NOUVELLES DU NUCLEAIRE : LA ROUTINE ?


A propos du centenaire de la découverte de la radioactivité, 1998

mardi 22 avril 2003

Pendant qu’une plaquette [1] « Radioactivité », adressée à tous les profs de physique et sciences naturelles des collèges et lycées français, vante les mérites de l’industrie nucléaire, EDF décharge en catastrophe à Civaux (Vienne) et à Chooz (Ardennes) les coeurs de trois réacteurs. Quant aux trois antinucléaires qui avaient osé grimper sur une tour de refroidissement à Golfech (Tarn et Garonne, 1996), ils sont condamnés à 30.OOOF d’amende et 12 OOOF de dommages et intérêts [2]. C’est rien du tout : le nucléaire coûte beaucoup plus cher que ça à chacun d’entre nous, et le pire est à venir…

Rien qu’à voir qui parraine la plaquette éditée en l’honneur du centenaire de la découverte de la radioactivité, on connaît le contenu : Ministères de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie, de la Culture, des Affaires étrangères et de l’Environnement (merci Voynet [Secrétaire générale du Parti des Verts, Ministre de l’environnement de l’époque]), Académie des sciences, de médecine, CNRS, CEA, ANDRA, Cogema, EDF, Framatome.

On y apprend que la radioactivité, c’est naturel, donc pas dangereux, mais on n’y apprend pas que, si depuis la formation de la terre et avant la fameuse découverte, le niveau naturel de radioactivité ne cessait de décroître, le mouvement est aujourd’hui inversé, pour des raisons qui n’ont rien de naturel (bombes atomiques, essais nucléaires, accidents majeurs, rejets et déchets divers … ) [3] ! On y présente ensuite une vision idyllique du « cycle » du combustible, récupéré et recyclé, mais on oublie de dire que tout au long de la filière, des tonnes de déchets sont produits, et des effluents liquides et gazeux sont rejetés en permanence dans l’environnement (un exemple : le retraitement d’un volume de déchets produit trente deux volumes d’autres déchets radioactifs). A La Hague (Cotentin), la nappe phréatique est non seulement polluée par des radioéléments comme le tritium, mais aussi par du mercure (il y en a 880 kg sur le centre de stockage) et du plomb (26.000 tonnes stockées sur le centre), que l’on retrouve dans les ruisseaux, l’eau ’de pluie… De toutes façons, la plaquette explique qu’aucun effet biologique ou médical n’a été observé pour de faibles doses d’irradiation, ce qui est malheureusement faux, comme le montrent beaucoup d’études épidémiologiques [4]

Quant aux risques d’accident majeur (type Tchernobyl), il n’en est évidemment pas question, la « sûreté » des installations étant irréprochable, et puis de toutes façons, les responsables « sûreté » d’EDF n’estiment la probabilité d’accident majeur qu’à « quelques pour cent » sur 20 ans ! ! !

A Civaux, il ne s’agit pas (encore) d’accident majeur. C’est juste que, pendant l’arrêt de la centrale pour maintenance, on a découvert une fuite (30 m3/h) dans le « circuit de refroidissement à l’arrêt », qui sert justement à refroidir la centrale quand elle est à l’arrêt [5]. On s’est aperçu d’abord que la tuyauterie était percée sur 18 cm, puis qu’elle était percée en plusieurs endroits. Il faut déjà remarquer que l’eau de refroidissement qui s’écoulait, était « légèrement radioactive », alors qu’il n’y a théoriquement aucun contact entre cette eau et la radioactivité du coeur de la centrale… EDF et la DSIN décident donc de décharger. le combustible du réacteur de Civaux, mais aussi ceux des 2 réacteurs de Chooz, fabriqués sur le même modèle. Pour le directeur délégué du parc nucléaire d’EDF, les fissures sont « vraisemblablement dues à un problème de fatigue thermique,,. Quand on sait que ces réacteurs sont du tout dernier modèle français, et que celui de Civaux a démarré fin novembre 1997, on peut s’inquiéter d’une fatigue aussi prématurée ! Mais

le plus étonnant, c’est la disproportion entre ces fissures (EDF sait à quel point c’est devenu banal dans une centrale nucléaire), et le choix de vider 3 centrales de tout leur combustible, d’autant que ce type d’opération est lourd et dangereux. On sait qu’EDF et les pouvoirs publics mentent dès qu’ils parlent de nucléaire, mais ce qu’on ne sait pas (encore), c’est la nature réelle de « l’incident » qui leur fait si peur …

Les 3 antinucléaires de Stop Golfech voulaient, en escaladant une tour de refroidissement, attirer l’attention sur la nécessité d’un débat public sur la politique énergétique française. Ils en sont pour leurs frais. Mais, tous comptes faits, 4 ou 5 briques, c’est pas grand-chose… D’après le directeur de l’agence américaine pour le contrôle des armements, le « sarcophage » construit autour du réacteur détruit de Tchernobyl est « en grand danger ». Sachant que « plus de 90% de la radiation provoquée par l’explosion se trouvent encore à l’intérieur de cet abri de fortune, un autre accident majeur est de plus en plus probable ». Un deuxième sarcophage doit donc être construit autour du premier, et cela va coûter quelques 760 millions de dollars ! L’Union européenne et ses états membres vont verser 265 millions, dont 100 millions au titre de l’Union (la France versera 40 millions S, ce dont je n’ai encore entendu personne se vanter sur les ondes). L’Ukraine versera 50 MS, les USA 70 M$… Mais on n’a pas le compte. A vot’bon coeur, M’sieurs-dames, on donne ce qu’on peut [6] …

Ce qui est clair, dans la fumée bien entretenue autour du nucléaire, c’est que toute « information » sur ce sujet vise :

1- à minimiser les risques, et

2- à nous les faire accepter, comme une fatalité au nom du « progrès ».

M. Rève-Assis.


[1] pour se procurer la plaquette : EDF ou ministère de l’environnement.

[2] Stop Golfech n »23, p.4

[3] pour se procurer la critique de la plaquette : CRII-RAD, 471 av V. Hugo, 26000 Valence. Tel : 04 75 41 82 50.

[4] 4- Etudes de A. Stewart, E. Radford, C, Johnson, Trait d’union CRII-RAD n07.

[5] Le Monde, 30 mai 98, p. 32.

[6] l’ACROnique du nucléaire n*40, p. 29.

Laisser un commentaire