Rafa Estévez, Rafa « Rinconada » pour ses compagnons, a été la 7ème victime du Coronavirus à Seville, c’est aussi la plus jeune des victimes de Séville à ce jour. Il avait 37 ans. Il vient de décéder, ce dimanche 22 mars, à l’hôpital Virgen Macarena.
Marié, sans enfant, Rafa était un communiste libertaire, qui se battait pour survivre et pour partager ses idées avec le plus grand nombre. Il était infirmier auxiliaire de formation, même si comme beaucoup de travailleurs de sa génération il cumulait les petits boulots entre deux périodes de chômage : cueillette des oranges, travail dans l’hôtellerie … Dernièrement il travaillait dans une entreprise de transformation de volailles. « Il était un type particulier, si par particulier nous entendons ce qui va au-delà de la norme habituelle ». « Un gars qui travaille dur partout où il allait, fort, éveillé et ouvert avec les gens, des qualités qui sont très appréciées », a écrit son ami. Rafa était originaire de La Rinconada, et venait justement de publier un livre, fruit de dix ans de recherches, sur le Communisme Libertaire dans sa ville natale pendant la Révolution Espagnole. Il laisse une marque profonde sur les groupes anarchistes de la région, où il était bien connu. « Il était toujours en première ligne, il était très en avant, très courageux, et aussi un gars très gentil », explique Fernández, qui a écrit sa nécrologie dans La voz del sur.
Il a longtemps été membre du syndicat anarchiste CNT-AIT quand il habitait à La Chiclana. Même si, du fait de l’absence de syndicat anarchosyndicaliste à Séville, il n’ était plus affilié, il restait en contact avec les compagnons. L’anarchisme a été, selon Fernández, « le grand leitmotiv de sa vie, car si Rafa souhaite qu’on se souvienne de quelque chose, c’est d’être un fidèle ambassadeur des idées qui ont marqué son chemin de vie ». Il était un grand lecteur de théoriciens anarchistes classiques, tels que Proudhon, Bakounine, Malatesta ou Kropotkine, dont les idées le « dotaient d’un corpus de valeurs, de principes et de fondements moraux et sociaux qui, dès le plus jeune âge, donneraient un sens à son existence ». Il avait créé une petite édition/distribution de livres, dont les exemplaires étaient reliés par lui-même et vendus au prix coûtant, « sans aucun bénéfice ». Il distribuait ses livres sur la Plaza del Pumarejo, d’abord, puis à côté du Parlement. « C’était un fait familier de le voir chaque samedi matin avec sa table pleine de livres pendant que d’autres avec leurs poussettes pour les courses s’arrêtaient et regardaient avec curiosité. Vous le trouviez toujours heureux et prêt à discuter avec n’importe qui. » Il avait également un blog, Black on Black.
La cas de Rafa est hélas représentatif de la dramatique situation sanitaire actuelle, du fait de l’effondrement du système de santé : après des appels infructeux le 12 mars aux services des urgences, il réussit à parler à un interlocuteur qui minimisa son cas. Devant son insistance, il reçu des soins à domicile avec injonction de rester à la maison. En Espagne comme en France, le nombre de lits est insuffisants … Pourtant il était potentiellement à risque du fait de son asthme chronique. Deux jours après, son état devenant critique c’est son père qui l‘emmène lui-même à l’hôpital où malgré le dévouement du personnel il est décédé le 22 mars. L’hôpital n’a pas jugé utile de tester le père … faute de tests.
Dimanche, le jour de sa mort, ses compagnons lui ont adressé un dernier adieu, chantant l’hymne anarchiste de la CNT-AIT, « A las barricadas » (Aux barricades), depuis les balcons et les fenêtres de leurs maisons. Ils ne pouvaient pas l’accompagner au cimetière pour cause de quarantaine sanitaire.
Rafa nous continuons le combat pour une monde meilleurs que tu portais dans ton cœur.
Que la terre te soit légère, compagnons.
Les compagnons de la CNT-AIT en France