Edito de la Lettre du CDES, Le Combat Syndicaliste, octobre novembre 2001
dimanche 14 octobre 2001
Pourquoi tous ces morts, tous ces blessés, toutes ces vies déchirées, ces ruines, cette fumée, ces cris, cette peur ? Qui sont les coupables ? Où sont les responsables ? Pourquoi n’a-t-on rien fait avant ? Qui avait intérêt à laisser faire cela ?
Je ne parle pas ici du “World Trade Center”, ni du “Pentagone”, mais du drame d’AZF à Toulouse, de l’explosion assassine de l’usine de pétrochimie de TOTAL-FINA-ELF le 21 septembre 2001. Les terroristes sont partout claironnent Bush, Chirac et les autres. Ils ne croient pas si bien dire. A Toulouse, les “terroristes” cachaient depuis plus de 70 ans une bombe à retardement au ras de la ville.
Ils n’ont tué ni golden boy, ni trader, ni patron de start-up. Ils ont assassiné des ouvriers, des habitants, des gosses, détruit des quartiers populaires et des écoles. “Ils”, ce sont les patrons successifs d’AZF, les pouvoirs publics et les élus de tous les partis, tous ces beaux parleurs qui, depuis des dizaines d’années savaient que la Grande Paroisse était une vraie bombe. Les rapports alarmants partaient aux oubliettes. Les manifestations d’opposants étaient étouffées ou diabolisées. Face à la menace de chômage ou de délocalisation vers la Pologne, les syndicats réformistes faisaient profil bas, ou, comme dans les années 80, défendaient l’indéfendable au nom du dieu Emploi.
29 morts, peut-être plus dans les jours qui viennent, des centaines de blessés, certains très graves, rendus aveugles, handicapés à vie, et pourtant nous avons échappé au pire. La SNPE (Société Nationale des Poudres et Explosifs), située à quelques dizaines de mètres d’AZF, aurait pu, elle aussi, s’embraser ou exploser. Les tonnes de produits stockés (notamment le phosgène, un gaz inodore, incolore mais mortel) auraient rayé une bonne partie Toulouse et de ses habitants de la carte. Nous sommes tous des survivants ! Il y a en France plusieurs centaines de ces “bombes à retardement”disséminées ça et là, ou concentrées autour des pôles urbains comme à Marseille, Rouen ou Lyon.
A l’heure ou j’écris ces lignes, 4 jours après l’explosion, la situation est toujours aussi confuse et détestable. Tandis que Jospin et Chirac vont s’offrir une messe en la cathédrale St. Etienne, il règne dans les quartiers un sentiment d’abandon total, et la rage couve. Depuis 4 jours, beaucoup d’entre nous n’ont toujours pas vu l’ombre d’un médecin, d’un secouriste. Les aides arrivent au compte goutte. L’armée patrouille comme en temps de guerre non pour aider les gens mais pour surveiller les ruines, nous dit-on. Les flics tournent sans sortir de leurs voitures. Les gens manquent de tout, d’eau, de nourriture, de couvertures, de bâches. Les gosses ne vont plus à l’école et jouent entre les débris de verre.
A 1 kilomètre de là, les ruines d’AZF fument toujours. Sous l’amas de béton et de ferraille demeurent encore des centaines de tonnes d’ammonitrate dont personne ne peut prévoir le devenir. Juste à côté, la SNPE dont une partie des installations a été soufflée par l’explosion, renferme des milliers de tonnes de phosgène et de matières explosives ou toxiques. Et tandis que chacun tait sa peur et sa peine, les stars du show-bizz et de la télé se donnent en spectacle humanitaire à la « Halle aux grains », ce haut lieu cultureux de la bourgeoisie Toulousaine… bien loin de l’usine et des quartiers.
Extrait de la Brochure :
Assassins ! Toulouse, 21 septembre 2001, un crime industriel
Cette brochure a été élaborée à partir d’articles rédigés par des militants, militantes et sympathisants de la cnt-ait, a propos de l’explosion de l’usine AZF à Toulouse le 21 septembre 2001.
Ces articles sont initialement parus dans l’édition Midi-Pyrénées de notre journal « Le Combat Syndicaliste ».
Cette édition a été revue et augmentée.
Télécharger la brochure : https://cnt-ait.info/wp-content/uploads/2024/11/057-assassins.pdf
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