IL Y A AMAP ET AMAP …

les AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) sont un mode de consommation qui se veut alternatif, car elles mettent en relation directe les producteurs et les consommateurs, sans passer par les intermédiaires de la grande distribution. Cela encourage aussi des modes de production agricole qui se veulent plus respectueux de la nature, du cycle des saisons, des produits locaux … . Mais toutes les AMAP n’ont pas de finalité de transformation sociale, certaines sont juste des épiceries comme les autres. Ci dessous un témoignage.

Pour un petit producteur comme moi l’AMAP reste le modèle le plus finalisé dans l’aide qu’il peut apporter à un producteur, c’est vraiment un concept qui je pense a de fortes possibilités de circuit parallèle hors marchandisation, mais peu de gens le voient ainsi, hélas.

Le monde associatif… Ouais, c’est joli. Cela fait 10 ans que je travaille avec des AMAP, et très franchement entre le discours et le réel y aurait beaucoup à dire, rien que dans mon domaine qui et de l’agriculture de proximité et bio. Je suis installé dans un lieu périurbain à grande valeur constructible si le lieu venait à être déclassifié de terre agricole. Cela fait dix ans que nombres de proprios ici manœuvrent pour couler la vocation agricole de la zone et que les pouvoir publics régionaux ou communaux, à part faire du promotionnel bancable pour leurs images de marque et multiplier des réunions qui justifient leurs salaires, ne font vraiment rien dans le lieu où je suis pour maintenir l’agriculture.

Quant aux AMAP’s, heureusement que quelques-uns ont la conviction de ce pourquoi ils y adhèrent, mais c’est l’exception et ils se fatiguent assez vite au bout de deux ou trois ans de la nature des adhérents. Tiens et pour la petite histoire d’une AMAP  du bled limitrophe où je suis : ils font plein de battage sur la terre à protéger et tout le toin toin  etc …mais ils voulaient plus de diversité produits mais sans aucun investissement de leurs part. Alors que j’approvisionnais cette AMAP, en lousdé par derrière ils cherchaient un autre producteur et mais n’ont pas souhaités me dire qu’ils le faisaient. Heureusement une amie productrice elle aussi m’a prévenu qu’ils l’avaient démarchée pour cela. C’était une Amap où à part 3 personnes, personne ne me saluait ou me demandait ce qu’il en était de ma production. Cette Amap était constituée de nombre de travailleurs de l’éducation nationale des zones pavillonnaires qui n’étaient bien qu’entre eux apparemment, et qui voulait juste plus de produits.

Pourtant je fournis 2 autres Amaps et jamais je n’ai eu de problèmes avec eux par rapport à cela. Ils me demandant d’augmenter la production alors que je trimais à l’époque des 80 heures semaines pour me rétribuer à peine 600 euros par mois. Je faisais cela croyant que nombre de personnes avait compris l’intérêt de changer les donnes du système, bah non, manifestement tous n’ont pas cet objectif…

Un paysan

Paru dans Anarchosyndicalisme ! numéro 176, mars-avril 2022

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PAS DE CHEQUE, PAS D’AMAP !

Première publication : mardi 15 août 2006

En juin dernier, nous nous sommes rendus aux réunions de l’association « La Rochelle Paysanne » en projet de développer une AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne). L’objectif, plutôt sympathique, était la mise en rapport direct entre le consommateur et le producteur.

Trois agriculteurs répondirent présents. Grâce à 1’AMAP, l’un pouvait diversifier sa clientèle, l’autre stopper un marché pour se consacrer plus à son exploitation, le dernier envisageait d’embaucher un nouveau salarié.

L’AMAP offre un bonus aux producteurs participants en encourageant -retour à la terre oblige- le travail participatif des adhérents dans les exploitations. Pour la saison, inutile dès lors de se casser la tête pour la cueillette des haricots et des petits pois ou 1e buttage des pommes de terre : les maraîchers auront une main-d’œuvre corvéable et conviviale, dans l’optique de tisser des liens dans le cadre destressant d’une super-ambiance de saison agricole. Bref, une main-d’œuvre prête à en baver un coup « tout ça pour mon gentil producteur bio qui me livre chaque semaine mon panier avec tant de gentillesse ».

Cependant le nerf de la guerre reste bien entendu l’argent. Nous sommes là pour faire vivre trois exploitants agricoles, pas pour refaire le monde, on s’adapte à l’économie capitalisme à défaut de vouloir la combattre. Parlons franc : les paniers sont mis à la vente au prix de 8 euros et 16 euros.

Déjà cela est dissuasif pour certains. Premier écrémage. Durant la réunion, il fut question d’une vague caisse de solidarité pour que les plus démunis puissent avoir un panier. Cependant l’idée fut abordée en cinq minutes et on resta très flou sur la somme allouée à cette caisse et sur qui prendrait la décision « d’offrir » à « son bon pauvre » son panier de légumes. Bref, la caisse de solidarité ne reste qu’un projet illusoire. Pour faire partie de la grande famille de l’AMAP, il faut signer 24 chèques d’avance qui seront débités, mois par mois. C’est une « avance sur consommation ».

