Répression de l’anarchisme dans la Russie des soviets

Première édition : Groupe des anarchistes russes exilés en Allemagne, Berlin, 1923

Réédition : CNT-AIT, Toulouse, 1991

Première publication internet : samedi 14 octobre 2006

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INTRODUCTION de 1923

Cet ouvrage est dédié aux ouvriers révolutionnaires français dont l’organisation syndicale, – la CGTU – vient, par son adhésion à l’Internationale Syndicale Rouge, de se mettre sous la tutelle du gouvernement bolchéviste. Nos camarades qui ont encore, au dire de Trotski et de Zinoviev, tant de préjugés fédéralistes et autonomistes, verront, à la lecture de ces pages, le sort qui leur sera réservé quand ils prétendront s’occuper eux-mêmes de l’organisation du travail, au lendemain de la prise du pouvoir par les « Communistes ».  Voici des faits qui démontrent l’éternelle monstruosité autoritaire. Puissent-ils faire reculer d’effroi ceux qui s’aventurent à l’aveuglette sur les voies de la Dictature, fût-ce au nom du plus sublime idéal ou de la plus logique formule de sociologie. Puissent-ils surtout, à la veille d’évènement qui peuvent amener une situation révolutionnaire, inciter les anarchistes et les syndicalistes fédéralistes à prendre toutes leurs précautions, non seulement pour éviter de tomber dans les pièges où se sont brisés et meurtris les anarchistes russes, mais encore pour être capable, aux heures révolutionnaires, d’opposer leurs propres conceptions pratiques de la production et de la répartition des biens nécessaires à la vie à celle des dictateurs communistes. Que l’exemple héroïque de la Makhnovtchina nous serve de leçon. Si les anarchistes russes avaient eu à Petrograd, à Moscou et dans chaque région, un organisateur d’actions offensives comme Makhno le fut en Ukraine, il est fort possible que la révolution russe, renversant toutes les formes d’autorité, se fût développée amplement sur les voies libres de l’anarchie.

Que cet ouvrage nous annonce des temps nouveaux : ceux qui marquent pour l’Anarchisme avec la fin d’une période de passivité défensive et d’idéalisme contemplatif, le passage à l’ère de la violence organisée, de la destruction décisive et du pragmatisme procréateur. Les Anarchistes apprennent, avec l’expérience, à ne plus être considérés comme les meilleurs instruments de n’importe quelle Révolution, comme les soldats d’avant-garde de toute bataille sociale sur la ruine desquels s’édifient les formes nouvelles d’autorité ; mais comme les ouvriers impitoyables et logiques de l’intégrale émancipation de l’individualité humaine, les destructeurs incessants de tous les États politiques, les propulseurs de mouvements originaux dans la masse humaine, les animateurs d’une vie économique librement organisée.

A travers les persécutions, les emprisonnements, les massacres qu’ils ont dû souffrir de la part du bolchevisme aussi bien que du temps des tsars, nos camarades anarchistes de Russie lèguent aux prolétaires, aux exploités, aux opprimés de tous les pays et de tous les temps, cette leçon de constance dans la révolte anarchiste : à savoir que, dans l’écroulement de toutes les institutions et de toutes les garanties, aux heures sociales les plus troubles, rien ne saurait ébranler la force d’âme de celui qui tient en lui-même toutes ses raisons de penser et d’agir. La conscience et la volonté d’anarchie accordent à ceux qui les possèdent une puissance libertaire qu’aucun pouvoir d’autorité sociale ne pourrait abattre. Plus un gouvernement s’acharne à vouloir l’anéantir, plus il se marque de décrépitude et de décomposition… Ce petit livre, bourré de faits héroïques à l’avantage des anarchistes russes, est destiné, nous l’espérons, à barrer la route, dans tous les pays du monde, au dernier fléau de l’Autorité, le plus dangereux, celui qui se pare des dépouilles de ses propres  victimes. Et nous souhaitons qu’enfin les prolétaires, à travers les fantômes enfuis de leurs dictateurs, recherchent leur liberté, sur les ruines mêmes du Prolétariat, dans la conquête incessante de l’Anarchie.

André Colomer

Préface

Depuis longtemps déjà, des informations parvinrent à l’étranger – d’abord sourdes et intermittentes et par la suite de plus en plus précises et suivies – sur les persécutions effroyables de l’idée anarchiste, de ses apôtres et militants en Russie soviétique.

Depuis longtemps déjà, ces informations et des faits sont cités dans la presse libertaire, dans laquelle les camarades exprimèrent maintes fois leur étonnement et leur indignation.

D’autres camarades refusèrent de prêter foi aux faits cités ou cherchèrent à les atténuer ou à les justifier. Mais la vie allait toujours, et avec elle – malgré tous les obstacles dressés par le gouvernement et la presque impossibilité de faire passer à travers ces barrières l’impartiale vérité à l’étranger – cette vérité fidèle se faisait peu à peu jour.

Les camarades et les ouvriers des divers pays savent qu’au printemps de cette année arrivèrent en exil quelques anarchistes expulsés de Russie par le gouvernement des Soviets (après une longue réclusion, dix jours de grève de la faim et une libération forcée). D’autres, traqués avec acharnement, réussirent à s’enfuir du pays.

Naturellement, comme ils se trouvaient, hors de Russie, au sein d’un prolétariat avide de connaître la vérité sur l’actualité russe, ces camarades considérèrent comme leur premier devoir de divulguer cette vérité et autant que possible de mettre à la lumière tous les côté de la période révolutionnaire de cinq ans. Dans cette oeuvre, les matériaux surabondent. Cependant, toute une série de circonstances entrave la réalisation d’un tel travail en son entier. Il est à espérer que cette entrave ne sera que momentanée. Nous souhaitons que, dans un avenir prochain, cet ouvrage nécessaire soit lancé en plein accord avec les efforts coordonnés de tous les militants de l’anarchisme en Russie et à l’étranger. Peut­-être sera-t-il créé, dans ce but une publication rédigée en commun.

En attendant, un groupe de libertaires expulsés de Russie commence la publication de quelques études concernant l’état de l’anarchisme et des anarchistes en Russie. Il est hors de doute que ce travail est indispensable. Jusqu’à maintenant, la publication de quelques faits isolés sur un tel sujet avait un caractère trop accidentel, trop disséminé et, par conséquent, passager. On n’avait pas un aperçu tant soit peu complet et net de la véritable situation.

Cependant, durant ces années de dictature, une telle étude fut non seulement esquissée, mais complètement achevée : l’anarchisme en Russie est hors la loi. Les anarchistes y sont exterminés en masse par tous les moyens et par tous les procédés, sur de simples décisions des Tchéka (1), sections spéciales, etc… En outre, le pouvoir soviétiste cache jalousement son oeuvre hideuse aux ouvriers des autres pays en les trompant impudemment. Quelques renégats de l’anarchisme, sous l’aile gouvernementale, prêtent un concours énorme dans cette duperie. Lorsque, dans les milieux révolutionnaires l’étranger, surgit la question des persécutions des anarchistes russes, le pouvoir soviétiste déclare chaque fois, par la bouche de ses représentants : « allons donc, les anarchistes jouissent chez nous de la plus entière liberté d’affirmer et de propager leur doctrine ; ils ont leurs clubs et leur presse ».

Comme témoignage d’une telle affirmation, les bolchéviks ont la triste audace de citer l’exemple de renégats qui ont depuis longtemps trahi l’anarchisme et qui sont prêts à affirmer tout ce que l’on veut – « Nous n’avons jamais persécuter les anarchistes pour leurs idées ; nous ne réprimons que les facteurs du banditisme et de criminalité qui se couvrent du pavillon de l’anarchisme ».

Le gouvernement bolchéviste veut aussi parler des anarchistes qui ont cru nécessaire de s’adapter d’une façon ou d’une autre à la situation présente pour la possibilité d’une action quelconque, ou ceux qui restent inactifs et ne touchent pas le point sensible des questions. A ces anarchistes, le pouvoir soviétiste permet tant bien que mal de créer des organisations insignifiantes et les autorise, non sans grandes difficultés, à réimprimer l’ancienne littérature anarchiste théorique et à publier quelques éditions inoffensives. (Il tolère aussi quelques « anarchistes » qui dénaturent l’anarchisme à l’avantage du pouvoir). Le gouvernement se crée ainsi une façade très commode derrière laquelle il peut, à l’occasion, cacher son jeu avec un certain succès devant des personnes mal informées, surtout à l’étranger. Mais au fond, le pouvoir des soviets, semblable à tous les gouvernements du monde entier, ne laisse une réelle liberté qu’aux idées qui coïncident avec ses propres « idées ». Il se différencie des autres seulement par la fermeté, l’implacabilité, le jésuitisme surpassé par personne avant lui pour réprimer toute la vie des idées qui ne sont pas les siennes, en invoquant l’intérêt de la révolution et en profitant des circonstances qui lui sont favorables.

Seuls, les « anarchistes » qui marchent d’accord avec lui sont désignés par le pouvoir soviétique comme « anarchistes d’idée ». Tous ceux qui pensent et agissent autrement sont qualifiés de « contre-révolutionnaires » et mis plus ou moins hors la loi.

Récemment, Tchitcherine déclarait sans rougir aux camarades italiens qu’il n’y avait pas d’anarchistes d’idée dans les prisons russes ; et l’ex-anarchiste Sandomersky lançait un appel aux mêmes camarades pour le front unique avec les bolchéviques, en leur affirmant que ceux-ci étaient des révolutionnaires sincères.

Et il faut convenir que grâce à l’absence de données précises et complètes entre les mains des libertaires étrangers, les bolcheviks réussirent jusqu’à présent à masquer dans une certaine mesure, et à « régénérer » les flagrants délits à l’aide de telle ou telle explication verbale ou écrite. Vu leur manque d’informations, les camarades étrangers se trouvent dans l’impossibilité de lutter à armes égales avec les bolchéviks ; souvent, ils se perdent, tombent en confusion et commencent à hésiter. Les hésitations et les disputes continuent jusqu’à ce jour sans aboutir à un résultat décisif quelconque et éloignent toute possibilité d’une action concrète et vaste.

Afin d’opposer une attitude claire et ferme à la campagne de mensonges et de duperies des bolchéviks, il est indispensable de passer des renseignements éparpillés et entrecoupés, parsemés dans quelques organes de la presse et en plusieurs points inexacts, à un ouvrage concentré, général et précis qui donnerait autant que possible, un aspect complet et net des persécutions de l’anarchisme qui durent depuis cinq ans, par le fait du pouvoir communiste ; à un ouvrage qui sera appelé dans tous les cas nécessaires à servir aux camarades de documentation incontestable, plus ou moins définitive, à portée de la main.

Ce que nous donnons ici répond déjà en une mesure suffisante à ce besoin. En même temps, cet exposé indiquera à tous l’accumulation de mensonges et de cynisme contenus dans les petits discours de Tchichérine et Cie. Nous publions cette documentation, tout d’abord, comme acte d’accusation contre les communistes étatistes, devant l’histoire et à la face des masses laborieuses de l’univers. Dans ce cas, nous demandons aux travailleurs d’être juges impartiaux avant que l’histoire rende un verdict définitif.

En Russie, la situation des anarchistes reclus et bannis en nombre énorme, devient de plus en plus atroce. Les camarades meurent. Le temps presse. Il faut agir et agir dans le plus bref délai.

Espérons que cet ouvrage donnera, enfin, une impulsion sérieuse à l’oeuvre d’organisation d’une lutte du prolétariat international contre les horreurs perpétuées en Russie.

Espérons qu’il concourra à l’oeuvre d’adoucissement du sort ou, peut être à la libération de nos camarades qui ont sacrifié leurs meilleures forces pour la révolution et qui, actuellement languissent et meurent dans les bagnes communistes.

Espérons, enfin, qu’il aidera à faire la première grande brèche dans le monstrueux et criminel édifice d’autorité érigé par les communistes étatistes dans cette Russie dictatoriale où s’étouffe la révolution mondiale commencée en 1917.

Les bolchéviks appellent les anarchistes, les syndicalistes, les ouvriers et les révolutionnaires de tous les pays pour réaliser le « front unique » avec eux. C’est précisément l’inverse qu’il convient de faire : si la classe ouvrière internationale désire vaincre dans la lutte décisive entamée contre la bourgeoisie, elle doit tenir son front unique contre les bolchéviks. Faciliter au prolétariat l’assimilation de cette vérité est une des tàches de cet ouvrage.

Passons aux réserves :

Les données basées sur les faits cités dans cet ouvrage ne représentent qu’une partie infime de la réalité. Le « tragique bilan » des anarchistes victimes du pouvoir communiste est, certes, loin d’être complet ; pour le moment, nous n’avons rassemblé dans ce recueil que les faits qui se déroulèrent dans notre entourage et nous étaient personnellement connus. Mais ce n’est là qu’un raccourci des répressions du pouvoir communiste contre l’anarchisme et les anarchistes. Des régions entières, comprenant les 9/10 de la Russie (Caucase, province du Volga, Oural, Sibérie etc… ) ne figurent pas dans notre aperçu. Même tout ce qui s’est passé au centre du pays n’a pu être complètement exposé. Citons quelques faits. A l’époque de l’accord entre le gouvernement des Soviets et Makhno (2), en automne 1920, la délégation makhnoviste établit officiellement, sur la base du paragraphe politique de l’accord, le nombre d’hommes bannis en Sibérie et autres lieux par les autorités soviétistes et devant être libérés, à plus de 200 000 personnes (la plupart paysans). Nous ne savons pas combien d’anarchistes conscients figuraient parmi eux ; comme nous ignorons encore combien furent jetés dans les prisons locales ou fusillés. En été 1921, la presse soviétiste communique ce fait : dans les environs de Imérinka fut « découverte » et « liquidée » (fusillés) une organisation libertaire de 30 à 40 membres, qui avait des sections dans d’autres villes méridionales. Nous ne pûmes établir les noms des camarades faisant partie de cette organisation qui périrent ainsi ; mais nous savions que s’y trouvait notre meilleure jeunesse libertaire. A la même époque, à Odessa, furent en partie fusillés et en partie emprisonnés les membres d’un fort groupe anarchiste qui faisait sa propagande dans les institutions soviétistes, dans le Soviet d’Odessa même et aussi dans le comité du parti : cela constituait, parait-il, un crime de « haute trahison ». Nous avons cité au petit hasard quelques exemples récents. L’énumération complète des saccages, bannissements et fusillades d’anarchistes dans les immenses provinces de Russie, ces dernières années, nous aurait pris plus d’un volume. Un fait caractéristique parmi tous est que même les tolstoïens, – comme on sait, les anarchistes les plus pacifiques, – ont subi d’atroces persécutions du gouvernement des Soviets. Des centaines d’entre eux sont actuellement encore emprisonnés. Leurs communes furent maintes fois anéanties par la force armée (par exemple, dans le gouvernement de Smolensk). D’après des données précises, jusqu’à fin 1921, il y avait une liste exacte de 92 tolstoïens fusillés (principalement pour refus de servir militairement). Ces exemples pourraient être multipliés à l’infini pour démontrer que comparativement aux faits, qui se présenteront un jour à l’historien minutieux, ceux rassemblés dans cet ouvrage ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan.

A quelques autres points de vue, ce petit livre est également incomplet. Ainsi, la partie consacrée à l’aperçu général est loin d’épuiser le sujet dans toute son étendue et toute sa profondeur. Les auteurs se sont limités à une esquisse très rapide, trouvant dans ce cas inconvenant d’élargir la question au préjudice de la prompte apparition de cet ouvrage.

De plus, la liste des victimes et persécutés souffre inévitablement d’une certaine disproportion : aux uns l’on consacre beaucoup d’espace, aux autres moins, et quelques camarades ne sont que mentionnés. Bien entendu, cela ne signifie pas que ces derniers soient moins dignes d’attention que les premiers. Les auteurs ne se sont pas souciés d’apprécier l’activité de tel ou tel camarade persécuté ; ils communiquent les faits caractéristiques qu’ils connaissent le mieux. Dans quelques cas, ils ne se souvinrent que du nom, des généralités d’un camarade, sans connaître les détails de sa vie, n’ayant été en contact avec lui que pour un travail en commun de courte durée ou en prison. Malgré cela, ils jugèrent nécessaire de ne pas oublier ces camarades dans la liste des victimes suppliciées pour l’idée anarchiste.

Si cette liste est incomplète et d’une certaine disproportion, la cause en est compréhensible : la tàche d’accomplir sans retard ce travail échoua à quelques camarades exilés de Russie, privés de bien des renseignements, et ne pouvant recevoir de plus précises informations. De ce fait, cette liste ne peut comprendre que les personnes sur lesquelles on avait sous la main des données précises, et ces données étaient limitées. Dans une certaine mesure, elle est donc accidentelle, dépendant des souvenirs personnels de ses auteurs et basée sur les seules données qui n’échappèrent pas à leur mémoire. Quant à leur exactitude, les auteurs en répondent.

Certes, il est possible que malgré la scrupulosité de l’ouvrage, certaines petites erreurs et incorrections s’y glissèrent ; nous en demandons l’excuse anticipée ; par la suite, elles pourraient d’ailleurs être l’objet de rectifications. Par contre, les auteurs garantissent l’absence de grosses erreurs, car pas un événement douteux n’a été pris en considération.

