Quelques précurseurs : critiques anarchistes de la médecine

D’après un texte original du Collectif Emma Goldman de Saguenay (Canada)

Premièrement, Michel Bakounine approuvait le développement de la science, mais rejetait la notion de « socialisme scientifique », « règne de l’intelligence scientifique, le plus aristocratique, despotique, arrogant et élitiste de tous les régimes [Bakunin on anarchy, Sam Dolgoff, 1972] ». Il rejetait la législation et la règle de l’expert scientifique ou d’une académie de savants en se fondant sur ces 3 points [Dieu et l’État, Michel Bakounine, 1870] :

⦁ La science humaine est toujours et nécessairement imparfaite.

⦁ Une société qui obéirait à la législation parce qu’elle est imposée par l’académie, et non à cause de son caractère rationnel, serait une société de brutes et d’idiots.

⦁ L’académie scientifique aboutirait rapidement et infailliblement à une corruption intellectuelle et morale, immergée dans la stagnation et l’absence de spontanéité.

Dans « Dieu et l’État », Bakounine s’attaque également au privilège du médecin, qui à son avis, comme chez les politiciens, dans les classes sociales ou dans les nations, « tue l’esprit et le corps des hommes ». Mais, un seul être humain ne pouvant embrasser tous les développements de la science, Bakounine n’était pas totalement contre l’idée de « l’homme spécialisé ». Il n’aura toutefois pas de foi absolue en qui que ce soit, les écoutera librement et avec un grand esprit critique et en consultera plusieurs avant d’accepter un compte-rendu. Il voit la relation spécialiste/bénéficiaire comme « un échange continu d’autorité et de subordination mutuelle, passagères et surtout volontaires ».

James Guillaume, dans le texte « Idées sur l’organisation sociale » (1877), regroupe toute la question de la santé sous le thème de l’Hygiène. Il prône la gratuité des soins et leur accessibilité à toutes et tous, mais pour lui la prévention est primordiale [James Guillaume, Idées sur l’organisation sociale, 1877].

Un peu comme Bakounine, Errico Malatesta considérait la science avec prudence, mais avançait la socialisation de celle-ci comme piste.

« La science, arme qui peut être utilisée à de bonnes ou à de mauvaises fins, méconnaît complètement l’idée de bien ou de mal. Nous ne sommes donc pas anarchistes pour des raisons scientifiques, mais parce que, entre autres, nous voulons que tous soient en mesure de jouir des avantages et des plaisirs que la science procure. » – Errico Malatesta, 1929

À l’automne de 1884, alors que le choléra prenait des proportions gigantesques en Italie, Malatesta, Andrea Costa et plusieurs autres camarades travaillèrent dans un hôpital de Naples. Ils y signèrent un manifeste où ils affirmaient que la véritable cause du choléra était la misère et que son remède était la Révolution sociale [Errico Malatesta, The Biography of an Anarchist, Max Nettlau].

Le médecin communiste libertaire argentin d’origine espagnole, Emilio Arana, de Rosario, était membre du cercle communiste libertaire Ciencia y Progreso et participait au journal anarchiste Ciencia social. Il prit une part importante dans la lutte contre l’épidémie de choléra qui sévit en Argentine en 1895.Il écrivait dans son ouvrage « La medecina y el proletariado » (1899) qu’il existe « la médecine qui combat la misère », l’hygiène sociale, et la médecine marchandisée, où règne une discipline de fer, héritage du clergé. Dans cette dernière, la médecine devient pour l’auteur, un bien de consommation comme un autre pour les familles [Gonzalo Zaragoza Rovira, « Anarquismo argentino (1876-1902) », p.389].

L’assistance publique, caricature parue dans le Père Peinard, journal animé par l’ l’anarchosyndicaliste Emile POUGET, 3 Octobre 1907.

L’assistance publique entasse les louis d’or dans son bas de laine, tandis que les pauvres, malades et agonissant, gisent dans les cimetières sous le regard d’un curé impuissant

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texte extrait de la brochure « les anarchosyndialistes et la santé pendant la Révolution espagnole (Tome 1)« 

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