C’est une condition impérative. Pour les personnes sous tutelle par exemple ou simplement qui n’ont pas les moyens d’avancer du fric pour payer ce qu’ils mangeront le mois suivant, c’est foutu. A l’AMAP on appelle cela « fonctionner à la confiance » : pas de chéquier, pas d’adhésion. Pour les chômeurs, les Rmistes, les précaires, ceux qui ne savent pas ce qu’ils « toucheront » le mois suivant,… c’est le coup de grâce, tu peux toujours retourner dans ta banlieue et te brosser pour avoir ton panier de légumes bio.

Une amie en a fait les frais, laissons-lui la parole : « En fait, j’avais déjà abordé pendant la réunion mes inquiétudes sur le fait de devoir signer 24 chèques d’avance car légalement ces chèques pouvaient être encaissés dès le moment où je les avais signés et datés. La question de confiance que l’on m’avait opposée ne me paraissait pas convaincante. La confiance n’aurait pu s’instaurer que sur un traitement ramenant tout le monde à égalité quelles que soient les ressources. S’il était question de confiance, pourquoi mon engagement à acheter régulièrement un panier par semaine pendant six mois n’était-il pas suffisant ?

De plus, je ne connaissais pas la centaine de personnes présentes dans la salle, les statuts de l’association n’étaient même pas déposés. Il me semblait que toutes les garanties étaient en faveur des organisateurs-producteurs, sans qu’aucune soit accordée aux adhérents.

Ma seconde objection tenait à l’obligation de payer sa consommation de panier un mois à l’avance. Il se trouve que nos revenus issus de salaires ou d’allocations sont perçus à terme échu. Payer mes quatre paniers un mois à l’avance faisait figure d’un investissement que je ne pouvais me permettre. Je n’ai rien contre l’entraide gratuite mais l’on y rajoutait du travail bénévole auquel je devais m’engager. L’impossibilité de réguler ma consommation en fonction de mes besoins et de mes moyens financiers irréguliers et précaires..

Je n’étais même pas en mesure de m’engager sur ma disponibilité pour du travail bénévole, au vu des lois sur la remise au travail des précaires qui ne nous laissent aucune certitude ni sur les ressources ni sur la libre disposition de notre temps.

J’ai donc proposé aux deux personnes en charge de la trésorerie de payer l’adhésion (8 euros) et de régler en liquide l’achat de mes paniers au moment des distributions. Cette proposition fut rejetée ainsi que mon adhésion.

Comme j’osais émettre une relative inquiétude à la vue de tous ces chèques déposés sans beaucoup de garanties par la centaine de personnes présentes et que j’essayais d’argumenter sur ce système excluant une fois de plus les plus précaires, un des organisateurs m’a pris à parti :  » Tu dois certainement consommer un tas de produits inutiles. Et puis tu as sans doute un copain ? ».

Il commença à me brancher sur mes proches qui auraient dû subvenir à mes besoins… il termina son laïus en me traitant de « coupeuse de cheveux en quatre ». Je suis sortie de cette aventure effondrée avec une fois encore l’impression que les précaires étaient invisibles. »

Eric et Sylvie

Ajout du Combat Syndicaliste 97 :

RETOUR SUR LES AMAP

L’article « Pas de chèque, pas d’AMAP » (AMAP = Association pour le maintien d’une agriculture paysanne), a entraîné d’assez nombreuses réactions. C’est bien volontiers que nous ouvrons nos colonnes à trois courriers de lecteurs :

-  « Je suis assez triste et choquée de lire ce que rapporte l’article « Pas de chèque, pas d’AMAP ». Je trouve la cause des AMAP très enthousiasmante et je suis vraiment désolée que les personnes à l’initiative de celle-ci à Toulouse n’aient pas compris les valeurs de solidarité qui sont à la source de cette idée. Je fais une réponse plus circonstanciée que vous pouvez lire sur : http://forum.decroissance.info/viewtopic.php ?p=24411#24411. » Cécile (AMAP des Volontaires, Paris XVème)

-  « Votre rédaction a été trop rapide car toutes les AMAP n’exigent pas plusieurs paiements d’avance ! La nôtre (Les Aigues, Bassin d’Arcachon) n’en exige qu’un seul, pour un mois il est vrai. Il est dommage de jeter ainsi le discrédit sur un système d’avenir. Je regrette aussi sa sélection sur le portail rezo.net mais cela n’est pas de votre fait. Cordialement,” Christian.

-  « Ici, à l’AMAP Sergonne de Nantes, nous acceptons que les personnes payent en liquide tous les mois. De plus l’engagement n’a lieu que sur 6 mois, donc maxi 6 chèques… et il n’y a pas d’adhésion de 8 euros. Ne généralisez pas ! A plus » Françoise.

Merci à ceux qui ont pris la peine de nous faire part d’une expérience différente de celle rapportée dans cet article qui était un témoignage vécu sur le fonctionnement d’une AMAP, en l’occurrence en Charentes-Maritimes (et pas à Toulouse comme des lecteurs ont pu le penser). C’est bien parce que nous sommes attentifs aux formes les plus diverses de solidarité et de résistance qu’il nous paraît important de pointer des dysfonctionnements qui, s’ils se développaient, ruineraient une idée prometteuse.

Jacques.

Tiré du Combat Syndicaliste de Midi-Pyrénée n°96, par la CNT-AIT de Toulouse

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