Sans nous limiter à ce petit livre, nous nous proposons d’élargir cet ouvrage, surtout dans sa partie documentaire ; c’est pour ce motif que nous prions instamment tous les camarades à l’étranger et en Russie de nous communiquer toutes les informations justes et précises sur les anarchistes emprisonnés, bannis, persécutés ou tués par le gouvernement des Soviets qui ne figurent pas ou sont incomplètement mentionnés dans le présent ouvrage. (Remarquer que nous parlons exclusivement des victimes du pouvoir communiste en laissant de côté les holocaustes qu’apporta l’anarchisme russe sur l’autel de la révolution même).

Cet ouvrage fut exécuté par les camarades A. GORIELIK, A. KOMOFF et VOLINE, avec le concours du « Groupe des Anarchistes Russes en Allemagne »

APERÇU GÉNÉRAL

Juin 1922

Un jour, l’historien de la Révolution s’arrêtera tout étonné et effrayé aux pages relatant les persécutions que le gouvernement communiste fit subir à l’idée libertaire, à ses disciples, propagateurs et militants ; il se détournera de ces pages en tressaillant. A première vue, il ne les croira pas. Et lorsqu’il les croira, lorsqu’il se persuadera de leur véracité bouleversante, il les qualifiera comme les pages les plus noires de l’histoire du communisme étatiste. Et il cherchera audacieusement l’explication historique et psychologique de cette épopée sanguinaire.

Mais comment parler en historien, quand aujourd’hui encore, il paraît invraisemblable à différents anarchistes de l’étranger que « le pouvoir soviétiste » puisse persécuter des militants d’idée, des révolutionnaires sincères et dévoués à l’anarchisme ? Plusieurs camarades doutent encore qu’un gouvernement communiste puisse bàillonner la parole, la presse et l’idée anarchiste elle-même. Malgré tout, certains continuent d’hésiter dans leur façon d’interpréter les faits qui s’accumulent.

Une telle incrédulité obstinée est au fond assez étrange. Est-ce que le fait de la persécution de l’idée anarchiste et de ses disciples par le pouvoir socialiste étatiste est pour nous une telle surprise ? Est-ce qu’en si peu de temps, les camarades purent déjà oublier ce qu’ils savaient depuis longtemps sur la nature de tout pouvoir, pouvoir « socialiste » en particulier ? Les faits sont-ils en contradiction avec ce que l’on suppose toujours, et ne sont-ils pas, au contraire, l’affirmation éclatante des hypothèse antérieu­res ?

Non, il n’y a rien d’inattendu ou d’étonnant dans le fait que le pouvoir socialiste persécute l’anarchisme et les anarchistes. Plusieurs camarades l’on prévu à l’avance, – longtemps avant cette révolution, – dans le cas où celle-ci se mettrait sur la voie d’organiser un pouvoir étatiste socialiste. D’autres montraient clairement l’inévitabilité des répressions, à l’instant même de l’instauration de l’état communiste. De plus, ils notifiaient que la lutte imminente des masses ouvrières et de leur avant-garde, les anarchistes, contre le nouveau patron impérieux et exploiteur, l’état, serait qualifié par les socialistes au pouvoir du nom de « banditisme », que libertaires et révolutionnaires seraient appelés « bandits » et comme tels persécutés et exterminés implacablement par le gouvernement socialiste.

Les persécutions de l’idée libertaire et de ses disciples par le pouvoir socialiste sont la conséquence inévitable provoquée par la collision de la vraie révolution qui s’épanouit (c’est-à-dire la révolution sociale et son interprétation libertaire) avec la théorie et la pratique étatistes qui triomphent temporairement. Elles proviennent automatiquement de la contradiction irréconciliable entre l’essence du pouvoir étatiste socialiste qui triomphe et celle du processus socialiste révolutionnaire véritable (avec ses tendances anarchistes).

La quintessence de la vraie révolution sociale est la reconnaissance et la réalisation d’un mouvement créateur universel et indépendant de la part des masses laborieuses affranchies. C’est l’affirmation et l’épanouissement ultérieur du processus de la création et de l’édification sans contrainte, basée sur l’égalité, l’union libre et le travail émancipé. La vraie révolution sociale est au fond le début de la véritable évolution humaine, c’est-à-dire du développement créateur et vaste des masses humaines sur la base de l’initiative librement productrice dans tous ses phénomènes et combinaisons. Cette quintessence est instinctivement sentie et défendue par le peuple révolutionnaire. Elle est plus ou moins nettement assimilée et obstinément revendiquée par les anarchistes. De cette conception de la révolution sociale dérive mécaniquement, non pas l’idée d’une direction autoritaire des masses, mais seulement d’une aide morale apportée dans la révolution ultérieure, libre et créatrice, et aussi du besoin d’une circulation libre de toutes les idées révolutionnaires. De là, également, l’idée de la nécessité d’une vérité entière et ouverte, de sa recherche libre et générale, de son éclaircissement et de son affirmation comme conditions essentielles d’une action fructueuse des masses et du triomphe définitif et stable de la révolution.

Au fond du socialisme étatiste et du pouvoir qui en dérive il y a la non reconnaissance du principe même de révolution sociale, neuf principe de rajeunissement du monde. En conséquence, les traits caractéristiques du pouvoir socialiste appartiennent en entier au passé bourgeois : la notion d’une limite, d’un « achèvement » du processus révolutionnaire, la manie d’encadrer, de pétrifier ce processus et – au lieu de réserver aux masses laborieuses toutes les possibilités d’un mouvement incessamment libre, ample, créateur, autonome – de concentrer à nouveau entre les mains de l’état et d’une poignée de privilégiés l »’évolution » future. Ainsi s’établit, à la place du principe de l’aide aux masses, la restauration du vieux procédé de la direction autoritaire des masses ; de ce fait, négation de la circulation libre des idées révolutionnaires, de la franche vérité, etc…

Il est parfaitement clair que ces deux principes sont diamétralement opposés et s’excluent réciproquement ; que l’un d’eux, essentiellement révolutionnaire, est réellement tourné vers l’avenir, tandis que l’autre, profondément réactionnaire, tient par toutes ses racines dans le passé. L’un d’eux est infailliblement appelé à vaincre, l’autre – à périr. Ou c’est la vraie révolution, avec son luxe énorme, libre et créateur, s’arrachant définitivement des racines du passé et triomphant sur les ruines de toute autorité, ou c’est le pouvoir qui l’emporte – et les racines du passé accrochent la révolution et la vraie révolution ne peut se réaliser ; alors, tout ce qui est véritablement révolutionnaire est inévitablement considéré par le pouvoir comme « illégal » et destiné à être anéanti. Il est donc hors de doute que l’acheminement véritable des masses révolutionnaires vers leur émancipation réelle et vers la création de formes vraiment neuves de la vie sociale est incompatible avec le principe même du pouvoir étatiste.

Il est, enfin, évident que si la révolution prend – pour des raisons quelconques – la forme de l’organisation d’un nouveau pouvoir et que celui-ci profite des événements qui l’on fait naître pour s’approprier le mot « révolutionnaire » qu’il se dise « socialiste », « ouvrier » ou autrement, il est inévitable que ce pouvoir aspirant à freiner et à altérer le vrai processus révolutionnaire, se heurte aussitôt aux forces de la vraie révolution cherchant à devenir créatrice, vaste et libre. Ce choc amène irrévocablement le pouvoir essentiellement réactionnaire à une lutte de plus en plus implacable (qu’il devra justifier avec toujours plus d’hypocrisie) contre les forces révolutionnaires.

Complétons, du moins brièvement, ce qui vient d’être dit par quelques traits essentiels :

l°) Tout pouvoir politique est indéniablement un facteur de privilège violant déjà le pouvoir d’égalité et par cela même frappant au coeur de la révolution sociale, impulsé en grande partie par ce principe.

2°) Comme tout pouvoir, le pouvoir « socialiste » devient inévitablement la source de privilèges nouveaux. Ayant maîtrisé la révolution et étant obligé de créer son indispensable appareil autoritaire, il fonde ainsi toute une caste nouvelle de parasites, privilégiés d’abord politiquement et par la suite économiquement. Nécessairement il attire et groupe autour de lui des éléments aspirant à exploiter et à dominer. Il répand ainsi le germe de l’inégalité et en infecte sans peine l’organisme social qui, restant passif, devient lui-même le principal facteur du retour aux principes bourgeois.

3°) Tout pouvoir cherche plus ou moins à prendre entre ses mains les directives de la vie sociale. Il prédispose les masses à la passivité, l’initiative sociale étant réduite à végéter lamentablement par l’existence même du pouvoir. Le pouvoir socialiste qui est par principe fondamentalement érigé sur la concentration entre ses mains de toute l’initiative de création sociale, de toutes les « ficelles » du processus social, est sous ce rapport un véritable assommoir. Toute l’initiative indépendante est méprisée, rejetée, écrasée avec une logique et une ténacité particulières. Les énormes forces créatrices nouvelles couvant dans les masses restent ainsi complètement cachées et inactives. Ceci se rapporte aussi bien au domaine de l’action qu’à celui de la pensée. Sous ce dernier rapport, le pouvoir socialiste se distingue par une intolérance exclusive, car il se considère comme l’unique porteur de la vérité, ne tolérant ni n’admettant aucune contradiction.

4°) Bien entendu, tout pouvoir politique est par lui-même absolument incapable d’entreprendre l’oeuvre de résolution des gigantesques problèmes créateurs du progrès social. Le pouvoir socialiste qui s’empare de la révolution et se considère appelé à réaliser les tàches révolutionnaires nouvelles de la reconstruction est, dans cette circonstance, particulièrement piteux et insignifiant. En sabotant et en tuant toute initiative qui n’est pas sienne, en cherchant à tout englober, en voulant faire tout « lui-même », il se montre tout d’abord (et c’est là l’essentiel) absolument incapable de réorganiser la vie économique du pays. L’incompétence du pouvoir entraîne comme première conséquence : la pleine débàcle économique, la ruine entière de l’industrie et de l’agriculture, une politique de violence envers les paysans provoquant une rupture entre les villes et villages, la destruction des moyens de transport, etc… Production, labeur, échanges, répartition sont complètement désorganisés et tombent à l’état chaotique.

5°) L’impuissance manifeste du pouvoir à garantir la vie économique du pays, l’infructuosité évidente de la révolution et le fardeau de la situation provoquée, en liaison avec la répression qu’elle exerce contre toute initiative sociale, créent un terrain propice , pour la recrudescence et l’offensive de la contre-révolution, incite les éléments neutres et inconscients (jusqu’alors hésitants) à se tourner contre la révolution et finalement tuent la foi en la révolution de ses propres partisans.

6°) Cet état de choses pris dans son ensemble non seulement dévie la marche de la révolution, mais compromet radicalement l’oeuvre de sa défense. Au lieu d’avoir des organisations de travail unifiées, vivantes, capables d’assurer le développement économique du pays, qui en même temps organiseraient la libre défense de la révolution par les masses elles-mêmes contre le danger de la réaction – dans ce cas comparativement insignifiant, nous avons, quelques mois après les débuts de l’infructueuse pratique étatiste, à nouveau une poignée de brasseurs et d’aventuriers politiques incapables de « justifier » et de fortifier la révolution qu’ils ont défigurée horriblement et maintenant obligés de se défendre eux et leurs partisans contre des ennemis qu’ils doivent en grande partie à leur propre faillite. Au lieu d’une défense normale de la révolution sociale qui s’affirme graduellement, nous avons encore une fois ce spectacle : le pouvoir en faillite défendant sa propre vie. Une telle déformation du processus révolutionnaire amène la défense organisée d’en haut, à l’aide des anciennes et monstrueuses méthodes politiques : création d’institutions policières, formation d’une armée régulière, disciplinée et aveugle, anéantissement des « libertés » de paroles, de presse, de réunion, etc… Application d’un système répressif, de la terreur et ainsi de suite. Dans les conditions anormales des événements, tous ces procédés acquièrent rapidement une violence et un arbitraire inouïs. La décomposition de la révolution avance à grands pas.

7°) Le « pouvoir révolutionnaire » en faillite se heurte inévitablement, non seulement aux ennemis de « droite », mais aussi aux adversaires de « gauche », ces derniers étant représentés par les éléments révolutionnaires qui entament la lutte pour la révolution sociale foulée aux pieds, – en particulier les anarchistes. Or, ayant goûté le poison de la domination, des privilèges, etc… s’étant persuadé à lui-même comme il en persuade les autres qu’il est l’unique force véritablement révolutionnaire appelée à agir au nom du « prolétariat » ; se croyant « obligé » et responsable devant la révolution ; liant faussement le sort de cette dernière au sien, et trouvant pour tout une explication et une justification, – le pouvoir ne veut ni ne peut avouer son fiasco complet et disparaître. Au contraire plus il se sent fautif et menacé, plus il redouble d’acharnement pour se défendre. Comprenant parfaitement qu’il s’agit, d’une façon ou d’une autre, de son existence, il ne discerne pas ses adversaires, il ne distingue pas ses ennemis de ceux de la révolution. De plus en plus guidé par l’instinct de conservation de moins en moins capable de reculer, avec un crescendo d’aveuglement et d’impudence, il frappe à tort et à travers, à droite comme à gauche. Il frappe sans discernement tous ceux qui ne sont pas avec lui. Tremblant pour son propre sort, il anéantit les meilleures forces de l’avenir. Il étouffe les mouvements révolutionnaires qui surgissent à nouveau, et supprime en masse les révolutionnaires, ouvriers et paysans qui cherchent à relever l’étendard de la révolution sociale… Avec de tels agissements il est obligé de cacher son jeu, de ruser, de mentir, de calomnier – tant qu’il juge nécessaire de ne pas rompre avec la révolution et de se guider sur les éléments révolutionnaires, du moins à l’étranger.

8°) Mais en foudroyant la révolution, il n’est pas possible de s’appuyer sur elle, de même qu’il est impossible de rester suspendu dans le vide soutenu par la force précaire des baïonnettes et des circonstances. Donc, étranglant la révolution, le pouvoir est obligé de s’assurer de plus en plus fermement et nettement l’aide et l’appui des éléments réactionnaires et bourgeois qui sont disposés pour, tel ou tel calcul, à aller à son service ou à pactiser avec lui. Sentant le terrain se dérober sous ses pieds, s’étant détaché des masses, ayant de fait rompu ses derniers liens avec la révolution, ayant créé toute une caste de tyrans et de parasites, mais impuissant à construire ou à réaliser quoi que ce soit, ayant rejeté et rasé les forces nouvelles, – pour se raffermir le pouvoir est obligé de s’adresser aux forces anciennes. C’est à leur concours qu’il s’adresse de plus en plus souvent et de plus en plus volontiers. C’est d’elles qu’il sollicite union, accord et alliance. C’est à elles qu’il rend ses positions, n’ayant d’autre issu pour s’assurer la vie. La révolution l’en attaque d’autant plus énergiquement. Et le pouvoir avec un acharnement redoublé combat la révolution. Mais avec une recrudescence d’effronterie et de jésuitisme, l’autorité bolchévique se défile.

Une violence sans limite et une tromperie monstrueuse, tels sont les derniers arguments, telle est l’apothéose de sa défense désespérée.

Si l’on prend en considération tout ce que nous venons de dire, les persécutions de l’anarchisme et des anarchistes par le pouvoir socialiste devient parfaitement compréhensible. Résumons : la révolution socialiste autoritaire et la révolution sociale sont deux processus diamétralement opposés. Dans le fond de l’une et de l’autre se trouvent des principes s’excluant réciproquement. Le pouvoir socialiste et la révolution sociale sont des éléments contradictoires. Impossible de les unir ou de les réconcilier.

Le triomphe de l’un de ces principes, processus et notion, signifie la mise en péril de l’autre avec toutes ses conséquences logiques.

Le choc infaillible, mortel, décisif entre le pouvoir socialiste ayant maîtrisé la révolution et les aspirations de la révolution sociale conduit mécaniquement ce pouvoir à une collision aussi irrévocable avec les anarchistes – les porte-paroles, les éclaireurs et les défenseurs les plus fermes et les plus éclatants de ces aspirations. Le triomphe du pouvoir signifie inévitablement le bouleversement de la révolution sociale et, par cela même, persécutions atroces des anarchistes. Voilà ce qui était à prévoir.

Voilà ce que confirme entièrement la révolution russe. Et voici ce qu’il serait enfin temps de croire.

Depuis ces trois dernières années, en Russie tous les libertaires tant soit peu fermes et actifs sont emprisonnés et bannis. Un nombre considérable d’entre eux furent fusillés par le pouvoir communiste, d’autres sont morts du régime pénitencier et des conditions de la vie subie en prison. Les survivants traînent pendant de longues années de réclusion une existence misérable au cours de laquelle ils se décomposent vivants, en proie au scorbut, au typhus et autres maladies qui hantent les prisons. Certains, échappés par miracle aux persécutions, doivent vivre clandestinement dans les circonstances extrêmement pénibles de la vie russe. Ne sont en liberté que les « anarchistes » ayant « accepté » le pouvoir, s’y étant adapter d’une façon quelconque, ou d’autres qui marchant de paire avec les bolchéviques, se sont « casés » dans les cadres gouvernementaux ou encore les libertaires qui se taisent et ne se manifestent en rien.

