RETRAITES : TOUT DE SUITE ET BEAUCOUP !

Retraites : Tout de suite et beaucoup !

Tu trimes toute ta vie, tu te retrouves à la retraite, et t’es comme un c…

Encore heureux si t’as un viatique pour t’accompagner jusqu’à la mort au cas où entre l’atelier, le bureau et le dimanche (autrefois) férié, t’aurais eu l’occase de trouver ce qui te plaît dans cette fichue vie! Quelque chose comme le soleil, la mer, la pluie, les réverbères, la menuiserie, le jardin, la peinture, les poissons exotiques, le violon, les voyages (ah, les voyages !), le regard de ceux que tu aimes, tiens même le sourire de ceux que tu pourrais ne pas aimer… enfin quoi des choses, y’en a plein … encore faut il avoir le temps d’en apercevoir pendant ces quarante années de labeur dans les geôles du Capital.

Au cas où t’aurais pas les poumons brûlés et que t’aurais encore tous tes doigts, ton petit pécule vieillesse il pourrait te servir à faire quelque chose qui te plaît enfin, tiens même ne rien faire du tout si c’est ça que t’aimes – sauf que y’a pas grand-chose dans ta bourse de retraité. Pourtant si tu additionnes tout ce que ton travail a rapporté au patron pendant tes quarante ans de galérien, tu devrais être multimillionnaire. Mais ça marche pas comme ça. C’est une autre histoire que la nôtre; celle de l’arnaque de ces deux derniers siècles : dès ta naissance t’es formaté pour accepter le travail -sois prolo et tais-toi (ou ne parle pas trop fort, on pourrait t’entendre) quand t’as l’âge requis, tiens disons que t’es né en Europe, bien conforme avec un père et une mère comme il se doit, que t’as fait quelques études (y paraît que l’université, maintenant, c’est accessible à tous), et que t’as vingt ans. Là, t’es sur le marché et tu y vends ta force de travail. Ta force de travail, c’est toi : une fois ta force vendue, tu vas au chagrin.

Ça, tu vas me dire, c’est à l’ancienne. Aujourd’hui c’est pas évident de la vendre sa force de travail. Bon, t’as pas tout à fait tort, mais t’as pas tout à fait raison non plus. Parce que j’ai pas dit que tu la vendais une fois pour toutes ta force de travail. J’ai pas dit non plus qu’en France, par exemple, les mômes ne travaillent pas. Y’en a. T’en connais et moi aussi.

où en étais-je ? Ah oui. Le viatique de la vieillesse quand t’as embauché (hypothèse) à vingt ans et que tu pars à la retraite à soixante et quelques et que t’as plus de quarante ans d’aliénation dans les pattes et dans la tronche.

En plus, faut le dire, t’es fatigué. Dame, t’as plus tes jambes de vingt ans. Ces jambes-là tu les a données au patron, il y a belle lurette. Et qu’est-ce que t’as eu en échange ? Ça, t’as été choyé, on peut pas dire la paye tous les mois, les indemnités Assedic parfois, les congés payés, des primes occasionnelles et une partie de ton salaire socialisé dans les différentes caisses de solidarité, dont ta mirifique retraite. Faudrait quand même pas se plaindre, non ? Une fois que t’es plus bon à rien pour le Capital, estime-toi heureux qu’il continue de ponctionner encore ceux qui travaillent pour t’assurer des revenus ! Mais… tu ne récupéreras jamais ce que le patron s’est mis lui dans la poche sur ton dos, sur tes heures de travail, sur tes heures de fatigue, tes heures d’ennui, de déprime pendant ces quarante longues années de ta vie, et tu ne récupéreras ni tes rêves ni ta santé ni ton énergie.

Allez, faut pas voir tout en noir comme ça. Y’a quand même des trucs chouettes, non ? les copains par exemple. C’est important les copains. Ça, personne peut dire le contraire. Mais tu crois pas qu’avec les copains ce serait plus agréable de passer du temps ailleurs qu’au boulot ?

