En Pologne, sous la pression des religieux et des conservateurs, le droit des femmes vient de connaitre un nouveau recul. En effet, à l’initiative d’organisations ultra-catholiques, la Cour Constitutionnelle vient d’interdire l’avortement en cas de malformation du fœtus. C’était l’un des trois seuls cas autorisés (avec le viol et l’inceste) par la loi polonaise , une des plus restrictives d’Europe.
Le parti Droit et Justice au pouvoir profite de la pandémie pour faire passer cette mesure très impopulaire, sachant que tous les rassemblements de plus de 5 personnes sont interdits.
Mais les opposants ont décidé malgré tout de montrer leur détermination en bravant l’interdiction et en multipliant les signes de résistance. Mieux que les réseaux virtuels, c’est dans l’espace public que les défenseurs de l’avortement s’affichent, faisant preuve d’inventivité et d’originalité : sur leurs balcons. Ils y accrochent des affiches contre le projet de loi anti-avortement, et aussi des parapluies noirs. Symbole de la lutte des polonaises pour le droit à l’IVG depuis de grandes manifestations, fin 2016.
« Le pouvoir polonais s’occupe d’un projet de loi qu’il a été contraint de rejeter il y a des années, parce que nous avons protesté, explique Ola Glowicka, qui habite à Varsovie. Donc on leur montre que même si nous sommes bloqués chez nous, ils ne peuvent pas nous battre. Moi, par exemple, j’ai collé des affiches à mes fenêtres. Et j’ai aussi envoyé 276 mails aux députés pour leur dire mon opposition au projet de loi. »
Depuis l’annonce de la décision de la Cour, des milliers de manifestants bloquent le centre des principales villes en Pologne en occupant plusieurs carrefours du centre-ville, paralysant le trafic. Les manifestantes brandissaient des pancartes sur lesquelles sont inscrits des slogans tels que « l’Enfer des femmes », « Vous avez du sang sur les mains », « Nous voulons avoir le choix », ou « C’est la guerre ! » . Le mouvement Strajk Kobiet, appelle à la grève des femmes : « C’est vraiment impressionnant. Nous partageons des centaines de photos, de vidéos. C’est le seul moyen, on ne peut pas négocier avec le parti au pouvoir. »
Vendredi 23 octobre, malgré la pluie et au mépris des strictes mesures d’interdiction des rassemblements au nom de la lutte contre le coronavirus, au moins 10 000 personnes ont manifesté à Varsovie dans la soirée, afin d’exprimer leur colère après la délégalisation quasi totale de l’avortement, décidée la veille par la Cour constitutionnelle. Des rassemblements ont eu lieu dans d’autres villes de provinces, comme à Lodz où participaient nos compagnes et compagnons de la ZSP, la section polonaise de l’AIT (cf leur communiqué ci-après). A Katowice, la ville d’origine du pape Jean-paul deux, il y a eu des affrontements avec la police.
Dimanche 25 octobre, pendant la messe, des manifestants ont envahi des églises, comme à Poznan (ouest de la Pologne), scandant contre les curés et les religieux «Nous en avons assez!» et «Barbares!» . Une scène qui s’est répétée à travers le pays. A Varsovie, à l’extérieur d’une célèbre église du centre, la police a attaqué un rassemblement spontané de manifestants qui brandissaient des pancartes indiquant aux religieux anti-avortement «Cassez-vous» et «j’aimerais avorter de mon gouvernement» .
Des graffitis ont été tracés sur des murs d’églises dans plusieurs villes du pays où on pouvait lire «L’enfer des femmes» (Dość Piekła Kobiet), principal slogan des femmes et des pro-choix.
Il y a moins de 2000 avortements légaux par an en Pologne, et la grande majorité d’entre eux sont effectués à cause de foetus malformés. Mais les groupes féministes estiment que chaque année plus de 200.000 procédures sont réalisées illégalement avec les risques pour la santé et la vie des femmes que cela comporte, ou effectuées à l’étranger pour les femmes qui ont en ont les moyens.
D’autres manifestations se sont tenues sous les fenêtres des bureaux du parti au pouvoir, dans différentes villes même dans de petites villes de province. La plupart des participants ne sont pas – contrairement à ce que disent les médias – des « gauchistes » ou des « féministes », mais plutôt des gens qui n’avaient jamais protesté auparavant ni pris part à des actions. Beaucoup de groupes s’organisent spontanément, comme des groupes de camarades de classe du lycée ou des groupes d’amis qui sortent dans les rues ou envahissent les églises. Comme disent des compagnons de la ZSP-AIT de Varsovie, c’est vraiment agréable à voir.
(d’après des messages des compagnes et compagnons du ZSP-AIT)
L’ENFER DES FEMMES
Le jeudi 22 octobre, la Cour constitutionnelle de Pologne a prononcé une condamnation honteuse obligeant les femmes de ce pays à porter des fœtus extrêmement déformés qui ne peuvent survivre seuls en dehors du corps de la mère.
Des manifestations de masse ont été organisées contre le sadisme des autorités, de l’Église et de la droite fanatique qui déferlent sur la Pologne.
Parmi les manifestants, se trouvent les militantes et militants de l’Union des syndicalistes de Pologne (ZSP-AIT, section en Pologne de l’AIT).
Nous sommes là parce qu’il est de notre devoir d’être solidaires des femmes qui sont cruellement privées du droit de décider de leur propre corps et de leur propre vie.
Nous sommes là parce que, en tant qu’anarchosyndicalistes, nous luttons pour la liberté et la dignité de toutes les travailleuses, soulignant que le droit à l’avortement est l’un des éléments de l’émancipation des femmes.
La solidarité est notre arme !
La révolution est une femme! ZSP-AIT, section de Łódź
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