vendredi 28 août 2009
Je voudrais discuter un communiqué, au demeurant intéressant, de la Fédération anarchiste (juin 2009) qui valorise les « …pratiques basées sur les us et coutumes amérindiens de démocratie directe [qui] non seulement se développent, mais intéressent au-delà des peuples originels. » Car « Elles rejoignent certaines propositions anarchistes : autonomie vis-à-vis de l’Etat et des partis politiques, décisions collectives, fédéralisme. »
Que les anarchistes constatent que des populations de la forêt amazonienne mettent en oeuvre de principes qui leur sont chers, tant mieux. Encore que, contrairement à ce qu’un occidentalocentrisme impénitent leur fait écrire, ce ne sont pas les amérindiens qui nous « rejoignent » mais nous qui nous y retrouvons : après tout, leurs pratiques préexistent de quelques siècles à la création de la FA (et de la CNT-AIT) !
Reste ensuite à discuter la notion « d’us et coutumes ». Présentée telle quelle, elle donne l’impression que tout cela est respectable ! Or, l’ancienneté ne fait pas la qualité, et, dans les Amériques comme en Europe, il y a, à l’évidence, du tri à faire dans les us en question ! Enfin, la notion de « peuples originels » m’apparaît comme raciale (sinon raciste).
Tout d’abord, quel sens donne-t-on au mot peuple ?
Celui de population (dans lequel nous l’employons parfois) ou son sens barrésien (1), nationaliste, celui d’une communauté close, historiquement construite sur un territoire qui lui appartient, avec son passé et son devenir, une communauté qui détermine à tel point l’individu que ce dernier ne sait agir et réagir que de façon spécifique à cette communauté ? La confusion entre les deux est pernicieuse. Car pour un anarchiste, échapper à la détermination induite par l’endroit où il est né, où il vit, est à la base même de sa révolution personnelle ; et cette révolution n’est possible que parce que, contrairement à ce qu’affirment les idéologies obscurantistes, les peuples « français », « gaulois », « catalan », « parisien » ou « amérindien » sont des construits sociologiques (qui apparaissent et disparaissent dans le temps) et n’ont aucune autre réalité.
PERSONNE N’EST PLUS ORIGINEL QU’UN AUTRE !
Enfin, la notion d’ »originel » est purement ridicule. Faut-il rappeler qu’il n’y a qu’une seule espèce humaine (et aucunement des races !) et que l’espèce humaine a une et même seule origine commune ? Personne n’est plus originel qu’un autre ! Aucune pseudo-« race » n’a de droit sur une autre, ni du fait de son lieu supposé de « naissance » (en tant que « race », « peuple »), ni de ses croyances culturelles (ou de sa mission « civilisatrice »…), ni de son développement technologique.
S’il faut soutenir le combat des populations d’Amazonie, ce n’est ni pour leurs « us et coutumes » et encore moins leurs « origines », c’est à l’inverse parce que, leur lutte autonome contre l’exploitation économique (dont la destruction de la planète fait partie) et contre l’oppression étatique a un caractère universel et constitue un exemple pour toute l’humanité
Papy Nou
(1) Du nom de Barrès, théoricien du nationalisme français du début du XXème siècle, qui continue d’être le maître à penser des nationalistes et identitaires français et européens actuels