Fait monstrueux, mais flagrant : durant des années, le pouvoir communiste extermine les militants les plus ardents à lutter pour la liberté des travailleurs, – les anarchistes qui les premiers s’étaient lancés dans les premières années de 1900 à la conquête de la révolution sociale en Russie, et qui luttaient toujours à l’avant-garde contre toutes les violations du droit des ouvriers et des paysans.

Ce fait devient encore plus abominable lorsque le pouvoir communiste, pour justifier la terreur contre les anarchistes, invoque les intérêts de la révolution. Rien n’est plus criminel et cynique que cette lâcheté. Les anarchistes sont exterminés en Russie exclusivement parce qu’ils y défendent les principes mêmes de la grande révolution russe, – parce qu’ils y affirment, pour les ouvriers et les paysans, la complète autonomie économique et sociale. Ils sont anéantis par un pouvoir qui n’a plus aucun esprit révolutionnaire et qui n’existe que par la soif de dominer. Les ouvriers des divers pays ne doivent pas l’ignorer et doivent enfin, élever leur clameur de protestation contre les assassinats pratiqués en Russie sur leurs amis constants et fidèles – les anarchistes. Ils doivent exiger leur mise en liberté générale et le droit de propagande libre et ouverte. Car c’est là précisément où sont assassinés l’anarchisme et la volonté libertaire, que l’idée même de la liberté est assassinée.

Donnons à grands traits un résumé du rôle joué par les anarchistes dans la révolution russe et des persécutions que leur fit subir le pouvoir communiste.

On sait qu’avant l’été 1917, les anarchistes étaient les seuls révolutionnaires en Russie qui propageaient l’idée de la révolution sociale dans les masses. La révolution de 1905, à l’exception du courant anarchiste, marchait sous les mots d’ordre de la démocratie : chute de l’autocratie, instauration d’une république démocratique, etc… Le bolchévisme n’allait pas plus loin. Mais la révolution de 1905 subit une défaite en majeure partie précisément parce que tous les partis politiques qui y prirent part essayaient de l’emporter du point de vue politique de la cause, et pis encore – dans le sens politique bourgeois. A la seconde phase de son évolution, au début de 1906, la révolution manifesta en elle-même les contradictions de classe : l’incompatibilité de la collaboration du travail avec le capital, et s’est arrêtée faute d’avoir la puissance de soulever les grandes masses laborieuses et de leur indiquer un but précis et unique.

L’anarchisme était à cette époque là, seule doctrine qui désignait le fond même de ces contradictions et qui avertissait les masses du péril d’une voie politique. Comparativement aux partis démocratiques, les forces libertaires étaient infiniment faibles ; néanmoins, l’idée anarchiste rassembla autour d’elle une fraction des ouvriers de la ville qui élevèrent par-ci par-là leurs protestations contre le leurre de la démocratie. L’anarchisme offrait ainsi un certain appui théorique aux contradictions de classe qui se firent vives dans la population.

De cette façon, une opposition révolutionnaire s’était dessinée sur le fond général politique de la révolution : une brèche était enfoncée dans le front démocratique. C’est effectivement ce que la sociale démocratie ne put oublier. Elle réserva à l’anarchisme une profonde rancune. C’est avec cette rancune que les leaders du bolchévisme et d’autres partis politiques entrèrent dans la révolution de 1917.

Cette circonstance n’a peut-être pas une profonde signification, mais elle a une certaine portée pour la compréhension des rapports qui s’établirent entre l’anarchisme et le bolchévisme.

La révolution de 1917 commença à se développer semblable à une crue il était difficile d’en voir les limites. Ayant renversé la tyrannie, le peuple fit son entrée dans l’arène de l’action historique. C’est en vain que les partis politiques s’efforcèrent d’occuper des positions stables en s’adaptant au mouvement révolutionnaire. Le peuple laborieux marchait toujours en avant contre ses ennemis en laissant consécutivement derrière lui les différents partis avec leur position. Même les bolchéviks, – le parti le mieux organisé, le plus décisif et aspirant ardemment au pouvoir, – furent obligés de changer plusieurs fois leurs mots d’ordre « constituante », « contrôle ouvrier sur la production », etc…

En 1917, les anarchistes furent comme dans la révolution précédente, les seuls défenseurs de la révolution sociale. Ils se tenaient constamment et obstinément sur la voie de la vraie révolution sociale, malgré leur faiblesse et leur manque de préparation au point de vue organisation. En été 1917, ils aidaient invariablement, par la parole et par l’action, les mouvements agraires des paysans qui enlevaient les terres aux seigneurs. Invariablement, ils étaient avec les ouvriers lorsque, longtemps avant le « coup d’octobre », ceux-ci s’emparaient, en différents endroits de la Russie, des entreprises industrielles et s’efforçaient d’y organiser la production sur les bases de l’autonomie ouvrière.

C’est au premier rang que les anarchistes luttaient dans le mouvement des ouvriers matelots de Cronstadt et de Pétrograd (3), du 3 au 5 juillet. Dans cette dernière ville et dans d’autres, les libertaires donnaient l’exemple de la main mise sur les imprimeries bourgeoises afin d’y faire paraître, par ordre révolutionnaire, les journaux ouvriers. Lorsqu’en été 1917, les bolchéviks prirent envers la bourgeoisie une attitude plus révolutionnaire que les autres partis politiques, dans une certaine mesure les anarchistes les félicitèrent et considérèrent comme un devoir révolutionnaire de démasquer le mensonge des gouvernements bourgeois et socialistes qui désignaient Lénine et d’autres bolchéviks comme agents du gouvernement allemand.

C’est à l’avant-garde que les anarchistes luttèrent à Pétrograd, à Moscou et ailleurs, en octobre 1917, pour le renversement du pouvoir de coalition. Il va de soi qu’ils marchaient non pas au nom d’un autre pouvoir, mais exclusivement au nom de la conquête par les masses laborieuses de construire elles-mêmes sur des bases vraiment neuves leur vie économique et sociale. Il est vrai que, pour toute une suite de raisons, cette idée ne fut pas réalisée ; mais les anarchistes luttèrent seuls et jusqu’au bout pour cette cause et si, à cet égard, il y a lieu de leur adresser un reproche quelconque, c’est seulement celui de ne s’y être pas pris suffisamment à temps pour se concerter entre eux afin de porter dans une mesure suffisante les éléments de libre organisation au sein des masses laborieuses.

A Pétrograd, ce furent les marins de Cronstadt, arrivés dans la capitale pour la lutte décisive d’octobre, qui jouèrent un rôle particulièrement important. Parmi eux, les anarchistes étaient en assez grand nombre ; entre autre, les membres de l’organisation libertaire de Cronstadt ; l’un de ceux-ci était un des guide actif du mouvement. A Moscou, la tâche la plus périlleuse et la plus décisive, aux jours d’octobre, incomba aux fameux « Dvintzi » régiment de Dvinsk qui fut en entier emprisonné aux jours de Kerenski pour le refus de prendre part à l’offensive impérialiste sur le front austro-allemand. Ce furent toujours les « Dvintzi » qui agissaient lorsqu’il fallait déloger les « cadets » (4) du Kremlin, du Métropole et d’autres recoins de Moscou, dans tous les endroits les plus dangereux. Quand les « cadets », subitement renforcés, reprenaient l’offensive, c’était toujours eux qui enlevaient la position. Tous se disaient anarchistes et marchaient sous les ordres des vieux libertaires Gratchoff et Fedotoff. La fédération anarchiste de Moscou avec une partie du régiment de Dvinsk, marcha la première en ordre de combat contre le gouvernement de coalition. Les ouvriers de Presnia, des ateliers de Sokolniki, ceux de Samoskvoretchié et d’autres quartiers de Mouscou marchèrent au combat ayant à l’avant­garde des groupes libertaires. Les ouvriers de Presnia perdirent un guerrier éminent : Nikitine, ouvrier anarchiste, luttant toujours aux premiers rangs et frappé à mort vers la fin des combats au centre de la ville. Des dizaines d’ouvriers anarchistes de différentes usines laissèrent leur vie dans ces luttes et reposent dans la fosse commune de la Place Rouge à Moscou. Les anarchistes ont fait leur devoir devant la révolution sociale des travailleurs.

Aux jours révolutionnaires d’octobre, la tactique des bolchéviks envers les anarchistes se réduisait à cette formule : utiliser au maximum les anarchistes comme éléments de combat et de destruction contre la bourgeoisie, en les aidant dans une mesure nécessaire en armements etc… Les premiers jours des événements, les bolchéviks se tenaient à cette formule. Mais, après la prise du pouvoir, les bolchéviks changent de méthode. Délibérément ils cherchent à s’emparer de la révolution, à se l’approprier. Au lieu de réserver aux masses la liberté de construire et de défendre indépendamment leur vie nouvelle, en limitant seulement leur rôle à une aide nécessaire, les bolchéviks veulent devenir directeurs, maîtres et souverains des travailleurs. Ils commencent à chàtrer la révolution et entreprennent une série de mesures systématiques pour affaiblir leurs camarades de combat de la veille – les anarchistes – qui, comprenant autrement qu’eux les perspectives de la révolution, se trouvaient maintenant au travers de leur chemin.

Aux premiers jours de l’installation à Moscou du comité révolutionnaire qui s’était déclaré pouvoir principal, l’état major des « Dvintzi » se trouvant dans les locaux du soviet de Moscou est déjà l’objet des soupçons du comité. De tous côtés, un filet d’espionnage l’entoure et un blocus en règle entrave ses mouvements. Mais, en attendant, les bolchéviks ne se décident pas à y toucher, car ils voient en lui la force militaire des soldats révolutionnaires. Gratchoff voyait bien les bolchéviks, sous ses yeux, se partager le pouvoir et mener la révolution à sa ruine ; il se trouvait dans une angoisse pénible, ne sachant pas comment saisir la main criminelle du nouveau pouvoir qui lançait un lasso autour de la révolution. A défaut de mieux, il se hàtait d’armer le peuple. A chaque usine, il remettait de trois à quatre mitrailleuses, fusils, cartouches. Malheureusement, ce guide révolutionnaire d’un grand avenir périt subitement : appelé par les bolchéviks pour affaires militaires à Nijni-Novgorod, il y fut tué d’un coup de feu dans des circonstances très mystérieuses, soit disant involontairement par un soldat ne sachant pas manier le fusil. Il y a des indices qui nous permettent de supposer qu’il fut tué par la main d’un mercenaire à la solde du pouvoir soviétiste. Par la suite, les régimes révolutionnaires de Pétrograd et de Moscou furent désarmés de force. Fait significatif : à Moscou, le premier régiment ainsi désarmé par les bolchéviks fut celui de Dvinsk.

Après la révolution d’octobre, les anarchistes, malgré les oppositions d’idées et de méthodes qui les séparent du nouveau pouvoir « communiste », continuent à servir la cause de la révolution sociale avec le même dévouement et la même persévérance. Lorsque, née du monde bourgeois, l’assemblée constituante devint une menace pour la révolution, les anarchistes n’hésitèrent pas à se charger de sa « dissolution ». Elle fut dispersée par l’anarchiste Anatole Gelezniakoff avec l’aide de son détachement. Les bolchéviks ne firent que ratifier le fait accompli. Notons que les anarchistes furent les seuls à détruire fondamentalement le principe même de la Constituante.

Les libertaires luttèrent avec énergie et abnégation sur tous les fronts contre les offensives de la contre-révolution.

Dans la défense de Pétrograd contre le général Korniloff (août 1917), dans la lutte contre le général Kaledine au sud de la Russie (1918), etc… , les anarchistes jouèrent un rôle considérable.

De nombreux détachements de partisans, grands et petits, formés par des anarchistes ou conduits par eux (détachements de Mokrooussoff, de Tcherniak et autres) et comptant dans leurs rangs un grand nombre de libertaires, luttèrent au sud sans trêve, contre les armées réactionnaires, de 1918 à 1920. Beaucoup d’anarchistes isolés se trouvaient sur les divers fronts comme simples soldats parmi les masses d’ouvriers et de paysans insurgés. L’anarchisme perdit beaucoup de ses forces dans cette lutte atroce.

En 1919, la contre-révolution de Dénikine, au sud, fit de grosses trouées dans les rangs libertaires, car ce furent surtout les anarchistes qui contribuèrent à l’anéantissement de cette réaction. En réalité elle ne fut pas détruite par l’armée rouge au nord, mais au sud, par la masse paysanne insurgée, dont la principale force était l’armée des partisans makhnovistes. Or, les organisations libertaires étaient les seules à combattre dans les rangs makhnovistes contre Dénikine et, plus tard, contre Wrangel en Ukraine.

Les anarchistes prirent une part égale dans les luttes contre Koltchak en Oural, en Sibérie et sur d’autres fronts. Ils y perdirent des milliers de militants. (C’est un fait connu que dans la lutte contre la réaction, les forces partisanes firent beaucoup plus de besogne que l’armée régulière rouge).

Dans cette oeuvre, les anarchistes défendaient partout le principe fondamental de la révolution sociale : indépendance et liberté des travailleurs. Mais la participation des anarchistes à la révolution ne se limite, certes, pas à une activité révolutionnaire en général.

Naturellement, ils devaient aussi s’efforcer de propager dans les masses laborieuses leurs idées de construction non-autoritaire et d’égalité réelle comme condition fondamentale et juste pour l’inauguration du nouvel édifice. Dans ce but, ils créaient leurs organisations libertaires, ils développaient en détails leurs principes, les mettaient en pratique, répandaient leur doctrine et leur littérature. Citons quelques organisations anarchistes d’entre les plus actives, ou les plus intéressantes pour leurs aspirations durant la période révolutionnaire :

1°) L’Union de Propagande Anarcho-syndicaliste « Goloss Trouda », ayant pour but la divulgation la plus large possible des idées anarcho­syndicalistes dans les masses laborieuses. Déployait d’abord son activité à Pétrograd ( de l’été 1917 au printemps 1918) et dans la suite à Moscou (à partir de 1918). Publiait le journal Goloss Trouda (la Voix du Labeur). Avait organisé une grande maison d’édition. Dans la première période, à Pétrograd, fut adversaire résolu de l’idée du pouvoir communiste. Par la suite, l’Union modifia en partie son point de vue ce qui provoqua une scission. Une partie de ses membres s’en détachèrent et fondèrent avec d’autres libertaires le journal Volny Goloss Trouda (La Voix Libre du Labeur), qui n’exista pas longtemps ayant été suspendu par le pouvoir communiste. Plus tard, une branche de cette dernière organisation devint le « Bureau exécutif Provisoire de la Confédération Russe AnarchoSyndicaliste » qui, à partir de la même année 1918 s’efforça de fonder cette confédération. La situation politique avec toutes ses conséquences empêcha également la réalisation de cette tentative. Idéologiquement, le « Bureau » se caractérise par une attitude âpre contre le pouvoir communiste, mais en même temps par une forte déviation vers une organisation politique étatiste (reconnaissance d’une période politique « transitoire« , etc… ). N’a survécu de ces organisations que la maison d’édition à Pétrograd et à Moscou qui en évitant les questions d’actualité politique, trouve (non sans obstacles) la possibilité de publier une littérature libertaire purement théorique.

2°) Fédération des Groupes Anarchistes de Moscou – très grande organisation qui, de 1917 à 1918, faisait activement sa propagande à Moscou même et en province. Unifiait plusieurs groupes libertaires. Avait un grand journal quotidien (l’Anarchie) et une maison d’édition.

Affiche annonçant la parution le 11 septembre 1917 de « Anarchie, organe de la fédération des groupes anarchistes de Moscou »

Défendait les thèses fondamentales du communisme libertaire contre le communisme autoritaire. En avril 1918, fut mise à sac par les bolchéviks. Des débris de cette fédération naquit plus tard l' »Union des Anarcho­Syndicalistes Communistes » qui fit paraître pendant une brève période, le journal Labeur et Liberté ; puis, l' »Union des Anarchistes de Moscou » ; et enfin la « Section des Anarchistes Universalistes« . Cette dernière, formée à la fin 1920, menait un travail d’agitation et de propagande parmi les ouvriers. Avait des liens assez importants avec la province. Publiait son journal (l’Universel). S’en tenait à une attitude très prudente et modérée, ce qui ne l’a pas préservée du saccage (en hiver 1921).

3°) La Confédération des Organisations Anarchistes de l’Ukraine « Nabat ». – Organisation importante créée fin 1918, qui unifiait presque tous les groupes anarchistes de l’Ukraine, ainsi que plusieurs autres de la grande Russie.

COurrier à en-tête de la Confédération Nabat

Se caractérisait par une activité pratique. Formula nettement son opposition par rapport au pouvoir communiste. Se tenait résolument sur la plateforme d’une révolution sociale. Niait la « période transitoire » et revendiquait la nécessité d’une lutte directe pour les formes non-autoritaires de la construction sociale en s’efforçant d’en ébaucher les traits positifs. S’est aussitôt attirée les répressions du parti communiste, mais, dans les conditions ukrainiennes, put quelques temps résister à ses attaques. Joua un rôle important par son agitation et par sa propagande extrêmement énergique, et contribua pour beaucoup à la diffusion des idées libertaires en Ukraine. Publiait dans différentes villes, plusieurs brochures et journaux, Nabat (l’Alarme) entre autres.

