Groupe des Réfractaires Algériens contre le militarisme, contre la Guerre [1932]

Le Flambeau N°53 bis-Janvier 1932

Source : https://archivesautonomies.org/spip.php?article4980

Août 1914 : c’est la guerre… la revanche… Les femmes, les mères, les amantes, les infirmes, les vieillards, tous ceux qui n’ont pas pu prendre les armes, accompagnent, acclament et encouragent le bétail humain, marqué pour l’abattoir héroïque…

Les champs couverts de moissons et de vie vont subir l’outrage du cheptel guerrier, se ruant à la tuerie.

Les routes sont encombrées ; dans les villages grouille une multitude d’êtres, revêtus de costumes de carnaval, tandis que frisonne, au bout d’une perche, un torchon tricolore.

Tout ce que la nature a pu enfanter de stupide et d’odieux est assemblé là, et, l’heure fatidique ayant sonné, c’est la ruée des bas instincts, voulue, ordonnée et dirigée.

Les obus, les balles et les gaz sont les terrifiants acteurs de la danse macabre, l’alcool et le pinard en sont les stimulants, avec eux on fabrique les héros que l’arrière glorifie.

Partout… à perte de vue, la terre se couvre de corps rigides ; amis et ennemis pourrissent, côte à côte, pour le Droit et la Civilisation.

Et, pendant quatre ans, la chair des hommes sera torturée, broyée, anéantie…

Les tristes conducteurs de troupeaux, on dit c’est la guerre ! Et les composants de la race humaine aideront et encourageront la poursuite de l’ultime, dans la honte et la cruauté.

Les gouvernants, eux, ont montré la valeur de leur conscience, en condamnant lâchement des innocents aux charniers ; il faut voir aussi avec quel courage ils prirent la fuite, quand le premier obus tomba sur la capitale.

Pendant qu’ils faisaient la fête à Bordeaux, leurs valets expédiaient au bagne les pauvres diables qui fuyaient l’horreur des tranchées…

* * *

1931. Treize ans à peine viennent de s’écouler ; les mêmes pitres sanglants préparent un nouveau carnage. La puissance du militarisme s’est accrue dans des proportions considérables.

Les moyens de détruire, de semer la souffrance et la mort, ont bénéficié des derniers perfectionnements de la science moderne ; les découvertes chimiques et bactériologiques permettront aux gouvernants de supprimer des multitudes de vies en l’espace d’une instant.

Hommes ! Femmes ! L’heure est grave. Les « dirigeants » de tous les pays sont prêts à nous faire subir encore la dictature du sabre ; ils sont prêts à nous contraindre à l’assassinat de nos frères de misère.

Halte-là !

La dernière boucherie a créé trop de douleurs, tant de souffrances pour que l’oubli en ait effacé le souvenir.

Notre groupe s’est déjà refusé et il se refusera toujours à accepter le rôle infâme de flic-tueur.

Contre cette tourbe hideuse, contre cette horde de vampires, prostitués du sabre et du goupillon, cette pègre de politiciens, de juges, de policiers et de souteneurs, esclaves, dressez-vous, voyez des hommes, des réfractaires, et répétez cette affirmation qui est la conclusion de notre déclaration : nous refusons à travailler pour des industries de guerre, et à l’appel d’une mobilisation, nous répondrons tous par le refus catégorique de partir.

Pour le Groupe : Saïl Mohamed

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