacataires de l’animation prennent de plus en plus conscience (réunions tous les 15 jours) à la fois de leur situation et de la solidarité. qui se crée, et de leur capacité à se saisir de leur propre lutte sans les directives d’appareils syndicaux prééminents. Les méthodes de la CNT-AIT sont par contre adoptées dans la pratique. Ainsi, à mesure du développement des démarches (tracts, assemblées générales), dans un schéma permanent de prises de décision toujours en commun, les vacataires de l’animation se sont mobilisées avec une confiance grandissante en elles-mêmes pour les actions menées, aux côtés de cette intersyndicale où les exigences de transparence et de suivi posées dès le début par la CNT-AIT les ont aidées, comme nous-mêmes !… Leur champ d’autonomie ainsi impulsé par la section CNT-AIT a permis une prise en main collective des revendications.
3 – STRATÉGIE DE LA SOLI DARITE
C’est au cours d’un conseil d’employés réuni autour de l’ordre du jour « précarité et primes », fin mars 2000, que se décide la jonction avec la revendication d’une prime égalitaire. Les vacataires de l’animation, présentes y étaient favorables, se solidarisant, et réciproquement, avec l’ensemble des employés de la mairie, leur lutte contre la précarité se percevant déjà comme une base IRRÉDUCTIBLE des revendications. A cette occasion, une décision d’appel au débrayage est prise pour le 13 avril 2000. Plus de 200 employés se réunissent sur le sujet « précarité, titularisation et prime unique : titulaires-précaires, même travail, même salaire ». Le débrayage est un succès. Le même jour, on décide en AG des grévistes, sur la place même de la mairie, la reconduction d’un nouveau débrayage pour le 4 mai 2000 Si rien ne bouge. La grève du 4 mai voyait une légère baisse des effectifs (mais aussi la participation d’employés différents du 13 avril) et surtout recevait un refus catégorique des autorités d’envisager les titularisations souhaitées (voir articles de La Dépêche de cette période).
Ainsi, maintenant « rodées » aux pratiques de lutte directement menées, les vacataires de l’animation décidaient d’accentuer leur mouvement. Elles rencontraient soutenues par l’intersyndicale en arrière-plan (méfiance d’autres animateurs pour les rôles « étouffoirs habituellement observés dans les syndicats « représentatifs ») les parents d’élèves, qui décident un soutien plus actif. Elles éditent et tractent sur le marché du samedi avec l’aide de militants de la section CNT-AIT de Blagnac, mais aussi CNT-AIT de Toulouse et la militante de SUD de l’intersyndicale… Elles rallient les responsables des centres d’animation et finalement décident d’une grève, avec fermeture de toutes les structures pour le 30 mai 2000 et menace de reconduction le jour de la fête des CLAE. Divers courriers furent transmis aux autorités, certains contradictoires sur les dates (problèmes de rédaction ) tant et si bien que la confusion semble avoir perturbé la capacité de l’administration à pouvoir réagir d’une manière ordonnée. De plus 1’annonce du soutien actif de parents d’élèves et de manifestations dans les rues renforçait l’apparente – et réelle – détermination du mouvement à entrer dans une phase plus dure.
4- ÉPILOGUE
Le 31 mai 2000, tous les syndicats ( !)de la mairie sont convoqués pour l’annonce d’une titularisation dès septembre 2000 – et sans conditions – de tous ceux qui la revendiquaient. La CNT-AIT demande aux élus de recevoir une délégation de vacataires pour confirmer ces propos. Le 5 juin, après un délai de réflexion, les animatrices vacataires elles mêmes décident d’annuler leur action de grève, les revendications ayant abouti.
Quelques remarques finales :
Les élections municipales sont pour mars 2001.
Les médias (pas assez investis ?) ont passe des annonces (TLT et France 3 Région) et ont dénaturé les termes des revendications, en laissant plus de place aux réponses des autorités (La Dépêche).
L’intersyndicale fut vécue comme un moyen et non comme une fin en soi, à caractère ponctuel.
Ce dossier est paru dans Le Combat Syndicaliste – Lettre du CDES n°64, sept.-oct. 2000
[1] Les CLAE sont des centres d’animation et de loisir autour de l’école gérés par les mairie.
[2] Au féminin : toutes les vacataires en lutte sont des employées.
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