S’efforçait de créer un mouvement libertaire unifié et de rassembler, au point de vue organisation, toutes les forces actives de l’anarchisme en Russie, sans différence de tendances. Tenta de fonder la « Confédération Anarchiste Panrusse« , mais la situation politique empêcha la réalisation de ce projet. Développant son activité surtout dans le midi houleux, la Confédération entra en relations étroites avec le mouvement partisan révolutionnaire des paysans et ouvriers de la contrée et avec le noyau de ce mouvement : la « Makhnovtchina », prit une part active dans la lutte contre toutes les forces de la réaction (hetman Skoropadsky, Petlioura, Dénikine, Griqorieff et autres). A perdu dans les combats un grand nombre de ses meilleurs militants. – Sa dernière et très violente mise à sac par le pouvoir communiste remonte à fin A920.

4°) Fédération Panrusse de la Jeunesse Anarchiste. – Fondée en 1918 avec le secrétariat principal à Moscou. – Menait une intense propagande de l’anarchisme parmi les jeunes. – Avait son journal hebdomadaire (Vie et Création) et cherchait à unifier toute la jeunesse libertaire de Russie. Détruite par le pouvoir bolchéviste à la fin de 1919, cette organisation se trouvait en étroite liaison avec celle de la Jeunesse Anarchiste de l’Ukraine « Nabat« , qui avait accompli un énorme travail technique dans la Confédération du Nabat publiant son journal et sa littérature, participant activement à la lutte contre la réaction en Ukraine, lutte au cours de laquelle elle perdit plusieurs des siens.

5°) Le Groupe « Potchine » (« initiative« ), créé en 1918 à Moscou. – Représente le courant anarcho-coopératif dans l’anarchisme. – Publie (non sans beaucoup de difficultés) l’unique organe anarcho-coopératif de Russie : Potchine, d’une grande importance pour les coopérateurs et qui est souvent opprimé par le pouvoir soviétiste.

6°) Fédération Anarchiste Communiste Panrusse. Fondée en 1918 avec le secrétariat principal à Moscou. Est en relation avec plusieurs groupements anarchistes de Russie. Le secrétariat de cette organisation a des rapports très cordiaux avec le pouvoir soviétiste et jouit ainsi de sa protection (ce qui lui donne une certaine possibilité d’exister ouvertement). Mais la plupart des groupes de province, quoique liès avec le secrétariat travaillent comme ils l’entendent et sont souvent réprimés par le pouvoir communiste.

C’est un peu à part que se place le Mouvement Partisan Révolutionnaire des Ouvriers et Paysans Ukrainiens, connu sous le nom de « Makhnovtchena ». Ce n’était pas une organisation anarchiste proprement dite. C’était plus vaste que cela : le mouvement social des masses laborieuses d’Ukraine se tenant résolument à la garde de la Révolution Sociale et marchant sous le drapeau libertaire. La Makhnovtchena défendait avec acharnement le principe d’autonomie économique et sociale des paysans et ouvriers. Elle joua un énorme rôle historique dans les destinées de l’Ukraine révolutionnaire. Sa lutte consécutive, infatigable et héroïque contre l' »Hetmantchena », la « Petliourofftchena », la « Denikintchena », la « Grigoriefftchena », et, enfin, la « Wranqellefftchena » fut toute une épopée. Son importance dans l’oeuvre d’inoculation aux masses laborieuses ukrainiennes de l’idéologie libertaire est considérable. Anarchiste dans son fond et combatif par la force des circonstances, ce mouvement mena une bataille titanique contre les forces réactionnaires qui se succédaient les unes aux autres, et fut obligé de soutenir en même temps une lutte militaire durable et incroyablement pénible contre le parti et le pouvoir communiste qui agissaient traîtreusement à son égard. Cette lutte à elle seule est une épopée à part. Il est impossible, dans l’espace de ces quelques lignes, de donner une idée plus ou moins complète de ce mouvement gigantesque et si compliqué.

A titre d’exemple, nous avons énuméré ici certaines organisations et mouvements libertaires de la Russie centrale plus ou moins déterminés et importants. Mais il ne faut pas oublier qu’il existait dans tout le pays, de 1917 à 1918, une multitude d’organisations, de groupes et de mouvements anarchistes, les uns indépendants, les autres en relations avec l’une des organisations ci-dessus mentionnées. Malgré quelques divergences de principe ou de tactique, toutes ces organisations étaient d’accord sur le fond des choses et remplissaient en général, chacune dans la mesure de ses forces et des possibilités, leur devoir devant la révolution et devant l’anarchisme, en semant dans les masses laborieuses le germe d’une organisation sans autorité ni maître.

Les persécutions des anarchistes par le pouvoir soviétiste ont commencé d’une façon définitive au printemps 1918. Après les éclaircissements que nous avons donnés, les causes fondamentales et générales en sont suffisamment connues. Faisons brièvement leur historique. Les rapides succès toujours croissants du mouvement anarchiste effrayaient et irritaient, déjà depuis longtemps, le pouvoir communiste qui venait de s’installer. Tant qu’il ne se sentait pas maître absolu de la situation, ne s’étant pas encore complètement emparé de la révolution et des masses, il n’osait entreprendre l’attaque. Ce ne fut qu’après la conclusion de la paix de Brest qu’il se sentit assez ferme, et vit la possibilité d’agir avec de sérieuses chances de succès.

Au moment des pourparlers de Brest-Litovsk, en invoquant le danger de mort pour la révolution, en proclamant la nécessité de « respirer » pour la création d’une armée régulière, etc… etc…, le pouvoir communiste réussit à terroriser les masses, à s’emparer de leur volonté, à la soumettre à la sienne propre et à imposer son autorité malgré le désir des masses laborieuses clairement exprimé : ne pas signer la paix avec l’impérialisme allemand, et, devant les chances de succès final de la révolution, continuer la résistance révolutionnaire. Ainsi fut imposée la paix de Brest-Litovsk au peuple travailleur par le pouvoir communiste qui, après une longue et obstinée résistance des ouvriers et paysans, réussit pour la première fois, à amener les vastes masses laborieuses à la soumission au pouvoir et à une passivité forcée. Ce fut le premier pas franchi – le plus difficile. Prenant en mains toute l’initiative de l’action après avoir impunément enjambé la volonté des masses, le nouveau pouvoir lançait un lasso autour de la révolution. Par la suite, il lui fut aisé de continuer à suivre cette voie en terrorisant et en soumettant de plus en plus les masses à son autorité. Il n’y avait plus qu’à continuer de serrer le lasso pour bientôt réduire toute la révolution aux limites de sa dictature.

Les anarchistes protestèrent avec vigueur, aussi bien contre la paix de Brest que contre cette réduction des perspectives révolutionnaires qui devaient finalement dénaturer le mouvement d’émancipation. Et voilà comment, après s’être assuré la passivité des masses et le concours d’une certaine force militaire organisée, le pouvoir décida de porter aux anarchistes le coup décisif. Inspirée par les dirigeants, la presse communiste entama contre les anarchistes une campagne de calomnies et d’accusations mensongères, de jour en jour plus violente. Dans les usines, dans l’armée, etc… , par des meetings, des conférences, on préparait activement le terrain. En même temps, on tâtait l’esprit des masses ; on prévoyait que le pouvoir pourrait compter sur ses troupes, et que les masses resteraient plus ou moins passives. Finalement dans la nuit du 12 avril, sous un prétexte faux et absurde, les organisations anarchistes de Moscou furent saccagées par la force militaire : principalement, la « Fédération des Groupes Anarchistes de Moscou« . Ce saccage fut le signal de la destruction de toutes les organisations libertaires de Russie. Trotzky qui, pendant deux semaines, préparait le coup et menait en personne dans les régiments l’agitation la plus déchaînée contre les « anarcho-bandits« , put avoir la satisfaction de faire sa fameuse déclaration : « Enfin le pouvoir soviétiste balaie l’anarchisme de Russie avec un balai de fer« .

Cependant, l’idée même de l’anarchisme ne fut pas encore déclarée hors la loi par le pouvoir : la liberté de parole, de presse et de profession de l’idée n’étaient pas encore étouffées. Par ci, par là, certain travail libertaire restait encore possible.

En 1919-1920, les protestations et les mouvements des ouvriers et paysans (déjà commencés en 1918) s’accrurent contre les procédés terroristes du pouvoir communiste à leur égard. Le pouvoir, de plus en plus cynique dans son despotisme, répondait par des représailles toujours plus acharnées, ne reculant plus devant rien. Naturellement, les anarchistes étaient corps et âme avec les ouvriers trompés, opprimés, en lutte. Avec les ouvriers ils exigeaient le droit aux travailleurs et aux organisations industrielles (professionnelles) de guider la production sans intermédiaires. Avec les paysans ils revendiquaient l’autonomie, le droit de relations directes et libres avec les ouvriers. Avec les uns et les autres, ils exigeaient la restitution aux travailleurs de tout ce que ces derniers s’étaient acquis par la révolution, et que leur avait « escroqué » le pouvoir communiste . entre autre, la restauration du régime soviétiste libre, le rétablissement des libertés civiles pour les courants révolutionnaires, etc… Bref, ils exigeaient la remise des conquêtes d’Octobre au peuple lui-même, c’est-à-dire dans les mains des organisations ouvrières ou paysannes. Bien entendu, ils démasquaient aussi la politique criminelle du pouvoir. Voilà le fond de l’activité révolutionnaire des anarchistes, et c’est l’unique cause qui servit de prétexte pour déclarer une guerre à mort à l’anarchisme, et pour le mettre hors la loi.

Après le premier grand saccage dirigé contre les anarchistes, au printemps 1918, les persécutions se succédèrent en une chaîne ininterrompue durant les années suivantes sur toute l’étendue de la Russie, prenant un caractère de plus en plus effréné et impudent. Ainsi, à la fin de cette même année 1918, plusieurs organisations libertaires de province furent de nouveau ravagées de fond en comble. Aux organisations qui réussissaient à échapper à cette rafale de destruction, le pouvoir ne donnait presque aucune possibilité d’agir. En même temps que continuaient les répressions en grande Russie commencèrent en 1919 celles des anarchistes de l’Ukraine. Une ville après l’autre leurs groupes étaient systématiquement liquidés, les militants arrêtés, journaux suspendus, conférences interdites.

En été de la même année, après l’ordonnance fameuse n° 1824 de Trotzky qui déclarait hors la loi le mouvement makhnoviste, en même temps que les partisans on saisissait les anarchistes et on les fusillait. Etc… , etc… .

Avec cela il faut noter que dans la plupart des cas, la dispersion des organisations anarchistes était accompagnée d’actes de la violence la plus sauvage, d’un arbitraire et d’un vandalisme insensés de la part des tchékistes et des soldats rouges trompés, énervés et surexcités. On brutalisait les camarades, on brûlait les livres, on démolissait les locaux, etc…

A part ces répressions ininterrompues et quotidiennes, le pouvoir communiste, de temps en temps, organisait sur une grande échelle des pogroms généraux contre les anarchistes, semblables à ceux de printemps 1918.

Ainsi eut lieu en Ukraine, en été 1920, une mise à sac générale des organisations anarchistes de « Nabat« . Fin novembre 1920, le pouvoir communiste forcé quelques temps auparavant, par suite du contrat avec Makhno d’interrompre les persécutions, fait arrêter à Kharkow tous les anarchistes arrivés au congrès légal et en même temps traque les libertaires dans toute l’Ukraine, leur livre une véritable chasse en organisant des battues, des embuscades, saisissant des enfants de 14 à 16 ans, prenant en otage des parents, des femmes, des gosses. Pour justifier sa conduite, le pouvoir argue sa rupture avec Makhno et invente un « fantastique grand complot anarchiste contre le pouvoir soviétiste » [1].

Au jour du mouvement de Cronstadt (mars 1921) le pouvoir communiste effectue de nouvelles arrestations d’anarchistes, d’anarchosyndicalistes, et organise en masse encore une chasse à l’homme dans toute la Russie. Tout mouvement dans les masses, que ce soit une grève ouvrière, des protestations de paysans ou un mécontentement qui se manifeste parmi les matelots ou les soldats, tout se répercute invariablement sur le sort des anarchistes. Ces derniers temps, on jette souvent en prison des personnes qui n’ont d’autres liaisons avec les anarchistes que des idées, une parenté ou quelques vagues relations. Admettre le point de vue libertaire suffit pour vous mener à la prison.

En 1919 et 1921, les organisations de la jeunesse anarchiste sont mises à sac. A noter que le saccage de 1921 fut uniquement provoqué par le désir de détruire dans la jeunesse l’aspiration à la connaissance des idées anarchistes.

En hiver 1921 sont ravagées les organisations des anarchistes « universalistes » à Moscou. Au printemps 1922 – renouvellement des arrestations en masse des anarchistes en Russie.

Et notre liste de pogroms est loin d’être complète . Il ne serait pas exagérer de dire que dans ces dernières années, c’est toute la Russie révolutionnaire que le pouvoir bolchéviste emprisonne et massacre.

Il va de soi que dans des conditions pareilles, il ne fallait pas même penser à un travail libertaire quelconque ; toute la possibilité en fut déjà soustraite aux anarchistes en 1919. A partir de cette époque leurs réunions, conférences et congrès ne pouvaient avoir lieu. Leur presse est définitivement étouffée. Leurs apparitions en public sont absolument prohibées.

En réalité l’anarchisme, l’idée anarchiste et la parole anarchiste sont à partir de 1919 déclarés hors la loi en Russie.

Notons qu’une telle horreur à la face d’une révolution encore en vie ne put passer sans provoquer de la part d’hommes forts des protestations individuelles et des actes de violence. Fin 1919, Casimir KOVALEWITCH, ouvrier des ateliers de chemin de fer à Moscou, anarchiste très populaire dans son quartier, jette, avec le concours de quelques-uns de ses camarades, une bombe dans une réunion de communistes en vue, dans le Léontiewsky Pêréoulok à Moscou [2].

Cet acte fut un geste de protestation individuelle en faveur de la liberté que le pouvoir bolchévik foulait aux pieds impitoyablement. Il n’était pas l’oeuvre des groupements anarchistes ; seul son auteur en prenait la responsabilité, mais il fut compris de tous dans les conditions effroyables de l’actualité « communiste ». Cet acte n’a pourtant pas ramené à la raison le parti dirigeant. Bien au contraire : c’est avec une recrudescence d’acharnement qu’il persécuta, détruisit, anéantit, traqua les anarchistes et tous les révolutionnaires en général en ayant recours à de monstrueux moyens de duperie et d’inquisition.

Si en ce moment il existe en Russie une oeuvre libertaire illégale, si cette oeuvre peut conduire à des actes de terreur anti gouvernementale, il ne faut pas manquer d’apprécier ces actes à leur juste valeur : ils ont toujours eu lieu et se produisent inévitablement partout où règnent un arbitraire et une terreur épouvantable venus d’en haut, partout où toute pensée est tuée, toute parole étouffée, partout où tout autre moyen de lutte est rendu impossible.

Les horreurs déchaînées en Russie sautent enfin aux yeux de tout nouveau venu dans ce pays. Elles se révèlent même, chaque jour un peu plus, hors de ses frontières. Et c’est pourquoi le pouvoir des soviets commence à recourir à toutes sortes de procédés pour créer un semblant de justification à ses crimes. En cet art, il ne recule pas devant les moyens les plus lâches : entre autre, celui qui consiste à monter de fausses « affaires ».

L’une de celles « affaires » est celle de Léon NOIR (Tchorny) et de Fanny BARON.

En été 1921, un groupe de délégués anarchistes étrangers arrivés au congrès international des syndicats rouges fit une interpellation au gouvernement soviétiste sur les anarchistes qui enfermés dans la prison de Taganka, faisaient la grève de la faim et ils exigeaient leur libération. L’interpellation concernait également tous les anarchistes emprisonnés. Comme les délégués insistaient pour leur libération, il leur fut répondu par Trozky et par d’autres représentants du pouvoir soviétiste : « ce sont des bandits ». Et malgré que le gouvernement fut obligé de faire certaines concessions et de lâcher de ses griffes les anarchistes grévistes en les expulsant à l’étranger, – pour justifier devant les ouvriers étrangers ces procédés terroristes envers les libertaires russes, un peu plus tard, il monta contre les anarchistes une fausse « affaire ». Pour des forfaits soi-disant criminels et une présumée tentative de fabrication de faux billets soviétistes, il fit fusiller des anarchistes les plus sincères et honnêtes : Fanny BARON, Léon NOIR et d’autres. Il est non seulement prouvé que les camarades fusillés n’avaient aucun rapport avec les délits criminels pour lesquels ils furent exécutés, mais aussi que l’idée même de fabriquer des billets provenait de la Tché-Ka de Moscou. Deux de ces agents – Steiner (Kaménny) et un chauffeur tchékiste – s’étaient introduits dans des milieux criminels. Dans un but de provocation ils entrèrent par la suite en relation avec certains anarchistes et se mirent à édifier une affaire de faux billets et d’expropriation. Tout cela se passait sous la direction de la Tché-Ka de Moscou et avec sa complicité. Plus tard, pour cette lâcheté qu’elle avait elle-même organisée, la Tché­Ka exigea la vie de libertaires des plus sincères en souillant leur mémoire. Les faits accumulés dans cet aperçu parlent d’eux mêmes. Nous espérons que la liste des anarchistes victimes du pouvoir communiste en Russie sera la plus positive conclusion de cet ouvrage.

