USA : Déclaration du WSA à l’occasion de la fête du travail 2020

Si dans certains pays le 1er Mai es un jour officiellement chômé ce n’est pas le cas partout, et notamment aux Etats Unis. Aux USA, le jour officiel est le 4 septembre, et ce n’est pas la journée des travailleurs mais la journée du Travail, lequel est ainsi sacralisé dans une célébration censée réunir ensemble patrons et salariés. C’est d’ailleurs ce même intitulé – fête du Travail – que donnera Pétain à la journée du 1er mai, quand il la déclarera pour la première fois fériée, à l’instigation de son Ministre du Travail, l’ancien syndicaliste CGT René Belin.

Aux USA comme pour Pétain, l’objectif est le même : enlever la charge symbolique du 1er Mai, où l’on commémore l’assassinat des anarchistes de Haymarket, Chicago, par l’Etat pour le compte des patrons ; enlever toute dimension de lutte à cette journée de solidarité pour en faire un jour férié de célébration corporatiste. (sur l’hitoire du 1er mai cf. cet article ) Nos compagnons du WSA, amis de l’AIT aux USA, nous rappellent les orignes de cette journée du travail du 4 septembre aux USA, et la signification particulière qu’elle a eu en cette année 2020


L’heure est venue !

Il y a plus de cent ans, le président américain Grover Cleveland, effrayé par la montée des révoltes sociales, a poussé le Congrès à reconnaître la fête du travail comme un jour férié fédéral en 1894.

Le congé de septembre a été observé pour la première fois en 1882 par la Central Labor Union of New York. [le 1er Mai 1886, a lieu la grève des travailleurs de Mac Cormick à Chicago, réprimée par le massacre de Haymarket]

[Cete époque est une période d’intense agitation sociale, les Etats Unis sont traversés de grèves souvent violentes. Une panique financière s’empare du pays en 1893, du fait d’un krach boursier lié à la surproduction dans la construction ferroviaire]. Suite à la grève sauvage des cheminots de la Pullman company, qui s’étend à tous le secteur ferroviaire du pays, le Président envoie les U.S. Marshals et les soldats qui tirent sur les grévistes. 13 travailleurs sont assassinés par les fédéraux, 57 blessés.

Pour calmer le jeu, le président Cleveland décide de jeter des miettes aux masses, et institue la fête du travail. Dans ce qui était peut-être une sage décision, il s’est assuré que cette fête ne tomberait pas le 1er mai, jour de la Fête internationale des travailleurs déjà existante, ni même à proximité. Le 1er mai, les travailleurs du monde entier commémorent un événement qui a eu lieu au cœur même des États-Unis (Haymarket, 3 mai 1886 et adopté au niveau international en 1889 par un congrès international de socialistes, d’anarchistes et de travailleurs radicaux) et ils appellent souvent à un changement radical, voire à la révolution. Aussi sûr que l’eau descend la colline, la miette de la fête du travail n’a fait que taquiner le ventre vide des travailleurs qui exigent une vie meilleure. Aujourd’hui encore, toute une histoire de lutte a été écrite et ses nouveaux chapitres se déroulent sous nos yeux.

Tout au long de cette histoire, les travailleurs ont manié les armes de la solidarité et de l’action directe afin de protéger et de promouvoir leurs propres intérêts. Avec les grèves, le sabotage, les sit-in et sit-downs et autres actions, les travailleurs se sont défendus les uns les autres depuis que les patrons ont commencé à les exploiter. Souvent, au cours de ces luttes, les travailleurs ont été abandonnés et condamnés, souvent par leurs propres dirigeants syndicaux, et laissés démoralisés et forcés soit de poursuivre la lutte par eux-mêmes, soit de capituler devant le patron.

2020 a été une année particulièrement difficile pour les travailleurs. Le virus Corona a frappé de plein fouet les travailleurs du secteur des services, de la restauration, de la transformation de la viande, de l’agriculture, du commerce de détail, de la fabrication et des transports. Les travailleurs à bas salaires sont particulièrement touchés. Des pans entiers de l’économie, comme l’hôtellerie et la restauration, ont été mis en veilleuse ou vidés de leur substance. Les travailleurs du secteur de la santé, qu’il s’agisse des aides-soignants à domicile moins bien payés, des femmes de ménage, des infirmières et même des médecins, ont été poussés à bout et mis en danger.

Capitalism kill, workers rise-up : le Capitalisme tue, travailleurs levez-vous !



Le chômage a explosé, des millions de personnes sont toujours au chômage et beaucoup vont bientôt être privées d’assurance-chômage. Les parents, et surtout les mères, constatent la précarité de la garde des enfants, les crèches et les écoles maternelles ayant fermé ou diminué leur disponibilité. Les enfants plus âgés restent également à la maison. Les parents, surtout les mères, doivent trouver un équilibre entre la garde des enfants et le travail ou réduire leurs heures de travail afin de pouvoir s’occuper de leurs enfants de tous âges. La nature invisible de la garde d’enfants devient peut-être plus visible durant cette pandémie.

