Forum des anarchistes de langue Kurde : Nous nous opposons aux attaques militaires de l’État turc au Kurdistan Sud et appelons à la résistance de masse

Une fois de plus, comme au cours des trente dernières années, les forces militaires de l’État turc, avec le soutien du gouvernement régional du Kurdistan d’Irak (GRK[1]) et des partis politiques qui composent le gouvernement régional[2], ont lancé une attaque militaire contre ses opposants et les mouvements sociaux radicaux de la région. Les attaques militaires ont toujours eu lieu par voie terrestre, également par des avions de chasse et récemment par des drones [dont les fameux drônes Bayarktar].

Entre-temps, pendant toute cette période, la résistance des peuples opprimés et des libertaires s’est poursuivie contre ces attaques militaires du gouvernement turc. La résistance a pris différentes formes, notamment la marche populaire pour la paix et contre la guerre, les protestations et les attaques contre la base militaire des forces turques à l’intérieur du Kurdistan, les campagnes de boycott des produits turcs, le blocus des sites de production et les attaques contre les entreprises turques partout où elles sont présentes.

L’État turc n’attaque pas seulement le Kurdistan irakien et le Nord Est de la Syrie (Rojava), sa puissance politique et militaire s’est en fait étendue au Moyen-Orient, à l’Afrique du Nord, [à l’Ethiopie]  et au conflit du Haut-Karabakh.

L’État turc fait tout cela en tant que deuxième membre le plus puissant de l’OTAN, sous les yeux de la soi-disant « communauté internationale » sous prétexte de protéger les droits de l’homme et les valeurs de l’Islam. Il le fait en traversant toutes les frontières sans aucune restriction et a été soutenu par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union Européenne.

Cela dit, nous ne sommes « indignés » par la politique menée par le GRK, le gouvernement irakien ou les partis politiques au pouvoir,  car nous savons qu’ils sont unis par leurs intérêts de classe [et donc leurs actes sont logiques avec leur politique]. À nos yeux, ils forment tous une classe ennemie unie qui soutient l’État capitaliste en Turquie contre la classe ouvrière et les exploités. En opposition à eux, nous appelons à notre unité avec l’ensemble des exploités de la région et du monde et leur demandons soutien et solidarité.

Nous, anarchistes de langue kurde, avons toujours été et resterons toujours contre tous les types de guerres. Nos positions et attitudes à cet égard ont toujours été très claires. Entre-temps, nous avons soutenu la volonté et les luttes du mouvement populaire et des libertaires au Kurdistan, en Irak et au Moyen-Orient.

Nous avons essayé, dans la lignée du contexte historique de la position libertaire, de ne prendre partie pour aucun camp des guerres. Nous n’avons jamais cédé aux idéologies de lutte contre les fascistes ou de défense de la patrie comme excuses pour participer à des guerres aux côtés de la bourgeoisie nationale ou aux côtés de partis nationalistes.

Nous ne faisons pas de distinctions entre les États qu’ils soient petits ou grands, entre pays développés et industrialisés ou pays sous-développés et non industrialisés, impérialistes ou colonisés. Nous n’avons jamais soutenu l’armée de l’État ou sa milice car nous sommes contre toutes sortes de supériorité, de domination de classe et d’autoritarisme. Nous luttons contre toutes les idéologies telles que la protection de « notre » pays, le nationalisme, la religion, le pays dictatorial ou démocratique, et le néolibéralisme. C’est pourquoi, compte tenu de nos forces extrêmement limitées, de notre force sociale déséquilibrée contre les armées, de l’inutilité de l’action armée dans cette situation donnée, nous avons résisté et résisterons à toutes les tentatives qui tentent de nous entraîner dans des conflits militaires, de nous sacrifier à l’intérêt d’un côté et dans la défense de la nation et de l’État. Ainsi, nous avons fait appel à nos compagnons et sympathisants pour continuer et développer une lutte sociale non militariste.

Pour nous, anarchistes, la question n’est pas seulement de ne faire partie d’aucun des camps de la guerre entre les États et les milices guerrières, mais il s’agit surtout de maintenir et de développer le front social révolutionnaire des opprimés contre le système capitaliste, contre toutes les armées et les milices, contre les guerres et les conflits inter bourgeois quels qu’ils soient.