Le patron nous vole plus que notre argent. Il nous vole notre vie qui doit lui être consacrée.

Lui, il a le capital. Nous on a le travail sauf que le travail n’existe pas sans le capital… et nous voilà coincés dans la machine qui ne remonte pas le temps. Sauf que le capital sans notre travail, il n’existe pas non plus… ah bon ? et ouais ! te dire qu’ils ont besoin de nous…

Mais revenons à nos retraites. tout ce qu’on vient de dire c’est dans le cas où entre vingt et soixante ans t’as tout le temps bossé, et que t’as eu l’occase de développer à côté du boulot des amitiés, des plaisirs, des savoir-faire qui font qu’à soixante berges, fatigué certes, mais encore rêvant, t’as devant toi quelques décennies de plus pour vivre enfin, même si c’est chichement. Une fois de plus, faudrait pas trop se plaindre. Ça pourrait être pire, non? comme de se retrouver avec un loyer de 2 000 euros et une retraite de 1 800 Euros, comme d’aimer lire et d’avoir les yeux tellement abîmés qu’il n’y a que les gros caractères qu’on puisse voir, comme que ta compagne ou ton compagnon doive être hospitalisé(e), comme que… d’accord c’est du mélo. Ah, ça existe?

Allez y’ a encore pire, regarde nos camarades aux Etats-Unis, ils ont même pas leurs 1 800 balles. Car le patron là-bas c’est comme celui d’ici, il est capitaliste, il n’a pas d’état d’âme, il est dans la concurrence et il fait du profit.

Le patron il se moque éperdument de ce que racontent les romans-photos, du moment que ça lui rapporte du fric, et le salaire socialisé ça ne lui en rapporte pas ; d’une manière ou d’une autre c’est une partie de notre salaire qu’il ne nous extorque pas directement. Il aimerait donc mieux que ça devienne du capital. Holà, comment va-t-il s’y prendre ?

Facile, il a l’habitude de te faire bosser, et de se remplir les poches avec ton boulot, ça on l’ a déjà vu tout à l’heure – et ses poches, elles n’ont pas de fond. D’abord il va te demander de bosser cinq ans de plus pour obtenir la même somme dans ton porte-monnaie. Dans notre exemple, t’embauche à vingt ans, tu sors de la mine à soixante-cinq. Cool.

Qu’est-ce que cinq ans de plus à subir dans une vie d’homme et de femme ? 1/15è à 1/16è d’une vie statistique: vraiment pas grand-chose

Comme disait Einstein, le temps, c’est relatif.

Dis, t’en connais beaucoup des collègues qu’ont pu bosser quarante-cinq ans dans la même boîte ? t’en connais beaucoup des collègues qu’ont embauché chez Exploiteur & Co à vingt ans et qui y sont encore à soixante-cinq ans ? T’as pas remarqué que les uns après les autres on nous pré-retraite ou on nous licencie dès qu’on approche la cinquantaine ? Et après débrouille-toi avec les assedics et Pôle Emploi ...

T’as remarqué qu’à Pôle Emploi les trois-quarts des postes proposés ce sont des CDD ?

T’as remarqué comme les agences d’intérim engraissent en ce moment ?

Alors déjà que les quarante ans de boulot faut les trouver entre vingt et soixante ans, je te dis pas en trouver quarante-cinq entre vingt et cinquante ans à coups de contrats d’intérim et de durée très déterminée, ça relève de l’utopie!

Grosso modo, y’ a plus de retraite assurée, même médiocre. Donc il va te falloir non seulement continuer à bosser comme toujours, mais en plus passer directement une partie de ton salaire dans une assurance privée pour tes vieux jours. Comme pour ta bagnole. T’as intérêt à être bien portant si tu ne veux pas payer trop cher ton assurance… et c’est comme ça que ton salaire va devenir du capital.

Futé, non?

Loiseau (texte originalement publié en 2003 …)

en grève jusqu’à la retraite !
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Première publication : 25/11/2019

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