Qui n’a pas constaté l’inefficacité des actions des syndicats-réformistes ? Depuis vingt ou trente ans, combien de « Journées nationales » ? Combien de promenades syndicales en centre ville ? Et pour quel résultat ? Pour des reculs qui succèdent aux reculs ! Si les syndicats-réformistes, année après année, nous envoient droit dans le mur, ce n’est pas un hasard ; c’est qu’en vérité ils ont une mission bien précise à remplir : « le maintien de la paix sociale ».
La raison en est simple : ils sont inféodés au Pouvoir, leurs staffs en sont même un rouage : comités d’entreprise, conseils d’administration, co-gestion de l’assurance maladie, des caisses de retraites, des prud’hommes, de diverses mutuelles, fortes subventions directes reçues aux titres les plus divers (formation syndicale, congrès…) sans oublier l’argent de la corruption (celui des caisses noires de l’UIMM par exemple) etc. Parallèlement, ils entretiennent l’illusion qu’ils nous défendent. Surtout ils ont la prétention de représenter l’ensemble des salariés, des chômeurs, de parler en leur nom, en notre nom à tous… alors qu’ils ne syndiquent plus aujourd’hui qu’un pourcentage ridicule de salariés. Une majorité écrasante se trouve en dehors de ces organisations. C’est la même chose pour les partis politiques. Toutes ces organisations nous abasourdissent d’innombrables doléances, de compassion sur la misère humaine et d’appels fictifs à l’unité. Elles jouent la bonhomie en façade mais transforment les luttes en champ clos de leurs rivalités. Leurs militants ne sont là que pour récupérer les luttes, les stériliser ou les détruire quand ils ne parviennent pas à les contrôler. Une fois le constat établi, la conclusion s’impose : il est nécessaire d’agir indépendamment d’elles !
Pour établir une convergence massive et efficace des luttes, dotons-nous d’outils de lutte mis en pratique à maintes reprises au cours de l’Histoire du mouvement ouvrier. Créons des comités d’action reposant sur ces principes : Les décisions se prennent en assemblées générales sous la forme de comités (comités d’usine, d’étudiants, de quartier, d’usagers…). Ces comités doivent pratiquer la démocratie directe : chacun d’entre nous (qu’il soit syndiqué de base ou non-syndiqué) est en mesure de donner son avis sur la conduite de la lutte, qui n’est certainement pas le monopole de qui que ce soit (fonctionnaires syndicaux ou autres professionnels, etc.). Contrairement à tous ces bureaucrates, nous pensons que ces assemblées doivent être un moment où nous devons nous laisser le temps de débattre pour arriver à prendre des décisions, décisions qui doivent être l’expression propre et consciente des personnes en lutte et non des décisions imposées par cette minorité rodée à la manipulation qui sait user de méthodes éprouvées (jouer sur les émotions, empêcher toute réelle discussion par une série de propositions et contre propositions dérisoires, monopoliser la parole, faire un empilement de revendications corporatistes, etc). Nous ne l’emporterons pas boîte par boîte, quartier par quartier, etc. Le Pouvoir sait donner à l’un pour reprendre à l’autre et ainsi user de la division. Ce que le Pouvoir concède en hausse salariale est repris aux consommateurs par l’inflation. Ce qu’il octroie aux travailleurs, il le récupère sur les usagers. D’autre part, n’oublions pas que les patrons compensent la hausse salariale en intensifiant la productivité (augmentation de la charge de travail pour rester compétitif). Pour nous, il est clair que le cadre revendicatif doit se penser en fonction de la période actuelle : l’attaque est globale, la résistance doit l’être aussi. Sans nier les aspects catégoriels, les revendications doivent être unifiantes pour éviter la mise en opposition entre les salariés, les consommateurs, voire les usagers. Cela implique de défendre comme revendication essentielle la satisfaction des besoins fondamentaux pour tous (nourriture, logement, électricité, santé, culture, transports, etc…).
Pour que notre lutte soit victorieuse, employons des moyens efficaces, toujours adaptés à l’état du rapport de force. Nous avons par exemple à notre disposition : les barrages filtrants, les piquets volants sur les axes routiers, aux abords des grandes entreprises, des zones industrielles ; dans les quartiers populaires, aux entrées des grandes surfaces… Pour sensibiliser partout où c’est possible le plus grand nombre d’entre nous, organisons des cortèges tintamarres un peu partout et déployons des banderoles sur des lieux visibles, multiplions les interventions publiques, les tables de presse ; tout ce qui peut à court et moyen terme favoriser l’agitation et permettre la multiplication des comités d’action et des assemblées populaires autonomes, qui peuvent se lier en fonction des zones géographiques : quartiers, villes, villages… Attirons l’attention par des rassemblements visant les lieux stratégiques : Pôle Emploi, CAF, DDTE, palais de Justice, mairies, locaux de partis politiques, siège des médias, quartier résidentiel des élus… Ainsi, d’une part, nous occuperons le territoire pour favoriser la mobilisation de la population et amplifier la lutte, au-delà de tous les corporatismes qui divisent ; et d’autre part, nous maintiendrons la pression. Il faut chercher en effet à accentuer le rapport de force à notre avantage, ce qui doit s’inscrire dans la durée, en veillant toujours à ne pas épuiser notre énergie. Il faut affaiblir le plus possible l’ennemi. Bien sûr, d’autres moyens existent et ils seront à étudier le moment venu. A ce propos, l’Histoire du mouvement ouvrier est riche à plus d’un titre.
La crise du capitalisme va servir sans nul doute de prétexte à l’État pour accentuer son oppression envers nous. Face à la logique du Pouvoir, il est temps de s’insoumettre et de s’opposer à ses nombreuses violences et attaques. Nous ne nous apitoyons pas sur notre sort individuel mais luttons collectivement par l’action directe qui « est la lutte de classes vécue au jour le jour, c’est l’assaut permanent contre le capitalisme. » (Emile Pouget). La « Résistance Populaire Autonome » en est la concrétisation sur le plan pratique car elle n’est rien d’autre que le mouvement de masse qui rend coup pour coup à l’ennemi.
Article d’Anarchosyndicalisme !, numéro 119, septembre 2010