Education spécialisée, animation, aide à la personne … On achève bien les pauvres !

Nous relayons ci-dessous un appel de travailleuses et travailleurs sociaux de l’Hérault, soutenu par le Collectif Working Class Hérault,  qui invite à une discussion collective pour élaborer des formes de résistance ou de lutte collectives dans ce secteur.
Nous le faisons suivre de deux textes écrits il y a plusieurs années, pour alimenter le débat.

Education spécialisée, animation, aide à la personne … On achève bien les pauvres !

Nous, travailleurs et travailleuses du social sommes à une place qui se résume à être souvent entre le marteau et l’enclume : et le marteau capitaliste frappe de plus en plus fort. L’Etat coupe l’argent, les institutions – associatives pour la plupart – se transforment en vraies petites entreprises avec un manegeriat de plus en plus autoritaire voire agressif.

Et à l’autre bout, les populations que nous accompagnons subissent la paupérisation de manière de plus en plus violente. Les centres de formation, les institutions qui nous embauchent ont bien réussi leur coup : nous convaincre d’une division entre « notre public » et nous travailleurs du social. Si nos rôles et nos statuts sont distincts il n’en est pas moins que notre appauvrissement commun est lié à une même ennemi : le capitalisme.

Derrière la fonction d’extincteur des tensions sociales, l’atomisation des relations au travail (manageriat) et de baisse du budget, nous tendons à intérioriser nos souffrances au travail ou à la rejeter contre nos collègues quand ce n’est pas contre les personnes dont nous sommes en charge. Arrêts maladies à répétition, burn-out, conflits interpersonnels au sein des équipes, maltraitance, et la liste est longue, ne sont que l’expression de la brutalité de nos jobs.

On peut se demander alors qu’est-ce qui fait frein à l’auto-organisation des travailleurs sociaux en tant que travailleurs précaires ou précarisés ? Quelles formes de résistance ou de lutte peut-on envisager dans le travail social ? Quelles formes d’alliances avec les personnes accompagnées ? Peut-on résister à notre fonction d’encadrement des pauvres, des exclus et si oui, comment ?

Cet appel propose de briser l’isolement dans lequel nous nous trouvons, de venir discuter de solutions collectives et de se donner la force de lutter.

Des travailleuses et travailleurs sociaux

Avec le soutien du Collectif Working Class Hérault

Facebook : @workingclassherault
Mail : working.class.herault@riseup.net


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TRAVAILLEURS SOCIAUX : DES PRECAIRES AU SERVICE DE LA PRECARITE

(Paru dans le journal de la CNT-AIT, Anarchosyndicalisme ! novembre 2006 )

On connaît l’ambiguïté de la fonction du travailleur social. Chargé de venir en aide aux plus exploités et aux plus démunis, le travailleur social est aussi un des instruments de la paix sociale, condition nécessaire au bon fonctionnement de cette société d’exploitation et de profit. Vivant au quotidien cette situation schizophrénique, il est sans cesse confronté au cynisme du pouvoir et à la détresse des populations marginalisées, paupérisées, mises au rebut. Sous l’égide notamment du pouvoir socialiste, la gestion de la misère fût rationalisée dans les années 80 par la multiplication des associations dites d’aide sociale, d’aide par le travail ou de réinsertion. L’affaire est rentable !

L’État, la région, le département se déchargent sur ces associations de la gestion de 1a pauvreté en échange de quelques subsides leur permettant de faire tourner la boutique. Statut bancal, salaire minimum, horaires démentiels, le travailleur social est pris au piège. Face à la misère des personnes, il bosse le plus souvent sans compter, jonglant avec les démarches administratives, les lois arbitraires, les décrets scélérats, tentant dans ce dédale de paperasse d’aider ses semblables à rester debout, â sortir de l’impasse dans laquelle le système les pousse inexorablement.

Mais les années 80 sont bien loin. Le temps de l’aumône paternaliste est passé. Aujourd’hui, le secteur social est sommé de s’adapter aux lois du marché qui s’appliquent à la misère comme au reste de la société. Les mots clés ont changé ! Évaluation, contrôle, rentabilité, productivité, voilà les nouvelles valeurs qui régissent le fonctionnement du secteur social. A quelques exceptions près, les aides publiques aux associations de réinsertion sont de plus en plus maigres, tandis que les exigences du pouvoir sont de plus en plus fortes. Sous couvert d’insertion, le travailleur social devient malgré lui un indic, un contrôleur de la misère, un auxiliaire de police qui assure la surveillance des personnes « hors circuit ». Et les gens ne. s’y trompent pas. Nombreux sont ceux qui lâchent leur droit au RMI pour éviter les contrôles sur leur vie, leur façon de survivre dans la débrouille. Et nombre d’exclus ont encore plus de difficulté à vivre, ne correspondant pas aux normes administratives nécessaires pour recevoir l’aumône.