(NDLR : suit une liste de 181 anarchistes tués ainsi que des résumés des circonstances et de leurs actions.)


[1] Ayant besoin du concours de l’armée partisane révolutionnaire makhnoviste pour combattre Wrangel, le pouvoir soviétiste fit, au début d’octobre 1920, un contrat avec Makhno. D’après un des paragraphes de l’accord, les anarchistes devaient être remis en liberté et obtenir le droit de militer ouvertement. Après la victoire sur Wrangel, le pouvoir soviétiste attaqua traîtreusement Makhno et démolit à nouveau le mouvement anarchiste en Ukraine. Circonstances typiques : aussitôt que la défaite de Wrangel fut inévitable, quelques jours avant, la station centrale radiotélégraphique de Moscou télégraphia à toutes les stations de province l’ordre gouvernemental d’interrompre tous les appareils excepte les deux centraux à Kharkow et en Crimée pour recevoir un télégramme secret urgent. L’ordre d’interruption ne fut pas exécuté par un sympathisant libertaire au service d’une des stations radiographiques de province. Il intercepta le télégramme suivant : « établir l’effectif de tous les anarchistes en Ukraine, particulièrement dans la région makhnoviste. Lénine ». Quelques jours plus tard, presque à la veille de l’acte de répression fut communiqué dans les mêmes conditions le télégramme suivant : « Exercer surveillance active sur tous les anarchistes et préparer documents autant que possible de caractère criminel d’après lesquels on pourrait mettre en accusation. Tenir documents et ordre secrets. Envoyer partout instructions nécessaires ». Quelques heures plus tard suivit le troisième et dernier laconique télégramme « Arrêter tous les anarchistes et les incriminer ».

Tous ces télégrammes furent adressés au président du conseil des commissaires du peuple en Ukraine Rakowsky, et au nom d’autres représentants, civils et militaires des pouvoirs en Ukraine.

Après le troisième télégramme, un des camarades au courant des faits partit en hâte pour Kharkow, afin de prévenir les anarchistes dé cette ville du saccage en préparation. Il arriva trop tard : le saccage fut accompli. Tel était le « complot » des anarchistes ukrainiens contre le pouvoir soviétiste.

[2] On peut trouver des détails de cet acte ainsi que la caractéristique de ces auteurs dans le fameux « Livre rouge de la Ve-Tché-Ka ». Ce fut le pouvoir soviétiste lui-même qui retira ce livre de la circulation, entré autres raisons parce que, selon les propres paroles de Lénine : « Il y est dit trop de bonnes vérités sur les anarchistes… « 

DEUXIEME PARTIE :

LES VICTIMES DU POUVOIR COMMUNISTE

(PDF issus du site antymythe)

Le but de la présente brochure étant de divulguer, à l’appui de faits, les persécutions du pouvoir soviétiste contre l’idée anarchiste, dans la liste ci-jointe nous ne parlons pas des personnes persécutées pour des actes d’expropriation ou similaires.

Chapitre 1: Fusillés, tués et morts en prison

http://cnt-ait.info/wp-content/uploads/2024/01/repression_anarchisme_russie_2_1-fusilles-tues-en-prison.pdf

 1- ALEXEIEFF: Ouvrier métallurgiste de l’usine Troubny à Samara. Avec famille. Anarchiste avant

1917. Depuis 1917 militait dans la Fédération de Samara. En 1918 arrêté par les bolcheviks. A l’approche des troupes tchécoslovaques, les anarchistes de Samara tentèrent de libérer leurs camarades de la prison. Alexeieff, qui était parmi les emprisonnés, fut tué par les communistes dans la fusillade. Le lendemain les autorités soviétistes abandonnèrent la ville.

 2. ANGARETZ: Ouvrier. Etait aux travaux forcés pour la révolution de 1905. En avril 1917 fut un des initiateurs de la Conférence des Anciens Forçats Politiques (qui eût lien à Moscou). Le sujet de la conférence fut la guerre. La conférence adopta la résolution proposée par lui et quelques autres anarchistes pour le boycottage de la guerre. En juin 1919 fut arrêté dans les environs d’Alexandrovsk, étant soupçonné d’agitation contre le pouvoir soviétiste. Fut transporté à Kiew et fusillé sur un arrêté de la Tcheka.

3- ARONTCHIK: Ouvrier. Anarchiste avant 1917. Militait dans la Fédération Anarchiste “Nabat” à Goulai-Polié et en d’autres villes de l’Ukraine et de la Grande Russie. Fut arrêté plusieurs fois par les bolcheviks. A sa dernière détention fut libéré conformément au contrat des partisans révolutionnaires (makhnovistes) avec le pouvoir soviétiste et partit pour la région de Goulaï-Polié pour s’y adonner à un travail d’éducation. En novembre 1920, après le traitreux coup de main contre les anarchistes de l’Ukraine, il disparut. D’après les informations; fut fusillé par le pouvoir communiste.

 4- BARANOWSKY Alexandre: Ouvrier cordonnier. Depuis 1917 militait à Ekaterinoslaw. Lors de l’occupation de l’Ukraine par les Allemands alla combattre dans l’armée rouge. En 1910 fit partie du groupe libertaire illégal à Moscou et fut un des auteurs de l’attentat du local du Comité de Moscou du parti communiste russe. Fussillé dans cette ville.

5- BARON Fanny: Ouvrière. Militante anarchiste depuis plus de dix ans. Membre de la Confédération des Organisations anarchiste de l’Ukraine “Nabat”, Pendant la réaction tzarist avait émigré en Amérique où elle prit part au mouvement ouvrier. Marchait dans les premier rangs à la manifestation des Sans- Travail à Chicago (Janvier 1915) et y fut assommée de coups par la gendarmerie. Par la suite, ses photographies, à titre d’anarchiste, parurent dans toute la presse bourgeoise de Chicago. Fut membre du Groupe international de propagande des idées libertaires. Arrêtée plusieurs fois en Amérique comme anarchiste. En été 1917 revint en Russie. Prit une part active à toutes les phases de la révolution russe. En novembre 1920, au moment des battues générales contre les anarchistes fut arrêtée à Kharkow et détenue quelque temps à Moscou. Par la suite transférée à la prison de Riazan, s’en est évadée avec d’autres anarchistes. En janvier 1921 fut arrêtée à Moscou et, par arrêté de la Tcheka, fut fusillée comme complice dans les actes criminels antisoviétistes avec lesquels elle n’avait en réalité rien de commun.

6- BOCOUCHE: Ouvrier anarchiste. Déporté de l’Amérique avec Emma Goldman, A. Berkman et autres. Durant l’accord des makhnovistes avec les bolcheviks (novembre 1920) est allé au camp makhnoviste pour y étudier le mouvement sur place. A cause de la rupture qui survint bientôt, ne resta à Goulaï-Polié que 5 à 6 iours et rentra à Kharkow sitôt le début des hostilités. Malgré cela, y fut immédiatement arrêté et sur ordre de la Tcheka fusillé en mars 1921. Ce fait ne peut être expliqué que par le désir des bolcheviks de supprimer tout témoin oculaire de leur coup de main traitreux contre les makhnovistes pendant l’accord.

7- BOURBYGA: Ouvrier. Anarchiste. Dans les rangs des partisans révolutionnaires à partir de 1919. Commandait un détachement dans la lutte contre Denikine. Fut, avant tout, soldat de l’armée révolutionnaire, ne s’occupant pas de “politique”. Par suite de l’ordonnance n°1824 de Trotzky déclarant le mouvement makhnoviste hors la loi, le 12 Juin 1919 fut saisi par les bolcheviks sur le front et fusillé à Kharkow le 17 Juin.

8. DVIGOMIROFF: Ouvrier métallurgiste. Après la révolution de 1905 émigra en Amérique où il prit part au mouvement ouvrier et anarchiste. En 1917 revint en Russie et militait constamment dans le sein des masses comme propagandiste et organisateur. Fit à pied la majeure partie de l’Ukraine et de la Grande Russie, toujours en organisateur et propagandiste anarchiste infatigable. Arrêté plusieurs fois par le pouvoir soviétiste. En dernier, militait parmi les paysans du gouvernement de Tchernigoff. Organisa de multiples coopératives paysannes de travail. Dans le gouvernement de Tchernigoff, la Tche-ka tenta plusieurs fois de l’arrêter, mais les paysans le cachaient. En 1921, Dvigomiroff arrive à Novozybkow pour prendre part à une conférence de paysans “sans parti”. Au retour, fut saisi dans un champ par les agents du pouvoir soviétiste et fusillé sur place.

9- GAVRILENKO: Ouvrier. Anarchiste. Aux premiers jours de la lutte des partisans révolutionnaires en Ukraine, entra dans le mouvement et y resta jusqu’au bout. Commandait des détachements parti- sans sur le front contre Denikine. Joua un rôle éminent dans la débâcle de ce dernier en automne 1919. Resta pendant toute l’année 1920 emprisonné par les bolcheviks à Kharkow. En octobre 1920, lors de l’accord des bolcheviks avec les makhnovistes, fut libéré. Se rendis immédiatement sur le front contre Wrangel en Crimée, il dirigea les combats de l’armée makhoviste. Le 25 novembre 1920, fut traîtreusement saisi par les bolcheviks avec tout le commandement à Sébastopol et quelques jours plus tard fusillé. Eminent talent militaire.

10- GRAVILOFF Jean: Ouvrier. Anarchiste. Arrêté en 1918. Lors du transfert des détenus politiques de la prison de Boutyrki (Moscou), fut emmené, le 26 Avril 1921, à la prison de Riazan, d’où il réussit à s’évader avec 9 autres anarchistes. Repris en septembre .1921, fusillé avec Léon Noir et autres.

11- GORDEIEFF: Ouvrier à l’usine d’armement d’Ijevsk, secrétaire du groupe anarchiste de cette ville. Délégué à la conférence des anarchistes de la région de Kama qui eut lieu à Sarapoul. Jouissait d’une grande sympathie parmi les ouvrière de son usine. Ayant refusé de se soumettre à un humiliant règlement de l’usine, fut par arrêté de la Tche-ka, fusillé.

12- GOTMAN Joseph (Joseph l’Emigrant): Ouvrier. Emigra de bonne heure en Amérique. Devint dans ce pays anarchiste et y prit part active au mouvement libertaire russe et hébreu. Revint en Russie après la révolution de Février où il se consacra dans le sud à un actif travail libertaire. Organisateur éminent. Prit part à la guerre partisane contre l’hetman Skoropadsky. Un des plus énergiques militants de la Confédération des organisations anarchistes de l’Ukraine “Nabat” et membre du secrétariat. Emprisonné plusieurs fois par les bolcheviks comme anarchiste. En septembre 1920 se rendit avec d’autres camarade de Kharkow à Starobelsk chez Makhno, étant invité par le gouvernement sovietiste de l’Ukraine a mené les pourparlers avec Makhno pour l’action commune contre Wrangel. Chemin faisant disparut sans trace avec deux aures camarades de la région de Millerovo. En même temps la section spéciale de Kharkow répondait aux demandes d’information que les trois se trouvaient à Starobelsk. D’après les renseignements recueillis par la suite, Gotman fut en route traîtreusement tué par les agents du pouvoir soviétiste. – 2/6 –

13- GRATCHOFF: Anarchiste. Commandant du régiment de Dvinsk. A l’époque de Kerensky fut emprisonné avec tout son régiment, pour le refus de participer à l’offensive impérialiste sur le front austro-allemand. Dans la révolution d’Octobre joua un rôle décisif à Moscou en délogeant les «cadets» de tous leurs points d’appui importants. Les bolcheviks, voyant en lui une forte personnalité d’opposition qui jouissait d’une grande influence sur les troupes révolutionnaires, le firent appeler sous un prétexte quelconque à Nijni-Novgorod où il fut tué soi-disant par mégarde par un soldat inconnu.

14- KACHIRINE Tikhone: Ouvrier, plusieurs fois arrêté avant 1920 comme socialiste révolutionnaire de gauche. Anarchiste depuis 1920. Arrêté à Moscou le 8 mars 1921, au moment du pogrom contre les anarchistes. Se trouvant détenu dans la prison intérieure de la Ve-Tche-ka, fut, à la suite d’une violente protestation (“obstruction”), roué de coups jusqu’à perte de connaissance et de la voix; passa une nuit entière dans les souterrains, sur la glace. Après le transfert de la prison de Boutyrki fut emmené à Iaroslaw, puis déporté à Tzarévokokchaisk d’où il s’évada. Repris en Septembre par la Tche-ka à Moscou. Fusillé avec Léon Noir comme «faux monnayeur et anarcho-bandit».

15- KARETNIK Siméon: Paysan pauvre de Goulaï-Polié. Anarchiste. Un des combattants les plus actifs dans la lutte partisane révolutionnaire du domaine d’Azow. Ne sortait plus des combats depuis mi-1918: d’abord contre les troupes austro-allemandes, puis contre celles de l’hetman et de Petlioura, ensuite contre celles de Denikine. Cinq fois blessé. En automne 1920 commandait toute l’armée makhnoviste qui luttait contre Wrangel en Crimée. Passa le détroit de Sivach, contournant ainsi l’isthme de Pérékop par le flanc gauche, ce qui détermina l’issue heureuse de la bataille. Occupa Simferopol et plusieurs autres villes dans l’intérieur de la Crimée. Après la défaite de Wrangel, les autorités soviétistes le firent appeler à Goulaï-Polié, soi-disanst pour assister à une conférence militaire. Pendant le, voyage qu’il fit, escorté seulement de quelques hommes, les bolcheviks tombèrent traitreusement sur lui et, quelques jours après, le fusillèrent à Melitopol.

11- KARTACHOFF Jean: Jeune ouvrier. Actif propagandiste anarchiste dans le mouvement ukrainien. Membre de la Confédération “Nabat”. Comme anarchiste figura un an et demi sur la “liste noire” des bolcheviks, c’est-à-dire ne pouvait s’embaucher dans aucune entreprise. Durant le contrat du pouvoir soviétiste avec les mackhnovistes, il se rendit dans la région partisane; dans le but d’y faire un travail d’éducation. N’y resta que quelques jours et, par suite de la rupture du contrat, revint à Kharkow. En route, il fui saisi par les bolcheviks avec sa compagne et, d’après les informations, tous les deux furent tués à coups de sabre.

17- KHODOUNOFF: Ouvrier de l’usine téléphonique de Moscou. Président du Comité de l’usine. Fut au bagne comme socialiste-révolutionnaire pour la révolution de 1905. Anarchiste depuis 1917. Jouissait de la confiance et d’une très grande sympathie parmi les ouvriers de l’usine. Pendant les événements d’Octobre passait jour et nuit à combattre les «cadets?» étant dans les rangs du régiment de Dvinsk. En avril 1918, lors du pogrom organisé par le pouvoir soviétiste contre les organisations libertaires à Moscou, fut arrété et tué dans un réduit de la Tche-ka. Lorsque les ouvriers de son usine exigèrent son cadavre, la Tche-ka tâchant de dissimuler le crime, le cacha pendant trois jours. Finalement, les ouvriers par leur insisitance finirent par obtenir sa dépouille; ils y constatèrent: une balle dans la tempe, figure brûlée, bras tordus et autres traces de tortures. Dans un compte rendu de journal, la Tche-ka annonça que Khodounoff fut tué dans la rue parce qu’il avait tenté de fuir.

18- KORTNEVA Lydia surnommée “Grand-mère”: Condamnée par le gouvernement du tzar comme socialiste-révolutionnaire à la déportation perpétuelle en Sibérie où elle devint anarchiste. Au début de la révolution de 1917 militait dans la Fédération anarchiste de Kraisnoiarsk, ensuite, à Kazan. Mi-1919 fut arrêtée sur un ordre de la Tche-ka de Moscou par celle de Kazan et mourut un peu plus tard du typhus en prison.

19- KOVALEVITCH Casimir: Cheminot. Participa activement à la Fédération anarchiste de Moscou. Agitateur et organisateur très doué. Eut un rôle révolutionnaire éminent aux jours d’Octobre étant, membre du Comité révolutionnaire des Cheminots à Moscou et du Comité central panrusse de l’Union des Cheminots. En 1919, entreprit une lutte active contre le pouvoir “communiste”. Prit part à l’attentat de Léonliewsky -Péréoulok à Moscou, en septembre 1919. Tué dans la rue en se défendant contre ceux qui voulaient l’arrêter. – 3/6 –

20- LEPETCHENKO Alexandre: Paysan. L’un des partisans révolutionnaires les plus actifs depuis I’été 1918. Dirigeait des détachements partisans contre les troupes austro-allemandes et l’hetrnan avant l’apparition de Makhno, plus tard entra dans les rangs de l’armée maknoviste. Au printemps 1920, ayant refusé l’offre d’entrer au service des bolcheviks fut par eux fusillé. Sous le tzarisme fut déporté comme anarchiste.

