Peuple algérien, debout !

Un cri de haine et de dégoût autant que de désespoir et de révolte vient de jaillir de la poitrine d’une jeune femme pour votre délivrance.

Entendez bien, mes frères musulmans, c’est une femme, une femme Française, une anarchiste, qui, exaspérée par l’abominable régime d’exception qui vous opprime et vous empêche d’être des hommes comme les autres, tira un coup de revolver sur un policier qui se trouvait à la bourse du travail d’Alger.C’est pour votre cause, peuple musulman, qu’une anarchiste souffre en ce moment dans la prison de cette ville. Elle n’a fait cependant que manifester son indignation à votre place, à vous qui êtes des hommes !En correctionnelle ou à la cour d’Assises où son geste doit l’amener, c’est toutes les atrocités que vous subissez, depuis un siècle que l’on vous “civilise”, qui seront évoquées. Mais vous, peuple algérien, peuple esclave, allez-vous rester indifférents à cette cause qui est la vôtre ? Laisserez-vous cette femme, cette soeur, sans défense, au milieu de l’organisme draconien qui s’apprête à la broyer, quand elle-même sacrifie sa liberté pour défendre votre liberté ? Cela serait un crime des plus lâches. Soyez donc prêts à répondre à l’appel des organisations ouvrières françaises et algériennes, soyez prêts à vous battre s’il le faut contre tous ceux qui voudront vous empêcher de demander justice et libération pour une soeur qui doit être pour vous sacrée. Pendant la guerre [de 14-18], le gouvernement de la Troisième République vous a montré comment il fallait mourir pour les beaux yeux des financiers et des banquiers de la métropole. Aujourd’hui, à votre tour, sachez lui montrer que vous êtes prêts à lutter de toutes vos forces pour votre propre cause et, en arrachant la libération de Marguerite Aspes, c’est la libération de toute une race honteusement opprimée que vous obtiendrez. Pour elle comme pour vous, debout, peuple algérien, debout !
Mohamed Sail, L’Eveil social, première année, n°2, février 1932.

Source : Mohamed SAÏL


Le Combat Syndicaliste CGTSR-AIT, numéro 50, 1er janvier 1932

Section indigène algérienne de la CGTSR à Paris

Notre groupe ayant pris connaissance du cynisme policier qui a armé la main de Marguerite Aspès, qui tira un coup de revolver sur le provocateur Filippini, dans la Bourse du Travail d’Alger, adresse son salut fraternel à la victime du régime mussolinien régnant en Algérie. Cette camarade n’a fait que défendre la liberté de nos compatriotes d’outre-mer, écrasé sous le fardeau puant d’un gouvernement sans scrupule.

Anarchiste, disait cyniquement le Manifeste des larbins de Moscou, nous la saluons d’autant plus que seuls les gens de ses idées luttent, sans intérêt personnel, pour le triomphe d’un régime égalitaire … même pour les sidi.

Fuyant le fascisme le plus répugnant, laissant bien et famille, tout ce qui nous est cher dans notre pays natal, chez les anarchistes seulement nous avons trouvé une atmosphère de fraternité et de justice pour notre cause d’opprimés.

Durant toute son séjour à Alger, Marguerite Aspes a lutté vaillamment contre la barbarie que subissent les êtres de notre race. Et c’est pour toutes ces raisons quel est le flambeau vivant de notre estime et de notre reconnaissance.

Le secrétaire, Saïl Mohamed.

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