AZF : L’ART DE LA MANIPULATION

jeudi 11 avril 2002


L’explosion de l’usine AZF de Toulouse a constitué la principale catastrophe industrielle survenue en France depuis la guerre. Quatre mois après, rien n’est, bien entendu, terminé. Une partie de la population vit toujours dans des appartements soufflés ou des bungalows. Les algécos, qui ont « provisoirement » remplacé bon nombre d’établissements publics, semblent faits pour durer. Après toute une série d’expertises, la justice reconnaît qu’il y a eu de nombreux manquements à la sécurité, qui sont responsables de l’explosion, mais, aucun dirigeant de l’entreprise n’a été inquiété pour autant, comme s’ils n’étaient pas du tout coupables. Bref, les choses s’enlisent. Ou plutôt, « on »les enlise. Voici comment.

Il faut tout d’abord rappeler que le groupe TOTAL qui détient la majorité des actions de la « Grande Paroisse » est un groupe financier de dimension internationale. Présent sur tous les continents, il a l’habitude de mettre sous sa coupe des régions entières, comme c’est le cas par exemple en Birmanie. Alors, tant que les gens ne bougeront pas vraiment, ce n’est pas une catastrophe -une de plus- qui va modifier sa stratégie.

Explosion ou pas, Total-Elf-Fina a encaissé en 2001 quelques 40 milliards de francs de bénéfices. Et c’est ça la seule chose qui compte pour ses dirigeants et ses actionnaires.

Avec de tels moyens, rien d’étonnant à ce que l’information concernant l’explosion d’AZF diffusée par les médias nationaux semble tout droit sortir de chez le directeur de la communication de Total-Elf-Fina. D’autant que, prenant exemple sur les militaires qui larguent sur les civils une tonne de bombes accompagnée d’un sac de nouilles, Total se crée une image positive. Partenaire de la Croix Rouge ici, sponsor du Dakar là-bas, … ces investissements bien peu onéreux lui permettent de se donner à bon compte un rôle de mécène et d’humaniste … tout en « oubliant » de payer les dégâts de l’Erika et d’AZF.

Avec un tel « partenaire », rien d’étonnant non plus à ce que, dans le cas de Toulouse, les politiques aient déployé tout leur art pour nous faire avaler leurs décisions sous couvert de démocratie. Un des exemples de ce savoir faire politicien est l’organisation de pseudo- débats, qui ne servent qu’à cautionner des décisions autoritaires.

Fermeture des usines de mort :LA CNT AIT DENONCE LES DEBATS TRUQUES

Dans sa tribune de « La Dépêche du Midi » du 22 décembre 2001, Jospin nous déclare « Un travail de concertation sans précédent a été mené à Toulouse, avec les élus, les associations, les syndicats, les industriels. Beaucoup d’habitants y ont participé« . L’expression signifie que les règles de la démocratie ayant soi-disant été respectées, l’Etat pourra décider à notre place. [1]

La CNT-AIT de Toulouse l’avait dénoncé par avance. Dans sa déclaration à la presse, Jospin fait en effet allusion à « la semaine de débats » débutée le 22 novembre sous un chapiteau place du Capitole et qui fut clôturée le 30 novembre au Centre des congrès Pierre Baudis par un curieux débat public. Bien entendu, nos gouvernants ont pu se prévaloir de ces débats pour décider ensuite à Paris de nos conditions de vie. Le piège était simple. Il s’agissait tout bonnement d’y faire « participer » le Collectif « Plus jamais ça » à Toulouse d’abord, puis à Paris, pour apporter une caution démocratique au processus d’étouffement des revendications.