21- MAHHNO Sawa: Paysan de Goulaï-Polié, frère de Nestor Makhno, l’animateur des partisans révolutionnaires en Ukraine. Homme âgé. Prit part à la lutte contre les troupes d’occupation austro- allemandes, contre l’hetman, Petlioura et Denikine. Au printemps 1920 fut pris dans sa maison par les bolcheviks à Goulaï-Polié fusillé. Fut exclusivement, exécuté parce que frère de Nestor Makhno, car il ne s’était jamais et en rien manifesté contre les bolcheviks. Laissa une famille nombreuse.

22- MIKHALEFF-PAVLENKO: Ancien officier technique. Membre de l’organisation anarchiste de Petrograd. En 1919 arriva dans la région des partisans dans le but d’organiser des compagnies de génie dans l’année de Makhno. En juin 1919, à l’offensive générale de Denikine, combattit héroïquement contre, un ennemi de beaucoup supérieur. Fit deux contre-attaques contre les troupes de Denikine et les délogea de Goulaï-Polié. Le 12 juin fut traitreusemenf saisi par les bolcheviks sur le front et fusillé à Kharkow, avec Bourbyga le 17 juin 1919.

23- POPOFF Victor: Jeune ouvrier, matelot. Ancien socialiste-révolutionnaire de gauche. Lutta activement dans le sud contre Denikine avec son détachement de socialistes-révolutionnaires. Tomba dans la région de Makhno, entra dans son armée et devint anarchiste. En octobre 1920 fut membre de la délégation makhnoviste chargée des pourparlers pour le contrat militaire et politique avec le pouvoir soviétiste. Fut arrêté avec toute la délégation à Kharkow en novembre 1920 lors du coup de main traîtreux des bolcheviks contre les anarchistes et partisans révolutionnaires. Fusillé à Moscou en 1921.

24- POTEKHINE Vladimir: Ouvrier typographe. Anarchiste-associationniste. Participa au mouvement avant 1917. En 1919, pendant les battues du pouvoir soviétise contre les anarchistes en Grande Russie, fut arrêté en province et “condamné” au camp de concentration, « jusqu’à la fin de la guerre civile”, comme «anarchiste-individualiste» (inculpation notée dans le passeport). Resta au camp avec Léon Noir, dont il fut disciple et ami, libéré fin janvier 1921, fut repris le 8 mars de la même année et libéré à nouveau sous condition de partir dans la région d’Oural et de s’y installer dans la localité que la Tche-ka devait lui indiquer. Par la suite habita illégalement à Moscou. En septembre 1921 fut arrêté pendant qu’il était malade du typhus. Fusillé comme «faux monnayeur et anarcho-bandit».

25- RYBINE Pierre (Zonoff): Ouvrier métallurgiste. Travailleur apportant tous ses soins à l’activité syndicale. Prît part active à la révolution de 1905. Par la suite émigra en Amérique et y participa énergiquement au mouvement ouvrier. En 1917, revint en Russie et, durant trois ans, exécuta de jour en jour un travail méticuleux dans les organisations ouvrières professionnelles. Fin 1917, les ouvriers d’Ekaterinoslaw le déléguèrent à la conférence métallurgiste d’Ukraine pour la restauration de l’industrie et du transport. La conférence adopta le programme de Rybine. Sur l’invitation des bolcheviks, il resta à Kharkow et travailla dans l’union métallurgique et dans d’autres institutions centrales industrielles. Mais il trouve, en été 1920, qu’il est impossible de servir honnêtement les intérêts de la classe ouvrière dans les conditions de la dictature communiste, même comme simple travailleur dans les organisations professionnelles, car, disait-il, les bolcheviks tournent tout leur front contre les ouvriers et les paysans. Il part au camp des makhnovistes pour y étudier le mouvement sur place. S’y consacre à un travail d’éducation. Plus tard est élu secrétaire du Conseil des partisans révolutionnaires. Toute l’affaire du contrat des bolcheviks avec les makhnovistes, ainsi que l’attaque traîteuse du pouvoir soviétiste contre les anarchistes et les partisans passèrent par ses mains. En janvier 1921, arrivé à Kharkow, il se proposait, d’appeler par téléphone Rakovsky (président du Conseil des commissaires de l’Ukraine) et de lui communiquer tout son dégoût, pour l’acte traîtreux accompli. Cinq jours après son arrivée à Kharkow il fut épié, arrêté et fusillé en mars. Indubitablement, il ne fut pas fusillé pour une activité antisoviétiste définie dans les rangs makhnovistes, son activité se bornant à un travail d’éducation et ayant, lieu durant le contrat entre les partisans et le pouvoir soviétiste. Il fut supprimé, car il avait entre ses mains une énorme documentation démasquant la perfidie et la traîtrise du pouvoir soviétiste qu’il jeta franchement et sans peur à la face des autorités. – 4/6 –

26- SAPIAN: Ouvrier. Au temps tzariste passa plus de 10 ans au bagne pour sa participation à la révolution de 1905. Après la révolution de 1917, oeuvrait en Ukraine comme organisateur des forces combatives contre la réaction. En 1920, lors de l’offensive de Wrangel, fut membre du Comité révolutionnaire clandestin en Crimée. Dans la même année, arrêté par le pouvoir soviétiste à Kharkow, fut libéré sur l’instance des membres du Conseil des commissaires du peuple àn la Crimée (formé à Kharkow). Périt avec Gotman Joseph et Soukhovolsky Jacob.

27- SCEREDA: Paysan anarchiste, fut commandant dans l’année makhnoviste. En automne 1920, lorsque les makhnovistes s’unirent avec les bolcheviks dans la lutte contre Wrangel, il reçut dans un des combats une décharge en pleine poitrine, et une des balles resta dans le poumon. Devant la nécessité d’une opération sérieuse il vint à Kharkow, considérant sa vie sous la sauvegarde du contrat signé par les autorités sovi-tistes. Or, une semaine après, lors du coup de main des bolcheviks contre les anarchistes, fut enlevé de l’hôpital et jeté en prison. En mars 1921, sur arrêté de la Tche-ka, fusillé. A remarquer qu’en octobre 1919, les makhnovistes ayant occupé Ekaterinoslaw laissèrent intacts tous les soldats sans distinction de grade appartenant à Denikine et autres, se trouvant en traitement dans les hôpitaux. Le général Slatstchoff (général denikinien, aujourd’hui général soviétiste) qui s’empara de cette ville un peu plus lard, extermina tous les makhnovistes blessés dans les hôpitaux. Les communistes firent mieux: ils fusillèrent un homme qui, d’accord avec eux, combattait Wrangel et qui, blessé, cherchait secours chez eux comme chez les siens.

28- SIDELNIK Chaia (SIDELNIKOFF Alexandre): Métallurgiste. Anarchiste depuis 1905. Militait dans La région de Bielestok. Fin 1906 émigra en Amérique. En 1908 revint en Russie et continua la propagande libertaire. Fut arrêté dans la même année et condamné par la cour d’assises de Vilna à 8 ans de travaux forcés qu’il purgeait dans la prison de Riga. Libéré par la révolution de 1917 continua à militer dans les rangs anarchistes. Au début de 1919, à l’un des accès “pogromistes” du pouvoir soviétiste contre les libertaires fut arrêté et fusillé.

29- SOKOLEFF Pierre: Anarchiste. L’un des membres du groupe anarchiste clandestin ayant ac- compli l’acte terroriste connu du Leontiewsky Péréoulok à Moscou (1919). Le «Livre Rouge» publié par la Ve-Tche-ka donne une idée suffisamment claire sur cette affaire ainsi que sur ses auteurs. Dès son apparition ce livre fut retiré de la circulation par les bolcheviks qui se ravisèrent, Lénine lui-même ayant dit que ce livre contenait “trop de bonnes, vérités sur les anarchistes”. Tué, au moment de son arrestation, parce qu’il ne voulait pas se rendre.

30- SOUKHOVOLSKY Jacob («lacha Aliy»): Typographe. Sous le régime tzariste purgea les travaux forcés et la déportation pour sa participation à la révolution de 1905. S’enfuit à l’étranger. Prit part au mouvement libertaire en Angleterre et en Amérique. Revint en Russie après la révolution de Février 1917. Milita activement dans le mouvement anarchiste en Ukraine. Fut l’un des fondateurs de la Confédération des organisations anarchistes de l’Ukraine “Nabat”, membre de son secrétariat et l’un de ses militants les plus énergique. Périt avec Gotman Joseph.

31- TCHORNY Lev (Léon Noir) (Paul Tourtchaninoff): Intellectuel «prolétaire». Etait dans le mouvement anarchiste depuis 20 ans. Au temps de la réaction tzariste purgea pour ses idées libertaires les travaux forcés et la déportation. Auteur d’un grand ouvrage original: L’Anarchisme associationniste, publié en 1907. Au début de la révolution de 1917, revint de Sibérie à Moscou où il prit immédiatement place parmi les militants actifs de la révolution sociale. En 1917, fut l’un des organisateurs de la “Fédé- ration des Travailleurs Intellectuels” qui avait pour but l’unification du prolétariat intellectuel sur une base de classe et de production. Plus tard travailla longtemps comme secrétaire dans la Fédération des groupes anarchistes de Moscou. Pendant cette période son champ d’action fut principalement de tenir des conférences et de collaborer aux journaux. Dans cette oeuvre il était apprécié de presque tout le Moscou ouvrier. Profitant de sa délicatesse et de sa bonté infinie, le pouvoir soviétiste lui dépêcha deux agents de la Tche-ka de Moscou, Steiner et un chauffeur à l’aide desquels elle le lia artificiellement à une affaire truquée de fabrication de faux billets de banque et le fusilla en septembre 1921. Pendant les années de la révolution, Tchorny composa un grand ouvrage sur les “Intellectuels” qui n’est pas encore publié. Il laissa également certaines études biologiques et philosophiques. – 5/6 –

32- TOUROK: Ouvrier tailleur. Anarchiste depuis 1905. Condamné à 8 ans de travaux forcéss pour sa participation à la révolution de 1905. Libéré en 1917, militait à Moscou, en Oural et en d’autres régions… En 1918, arrêté par les autorités soviétistes et fusillé dans des circonstances restées inconnues.

33- TSESNIK Théodore: Ouvrier métallurgiste de l’usine des locomotives à Kharkow. Membre de l’organisation “Nabat”. Membre du comité de ladite usine. Très populaire parmi les ouvriers. En novembre 1920, jeté dans la prison de Kharkow, y attrapa Ie typhus. Sur les instances des ouvriers de son usine fut libéré mourant (expira deux jours plus tard sans reprendre connaissance).

34-38- VASSILIEFF: Ouvrier. Anarchiste, membre de l’organisation “Nabat”. En juin 1919 arrêté dans les environs d’Alexandrovsk avec Angaretz (mentionné plus haut). Soupçonné d’agitation contre le pouvoir soviétiste, fusillé à Kiew. Avec lui furent exécutés sa femme et trois paysans libertaires du district d’Alexandrovsk dont les noms restèrent inconnus.

Chapitre 2: Emprisonnés et déportés

 39- ALTCHOUL Khaïa: Couturière. Anarchiste, depuis 1917. Arrêtée plusieurs fois par les bolcheviks. En 1921 fut arrêtée à la gare de Moscou et au printemps 1922, sur l’arrêté de la Tche-ka, déportée pour 2 ans dans le gouvernement d’Arkhangel.

40- ASKAROFF Herman (Jakobson): Intellectuel. Dans le mouvement anarchiste depuis plus de 17 ans. En dernier, membre de la section des «Anarchistes Universalistes». Son frère Nicolas fut, comme anarchiste, fusillé en 1906. Herman eut la vie sauve ayant émigré à l’étranger où il prit une part active au mouvement libertaire en qualité de rédacteur aux journaux anarchistes. Pendant la guerre, fut rédacteur d’un journal antimilitariste où collaboraient Domela Nieuwehuis et Malatesta. Revint en Russie au début de la révolution de 1917 et milita de suite énergiquemcnt dans le mouvement libertaire. Fut l’un des rédacteurs de l’Anarchie à Moscou. C’est sur sa proposition que ce journal fut ainsi nommé. Se montrait souvent comme conférencier dans les milieux ouvriers de Moscou où il était très connu. En cherchant de nouvelles voies pour la pratique libertaire, fin 1920, organisa avec d’autres camarades la section «Panrusse des Anarchistes Universalistes» qui prit, par rapport au pouvoir soviétiste, une attitude contenue et modérée. Ceci ne les préserva pas des persécutions. Fin 1921, tout le secrétariat de la section fut arrêté, y compris Askaroff. Sans aucune accusation fut détenu plusieurs mois dans les prisons de Moscou. Recourut à une grève de la faim prolongée. D’après les dernières nouvelles, déporté dans le gouvernement d’Arkhangel.

41- AVROUTZKAIA Fanny: Employée de bureau. Anarchiste. Membre de l’organisation Nabat. Emigrée, resta longtemps à Paris. Après 1917, revint en Russie et participa activement au mouvement libertaire à Kiew, Kharkow et dans d’autres villes. Plusieurs fois arrêtée par les bolcheviks. En Novembre 1920 emprisonnée à Kharkow comme anarchiste et transférée parmi les 40 à Moscou. Lors du transfert des politiques de la prison de Boutyrki fut rouée de coups. Jusqu’à ces temps derniers se trouvait dans la prison centrale d’Orel.

42- AVROUTZKAIA Sophie: Couturière. Anarchiste. A l’étranger jusqu’en 1917. Revint en Russie et milita activement dans less organisations «Nabat». Plusieurs fois arrêtee par les bolcheviks. En 1920, milita à Kiew, évita l’arrestation par pur hasard. Arrêtée en 1921, après plusieurs mois de détention fut déportée dans le gouvernement de Vologda.

43- BARMACH Vladimir: Agronome. Depuis 20 ans dans le mouvement anarchiste. En 1906-1907 emprisonné pour ses idées libertaires. Depuis1917 militait activement dans les organisations anarchistes et fut l’un des organisateurs de la grande maison d’éditionde la Fédération Anarchiste de Moscou. Participa énergiquement à la révolution d’Octobre. Orateur populaire éminent et infatigable, jouissant d’une grande sympathie parmi les ouvriers de Moscou et de la province. Membre de la «Section des Anarchistes universalistes». Fin 1921, arrêté avec d’autres membres de cette section de Moscou et – 1/9 – plusieurs mois détenu sans accusation. D’après les dernières nouvelles, déporté dans le gouvernement de Kostroma.

44- BARON Aron: Révolutionnaire dès la première jeunesse. Membre de l’Union des boulangers. Au temps tzariste fut déporté en Sibérie d’où il s’évada et émigra aux Etats-Unis, il y participa activement au mouvement ouvrier en militant parmi les travailleurs russes et en prenant également part à la lutte des ouvriers américains. En 1915, pendant la manifestation des Sans-Travail à Chicago, marchait au pre- mier rang et fut, de même que sa compagne, Fanny Baron, roué de coups par la gendarmerie. II y rédigeait avec Lucy Parsons la feuille libertaire Alarm. En juin 1917 revint en Russie et se voua entièrement à la révolution. Il était très connu des ouvriers et des paysans en Ukraine comme conférencier infatigable. Très populaire parmi ouvriers de Kiew. L’Union professionnelle des boulangers de cette ville I’envoya comme délégué au Soviet. Participa aux combats contre le général Kaledine, précurseur de Denikine. Membre du secrétariat de la Confédération Anarchiste “Nabat”. En automne 1919 arrêté à Moscou et sans aucun motif détenu dans les souterrains de la prison de cette ville, il en sortit la santé compromise. En novembre 1920 fut arrêté de nouveau à Kharkow, à son arrivée à la conférence légale des anarchistes. Reste jusqu’à ce jour en prison sans aucune accusation. Fit sans résultat une grève de la faim de 11 jours dans la prison d’Orel. Après avoir fusillé sa compagne à Moscou, les bolcheviks tentèrent également de le tuer. Sa cellule fut mitraillée alors qu’il reposait sur son lit. Heureusement, il s’en tira intact, mais sa vie n’en est pas moins continuellement menacée.

45- BELAIEFF: Ouvrier. Anarchiste. En 1921, emprisonné à Boutyrki comme libertaire. Le 26 avril 1921, lors de l’évacuation générale des détenus politiques de Moscou, transféré en province. Situation ultérieure inconnue.

46- BIRULINE Michel: Ouvrier. Anarchiste. En 1920, avec des bolcheviks, membre du Comité révolutionnaire illégal à Irkoutsk (qui arrêta Koltchak). En automne 1920 arriva à Kharkow. En novembre 1920, lors des arrestations en masse, fut arrêté, et reste sans aucune accusation jusqu’à ce jour dans la prison de Vladimir. Atteint de phtisie pulmonaire, sa vie est gravement menacée.

