vendredi 17 juillet 2009
Un commando en plein coeur de Paris…
Alerte ! En plein Paris, un commando de 50 néo-nazis, crânes rasés, tenue de combat, fait irruption sur le marché de la Goutte d’Or et procède à la « Libération » (c’est le terme qu’ils osent employer !) de l’espace public « occupé » indûment par des dizaines de sans-papiers et les métèques qui les soutiennent… : des femmes frappées à coup de barre, des enfants de trois ans gazés en plein visage à la lacrymo, envoyés direct à l’hôpital,… tout cela se passe sous l’oeil complice des CRS qui se gardent bien d’arrêter un seul des agresseurs.
Scandaleux ! Incroyable…mais vrai. Vrai ?
Oui, il suffit de remplacer le mot « néo-nazi » par le mot « cégétiste » [1] et les mots « marché de la Goutte d’or » par ceux de « bourse du travail ».
Une fois faites ces deux modifications sémantiques minimes (puisqu’elles ne changent rien au fond de l’affaire), vous avez une description exacte de ce qui s’est passé ce 24 juin 2009. Même le mot « libération » est exact : c’est celui du titre du communiqué vainqueur publié par la « Commission administrative de la Bourse du travail de Paris : Libération de la Bourse du Travail de Paris ». Fallait oser évoquer la Libération… pour ce qui ressemble plus à du nettoyage ethnique qu’à l’entrée des chars de la Division Leclerc dans les rues de Paris.
LES ENJEUX
Pour les politiques de droite comme de gauche ; pour les patrons comme pour les syndicats, les sans-papiers sont un enjeu important. La droite, en les maintenant dans leur condition, alimente le discours nationaliste et renforce celui sur « l’identité nationale », base de ses performances électorales ; la gauche (qui les a aussi maintenus dans cette condition) se donne une apparence humaniste en les soutenant du bout des lèvres quand cela lui semble électoralement payant. Les patrons les exploitent à mort, les syndicats y voient une masse de manoeuvre à s’approprier (et, à travers eux, tous les salariés issus de l’immigration). On comprendra que personne (en dehors des principaux intéressés) n’ait intérêt à trouver une solution.
Dans ce contexte, il y a un véritable pacte Sarkozo-cégétiste : pendant qu’Hortefeux expulse, la CGT dispose d’un quasi-monopole, accordé par Sarkozy, pour les dossiers de régularisation. Ce sont le deux mors d’une même pince. De tous les côtés, les sans-papiers sont donc appelés à la soumission : les patrons ont les mains libres pour les licencier à la moindre protestation, l’Etat pour les terroriser à petit feu par les rafles, la CGT pour les encarter moyennant des promesses réalisées au compte-gouttes. « Tous ensemble, tous ensemble » , quand il s’agit de contrôler les sans-papiers et d’éviter la révolte des damnés de la terre, ils sont vraiment « tous ensemble » !
Dans ce mécanisme bien huilé, il y avait à Paris un gros grain de sable : la Coordination Sans Papiers 75 (CSP 75), qui – pour se faire entendre du pouvoir et dénoncer le monopole cégétiste – occupait l’annexe Varlin de la Bourse du travail depuis le 2 mai 2008. C’est cette opposition que la CGT – avec la complicité unanime des autres syndicats, de la Mairie de Paris et du gouvernement – a cherché à abattre en organisant une ratonnade.
LA COUPABLE
Courageuse quand il s’agit d’envoyer un Kommando aux méthodes fascistes frapper des femmes et des enfants, la CGT l’est moins quand il s’agit de s’expliquer. « Nous n’avons pas été avisés » tente de faire croire, sans rire, la direction nationale cégétiste. D’après elle, la décision aurait été prise au niveau départemental, sans que la tête cégétiste nationale soit informée. Il faudrait vraiment mal connaître la CGT, dont le fonctionnement stalinien est une caractéristique forte, pour accepter un tel bobard : rien de la moindre importance ne se décide à la CGT sans que la hiérarchie n’en soit informée. La technique de défense utilisée aujourd’hui n’est pas franchement nouvelle. C’est celle du « mur du silence », comme au plus beau temps du goulag (quand les cégétistes n’en parlaient pas, puisqu’ils n’avaient pas été informés non plus).
Si vraiment « ils ne savaient pas », maintenant qu’ils savent, qu’est-ce qu’ils attendent pour dire ce qu’ils en pensent ? Le silence pesant de Bernard Thibault (le secrétaire général de la CGT) et de toute la hiérarchie est l’aveu le plus explicite qui soit. On peut en conclure que non seulement « ils savaient », mais que c’est probablement eux qui ont décidé. C’est donc la CGT dans son ensemble qui porte la responsabilité de cette exaction.