Dans de telles circonstances, si nous ne pouvons pas lutter directement contre la guerre, nous pouvons au moins orienter nos actions et prioriser nos tâches pour développer et renforcer le mouvement anarchiste par notre implication au sein des mouvements sociaux de résistance et de luttes.

Notre guerre est l’auto-organisation de nos luttes et de nos résistances, c’est la révolution sociale et cela ne peut être réalisé par d’autres méthodes [que nous récusons] comme la lutte armée, les changements de régime, le système parlementaire et les complots des partis politiques pour prendre le pouvoir. L’histoire et l’expérience des luttes passées nous montrent que la résistance sociale et la révolution sociale reposent sur la conscience révolutionnaire qui émerge de la lutte quotidienne des personnes opprimées dans la société. Nous nous considérons comme faisant partie du même mouvement de classe et nous y participons pour réaliser nos rêves historiques. Lorsque nous ne sommes pas assez forts pour pouvoir résister à la guerre en tant que force autonome, nous pouvons à la place former une résistance combative offensive contre l’État sur d’autres luttes sociales.

Il est clair que même une résistance armée sans avoir une conscience de classe claire derrière elle finira par se transformer en une autre forme de domination sur les gens ou du moins elle sera contrôlée sous l’influence de l’État, et pour les avantages de ce dernier.

La défense d’un lieu ou d’un territoire libéré [3], même si ce n’est pas nécessairement juste/parfait, nous croyons sans aucune hésitation que le défendre par les armes est notre devoir.

Conformément à ce qui précède pour le moment, nous pensons que les étapes ci-dessous sont nécessaires en tant qu’actions immédiates :

– La grève générale partout où c’est possible quand elle peut paralyser le mouvement économique et militaire et saboter le mécanisme de guerre.

– Blocus du transport de pétrole et de gaz vers la Turquie, car les deux sont à l’origine de bon nombre des guerres actuelles.

 – Boycotter tous les biens, produits et entreprises turcs où qu’ils se trouvent. Remplacer ces biens en soutenant et en s’appuyant sur les biens et produits locaux et en essayant de créer des coopératives et des communes.

– Boycotter les chaînes médiatiques de l’État turc et ses centres culturels où qu’ils se trouvent.

– Boycotter les voyages avec les compagnies aériennes turques et les vacances en Turquie.

– Appeler les policiers et les soldats [turcs ou irakiens] et les Peshamarga [miliciens kurdes du KRG] à metre en place des actes de mutinerie et à déposer leurs armes, à déserter les check-points et les fronts de guerre.

– Encourager les gens à protester contre les bases militaires turques et leurs entreprises au Kurdistan.

– S’auto-organiser et se préparer à toute situation potentielle qui pourrait se produire à l’avenir, qu’il s’agisse de résistance ou de toute autre chose.

– Collecter les produits de première nécessité et apporter un soutien aux personnes déplacées de leurs terres et les aider à fuir cette guerre.

– Ecrire et diffuser des informations sur les crimes commis par l’armée turque, notamment le meurtre d’innocents, l’abattage des troupeaux et la destruction de villages et de l’environnement.

– Appeler à un soulèvement de masse au Kurdistan contre le pouvoir actuel du KRG car ils sont notre ennemi de classe direct et nos exploiteurs, soutenir les gens et participer à leurs luttes autant que ous le pouvons.

Forum des anarchistes de langue kurde (KAF)

19 avril 2022

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[1] Kurdistan Regional Government ; en kurde حکومەتی هەرێمی کوردستان, Hikûmetî Herêmî Kurdistan,

[2] Notamment le PDK, Parti démocratique du Kurdistan (45 membres au parlement), UPK,Union Patriorique du Kurdistant (21 membres au parlement), Mouvement Gorran (12 membres au parlement ).

Il faut également ajouter deux partis islamiques qui ont un impact significatif sur les politiques du gouvernement régional et sur la société Kurde : Union Islamique du Kurdistan (5 membres au parlement), Groupe de la justice du Kurdistan (7 membres).

[3] On entend par territoire libéré un endroit ou une zone qui est libérée par les anarchistes, libérée de l’État et où il n’y a plus de domination de classe. Il ne s’agit pas de défendre un endroit comme le Rojava, qui n’est toujours pas libéré de l’État et il est toujours sous le contrôle du organisation et partis nationalistes

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