47- BRONIA: Couturière. Anarchiste avant 1917. Comme telle, arrêtés plusieurs fois par les bolcheviks. Actuellement poursuivie pour le même motif.

48- CHAPIRO Israël (Alexandre): Ouvrier chapelier. Depuis 1911 militait dans le «Bund». Entra dans les rangs anarchistes en 1914. Avant la révolution militait à Ekaterinoslaw et à Samara. En 1916 contri hua à l’organisation d’une imprimerie illégale à Saratow. Au début de la révolution militait dans ces villes et y prit une part active aux événements d’Octobre. Fut l’un des organisateurs du détachement partisan luttant contre Doutoff. Collabora au journal Tchernoié Znamia (Drapeau Noir) à Samara. Arrêté en 1919; resta près d’un an dans la prison de Boutyrki et ne fut libéré qu’après une grève de la faim prolongée. Militait par la suite à Moscou où il était membre du secrétariat de la section des anarchistes universalistes. Collabora au journal l’Universel. Repris avec d’autres Universalistes le 1er novembre 1921. Après une grève de la faim prolongée, déporté à Vologda.

49- CHAPIRO Rachel: Anarchiste. Subit plusieurs arrestations. Pour la dernière fois arrêtée par la Tche-ka de Moscou en 1921. En 1922 déportée à Arkhangel pour deux ans.

50- CHKOLNIKOFF Elie: Anarchiste. Arrêté par la Tche-ka de Moscou en 1921. En 1922, déporté pour 5 ans dans le gouvernement d’Arkhangel.

51- CHLAKHOVOÏ Antoine: Jeune paysan. Anarchiste. Etudiait dans une école agricole. Membre de l’organisation Nabat. Militait parmi les paysans du district de Romny. Se rendait avec d’autres délégués à la confèrence anarchiste légale de Kharkow (fin 1920). Y fut arrêté et transféré à Moscou parmi les 40. Lors de l’évacuation fameuse de Boutyrki (26 avril 1921) échut dans la prison d’Orel d’où il s’évada, fut bientôt repris. Reconnu par la commission médicale comme phtisique. Situation ultérieure inconnue.

52- EPHIME: Membre du groupe de la jeunesse anarchiste Nabat à Elisabethgrad. En 1918 lutta activement dans un détachement partisan libertaire contre l’hetman Skoropadsky. Arrêté plusieurs fois par le pouvoir soviétiste. En prison fin 1921. Situation ultérieure inconnue (Voir n°91). – 2/9 –

53- FOMINE: Anarchiste avant 1917. Au temps tzariste travailliait dans les colonies organisées par les disciples de Tolstoï. Depuis 1917 militait dans le mouvement professionnel et libertaire. Dans les derniers temps avant son arrestation, était membre du Conseil des Unions professionnelles du gouvernement de Simbirsk. Fut délégué à Moscou à la conférence pan-russe des Unions professionnelles. En été de la même année: arrêté à la gare de Moscou où il arrivait pour remplir une mission du Conseil des Unions de Simbirsk. Fin 1921, déporté pour un an, comme anarchiste, dans le gouvernement d’Ar- khangel.

54- GALAIEVA Nastia: Fille d’ouvrier d’Ekaterinoslaw. Par ses efforts et sa persévérance devint institutrice des écoles primaires. Dans le mouvement anarchiste depuis 1905-1906. Arrêtée en 1908 comme membre d’une organisation libertaire et condamnée aux travaux forcés d’où elle fut déportée en Sibérie en 1915. Fragile de par sa nature, elle en revint avec la santé complètement ruinée et un début marqué de phtisie pulmonaire. Malgré cela, elle se voua immédiatement à la cause révolutionnaire, y trouvant l’unique sens de sa vie. Bientôt un coup douloureux lui fut porté: son compagnon, Paul Arsen- tieff, bien connu dans les milieux libertaires, fut tué sous ses yeux par la soldatesque de Petlioura. Quoique brisée physiquement et moralement, elle continua à aider les camarades dans leur œuvre de toutes ses forces. C’est surtout avec sa camarade Olga Taratouta quelle œuvrait dans les organisations de la Croix-Rouge dont le rôle salutaire fut grand aux jours de la réaction. Dans cette tâche, elle sauva la vie de plus d’une dizaine de communistes. En novembre 1929, arrêtée par les communistes à Kharkow resta emprisonnée plusieurs mois sans aucun motif d’accusation. Ce n’est qu’après les déclarations réitérées des médecins de Moscou, affirmant que Galaieva, dans l’état aigu de sa maladie, vivait ses derniers jours, qu’elle fut conditionnellement libérée sous surveillance spéciale de la Tche-ka de Moscou.

56- GANCHINA E.: Etudiante à la deuxième Université de Moscou. Membre du secrétariat des Etudiants Anarchistes Unifiés de Moscou. Les buts de cette organisation furent: 1- auto-culture intellectuelle des étudiants anarchistes; 2- la propagande des idées libertaires, surtout parmi Íes étudiants, à l’aide de conférences, de causeries et de création de clubs; 3- organisation de cours libres anarchistes, etc… Le 18 mars 1921 arrêtée par la Ve-Tche-ka à la réunion courante du secrétariat avec 5 autres membres de ce dernier et 2 membres de l’unification. Après 5 mois de détention fut déportée pour 1 an à Iarensk (gouvernement d’Arkhangel).

56- GOROKHOFF: Ouvrier. Membre de l’Union des boulangers. Avant 1917, socialiste-révolutionnaire “maximaliste”. En 1917 membre du Comité Exécutif du Soviet de Vladimir. Depuis 1918 anarchiste. Militait à Omsk. En 1921 vint à Moscou et y fut arrêté avec d’autres anarchistes le 8 mars. “Condamné” à 3 ans de réclusion dans le camp de concentration à Novopeskovsk pour “propagande anarcho-contre- révolutionnaire” (terminologie officielle du pouvoir soviétiste). Ayant protesté contre l’administration du camp fut déport à Arkhangel. D’après les informations, finalement fusillé.

57- GOTMAN Lya: Compagne de Gotman Joseph (voir n°16). Ouvrière. Participa au mouvement professionnel et libertaire à l’étranger (Amérique) et en Russie. Collabora à la création et fut membre actif de la Confédération Nabat en Ukraine. Maintes fois arrêtée comme anarchiste par les bolcheviks. En dernier emprisonnée à Kharkow (novembre 1920) lors de l’attaque traîtreuse du pouvoir soviétiste contre les anarchistes et les makhnovistes. Transférée à Moscou, parmi les 40. Détenue dans la prison de Boutyrky. Le 26 avril 1921, au transfert des détenus politiques de cette prison, fut atrocement maltraitée par les Téchkistes. Supporta plusieurs grèves de la faim prolongées. Sans aucune accusation, reste détenue dans une des prisons de la province.

58- GRITZ: Ouvrier typographe. Anarchiste depuis 1917. En 1919 arrêté à Samara pendant le po- grom contre les anarchistes et “condamné” jusqu’à la fin de la guerre civile au camp de concentration d’où il s’évada. Le 8 mars 1921, repris à Moscou et transféré avec Marc Kogan à Samara où tous deux furent “condamnés” par la Tche-ka de cette ville à être fusillés comme “anarcho-contre-révolutionnaire” (terminologie officielle du pouvoir soviétiste). Resta jusqu’en fin 1921 dans la perspective d’être fusillé. Situation ultérieure inconnue.

59- IAROCHEVSKAIA Rebecca: Anarchiste. Couturière. Au temps tzariste, en 1905, arrêtée à Varsovie avec les groupes libertaires de cette ville, de Lodz et de Biélostock. Dans un grand procès anarchiste qui eut lieu à Varsovie en 1908, condamnée à 10 ans de travaux forcés qu’elle fit dans les prisons de -3/9 – Lomja et de Samara. Libérée par la révolution de 1917, participa à l’oeuvre anarchiste dans plusieurs villes de Russie. Au début de 1919 arrêtée par la Tché-ka de Moscou. S’évada un peu plus tard du camp de concentration. En1920, reprise à Kharkow. Comme anarchiste, reste détenue près de 3 ans dans les prisons soviétistes. Son compagnon, Benjamin Epstein, également anarchiste, fut saisi et férocement torturé jusqu’à perte de la vie par les Denikinintzi, en 1919, à Kharkow.

60- ISSAIEVA Catherine: Etudiante aux cours d’agronomie de Golitzine. Membre du secrétariat des Anarchistes Unifiés de Moscou. Le 18 mars 1921 arrêtée à la réunion courante du secrétariat. Après 5 jours de détention, déportée dans le gouvernement d’Arkhangel, à Pinega, pour 1 an.

61- KABASS-TARASSAK Jean: Ouvrier. Anarchiste avant 1917. Milita dans les unions ouvrières russes aux Etats-Unis. Revint en Russie après la révolution de 1917. En 1917-1918, secrétaire de la Fédération anarchiste d’Ekaterinoslaw et membre du Bureau Anarchiste du Bassin du Donietz. En 1919, secrétaire du groupe anarchiste Nabat à Goulaï-Polié. Lors de la razzia contre les partisans makhnovistes fut emprisonné à Kharkow et resta longtemps dans l’attente d’être fusillé. En 1920 libéré et membre du secrétariat des anarchistes de l’Ukraine Nabat. Le 20 novembre 1920 arrêté à Kharkow et transféré avec les autres à Moscou. Au transfert de Boutyrki échut à Riazan d’où il s’évada. Bientôt repris, reste jusqu’à ce jour emprisonné.

62- KALABOUCHKINE: Ouvrier. Au temps tzariste fut longtemps enfermé à Schlusselbourg pour son activité libertaire. Libéré par la révolution de 1917 se donna à nouveau à la cause révolutionnaire. Organisateur très doué et énergique. Après la révolution d’Octobre occupait un poste très important chez les communistes, organisant tout le chauffage à Petrograd et à Moscou. Absorbé par ce travail, ne prit pas part active à l’œuvre libertaire; mais, restant anarchiste convaincu et organisant toute son œuvre sur des bases conformes à ses convictions, se tenait en liaison étroite avec les anarchistes et les aidait. Plus d’une fois persécuté comme anarchiste par le pouvoir communiste. Arrêté définitivement en 1922, reste en prison à Moscou.

63- KAPTZAN: Jeune ouvrier d’Elisabethgrad. Membre de la jeunesse libertaire et de la conférence ukrainienne Nabat. Prit part aux combats contre Denikine. Travaillait surtout pour divulguer la littérature anarchiste dans des conditions extrêmement difficiles. En novembre 1920, lors de l’accord des makhnovistes avec les bolcheviks, fit partie de la commission s’occupant de la mise en liberté des anarchistes conformément à l’accord. Dans une prison, à Ekaterinoslaw si nous nous souvenons bien, il trouva une circulaire secrète de la Tche-ka dans laquelle étaient élaborés en détails tous les procédés de la lutte contre l’anarchisme comme idée et les anarchistes comme individus. La circulaire représentait un document de cynisme policier particulier et était d’un esprit extrêmement réactionnaire. Kaptzan en prit copie. Quelques jours plus tard, lors des arrestations en masse des anarchistes, il fut également, arrêté. Pour avoir pris une copie de ladite circulaire, le pouvoir soviétiste porta contre lui l’inculpation d’espionnage militaire, et au début de 1921 il se trouvait en prison comme condamné à mort. Sa situa- tion ultérieure est inconnue.

64- KARASSIK Alexandre: Membre de l’Union anarchiste de Moscou. Etudiant. En 1916 condamné à mort comme anarchiste. Libéré par la révolution de 1917, militait à Samara. Lors du pogrom des anarchistes de cette ville, arrêté et enfermé à la prison de Boutyrki (Moscou) jusqu’à fin 1920. Libéré et repris par la Tche-ka de Moscou en 1921. Comme anarchiste déporté pour 2 ans dans le gouvernement d’Arkhangel.

65- KHLOPOUNOFF: Ouvrier mineur. Anarchiste avant 1917. Membre de la section des anarchistes- universalistes. En 1920 arrêté à Moscou. Transféré de Boutyrki à Orel où il fut reconnu par une commis- sion médicale comme atteint d’aliénation mentale. Reste en prison jusqu’à ce jour.

66- KNIAZEFF: Ouvrier métallurgiste à la station d’électricité de Moscou. Avec famille. Anarchiste depuis 1904. Participa à l’insurrection de 1905 à Moscou. Depuis 1917 militait dans la même ville. Lors des arrestations qui y eurent lieu en masse en avril 1918 fut emprisonné par les bolcheviks. Libéré sous condition de quitter Moscou, y revint en 1919 et fut très populaire parmi les ouvriers de la station d’électricité centrale. Membre du secrétariat de l’Union des ouvriers anarchistes de Moscou. Maintes fois arrêté. En dernier, étant délégué par les ouvriers de la station à la «Section de défense du Labeur» de l’Union – 4/9 – métallurgiste, après avoir été continuellement persécuté dans ses fonctions, fut emprisonné le 1er novembre 1921.

67- KOGAN Léon (David de Samara): Membre de l’organisation Nabat. Végétarien intrinsèque reçut pour son caractère le surnom de Jésus. Anarchiste avant 1917. Depuis cette date, militait à Samara. Depuis 1918 arrêté maintes fois là fois, ou – plutôt – fut presque toujours emprisonné avec de petits intervalles de liberté. En 1920 s’évada d’un camp de concentration à Kharkow et devint membre du secrétariat Nabat. Le 25 novembre de la même année, lors des arrestations en masse des anarchistes en Ukraine fut emprisonné et transféré parmi les 40 à Moscou. Après le transfert de Boutyrki échoua à Riazan, d’où il s’évada. Repris en 1922.

68- KOGAN Marc: Ouvrier serrurier. Dans le mouvement anarchiste depuis 1917. En 1919, lors du pogrom des anarchistes à Samara, fut arrêté et “condamné” au camp de concentration “jusqu’à la fin de la guerre civile. En 1920, s’évada. Repris le 8 mars 1921 à Moscou. Transféré à Samara et “condamné” à mort comme anarcho-contre-révolutionnaire par la Tché-ka. Grâce aux démarches de quelques communistes en vue, son exécution n’eut pas lieu. Resta emprisonné jusqu’à fin 1921 dans l’attente d’être fusillé. Situation ultérieure, inconnue.

69- KOUCHNAREFF: Ouvrier. Anarchiste. En 1920 déporté de l’Amérique avec d’autres libertaires. Fut membre des Organisations ouvrières russes des Etats-Unis et du Canada. Arrivé en Russie, il n’eut pas même le temps de s’orienter et de se familiariser avec l’actualité russe, qu’il fut arrêté en Crimée (automne 1920) et «condamné» à 5 ans de camp de concentration pour propagande des idées libertaires.

70- KOURGANSKAIA Apoline: Anarchiste. Arrêtée par la Tche-ka de Moscou. En 1922 comme anarchiste fut déportée pour 2 ans dans le gouvernement d’Arkhangel.

71- KRASSAVTCHINOFF Théodore: Libertaire depuis 1917. Membre de la section des anarchistes universalistes. Milita à Riazan ou il y fut arrêté en 1919 avec tout le groupe pour la propagande anarchiste et pour avoir pris la parole au meeting du 1er Mai. Transféré à Moscou. Libéré en 1920. Repris en 1921. En 1922 fut déporté pour 2 ans dans le gouvernement d’Arkhangel.

72- LAVROFF: Ouvrier de l’usine de Sormovo à Nijni-Novgorod. Libertaire depuis 1917. Milita en Ukraine dans les organisations de Nabat. En novembre 1920 arrêté à Kharkow. Transféré à Moscou parmi les 40. Libéré sous condition d’y séjourner. Repris dans cette ville le 8 mars 1921 et comme anarchiste déporté dans l’Oural.

73- LEBEDEFF: Ouvrier. Anarchiste. Avec famille. Jusqu’en 1917 militait dans les unions ouvrières russes aux Etats-Unis. En 1917 revint en Russie et sans être militant actif restait en relation étroite avec les anarchistes. Le 25 novembre 1920, lors des arrestations en masse des libertaires en Ukraine fut arrêté par le pouvoir soviétiste qui l’inculpa d’avoir donné asile à des anarchistes. Emmené à Moscou parmi les 40. Transféré de Boutyrki à la prison d’Orel. Finalement déporté dans le gouvernement du centre et mis sous la surveillance de la Tche-ka.

74- LEVADA: Paysan. Anarchiste. Membre de l’organisation Nabat. Se rendait à la conférence anarchiste légale à Kharkow comme délégué des groupes libertaires paysans. Arrêté en route. Emmené à Moscou parmi les 40. Reste en prison jusqu’à ce jour.

75- LEVANDOWSKY: Etudiant à l’étranger. En 1917 rentra en Russie. Anarchiste avant 1917. Membre de l’organisation Nabat. Militait en Ukraine et dans l’Oural. Combattait sur les fronts contre les blancs. En 1920 militait dans le groupe Nabat à Ekaterinoslaw et y fut arrêté. Emprisonné à Kharkow. Situation ultérieure inconnue.

76- LILOFF Boris: Jeune ouvrier. Récemment dans le mouvement libertaire. Arrêté à une causerie anarchiste avec tous les participants. Depuis, reste emprisonné jusqu’à ce jour comme anarchiste.