LES COMPLICES
La Bourse du travail de Paris appartient à la Mairie. Elle est gérée par une commission administrative composée des organisations syndicales suivantes : CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC, UNSA, Solidaires (SUD). Toutes ces organisations ne contestent pas avoir donné leur accord au matraquage et gazage des sans-papiers, sauf une : SUD qui dit… ne pas avoir été avisé (curieux, tous ces gens qu’on aurait « oubliés »…), et qui vendredi 26 juin 2009, s’est même fendu d’un communiqué prétendant que : « Cette expulsion n’a pas été décidée par la Commission Administrative de la Bourse dont fait partie Solidaires Paris. » Ah !, bon ? Mais alors pourquoi, le 5 février 2009, SUD, participant à la Séance plénière de la dite Commission administrative a-t-il adopté, avec l’ensemble des complices, un communiqué dénonçant « Cette occupation, [qui] empêche le fonctionnement normal des syndicats parisiens : CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC, UNSA, Solidaires qui ne peuvent plus accéder aux salles de réunions et aux services de ce bâtiment » et se concluant par la menace très claire : « Dans ce contexte, l’outil Bourse du Travail doit redevenir disponible pour les salariés afin qu’ils puissent se défendre, avec leurs syndicats, contre tous les mauvais coups. ». Et pour « redevenir » l’outil disponible des syndicats, la Bourse n’avait besoin que d’un bon nettoyage au Karcher. C’était écrit depuis le 5 février, date à laquelle l’opération militaire contre les sans-papiers était manifestement en route. [2]
LES HYPOCRITES
SUD mal à l’aise s’en sort en mentant, d’autres en tentant un double jeu. Ainsi, les « élus Verts de Paris » dénoncent une « violence injustifiable » et le « Nouveau parti anticapitaliste » (le fameux NPA de Besancenot), « des méthodes brutales ». Mais, on ne peut pas dire qu’ils en tirent les conclusions qui s’imposent : les Verts restent dans la majorité de la mairie de Paris, laquelle n’a pas nié avoir prêté main forte aux nervis,… Bref, c’est une protestation toute platonique, pour la façade. Comme celle de Besancenot : ses militants sont pratiquement tous adhérents à la CGT, à SUD, ou à une des autres organisations complices. On n’a pas entendu qu’ils aient massivement déchiré leur carte… Les trotskistes disent une chose (dénoncer des méthodes brutales) tout en… participant à fond aux organisations qui commettent ce qu’ils viennent de dénoncer…
Ça s’appelle de la politique. C’est pas franchement ni anticapitaliste ni nouveau… La remarque précédente vaut aussi pour certains libertaires : ceux d’Alternative libertaire, de la F.A. ou autres groupes sont généralement encartés dans un des syndicats mentionnés ci-dessus ? Ça ne les gêne pas non plus ? Ils ne voient pas le lien ? Il faut qu’on leur explique davantage ? Elle vaudra aussi pour les organisations qui prétendent soutenir les sans-papiers et co-signeront des textes avec la CGT. Maintenant, elles savent !
Enfin, l’hypocrisie finale revient à l’Etat, ce fameux Etat de Droit que tous nous intiment de respecter. Figurez-vous que sur le plan du Droit justement s’il y a une chose qui est bien interdite, c’est de se faire justice soi-même, de faire sa police soi-même. L’opération Kommando de la CGT et des syndicats était donc parfaitement illégale. Elle tombe sous le coup d’une foultitude d’articles du Code pénal tous plus graves les uns que les autres (allant du droit commun comme des coups et blessures sur mineur de moins de 15 ans, à la violence en réunion et même à la constitution de fait d’une bande armée…).
Or, tout ceci s’est passé sous les yeux de dizaines d’officiers de police judiciaire qui n’ont rien vu, rien constaté. Aucun Procureur de la République non plus ne s’est saisi de l’affaire pourtant devenue de notoriété publique (ce qui leur permet de s’en saisir, sans même qu’une plainte soit déposée) [3]. S’il fallait une illustration qu’il y a bien une alliance objective entre la CGT, les autres syndicats et le pouvoir sarkozyste, cette cécité juridico-policière en offre une magnifique illustration.
M.
Paru dans Anarchosyndicalisme ! n° 113
A télécharger ici :
http://www.cntaittoulouse.lautre.ne…
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7 rue St Rémésy
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La CGT évacue des sans-papiers par la force
Par Libération sur dailymotion.com, 24/06/09.
https://csp75.wordpress.com/category/actions/2009-expulsion-de-la-bourse-du-travail-ruecharlot
[1] Comparaison excessive ? Après tout, si la CGT et ses complices se donnent le droit de se comparer à la « Libération » (avec une majuscule) pour se vanter de ce qui n’est qu’une misérable réaction de propriétaire, nous avons pour le moins tout autant le droit de dire que leurs méthodes sont celles employées par les SA et les miliciens fascistes italiens dans les années 30.
[2] Oui, le communiqué est écrit dans la langue de bois habituelle des syndicats. Si, pour un profane cela peut ne pas sauter aux yeux, tout militant avec un peu d’expérience (et à SUD, il y en a qui en ont une de longue, dans les grandes centrales…) comprend tout de suite ce qui va se passer.
[3] Les personnes incriminées après les événements de Strasbourg et de nombreuses autres manifestations en ont fait beaucoup moins (aucune violence sur des enfants en bas âge ou des femmes ne leur est reprochée) et n’ont pas bénéficié d’une telle clémence.