Mais le travail de garde non rémunéré et sous-payé est toujours négligé et risque de devenir un dommage collatéral à l’avenir, car le problème a été exacerbé par la pandémie. « Partout dans le monde, les femmes, en particulier les femmes de la classe ouvrière, les femmes de couleur, les femmes migrantes et les femmes vivant dans les communautés rurales effectuent la plus grande partie du travail social reproductif sous-payé, ou totalement non rémunéré ». (Varsity, Cambridge, Royaume-Uni, septembre 2020)

Au cours des six derniers mois, les travailleurs, qu’ils soient dans les usines de conditionnement de la viande ou dans les hôpitaux, ont souvent mené des luttes auto-organisées pour obtenir des conditions de travail plus sûres et des équipements de protection individuelle. Des actions directes et des mini-grèves des travailleurs ont largement, mais pas exclusivement, éclaté spontanément dans tout le pays. Même chez Amazon, où les travailleurs ne sont pas formellement organisés, il y a eu un certain nombre de luttes et de petites actions contre la volonté de productivité et de rendement du mastodonte.

Même si ce n’a pas été es grèves massives, ni même des grèves en tant que telles mais plus des arrêts de travail comme ceux en solidarité avec le mouvement des Black Lives Matter, tous ces petits faits mis bout à bout ont envoyé un message fort. Pour ceux d’entre nous qui sont des fans de sport, un grand respect à ces joueurs de basket qui ont organisé une grève sauvage contre le racisme en augmentation et les meurtres racistes qui se produisent dans ce pays.

La crise des travailleurs ne se limite pas au seul lieu de travail. Les dizaines de millions de chômeurs sont également aux prises avec des problèmes de logement, dans l’incapacité de payer, en tout ou en partie, leur loyer ou leur prêt. Chaque semaine, les propriétaires s’apprêtent à les expulser de leurs appartements et de leurs maisons. La pression du manque de travail, la pression pour payer le loyer ou le prêt conduiront finalement à une crise majeure. Les mises en suspens temporaires des loyers ou des prêt dureront éternellement. Et lorsque le barrage se rompra, le coût humain pour les sans-abris sera immense.

2020 a été une année particulièrement brutale et raciste. Des hommes et des femmes de couleur ont été abattus ou étouffés par les mains des hommes en bleu dans tout le pays. Breonna Taylor dans le Kentucky, a été tuée dans son lit par des flics enragés lors d’une expédition de chasse.

Avec l’encouragement du Klansman en Chef qui tente agressivement de montrer qui est au pouvoir et au contrôle, les rues se transforment en zones de guerre avec ses forces de choc, les troupes fédérales dont les agents ne portent pas de signes d’identification. En outre, le Klansman en chef a fait plus qu’un clin d’œil : il a envoyé des signes d’approbation aux milices et aux justiciers racistes et fascistes.

S’il y a jamais eu un temps pour la création de nouveaux mouvements, à la base, pour le contrôle par les travailleurs et les communautés, c’est maintenant. Le temps est venu d’aider à développer des mouvements sociaux antiracistes d’en bas qui capturent le meilleur de l’esprit de l’action directe et de l’action de masse.

Le temps est maintenant venu de raviver l’esprit de combativité de la classe ouvrière. Nous cherchons à organiser et à construire un mouvement ouvrier indépendant, militant, autogéré et auto-organisé. Un mouvement directement démocratique, libre et non bureaucratique qui promeut des objectifs anti-discriminatoires, pro-écologiques et anti-capitalistes. Avec la menace du changement climatique, le besoin d’un mouvement ouvrier militant qui peut exiger une transition juste pour s’éloigner des combustibles fossiles et pour créer des emplois plus respectueux de l’environnement s’est accru.

Parallèlement, il est de plus en plus nécessaire de remplacer à terme les marchés par une économie autogérée par tous, car le déplacement des coûts du marché et les externalités négatives ne sont pas écologiquement viables. Nous pensons que ce besoin peut être satisfait par un socialisme libertaire où chacun a son mot à dire dans les décisions économiques, dans la mesure où il est concerné par celles-ci.

Ce type de mouvement ne peut être instauré du haut vers le bas, et ne peut avoir de patrons. Le mouvement ne défendra les intérêts des travailleurs de la base que tant que la base le contrôlera de bas en haut, démocratiquement. Afin de s’enraciner solidement, il devra pouvoir inclure non seulement les travailleurs salariés actuels, mais aussi tous ceux qui sont, seront et travailleront sans rémunération. En d’autres termes, tous ceux qui se trouvent impuissants dans cette société chaotique doivent travailler ensemble pour en forger une nouvelle. Elle doit refléter dans sa structure le type de société que nous souhaitons construire, une société vide de hiérarchie et pleine de démocratie.

Vous avez peut-être trouvé que les miettes, même si elles sont souvent jetées des tables de marbre, ne semblent jamais remplir votre estomac vide. Sachez que d’autres en ont également assez des miettes et souhaitent avoir le gâteau entier à la place.

N’hésitez pas à nous contacter pour en savoir plus sur la façon de combattre votre patron au travail, pour en savoir plus sur le socialisme libertaire et la lutte de la classe ouvrière, ou simplement pour discuter de la situation plus en détail.

L’heure est venue !

Workers’ Solidarity Alliance (Alliance de solidarité des travailleurs)

https://workersolidarity.org

http://www.ideasandaction.info

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