Voyant le coup venir, nous avions appelé en conséquence à dénoncer la manoeuvre et à manifester en opposition à la réouverture du pôle chimique. Nous avons bien été les seuls à le faire ! Le 30 novembre à 15 heures, des militants et sympathisants de la CNT-AIT, rejoints par plus de 500 lycéens, étaient présents devant le Centre de congrès P. Baudis. Une compagnie de CRS armés et casqués aussi. Ils étaient là pour défendre le ministre de l’environnement et pour empêcher toute expression de la population qui n’ait pas été filtrée par les élus ou les « représentants ».

Collés aux CRS, les manifestants criaient : « Etat, patrons, assassins ! ». La place était pleine de manifestants. Mais à notre grande surprise, un membre du Collectif « Plus jamais ça », également président de l’Association des sinistrés du 21, venu nous demander la parole s’exprima pour demander aux jeunes de ne pas être violents et de bien vouloir repartir chez eux … Que répondre à cela ? A la réflexion, la preuve était faite qu’il s’agissait d’un débat public fermé au public ce que nous avions prévu. Mais, et c’est ce qui est le plus grave, nous étions dans la plus pure tradition des manoeuvres patronales et politiciennes avec des représentants syndicaux ou associatifs qui se font plus ou moins consciemment les complices du pouvoir.

C’est ainsi que l’on peut lire dans divers textes émanant de ces « représentants » des revendications contradictoires qui permettront à tous les politicards de retourner leur veste. Par exemple dans « Pour un moratoire sur l’avenir de la chimie toulousaine », signé par des individus bien connus pour leur multiples accointances politiques, on exige en même temps la « suspension » du site et le maintien de l’emploi des travailleurs du site. Comment s’étonner dès lors, avec cette langue de bois qui a envahi les sphères dirigeantes du collectif, du recul de la mobilisation ?


INTERDITS DE PAROLE

Les lycéens (un mort, des dizaines de blessés et de mutilés graves) n’ont pas eu droit à la parole lors du débat « démocratique ».

Massés devant le « Centre des congrès Pierre Baudis », i ls scandent « Etat, patrons assassins ! ». Protégés par un cordon de CRS armés jusqu’aux dents, les sbires (clandestins ou avoués) d’AZF, les Zélus et les administrations à leur solde, les « représentants associatifs » discutent entre gens de bonne compagnie. Un débat truqué dont le seul objectif est de servir de caution « démocratique » à la réouverture du pôle.

Quant aux lycéens, on leur promet la reconstruction du lycée rasé par l’explosion … exactement là où il était, tout près d’AZF. Ils seront aux premières loges pour profiter de la réouverture du pôle chimique. Alors, les jeunes, c’est pas beau, la « démocratie » ?


Dimance 21 avril

A l’initiative du groupe Albert Camus un rassemblement aura lieu

au rond point Darty à 10 h.

La CNT-AIT de Toulouse appelle à se joindre à ce rassemblement qui conïncide avec l’anniversaire de l’explosion d’AZF (7ème mois) et rapellera à la population le rôle des élus dans le crime perpétré à Toulouse.


[1] Voir, pour une application du même principe, la loi qui institue l’itinéraire à grand gabarit pour le transport de l’A 380. Cet itinéraire va dévaster toute une partie de l’Ouest toulousain au détriment des habitants. La loi nous promet une concertation exemplaire avec la population concernée … mais le plan de construction précise « Aucune observation n’est susceptible de modifier le projet » !( lire à ce sujet l’article du « Canard enchaîné » 26/12/2001 : « Gros porteur, grand gabarit, grosse colère »).


Extrait de la Brochure :

Assassins ! Toulouse, 21 septembre 2001, un crime industriel

Cette brochure a été élaborée à partir d’articles rédigés par des militants, militantes et sympathisants de la cnt-ait, a propos de l’explosion de l’usine AZF à Toulouse le 21 septembre 2001.

Ces articles sont initialement parus dans l’édition Midi-Pyrénées de notre journal « Le Combat Syndicaliste ».

Cette édition a été revue et augmentée.

Télécharger la brochure : https://cnt-ait.info/wp-content/uploads/2024/11/057-assassins.pdf

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