On le sent quotidiennement, la misère n’est plus un mal à enrayer, c’est devenu une tare dangereuse qu’il faut gérer, maîtriser, encadrer. Cette reprise en main concerne tout le monde : l’exclu comme le travailleur social. Face aux restrictions des subventions, 1es associations serrent les boulons. Le statut du travailleur sociai dès lors n’est pas très loin de celui de son « client ». CDD à répétition.. CES, vacations, travail à temps partiel, SMIC horaire… sont le plus souvent les conditions de travail de l’éducateur lambda. Et l’inique de la situation veut qu’il ne soit pas rare de voir dans le même temps les dirigeants de ces associations se verser des salaires de plusieurs milliers d’euros par mois. Des précaires pour gérer la précarité, il fallait y penser. A Montauban, un travailleur social demanda le mois dernier à un « client » venu pour des démarches administratives quelle profession il exerçait avant de connaître les affres du chômage, puis du RMI : « Educateur, répondit celui-ci, mais faute de subvention, l’association a mis la clé sous la porte ».

LA FINALITE DU TRAVAILLEUR SOCIAL : DISPARAITRE !

Créer une organisation sociale de la misère, c’est décréter que cette organisation s’inscrit dans la durée. que ce n’est pas un événement conjoncturel, mais une structure qui fait partie intégrante du système capitaliste. C’est aussi aux travailleurs sociaux de comprendre le rôle qu’on veut leur faire jouer. Dans une société où régnerait la justice et l’équité, le travailleur social. aurait comme finalité de disparaître le plus rapidement possible !

contact@cnt-ait.info
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LE TRAVAILLEUR SOCIAL DOIT OEUVRER A L’ABOLITION DU TRAVAIL SOCIAL ! ? !


(Paru dans le journal de la CNT-AIT, Anarchosyndicalisme ! , novembre 2002 )


J’étais déjà militant anarcho-syndicaliste avant de commencer à travailler dans le social ; sans nul doute il est, de ce fait, plus facile pour moi de résister à la  » tentation réformiste  » (ou  » citoyenniste « , c’est plus à la mode aujourd’hui…) -émanation de l’idéologie dominante au même titre que le conservatisme- dans laquelle me semblent plongés, plus encore que dans d’autres secteurs, la majorité des travailleurs sociaux.

L’éradication de la pauvreté passe par le changement social, et ce changement social ne peut qu’être radical car ce sont les bases même de la société (capitalisme et délégation de pouvoir) qui génèrent l’exclusion et la précarité. Partant de là, quel intérêt, autre que pour gagner son pain, d’être travailleur social ? On peut trouver nombre de raisons  » nobles  » et humaines, on peut aussi trouver en chacun de nous des raisons personnelles (thérapeutiques ? ! ?). Mais lorsqu’on est libertaire il y en a au moins une qui rejoint notre volonté de transformer ce monde : considérant que seule la lutte consciente paye, il est de notre intérêt (militants comme population) que les individus aient les moyens de se prendre en main, d’acquérir une autonomie maximale, et tout simplement d’avoir des conditions de vie permettant la réflexion ; il me semble clair que mieux on se sent dans sa tête et son corps, plus on est à même de prendre conscience et s’organiser…

Le paradoxe du travail social serait d’oeuvrer à sa destruction ; ne pensant pas avoir la science infuse, nous pensons que, même une fois la révolution faîte, il restera toujours des problèmes (on  » n’est  » pas anarchiste, on le devient) mais il s’agira peut-être plus de gérer ceux-ci par le collectif, la communauté égalitaire, bref nous serons tous des travailleurs du social dans notre vie quotidienne.

Si la révolution sociale et libertaire (qui implique une conscientisation élevée du peuple) résoudra pas mal de dysfonctionnements structurels -et donc aussi individuels grâce à un cadre non coercitif-, revenons en au travail social aujourd’hui : comme pour tout autre métier, un travailleur social libertaire dans une société autoritaire ressent un profond malaise en son for intérieur qui vient de cette impossibilité (structurelle) à concilier ses principes avec ses actions professionnelles : celles-ci, lorsqu’on arrive à les mettre le plus en adéquation possible avec nos conceptions de la vie et surtout les désirs des personnes, finissent inévitablement par être limitées, galvaudées, détournées, manipulées, vidées de leur sens par tous ceux qui décident à la place des gens (car le but de ceux qui sont au pouvoir, loin de la reconnaissance de l’être humain, n’est que la survie d’un système existant et par là même de leurs privilèges).

Ceci est vrai pour l’ouvrier qui produit une marchandise qui servira les profits des dominants ; ceci est vrai pour le travailleur social qui par ses prestations de service, participe à la paix sociale, voire à la légitimation des élus.
Il s’agit pour l’un comme pour l’autre d’utiliser les failles de l’établissement, de s’aménager des espaces de liberté (sabotage de la machine, pédagogie de conscientisation,…) dans son travail. Mais il s’agit aussi d’avoir une démarche intercorporatiste, pour ne pas s’enfermer dans un carcan mental qui nuit à l’analyse globale du système social.
Si les moyens d’action ne sont pas toujours les mêmes, il ne faut pas oublier que nous faisons partie d’une même classe sociale : celle des dominés. Il nous faut par conséquent nous inscrire dans un projet politique commun, où ce sont les gens qui déciderons eux-mêmes de leur vie.

L’utopie (au sens galvaudé du terme) n’est pas de vouloir transformer radicalement une société inhumaine, mais de croire pouvoir la rendre humaine sans la transformer de manière radicale.

un apprenti éduc.

contact@cnt-ait.info



CNT-AIT Paris

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