RAPPORT DE LA POLICE DE VICHY SUITE A L’ARRESTATION D’ARRU

Dans son rapport en date du 7 août 1943, adressé à M. le Commissaire divisionnaire, chef du Service Régional de Police de Sûreté, le Commissaire de Police de Sûreté MATTEI Robert de la Section des Affaires politiques précise au sujet de la découverte de tracts anarcho-syndicalistes et de faux cachets au domicile du nommé ARRU André

j’ai l’honneur de vous rendre compte des résultats de l’enquête que j’ai effectuée conformément à vos instructions et après avoir acquis l’assurance par Mr L’INTENDANT REGIONAL DE POLICE, qu’en aucun moment les autorités allemandes n’exigeraient que les individus compromis dans cette affaire ne leur soient livrés.

Puis on lit dans ce même rapport au sujet d’André ARRU et d’Etienne CHAUVET :

ARRU, que l’on doit considérer comme un « illuminé » possédant une instruction secondaire assez poussée n’a fait aucune déclaration intéressante ; volubile et verbeux pour les faits sans importance, il s’est renfermé dans le mutisme le plus absolu, toutes les fois qu’il a été nécessaire de lui faire donner des détails précis, et pour reprendre sa propre expression rien n’aurait pu le faire sortir de sa réserve « quels que soient les moyens qui auraient pu être employés ». …

ARRU est cependant dangereux « théoriquement » ; ce n’est pas en effet un individu qui se signalera par des actes de terrorisme bruyants et sans effet, mais il est dangereux en raison de son intelligence et de son activité.

Le nombre imposant et la qualité des documents découverte chez lui montrent de façon très nette et ce, malgré ses dénégations, qu’il était à la veille d’une distribution intensive de tracts et de brochures extrémistes.

Son employé, le nommé CHAUVET, est à l’échelle inférieure l’image exacte de son « chef ». Intelligent, mais dans l’impossibilité de raisonner logiquement, intoxiqué par ses lectures subversives, CHAUVET a reconnu que son activité politique devait le conduire prochainement à diffuser les documents qui étaient entreposés chez ARRU

Les époux Grindlinger [qui ont dénoncés ARRU], ces deux israélites qui comme leurs coreligionnaires essayent depuis 3 ans d’échapper aux recherches de la Police, ils sont victimes de leur peur et des évènements.

En conclusion de ce rapport on lit :

Sommes-nous en présence d’une puissante organisation clandestine ? ARRU est-il à la tête d’une officine fonctionnant uniquement pour la délivrance de fausses pièces d’identités ? Ce sont deux points que le mutisme [1] d’ARRU ne nous ont pas permis d’établir de façon précise ?

ARRU prétend n’être que dépositaire ; toute la documentation trouvée chez lui aurait été déposée temporairement par un nommé « VICTOR ».

Les tracts et les brochures font ressortir le caractère indépendant de cette organisation qui n’est affiliée ni au Parti Communiste ni au Parti Gaulliste. Il est très curieux par ailleurs de constater l’excellente qualité du papier employé et je ne serais pas étonné pour ma part de trouver à la tête de cette organisation des ressortissants d’une puissance étrangère ou des individus à sa solde désireux de créer le désordre par l’intermédiaire de ses partisans.

Enfin, il est certain que ARRU ne s’est pas contenté d’établir quelques cartes d’identités ou de valider des récépissés périmés. Mais il est à peu près certain qu’il n’a pas agi dans un but intéressé.

Ennemi de l’ordre social actuel, vivant dans la mesure du possible en, marge de notre société, ARRU a partiellement de la sorte, mis en pratique l’une de ses théories humanitaires.

Le Commissaire de Police de Sûreté.

Destinataires de ce rapport :
-   Mr le Procureur de l’Etat Français à Marseille

-   Mr le Directeur des Services de la Police de Sûreté à Vichy

-   Mr l’Intendant Régional de Police à Marseille.


[1] souligné dans le rapport par l’auteur

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