77- LITVINENKO: Ouvrier. Anarchiste. Secrétaire de la Fédération de Smolensk. En 1921, après l’émeute de Kronstadt, parla dans une réunion au club des anarchistes universalistes à Moscou. A la – 5/9 – sortie du club fut blessé et arrêté par les agents de la Tche-ka. Emprisonnéà Boutyrki. Situation ultérieure inconnue.

78- MAKHOFF Basile: Ouvrier. Révolutionnaire avant 1917. Depuis cette date anarchiste. Plusieurs fois arrêté par le pouvoir soviétiste. En 1921, arriva à Moscou pour s’informer du sort de Léon Noir, Arrêté chez un camarade dans une embuscade, et en 1922, sur arrêté de la Tche-ka de Moscou, comme anarchiste déporté pour 2 ans dans le gouvernement d’Arkhangel.

79- MANUNIA: Membre de la Jeunesse anarchiste Nabat à Elisabethgrad. Maintes fois arrêté par la Tche-ka. En 1921 se trouvait en prison. Situation ultérieure inconnue (Voir n°91).

80- MEDVEDEFF: Ouvrier métallurgiste. Anarchiste. Emigrant, est revenue en Russie au début de la révolution. Membre de la Fédération anarchiste de Kazan. En 1919, sur l’ordre de Moscou, arrêté dans cette ville. Reste en prison jusqu’à ce jour.

81- NAKHAMKESS: Anarchiste avant 1917. Resta longtemps à l’étranger. En 1917 revint en Russie. Milita en Ukraine. En 1921 arrêté et amené à Moscou. Fin 1921 déporté dans le gouvernement d’Arkhangel.

82- NELUBOFF: Ancien matelot. Ouvrier menuisier. Avec famille. Au temps tzariste émigra, ayant pris part à une émeute de la flotte. Devint anarchiste à Paris. Revint en Russie en 1917. Membre de la Fédération anarchiste panrusse. En 1921 arrêté et comme anarchiste “condamné” à 5 ans de réclusion. Détenu dans la prison de Velsk.

83- NIKITINE: Ouvrier. Anarchiste. Fut employé responsable chez les bolcheviks avec Kalabouchkine (voir n°62). Au printemps 1922 arrêté avec ce dernier, il reste emprisonné.

84- OLONIETZKY Alexis: Etudiant. Depuis très peu de temps libertaire. (En 1919 était encore socialiste-révolutionnaire-maximaliste). N’eut pas même le temps de se familiariser avec les milieux anarchistes et d’approfondir ses conceptions, car il fut, comme membre de la Confédération Nabat, arrêté à Kharkow (automne 1920) lors des arrestations en masse des anarchistes. Détenu jusqu’à ce jour dans la prison de Vladimir sans aucune accusation.

85- OURIADOFF Avenir: Ouvrier métallurgiste. Au temps tzariste condamné à 3 ans de compagnie de discipline. Depuis la révolution, militant libertaire actif à Saratow, Samara, Voronège, Kharkow. Prit part aux combats contre les troupes réactionnaires. Plusieurs fois arrêté par les bolcheviks. En dernier lieu, détenu dans l’isolateur politique à Kharkow (voir n°91).

86- ORLOVSKAIA Polia: Couturière. Anarchiste depuis 1917. En 1919, lors du pogrom anarchiste de Samara, arrêtée et “condamnée” au camp de concentration d’où elle s’évada. Le 8 mars 1921 reprise à Moscou. Libérée en juillet. Repris peu après. Le 20 décembre 1921, fut comme anarchiste, déportée dans le gouvernement d’Arkhangel pour 2 ans.

87- PILIPENKO: Paysan. Membre de l’organisation Nabat. En 1920 se rendait à la conférence légale anarchiste à Kharkow, délégué par un groupe de paysans libertaires du district de Romni. Arrêté en route. Emmené parmi les 40 à Moscou. En prison jusqu’à ce jour.

88- PIVOVAROFF V.: Ouvrier. Anarchiste avant 1917. Devenu récemment membre de la Section des Anarchistes Universalistes à Moscou. Travaillait surtout dans la Croix-Noire. En 1921 arrêté à Moscou et, en 1922, sur décret de la Tche-ka, déporté, comme anarchiste, pour 5 ans dans le gouvememenf d’Arkhangel.

89- POTRESSOVA Marie: Etudiante en médecine. Anarchiste depuis 1917. En 1921 arrêtée à Moscou. En 1922, sur décret de la Tche-ka de cette ville, déportée comme anarchiste pour 2 ans dans le gouvernement d’Arkhangel.

90- PROTZENKO: Paysan. Anarchiste. Membre de l’organisation Nabat. En 1920 se rendait à la – 6/9 – conférence légale à Kharkow, délégué par des groupes anarchistes paysans. Arrêté en route. Emmené parmi les 40 à Moscou. En prison jusqu’à ce jour.

91- RIOMAN Judas: Jeune ouvrier. Membre de la Jeunesse anarchiste Nabat à Elisabethgrad. Contribuait avec dévouement à l’œuvre d’organisation et de propagande, et à la lutte contre les forces réactionnaires (plusieurs membres de la Jeunesse périrent dans les combats contre Grigorieff). Maintes fois arrêté comme libertaire. En dernier se trouvait avec d’autres membres du groupe (Ephyme, Manunia et autres) dans le soi-disant “isolateur politique” à Kharkow (c’est-à-dire, avait le droit d’aller en ville pendant la journée, mais devait rentrer en prison pour la nuit).

92- RODE-TCHERVINSKY A.: Agé de plus de 50 ans. Employé des P. T. T. En 1905 poursuivi pour avoir participé activement à la grève générale des P. T. T. Passa 2 ans en prison, disparut, puis émigra en Amérique. En même temps qu’il gagnait péniblement sa vie, fut l’un des fondateurs de la Fédération des Unions ouvrières russes des Etats-Unis et du Canada. Par la suite, secrétaire de cette Fédération et de la rédaction de l’organe fédératif Goloss Trouda. Son rôle dans l’organisation des libertaires russes émigrés et pour la propagande anarchiste en Amérique fut exclusif. Jouissait d’un respect général comme militant dévoué et ferme. Vu les mauvaises conditions de sa vie, contracta la phtisie. Cette maladie prit dernièrement un caractère extrêmement pénible. En été 1917 rentra en Russie gravement malade. Pour cette cause ne put participer activement à Ia lutte; cependant aidait au mouvement dans la mesure de ses forces. En 1921, arrêté comme anarchiste et emprisonné à Kharkow. Son sort ultérieur nous est inconnu.

93- ROUBINTCHIK (Meyer) E.: Ouvrier. Au temps tsariste émigra et fut membre du groupe libertaire russe à Paris. Milita surtout comme organisateur. Après la révolution revint en Russie et fut à Petrograd membre de l’Union de la Propagande Anarcho-Syndicaliste “Goloss Trouda”. Au printemps 1918, après la paix de Brest, partit en Ukraine dans un détachement libertaire pour prendre part à la lutte contre les troupes d’occupation austro-allemandes. Rentré du front à Moscou, se donna entièrement à la création de la maison d’édition «Goloss Trouda» dont il fut travailleur responsable jusqu’à ces temps derniers. Au printemps 1922 arrêté à Moscou. Reste toujours emprisonné.

94- SIDOROVA: Institutrice primaire. Au temps tzariste expulsée de Petrograd pour sa propagande libertaire. Au début de la révolution participa à la fondation de la Fédération anarchiste de Kazan. Jouissait d’une grande popularité parmi les ouvriers de la poudrière d’Àlafousoff et de l’usine Krestovnikoff. En 1919 arrêtée comme anarchiste sur l’ordre de Moscou. Emprisonnée jusqu’à ce jour.

95- SIMTCHINE: En 1919, membre de l’organisation Nabat. Puis, membre du secrétariat de la Sec- tion anarchiste universaliste de Moscou. En novembre 1921, arrêté comme anarchiste avec tout le secrétariat.

96- SKOURYKHINE: Matelot. Anarchiste. Avec famille. Jouissait d’une grande popularité dans la flotte baltique. Dès les premiers jours de la révolution joua un grand rôle dans toutes les sorties révolutionnaires. Resta longtemps sur fronts et, fut plusieurs fois blessé. Depuis 1919 poursuivi par les bolcheviks. En 1919 (ou 1920) évita l’arrestation grâce à la protection de l’équipage du dreadnougth Petropavlovsk qui refusa de le rendre et le défendit. Par la suite, contraint à vivre illégalement. En été 1921, arrêté à Moscou dans la rue, après une longue réclusion fut comme anarchiste déporté pour 2 ans dans le gouvernement d’Arkhangel.

97- SMOLINE: Ouvrier électro-technique. Anarchiste avant 1917. Militant actif depuis cette date. En 1919 arrêté dans le gouvernement de Nijni-Novgorod, emmené à Moscou et, sur arrêté de la Tche-ka “condamné” au camp de concentration comme anarcho-individualiste. Etait au camp avec Léon Noir, son maître et ami. En janvier 1921 libéré. Repris le 8 mars de la même année et, sur arrêté de la Tche- ka, déporté dans l’Oural.

98- STETZENKO: Dans le mouvement anarchiste depuis 1917. Depuis 1920 membre du secrétariat de la Section des anarchistes universalistes de Moscou. Fut arrêté avec d’autres membres du secrétariat, s’étant présenté à la Tche-ka de Moscou pour demander des explications de l’arrestation du camarade Barmach. Est accusé “d’avoir prêté aide et concours la Makhnovtchena et aux anarcho-bandits”. -7/9 –

99- STURMER: Etudiante à la première Université d’Etat à Moscou. Membre du secrétariat des Etudiants Anarchistes Unifiés de Moscou (voir n°55). Le 18 murs 1921 arrêtée par la Tche-ka à la réunion habituelle du sécrétariat avec d’autres membres de ce dernier et de l’Union. Après 5 mois de réclusion, déportée pour 1 an à larensk (gouvernement d’Arkhangel).

100- TARATOUTA Olga: Agée de près de 50 ans. D’un milieu intellectuel. Un des pionniers de l’anarchisme en Russie. C’est dans les années 1900 qu’elle organisa, avec quelques camarades, les premiers groupes libertaires, dans le Sud. Au début de la révolution de 1905, arrétée pour un acte terroriste et condamnée à 20 ans de travaux forcés. Peu après, s’évada de la prison d’Odessa et, quoique illégale, continua le propagande anarchiste avec une énergie inlassable. Reprise en 1908 et condamnée de nouveau à 20 ans de travaux forcés. Y resta jusqu’en mars 1917, lorsque la révolution ouvrit les portes à tous les combattants pour la liberté. Libre, elle se consacra surtout à son fils qu’elle laissa enfant et retrouva adulte. Mais elle continua également de servir la révolution. Travailla surtout dans la Croix-Rouge politique de Kiew et accomplit une œuvre considérable aux jours de la réaction de l’hetman en 1918, prêtant aide et concours à des centaines de révolutionnaires de tous les partis, y compris les communistes. En automne 1920, lorsque nombre d’anarchistes s’accumulèrent dans les prisons soviétistes, elle se voua à leur aide et organisa la Croix-Noire libertaire. L’accord survenu entre le pouvoir soviétiste et les makhnovistes donna un grand essor à son œuvre. Le pouvoir soviétiste fit semblant, à ce moment-là, de lui faire des avances. Il mit à sa disposition meubles, local, etc… Mais le jour des arrestations des anarchistes, il arrêta aussi Olga. Pendant près de deux ans, on la garde en prison dans d’affreuse conditions, sans l’ombre d’une accusation. Dans le but de trouver une justification à cette détention, les bolcheviks exigeaient maintes fois, pour sa mise en liberté, qu’elle s’engageât par écrit de ne plus participer à aucune action politique. En personne forte et intègre elle rejeta toujours cette proposition avec dédain. Le 26 avril 1921, lors du transfert des anarchistes de Boutyrki, Olga fut rouée de coups par les Tchékistes. Avec d’autres camarades, elle fit 11 jours de grève de la faim, dans la prison d’Orel pour protester contre le régime pénitentier insupportable. Elle y attrapa un scorbut atroce, perdit presque toutes ses dents et eut la santé complètement ruinée. Dans sa dernière lettre, elle écrivait qu’un an et demi de prison soviétiste lui coûtèrent plus de vie que Ies 10 de travaux forcés du temps tzariste. Récemment elle fut déportée pour 2 ans dans le gouvernement de Vologda.

101- TCHARINE Jean: Très jeune camarade membre de la Jeunesse anarchiste d’Elizabethgrad, Militant énergique de la Confédération Nabat. Lors de l’accord des makhnovistes avec le pouvoir soviétiste, consentit à entrer dans la délégation makhnoviste pour y défendre les droits de l’idée libertaire devant le pouvoir soviétiste. En novembre 1920, arrêté avec les autres anarchistes. Reste en prison jusqu’à ce jour.

102- TCHERNIAK: Ouvrier coiffeur. Avec famille. Avant 1917 militait dans le mouvement anarchiste et professionnel aux Etats-Unis. En 1917, revînt en Russie et joua un rôle considérable parmi les ouvriers du bassin du Donetz. Lors de l’offensive des régiments d’officiers réactionnaires dans le bassin, se mit en tête des détachements ouvriers qui combattirent sur le front avec grande efficacité. En 1919, fut de nouveau sur ce même front, contre Denikine. Après l’ordonnance de Trotsky n°1824, déclarant les partisans révolutionnaires hors la loi, fut obligé de disparaître. En 1921, arrêté à Petrograd. Après six mois de détention à Boutyrki (Moscou) et 11 jours de grève de la faim, fut transféré en Ukraine, à la disposition de la Tche-ka de cette province. Situation ultérieure inconnue.

103- TEPPER Isaac: Jeune anarchiste. Etant collégien, se donna déjà au mouvement révolutionnaire anarchiste. Jeune homme excessivement doué. Prit part active à la création de l’Union de la jeunesse libertaire en Ukraine. Collaborateur à plusieurs journaux et revues anarchistes. Propagandiste très actif,. En 1921, arrêté comme anarchiste, fut enfermé dans la prison de Kharkow. D’après les dernières nouvelles, libéré sous condition de surveillance spéciale.

104- TESLAR: Jeune anarchiste. En 1920 arriva de l’Italie en Russie. En 1921, fut arrêté et emprisonné comme makhnoviste. Fit plusieurs grèves de la faim pour exiger sa libération. Malgré les conditions épouvantables de sa détention et sa santé compromise, eut une attitude fière et indépendante envers, – 8/9 – les autorités. En dernier détenu à Moscou. Situation ultérieure inconnue.

105- TIMAKOFF: Marin de la flotte commerciale. Comme socialiste-révolutionnaire-maximaliste, fut plusieurs fois arrêté par le pouvoir soviétiste. Devint anarchiste en prison. Détenu à Moscou dans la prison de Boutyrki, fut transféré à Orel. En 1921, lors de l’intervention des délégués étrangers pour les anarchistes emprisonnés, figurait sur la liste de la Ve-Tche-ka comme devant être libéré, mais l’on continuait de le trainer d’une prison à une autre. En automne de la même année fut mis à la disposition de la Tche-ka de la marine militaire. Situation intérieure inconnue.

106- TSENIK Grégoire: Ouvrier électrotechnique. Membre de l’organisation Nabat. Au temps tzariste, en 1916, fut membre du groupe anarchiste de Kharkow. Au début de la révolution fui I’un des fondateurs du journal Pain et Liberté à Kharkov. Jouissait d’une grande sympathie parmi les ouvriers. Plusieurs fois arrêté par le pouvoir soviétiste. En 1920, lors des battues générales contre les anarchistes, c’est accidentellement qu’il évita son arrestation. Mais le pouvoir communiste prit en otage sa femme avec un enfant au sein, en déclarant que si Tsenik aimait sa femme, il se rendrait. En effet, il se présenta lorsque sa femme fut menacée de mort à la suite de la grève de la faim qu’elle avait héroïquement entreprise. Sur ordonnance de la Tche-ka, Tsesnik fut, comme anarchiste, condamné à 5 ans de réclusion. En prison jusqu’à ce jour.

107- VOLTCHENCK Aron: Anarchiste. Arrêté par la Tche-ka de Moscou. En 1922, comme anarchiste, déporté pour 5 ans dans le gourvernement d’Arkhangel.

108- ZINTCHENKO: Jeune paysan. D’abord socialiste-révolutionnaire, plus lard devint anarchiste. Prit part active au mouvement partisan révolutionnaire en Ukraine. Combattait dans les rangs de l’armée makhnoviste contre Denikine et Wrangel. En novembre 1920, lors de l’attaque traîtresse du pouvoir soviétiste contre les makhnovistes et les libertaires, fut arrêté à Kharkow où il était arrivé quelques jours avant, revenant du front gravement blessé dans les combats contre Wrangel (une balle dans le poumon). Transféré à la prison de Boutyrki (Moscou). le 28 avril 1921, lors du transfert des détenus politiques de cette prison, fut emmené en province. Reste jusqu’à ce jour détenu, tout en conservant la balle dans le poumon

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